HomeA la uneDEMISSION DE FRANCIS WODIE SUITE AU DEBAT AUTOUR DE L’ARTICLE 35 : ADO a manqué de vigilance

DEMISSION DE FRANCIS WODIE SUITE AU DEBAT AUTOUR DE L’ARTICLE 35 : ADO a manqué de vigilance


Au moment où l’on s’y attendait le moins, le président du Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire, Francis Wodié, a rendu le tablier. Même si le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) n’a pas mis du temps à lui trouver un successeur, en la personne de Mamadou Koné, magistrat hors hiérarchie de groupe A, échelon unique et  ex-président de la Cour suprême, la démission de ce brillant constitutionnaliste ivoirien, à huit mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, est loin d’être un épiphénomène. Elle fait même grand bruit, ajoutant du piquant aux débats qui ont cours sur les bords de la lagune Ebrié, relativement à la présidentielle d’octobre prochain.

L’on continue de se demander si Wodié n’a pas été diplomatiquement poussé vers la sortie

Quand on se rappelle l’épisode de l’ex-président de cette même institution, Paul Yao N’Dré, qui avait, dans un premier temps, validé l’élection de Laurent Gbagbo en 2010 avant de se dédire quelques mois plus tard en investissant ADO comme vainqueur de la même élection, l’on n’est pas étonné que certains adversaires de l’actuel locataire du palais de Cocody, y voient le début de grandes manœuvres du pouvoir en place, dont le but aurait été, in fine, d’installer un homme de confiance à la tête de cette institution capitale à qui revient souvent le dernier mot.

Le problème, c’est que, de toute apparence,  l’ex- président du Parti ivoirien du travail (PIT) n’a pas été évincé de son poste par ADO, mais il a rendu sa démission. Cela,  suite à un débat au sein de l’institution, sur une question de procédure concernant la ratification d’un texte adopté au niveau panafricain. Pour Francis Wodié, il est inapproprié que le texte passe d’abord par le Conseil des ministres, puis par l’Assemblée nationale et ensuite par le Conseil constitutionnel pour vérifier sa conformité avec la Loi fondamentale avant sa promulgation par le chef de l’Etat. Mis en minorité au cours du débat, par ses pairs qui estiment qu’il n’y a aucun problème, ni sur la procédure de saisine ni même sur le fond et la conformité avec la Constitution, le professeur de droit émérite, par ailleurs, premier agrégé de l’Histoire du pays, qui a attendu en vain un arbitrage de l’Exécutif, a préféré rendre le tablier. Même dans ces conditions, l’on continue de se demander s’il n’a pas, finalement, été diplomatiquement poussé vers la sortie, en raison justement de son intransigeance dans l’application de la Loi.

Mais pourquoi tant de gorges chaudes, autour d’une question qui, à première vue, paraît banale ?

Certains observateurs croient y voir un rapport avec le très querellé article 35 de la Constitution ivoirienne, aux termes duquel en 2000 déjà, la candidature d’ADO à la présidentielle avait été jugée irrecevable. Et c’est à la suite d’un arrangement politique consécutif à la grave crise que  le pays a connue,  disposition particulière non incluse dans la Constitution ivoirienne, qu’il avait été arrêté, de commun accord en 2010, que les trois mousquetaires ivoiriens prennent tous part à la présidentielle, à titre exceptionnel pour Bédié qui était frappé par la limite d’âge, et ADO qui avait contre lui ce fameux article 35 qui, selon certains, le disqualifiait.

Il faut souhaiter que la Côte d’ivoire ne retombe pas dans la même crise identitaire

Après cette période d’exception, le fonctionnement régulier des institutions a repris son cours normal, avec ADO aux manettes, après sa prestation de serment. Toutefois, l’organisation des élections, sur la base  de la Constitution du 23 juillet 2000 qui est toujours en vigueur, pourrait voir ressurgir les démons du passé, avec, à nouveau, la question de l’éligibilité d’Alassane Dramane Ouattara. C’est en cela que l’on pourrait dire qu’ADO a manqué de vigilance, en ne résolvant pas ce problème aussitôt après sa prise du pouvoir. Vouloir le faire maintenant, à quelques mois de l’élection présidentielle, peut paraître, d’un certain point de vue, un tripatouillage de la Loi fondamentale à son profit, ce que condamne justement le texte adopté au niveau panafricain, et que doivent ratifier tous les Etats membres de l’Union africaine, dont la Côte d’Ivoire.

