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DIVORCE OUATTARA/BEDIE


Vers le réveil des vieux démons assoupis

Le 9 août dernier, le président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, a rencontré les élus et cadres de son parti pour leur signifier en des termes qui ne souffrent d’aucune ambiguïté, la rupture avec le RHDP (Rassemblement des Houphouetistes  pour la démocratie et la paix) présidé par Alassane  Ouattara. Cette occasion a  été mise à profit par le gardien du temple PDCI, pour se faire une idée sur des brebis  égarées   de son camp, peut-on dire, qui ont choisi de lui tourner le dos pour continuer l’aventure avec l’enfant de Kong dans le cadre du parti unifié. Au nombre de ceux-ci, l’on peut citer les deux porte-flambeaux du mouvement « sur les traces d’Houphouët-Boigny » que sont les ministres Kobinan Kouassi Adjoumani et Amédé Kouakou Koffi. A ces deux brebis égarées qui ont osé contrarier le gourou du PDCI-RDA, l’on peut ajouter Felix Anoblé, fondateur du Forum des houphouëtistes et le tout nouveau promu au gouvernement, Danho Paulin.

Leur mariage était loin d’être un mariage de cœur

L’on n’oublie pas non plus Raymonde Goudou Coffie et surtout le vice-président de la République, Daniel Kablan Duncan, et le ministre gouverneur du district autonome d’Abidjan, Beugré Mambé. Ce dernier a d’ailleurs poussé la défiance vis-à-vis du Sphinx de  Daoukro, au point d’initier une cérémonie d’hommage au chef de l’Etat avec le peuple Atchan le samedi 4 août dernier, à Kassemblé, son village natal. A toutes ces personnalités du PDCI qui ont choisi d’embarquer contre vents et marées dans le navire battant pavillon Ouattara, Konan Bédié, à en croire certaines sources, aura donné des injonctions de rendre leur démission. Le délai pour le faire est aujourd’hui, 13 août 2018. Au cas où cette information serait avérée, l’on peut se poser la question de savoir si ces personnalités vont se plier à l’injonction du sphinx de Daoukro ou si elles vont royalement l’ignorer. La deuxième hypothèse semble la plus probable car Kobenan Kouassi Adjoumani et ses camarades se sont trop engagés dans l’option du parti unifié, défendue par Ouattara, pour reculer. De ce point de vue, ils courent le risque, si c’en est un, d’être bannis de la famille PDCI. Et ils seront les premiers à ne pas être surpris par une telle mesure. Et pour cause. Même avant la disparition de Houphouët  Boigny, le père de la Nation et par ailleurs fondateur du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié avait réussi le tour de force de se rendre maître exclusif du parti. Que des militants, qui plus est, ont grandi à son ombre, osent le contrarier aujourd’hui, peut s’apparenter à une offense à sa personne. D’ailleurs, c’est cette bataille pour le contrôle du parti qui a été, entre autres, à l’origine de la création du RDR (Rassemblement des Républicains) de Alassane Ouattara. L’autre question qui découle de la première est celle de savoir, dans l’hypothèse où ces « renégats » du PDCI, peut-on dire, seraient exclus du parti, si cela ne va pas porter un coup fatal  à la force de mobilisation du plus vieux parti politique de Côte d’Ivoire. La réponse à cette question pourrait être apportée par les élections locales d’octobre prochain. Cela dit, le divorce, longtemps annoncé et désormais consommé entre l’Enfant de Kong et le Sphinx de Daoukro, est révélateur de ceci : leur mariage était loin d’être un mariage de cœur. Il était plutôt une union de circonstance. Il avait été scellé, on se rappelle, sur les bords de la Seine pour faire face à un adversaire commun de l’époque que représentait le régime de Laurent Gbagbo.

La moindre étincelle peut vite se transformer en un brasier

 Cet objectif dicté par l’instinct de survie atteint, « les deux vieux » ont renoué avec l’animosité qu’ils se vouent mutuellement depuis qu’ils se sont livrés à une guerre fratricide pour la conquête du Palais de Cocody consécutivement à la mort de son occupant, c’est-à-dire Houphouët-Boigny. Il n’est donc pas étonnant que ce mariage scellé hâtivement sur les bords de la Seine, ait volé en éclats. Et nous revoilà revenus à la situation qui avait précédé le coup d’Etat mené par Robert Guei et ses camarades. C’était en 1999. La victime, c’est-à-dire, Henri Konan Bédié, n’avait pas hésité à pointer du doigt la complicité de Ouattara dans le malheur qui l’avait frappé. L’on peut avoir l’impression que cela est resté en travers de la gorge du Sphinx de Daoukro. Et aujourd’hui qu’il a l’occasion de se venger de l’enfant de Kong, il s’est empressé de prendre l’initiative du divorce. En outre, l’on se rappelle que Henri Konan Bédié avait suscité la question de l’Ivoirité pour écarter ADO de la course à la présidence de la République. C’est toutes ces rancoeurs enfouies qui, en réalité, refont surface aujourd’hui. Et quand on pense que la longue et grave crise qu’a connue la Côte d’Ivoire, plonge en partie ses racines dans l’Ivoirité, l’on doit ici et maintenant sonner fortement le tocsin en criant : attention à ne pas retomber dans les vieux travers ! Ce coup de semonce est d’autant plus opportun que la Côte d’Ivoire est aujourd’hui dans une situation  où la moindre étincelle peut vite se transformer en un brasier qui risque d’anéantir toutes les réalisations faites, grâce justement à l’alliance entre le RDR d’Alassane Ouattara et le PDCI-RDA de Henri Konan Bédié. Et pour conjurer cela, l’amnistie récemment accordée par ADO aux pro-Gbagbo dont son épouse, pourrait ne pas suffire. Ce pessimisme se nourrit du fait que bien des Ivoiriens du camp du célèbre prisonnier de la Haye, visiblement, n’ont pas encore tourné la page de la guerre civile. Certains, parmi eux, n’ont pas reconnu jusqu’à ce jour, la légitimité du pouvoir d’ADO. D’autres, la rancune tenace, sont dans l’attente de ce qu’on appelle là-bas le match retour. Tout cela n’augure rien de bon pour la Côte d’Ivoire. Et c’est dans ce contexte que l’on assiste à la redistribution des cartes politiques en Côte d’Ivoire. Et il n’est pas exclu que le leitmotiv de certaines alliances en gestation  se résume à cette formule lapidaire : tous contre ADO et son RDR. En réalité, après analyse de la situation, l’on peut être tenté de dire que le véritable  problème de la Côte d’Ivoire a pour noms, Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Tant que ces trois personnalités ne vont pas se retirer définitivement de la scène politique pour permettre notamment l’émergence d’une nouvelle et jeune classe politique, la lutte politique en Eburnie risque de se résumer à une lutte  entre 3 personnalités aux ego surdimensionnés. Toute chose qui pourrait sonner le réveil des vieux démons assoupis.

La Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, n’a pas besoin de ce combat d’arrière-garde. Macron, à 39 ans, a bousculé toute la vieille garde politique pour s’emparer des rênes de l’Hexagone. Ce qui a été possible en France peut l’être en Eburnie même si, quelque part, comparaison n’est pas raison.

 

« Le Pays »


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