HomeA la uneDENOUEMENT DE LA CRISE GAMBIENNE : Les dictateurs africains ont du souci à se faire

DENOUEMENT DE LA CRISE GAMBIENNE : Les dictateurs africains ont du souci à se faire


 

Après l’exil de Yahya Jammeh, la Gambie se réorganise. Plus de 7 000 soldats sont annoncés pour aider à la sécurisation du pays. Cela est très important, même si on sait que par ces temps qui courent, mobiliser cet effectif ne sera sans doute pas une promenade de santé pour la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). En effet, le défi sécuritaire, dans les autres pays de la région, est si grand qu’il n’est pas évident que les pays puissent dégager des contingents suffisants pour alimenter cette force. Mais le simple fait de penser qu’il est important de mettre du sérieux pour accompagner les nouvelles autorités gambiennes, est à saluer. Car, s’il est vrai que Jammeh a quitté le pouvoir et le pays, il n’en demeure pas moins vrai que bien des militaires lui sont restés fidèles. On peut tout à fait craindre que la frange militaire de ses partisans, soit tentée de déstabiliser le nouveau régime. C’est pourquoi cette force de la CEDEAO sera un élément capital pour la stabilisation, la sécurisation du pays. En tout cas, il aurait été inopportun, voire contreproductif pour la CEDEAO, d’ « enterrer le cadavre en laissant ses pieds dehors ». Il faut maintenant espérer que le financement de cette opération se fasse sans souci.

L’Afrique de l’Ouest est renforcée dans son statut d’espace  démocratique

Cela dit, ce qui s’est passé en Gambie, c’est-à-dire le départ de Jammeh, renforcera les dictateurs d’ici et d’ailleurs, sur leur conviction qu’il faut tout faire pour ne jamais perdre les élections qu’ils organisent. Bien d’entre eux n’hésiteront pas en effet à prendre toutes les dispositions utiles pour remporter sans coup férir, les scrutins. Tirant leçon de ce qui est arrivé à Jammeh, ils mettront un point d’honneur à ne pas prêter le flanc en laissant proclamer des résultats qui leur seraient défavorables, fussent-ils provisoires. Il ne faudra donc pas rêver de les voir féliciter leur adversaire avant la proclamation des résultats. C’est pourquoi, il revient aux populations opprimées de veiller au grain, de ne plus s’en laisser conter. La société civile doit pour cela se renforcer dans tous les pays de dictature et faire de la gouvernance démocratique, son cheval de bataille. Cela étant dit, il faut bien reconnaître qu’à l’issue de cette crise gambienne, l’Afrique de l’Ouest est renforcée, à bien des égards, dans son statut d’espace  démocratique. En effet, Jammeh parti, il ne reste plus, toutes proportions gardées, que Faure Gnassingbé du Togo, parmi ceux qui s’opposent à toute idée d’alternance démocratique et pour qui, un président peut rester au pouvoir à vie, comme le lui permet du reste la Constitution togolaise taillée à sa mesure, en termes de pérennisation au pouvoir. Du reste, on se rappelle bien que c’est la Gambie et le Togo qui s’étaient vivement opposés aux initiatives tendant à limiter le nombre de mandats présidentiels dans les pays de l’espace CEDEAO. Le Togolais doit se retrouver  à présent bien seul, Jammeh n’étant plus aux affaires. En tout état de cause, le départ forcé du satrape gambien  est tout à l’honneur de l’Organisation sous-régionale ouest-africaine qui, on s’en souvient, avait constitué une source d’inspiration pour l’Union africaine. En effet, c’est par elle qu’est née l’idée de  l’adoption de textes juridiques dans le sens de la protection et de la promotion de la démocratie sur le continent. Et l’on peut dire que sa pression qui a abouti au départ de Jammeh, a quelque part reposé sur cette valeur.

Les dictateurs africains se trompent s’ils pensent être à l’abri

Tout le contraire d’autres regroupements sous-régionaux comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), qui ont montré toute leur incurie face aux défis de la démocratie qui  n’ont jamais été relevés dans cette partie de l’Afrique. Loin s’en faut. Dans cette zone d’Afrique, bien des pays sont à la traîne en matière de démocratie. Dans les deux Congo, au Cameroun, au Burundi et au Rwanda pour ne citer que ces pays, l’alternance au pouvoir est encore une chimère. Et, il faut le dire, ces dictateurs ont bénéficié et continuent de bénéficier de la complicité de certains pays occidentaux, pourtant chantres de la démocratie. Dans ces pays, la cupidité des clans au pouvoir se conjugue bien avec l’affairisme des sociétés occidentales transnationales, avec la bénédiction des dirigeants occidentaux. C’est aussi cela qui prouve, si besoin en était encore, que l’une des causes des malheurs de l’Afrique, c’est d’avoir des populations qui comptent beaucoup plus sur les Occidentaux que sur elles-mêmes pour arriver à bout des dictateurs. Ces populations croient à tort que l’Occident les tirera du bourbier politique.

C’est d’ailleurs cette attitude des peuples se comportant parfois en spectateurs de leur propre destin, qui a permis à bien des dictateurs de durer pendant longtemps au pouvoir. Mais, bien des peuples sont en train de se réveiller, heureusement, poussés certainement par la misère et galvanisés par les succès d’autres peuples qui ont osé dire non à l’autocratie et à l’arbitraire. En tous les cas, les dictateurs africains ont du souci à se faire, après la chute du régime gambien. Ils se trompent s’ils pensent être à l’abri. La race de chefs d’Etat  toujours accrochés au pouvoir, est en voie de disparition et ils devraient une bonne fois pour toute, en prendre conscience. Le processus semble irréversible. Les présidents les plus intelligents seront ceux qui sauront anticiper pour sortir par la grande porte, aux fins de se prémunir contre toute bourrasque démocratique. Ceux qui s’entêteront finiront tôt ou tard par être balayés par leur peuple.

« Le Pays »


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