HomeA la uneDISCOURS SUR LA SITUATION DE LA NATION : Les tapes amicales de Salifou Diallo

DISCOURS SUR LA SITUATION DE LA NATION : Les tapes amicales de Salifou Diallo


Les commentaires du président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo, après l’exposé du Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, sur la situation de la Nation et la phase des questions-réponses sont dignes d’intérêt si bien que nous vous les proposons in extenso pour lecture.

 

«Contrairement à un certain discours, 2016 n’a pas été une année perdue. Il y a eu des acquis comme des insuffisances. Politiquement 2016 a pu préserver les fondamentaux républicains en parachevant la mise en place des institutions républicaines par l’organisation des élections municipales. Dans notre pays, personne n’est en prison pour ses opinions. Ceux qui y sont, le sont pour d’autres faits qui relèvent du pénal. A travers les médias et dans la rue, chacun parle librement et rentre tranquillement se coucher. Les Burkinabè se sentent en liberté et cela est fondamental. Toujours sur le plan politique, tous les citoyens burkinabè ont donné leur point de vue qu’il fallait s’unir pour lutter afin de préserver l’intégrité du territoire. Il y a des pays où des citoyens ont rejoint le mouvement terroriste. Au Burkina Faso, malgré nos divergences, aucun parti n’a ouvertement encouragé ces genres d’actes. Bien au contraire, nous devons cultiver cette volonté de vivre-ensemble sur notre sol national. C’est un acquis de votre politique. Toujours sur le plan politique, nos relations avec les partis et les associations sont empreintes de civilité et de respect de la loi. L’incivisme recule parce que la justice pointe son nez. Là où l’incivisme s’aggrave, c’est  quand il n’y a pas de justice. La justice fait son chemin, le renforcement institutionnel de la justice se poursuit et les juges abordent les dossiers en toute indépendance.

 

Les critiques de l’opposition

 

En droit humain, le Burkina Faso a eu des acquis. On ne rentre pas chez soi en tremblant, on circule librement et certains même pensent que la liberté acquise peut se transformer en libertinage. Cela est un acquis qu’on ne peut pas nier. Même nos adversaires de l’opposition, pas ennemis comme le PM  l’a dit par lapsus, le reconnaissent. Sur le plan socioéconomique, les attentes sont fortes à cause de la précarité. Le pays est structurellement pauvre depuis l’indépendance. Le seuil de pauvreté est de 46% dans notre pays. Il ne faut pas balayer du revers de la main les critiques de l’opposition. Il faut les prendre à leur juste mesure. A l’opposition, je dis de ne pas peindre tout en noir parce que ce n’est pas vrai. Nous avons hérité d’une situation difficile. En 2016, le gouvernement a réussi une prouesse qu’il faut saluer. Celle qui a consisté à payer l’incidence de la loi 081 pour les agents de l’Etat. Le gouvernement, par deux lois rectificatives, a trouvé 50 milliards pour payer l’incidence du reversement de 131 mille fonctionnaires. Les salaires ont augmenté en 2016 du fait de l’application de la loi 081, cela est visible dans les bulletins de salaire.

 

Le problème du fonds commun

 

D’un point de vue général, la cherté de la vie est là. Les prix n’ont pas connu de baisse sensible à cause de multiples facteurs, des spéculateurs et le phénomène de la mondialisation. Le gouvernement doit trouver les moyens de contrôle pour que les prix ne s’envolent pas  loin du portefeuille des travailleurs. Nous saluons le sens du dialogue dans le traitement des préoccupations des agents publics. Mais nous disons que ce sens du dialogue doit être empreint du sens de la justice sociale. Nous ne pouvons pas continuer à consacrer 94% des recettes budgétaires au fonctionnement de l’Etat et 6% aux investissements. Cela hypothèque l’avenir de nos paysans, de nos femmes, de nos enfants. Il faut avoir le courage de présenter aux travailleurs de l’Etat, les limites du pays. On a eu souvent l’impression que le gouvernent recule chaque fois que les syndicats haussent le ton. De reculade en reculade, nous sommes arrivés au mur. Il va falloir dire aux syndicats la nécessité de se limiter à ce qui est possible dans le cadre d’un dialogue franc et sincère. S’agissant des fonds communs, nous estimons qu’un seul ministère ne peut pas s’accaparer près de 90% des fonds communs. Tout le monde participe aux recettes de ce pays, de l’instituteur à Falangountou, au même titre que le fonctionnaire du Trésor. Il faudrait que le gouvernement repense sa politique des primes parce qu’il est inconcevable qu’un agent de catégorie E du Trésor gagne plus de rémunération qu’un fonctionnaire du ministère de l’agriculture ou de l’élevage. Ce sont des primes d’encouragement à faire le travail pour lequel ils sont payés. Mais la courbe s’est inversée de nos jours. Car le fonds commun est plus important pour les fonctionnaires des finances que leurs salaires initiaux, de fois, multipliés par trois. Il faut avoir le courage de poser ce problème. La solidarité nationale doit être cultivée et nous devons faire un partage plus ou moins équitable des richesses de notre pays.

 

Le «deal» nébuleux de Tambao

 

L’Assemblée nationale a fait une proposition  de loi pour organiser le système de grève. La grève est un acquis sacré et personne ne le met en cause. L’Assemblée nationale a trouvé nécessaire de faire une proposition de loi que nous avons soumise au gouvernement pour amendement. Nous allons rencontrer le syndicat et le patronat pour qu’ensemble, nous puissions adopter un texte consensuel qui pose les fondements de la protection des travailleurs et garantisse la pérennité de l’Etat républicain. On ne peut pas tolérer que des travailleurs, parce qu’ils sont en grève, empêchent d’autres travailleurs non-grévistes d’aller travailler. Nous devons légiférer pour mettre tout le monde d’accord sur la démarche à suivre. Aussi la convention collective du travail de 1974 est-elle dépassée notamment dans le secteur minier ou les recrutements et les droits des travailleurs ne sont pas bien respectés. Le budget 2017 prévoit 2 277 milliards d’investissements. Au rythme des décaissements, je ne suis pas sûr que nous puissions absorber la moitié des décaissements. Parce que les lourdeurs bureaucratiques persistent. Le seul exemple, c’est l’organisation du contrôle financier. C’est le verrou qui n’a pas sauté après le vote de la loi sur l’allègement des procédures de passation des marchés, votée en 2016. Les ministres sont soumis aux desiderata des contrôleurs financiers. Il faut contrôler pour éviter la corruption. Mais trop de bureaucratie  génère aussi la corruption. Par décret, il faut que le gouvernement puisse trouver les moyens pour exécuter rapidement des projets. Qu’est-ce qui empêche qu’on fasse un programme pour terminer en une année toutes les écoles sous paillotes ? C’est possible. Y compris pour les formations sanitaires construites et non équipées dans un délai de trois mois et pour un plan d’urgence économique et social qu’il faut pour le Sahel. On a «dealé» Tambao sur des bases nébuleuses. C’est bien qu’on retrouve notre richesse nationale quel que soit le prix à payer. Si nous plions l’échine et acceptons qu’on pille Tambao, nous aurons vendu une partie de notre territoire. Il ne faut pas céder. La caisse de dépôt et de consignation est le début de notre indépendance d’action et de notre fierté nationale et je vous invite, M. le Premier ministre, à la mettre très rapidement en place. Il faut que nous soyons objectifs et sincères dans la réconciliation. Il faut éviter de prôner la réconciliation et avoir un poignard dans le dos.»

 

Source : Sidwaya du 18 avril 2017

 

 


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