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DIALOGUE POLITIQUE AU BENIN


Visiblement acculé, le président béninois, Patrice Talon, a invité l’opposition à un dialogue politique qui s’ouvrait, le 15 juillet 2019, en vue de trouver une issue à la crise postélectorale qui secoue le pays depuis les dernières législatives. En rappel, ce scrutin avait vu l’exclusion des principaux partis de l’opposition, au terme de nouvelles règles qui exigeaient, entre autres, la présentation d’un certificat de conformité à la Charte des partis politiques, qu’aucun d’eux n’avait réussi à obtenir. Seuls deux partis de la mouvance présidentielle avaient obtenu le fameux sésame qui les autorisait à concourir aux dernières législatives desquelles est sortie, sans surprise, une Assemblée nationale monocolore, entièrement acquise à la cause du président. Un véritable recul pour ce pays présenté comme l’une des vitrines de la démocratie sur le continent, laissant transparaître une inquiétante dérive autoritaire du président Talon qui était resté sourd à tous les appels à trouver un compromis politique pour rectifier le tir.

Talon cherche à colmater les brèches

En effet, ni les interventions de l’Union africaine, de la CEDEAO et du puissant voisin nigérian, ni les consultations avec les chefs traditionnels du Haut conseil des rois du Bénin, n’avaient réussi à infléchir la position du président en faveur d’une ouverture à l’opposition, pour des élections législatives inclusives. Dans ces conditions, l’on se demande ce à quoi peut aboutir ce dialogue politique voulu par le chef de l’Etat et qui intervient quelque deux mois et demi après la tenue du scrutin querellé. Si ce n’est pas le médecin après la mort, cela y ressemble fort. Et au propre comme au figuré. D’autant que dans la foulée des manifestations de contestation de l’opposition, l’on a déploré des pertes en vies humaines qui auraient pu être évitées si le président Talon avait accepté d’aller au compromis et si un accord consensuel avait été trouvé avant la tenue des élections, pour décrisper l’atmosphère. Mais à la surprise générale, le président béninois se cachera derrière la légalité constitutionnelle pour opposer une fin de non recevoir aux revendications de l’opposition qui appelait à des élections inclusives.  Maintenant qu’il est confortablement installé avec une majorité absolue à l’Assemblée, l’on peut avoir le sentiment que Patrice Talon cherche à présent à colmater les brèches de cette crise ouverte entre lui et son opposition, aux fins d’entériner les résultats de cette élection. Car, il est peu probable que ces élections soient annulées pour être reprises comme le demande l’opposition, pour redorer le blason terni de la démocratie béninoise. C’est pourquoi ce dialogue ressemble à un cautère sur une jambe de bois, dont on peut douter, pour autant qu’il soit sincère, qu’il suffise à ramener la sérénité au sein de la classe politique béninoise s’il n’est pas accompagné de mesures fortes allant dans le sens d’un équilibre des pouvoirs pour permettre à l’opposition de jouer à fond son rôle de contre-pouvoir.  En tout état de cause, Patrice Talon récolte ce qu’il a semé. Car, quand on consomme une forfaiture ou une action jugée comme telle, il faut s’attendre au revers de la médaille. Et le Bénin a une réputation à défendre en matière de démocratie sur le continent. C’est pourquoi l’on ne serait pas surpris si ce dialogue politique venait à accoucher d’une souris.

Le Bénin est aujourd’hui à la croisée des chemins

En effet, réagissant à l’allocution du président de la République au lendemain de la tenue du scrutin, l’opposition avait rejeté l’offre de dialogue et clairement dit qu’elle « n’entend pas s’associer à un nouveau marché de dupes ». Et jusqu’à la veille du dialogue, une formation comme le parti Restaurer l’espoir de Candide Azanai, restait totalement fermé à toute forme de discussions avec le pouvoir. Sans compter les radicaux qui avaient posé, entre autres, comme conditions, la reprise des élections législatives, le retour des exilés politiques, la libération des centaines de jeunes arrêtés pour leur opinion ou pour les manifestations des 1er et 2 mai derniers, et la restitution des corps des personnes tuées dans les violences postélectorales. Mais si l’on peut douter de l’efficacité de l’initiative, il n’en demeure pas moins qu’elle constitue l’une des voies privilégiées pour renouer le fil du dialogue entre les protagonistes de la scène politique béninoise qui se regardent aujourd’hui en chiens de faïence. En cela, l’on peut comprendre la saisie de la main tendue du président par les partis de l’opposition qui disent vouloir donner une chance au dialogue, même si les précédentes rencontres avec le chef de l’Etat n’avaient pas produit les effets escomptés, et étaient loin de combler les attentes de l’opposition. C’est dire si le Bénin est aujourd’hui à la croisée des chemins. Mais il revient au président Talon de donner des gages de sa bonne foi et de poser des actes qui vont dans le sens de la décrispation politique, sans jouer au divisionniste ni prôner un faux dialogue politique qui ne contribuerait qu’à accentuer la fracture entre des acteurs politiques déjà suffisamment gagnés par la méfiance.

« Le Pays »


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