Avec cette affaire, ADO peut avoir du souci à se faire, quand on connaît la passion qui anime les débats autour de la question de l’élection présidentielle à venir. D’autant plus que cinq ans après la crise postélectorale qui a secoué le pays avec son cortège de morts, les cœurs sont loin d’être apaisés et la réconciliation, loin d’être une réalité. Et c’est peu dire que si l’on n’y prend garde, le pays risque de basculer à nouveau dans la violence. Car, les détracteurs d’ADO ne manqueront pas d’user de tous les arguments possibles, pour lui barrer la route à la présidentielle à venir. Et cette situation peut être une opportunité pour eux.

Cela dit, en attendant que l’intéressé lui-même en dise davantage, l’on peut toujours s’interroger si la décision du professeur Wodié ne cache pas autre chose. L’on peut aussi se demander quelle est la marge de manœuvre de ADO, pour ne pas se retrouver, du jour au lendemain, dans la peau d’un tripatouilleur de Constitution.

En tout état de cause, le séisme provoqué par cette démission du professeur Wodié, risque d’avoir des répliques dans le débat politique en Côte d’ivoire. Les jours et semaines à venir nous en diront davantage. Mais d’ores et déjà, il faut souhaiter que la Côte d’ivoire ne retombe pas dans la même crise identitaire qui l’a profondément déchirée, et dont  les soubresauts continuent de faire des vagues.

« Le pays »


Comments
  • Le conseil constitutionnel est cette institution capitale à qui revient souvent le dernier mot juridictionnel. Pourtant on se rappelle l’épisode de l’ex-président de cette même institution, Paul Yao N’Dré, qui avait, dans un premier temps, validé l’élection de Laurent Gbagbo en 2010 avant de se dédire quelques mois plus tard en investissant ADO comme vainqueur de la même élection. Dans un premier temps et après que la CENI ait publié les résultats favorable à ADO, le conseil constitutionnel avait invalidé plus de 600 000 voies au détriment de ADO. Une nouvelle majorité a été dégagée mais cette fois au profit de BAGBO. Cette subtilité juridique d’invalidation et surtout l’ampleur de l’invalidation a provoqué la guerre entre la légalité (la décision de l’institution) et la légitimité née de l’exclusion. Le Pr Francis WODIE dont le parti était de la coalition du FPI, a produit beaucoup de réflexions, d’abord juridique, puis politique ; c’est sa position politique qui a été à l’origine de la guerre entre la légalité et la légitimité ci-dessus évoquée.
    Du point de vue de l’Union Africaine, cette subtilité juridique au profit de BAGBO tombe sous le « UN CHANGEMENT ANTICONSTITUTIONNEL PAR REFUS DE REMETTRE LE POUVOIR A UN DEMOCRATIQUEMENT ELU PAR LE POUVOIR EN PLACE » contenu dans la charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance. D’où la mise en œuvre des mécanismes prévus dans les cas de changement anticonstitutionnels ayant conduit au revirement Paul Yao N’Dré dont la décision visait réhabilitation de l’institution. Ici au Faso, ce revirement du conseil constitutionnel ivoirien avait suscité des débats.Un forum avait été organisé à ce cas d’ECOLE par le désormais célèbre DICKO, constitutionnaliste sac au « dos » autodidacte.
    A cette occasion, la question principale portait sur « comment faire appel à une décision du conseil constitutionnel » dans certains à portée plus politique que juridique ? On attendait beaucoup une contribution du Pr Agrégé Francis WODIE sur cette question, surtout qu’il a été porté à la tête de l’institution. Maintenant qu’il quitte le navire alors que notre problème reste pendant, faut il comprendre qu’il est plus facile de « faire faire que de faire ? où quitte t-il pour pouvoir promouvoir l’idéal de son parti , le PIT ?

    5 février 2015
  • Vous oubliez de souligner que le président entrant du conseil constitutionnel est un proche d’ADO. Il a été son conseiller juridique et le représentant au gouvernement des forces nouvelles, la branche armée du RDR.

    5 février 2015
    • M Dramane Alassane Ouattara joue a un jeu dangereux. il risque de laisser sa tête dans cette affaire là. ses anciens parrains cherchent des voies et moyens pour se débarrasser de lui. et enfin il tombe dans le piège.

      6 février 2015

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