HomeA la uneDISCOURS DU PRESIDENT AMERICAIN AU SIEGE DE L’UA : Obama a parlé, et après ?

DISCOURS DU PRESIDENT AMERICAIN AU SIEGE DE L’UA : Obama a parlé, et après ?


Hier, 28 juillet 2015, le président américain, Barack Obama, a tenu un discours au siège de l’Union africaine (UA) en Ethiopie, dans le cadre de ce qui sera probablement sa dernière visite sur le continent, en tant que président de la nation la plus puissante au monde. En un demi-siècle d’existence de cette institution continentale, c’est la première fois qu’un président en exercice des Etats-Unis d’Amérique est reçu à sa tribune. Ce qui donne, déjà, à ce discours sa dimension historique.

Mais avant, on savait que le 44e président des Etats-Unis, premier Noir à occuper ce fauteuil, était très attendu sur les questions économiques, sécuritaires et de développement auxquelles est confronté le continent. Mais aussi et surtout sur les questions de gouvernance, de démocratie et de respect des droits de l’Homme et des libertés individuelles. Cela, au moment même où la démocratie est rudement malmenée par plusieurs chefs d’Etat du continent qui ne veulent pas entendre parler d’alternance, et n’hésitent pas à faire sauter tous les verrous constitutionnels pour se maintenir au pouvoir , multipliant ainsi les foyers et sources de tensions sur le continent. Sur toutes ces questions, Barack Obama ne s’est pas débiné et a montré qu’il a une bonne lecture et un bon diagnostic des maux qui minent le continent en ce XXIème siècle.

A la tribune de l’UA, Barack Obama n’a pas raté son rendez-vous avec l’histoire

Sur la question de la gouvernance politique principalement, il a été d’un courage séduisant de par le tranchant de son discours. Il ne comprend franchement pas pourquoi bien des chefs d’Etat du continent s’acharnent à confisquer le pouvoir. On aurait souhaité que les dictateurs du continent fussent tous là, dans leurs petits souliers cirés de satrapes. Même si l’on sait que depuis fort longtemps, la honte chez eux a cessé d’exister dès lors qu’il s’agit de défendre, par tous les moyens, leur fauteuil. En tous cas, Barack Obama aura vidé son carquois, arrachant au passage les applaudissements nourris de son auditoire du Hall Nelson Mandela de l’UA, dont une bonne partie provenait de la société civile africaine fortement composée de jeunes. Cette jeunesse assoiffée de changement, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest du continent, et en lutte pour un avenir meilleur.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à la tribune de l’UA, Barack Obama n’a pas raté son rendez-vous avec l’histoire. Le fils de l’Afrique s’est adressé aux Africains, dans un langage de vérité qui a le don de mettre tous ces chefs d’Etat face à leur conscience, eux qui s’accrochent, au-delà de tout bon sens, au pouvoir tout en faussant les règles du jeu démocratique. La longévité au pouvoir sonne quelque part comme un échec, comme l’a du reste reconnu Obama. Pire, elle freine le développement du continent parce que l’alternance a l’avantage d’apporter du sang neuf et des hommes neufs, a poursuivi le président américain aux propos pour le moins sensés, n’en déplaise aux mauvais élèves de la démocratie.

Sous cet angle, l’on peut dire qu’à quelque seize mois de la fin de son deuxième et dernier mandat à la Maison Blanche, Barack Obama entonne pour l’Afrique, le chant de la lutte et de la résistance contre la dictature et la longévité au pouvoir, en se faisant l’avocat de l’alternance. Un message qui réconfortera sans nul doute tous les démocrates du continent, mais qui aura certainement le goût du fiel pour certaines têtes couronnées du continent, certainement pressées désormais de voir l’actuel occupant de la Maison blanche arriver rapidement au terme de son mandat. A propos de ses deux mandats, Barack Obama se dit même pressé de les terminer pour ensuite aller profiter de la vie avec sa famille.  Il y a une vie après le pouvoir et il ne redoute pas cette vie, bien au contraire. Combien sont-ils de chefs d’Etat, en Afrique, à avoir la force morale de s’imaginer hors du pouvoir ? Ils se comptent sur le bout des doigts. Obama sait que quand on change les règles du jeu pour rester au pouvoir, c’est un facteur de conflit et le début d’une pente glissante. Dieu seul sait combien il y en a de pentes glissantes en Afrique, qui ont endeuillé bien des familles africaines, du fait de l’égoïsme et de l’égocentrisme de ses dirigeants. Si pour Obama, « le droit c’est le droit », si, pour lui « personne n’est au dessus de la loi, même pas un président», la réalité sous les tropiques africains est, hélas, tout autre : « la loi c’est moi », pour paraphraser un ancien roi Ubu. A l’adresse de l’Union africaine, le président américain a souhaité que cette organisation panafricaine figure parmi les « institutions fortes ».  Il faut souhaiter,  comme lui, que l’UA donne de la voix face à tous les fossoyeurs de la démocratie qui retardent la marche du continent.

Il appartient aux peuples africains de prendre leur destin en main

En tous les cas,  Barack Obama a parlé, et après ? Sera-t-il entendu ? Rien n’est moins sûr. Et il y a même fort à parier que les propos du président le plus puissant au monde laisseront les fossoyeurs de la démocratie de marbre, s’ils ne passeront pas comme de l’eau sur les plumes d’un canard, tant qu’ils ne seront pas suivis d’actions coercitives. Car, après tout, ce ne sont que des propos. C’est pourquoi il est impératif que le speech soit suivi d’actes concrets. On pourrait, dans ce sens, encourager les bons élèves de la démocratie sur le continent à continuer sur cette voie. Mais aussi et surtout prendre des mesures de rétorsion à l’encontre des récalcitrants qui veulent ramer à contre-courant de l’histoire.

C’est en cela que le continent pourrait récolter des fruits du passage à cette tribune, du président américain. Autrement, si la situation devrait rester en l’état, même si l’on mettait les Constitutions dans des forteresses « bunkérisées », elles ne résisteraient pas aux assauts des prédateurs de la démocratie sur le continent. Car, il n’y a pas de limite à leur boulimie du pouvoir pour laquelle ils sont prêts à toutes les abjections.

Dans quelques mois, lorsque Barack Obama quittera la Maison Blanche, beaucoup de ces caïmans des eaux saumâtres de la scène politique africaine, qui totalisent pourtant pour la plupart d’entre eux, plus d’un quart de siècle de règne, seront encore là. Ils auront « enterré » bien des présidents occidentaux. D’autres encore viendront les trouver là où ils sont et s’en iront. Eux seront là, tant que Dieu leur prêtera vie. C’est dire si,  au-delà du discours du président américain, il appartient aux peuples africains de prendre leur destin en main. Parce que personne ne viendra faire le combat à leur place. Et il faut que la jeunesse qui a fortement applaudi Obama, prenne conscience qu’elle a la possibilité de changer les choses. Le salut de l’Afrique ne viendra pas d’ailleurs.

Outélé KEITA


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