HomeA la uneDO PASCAL SESSOUMA, PRESIDENT DE BURKINA-VISION PACIFISTE

DO PASCAL SESSOUMA, PRESIDENT DE BURKINA-VISION PACIFISTE


Il était jusque-là méconnu du monde politique. Journaliste de formation, Dô Pascal Sessouma, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a décidé de se lancer dans l’arène politique. Malgré sa jeune expérience politique, cet ancien journaliste à la RTB télé et à Télé Québec, ambitionne de briguer la magistrature suprême. Mais pourquoi ce choix? A-t-il les moyens de sa politique? Avec quels partis compte-t-il composer en cas de second tour à la présidentielle ? Pour avoir des éléments de réponse à toutes ces questions, nous nous sommes entretenus, le 11 juin dernier à Ouagadougou, avec celui qui souhaite démanteler l’armée une fois le terrorisme vaincu. L’ex-journaliste de la RTB et de Télé Quédec, « frustré », défend vaille que vaille son projet de société et sa vision politique pour un Burkina Faso qui appartient à tous ses fils. Pour une gouvernance vertueuse, les délinquants à col blanc seront châtiés sévèrement, soutient l’homme qui promet de fusiller s’il le faut, pour mettre fin à la corruption. S’il ne va pas dans le sens de ceux qui demandent la démission du président Roch Kaboré, il lui dirait, s’il l’avait en face de lui, de ne plus se représenter. Outre les questions politiques, Do Pascal Sessouma s’est prononcé sur les réseaux sociaux, la chute du régime Compaoré, etc. Lisez plutôt !

« Le Pays » : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous jeter dans l’arène politique ?

Dô Pascal Sessouma : La vie est parfois faite de hasard mais comme l’a dit le poète et écrivain Paul Eluard, « il n’y a pas de hasard. Il n’y a que des rendez-vous ». Au cours de ma carrière professionnelle, j’ai eu à voyager énormément, notamment pour le compte de Télé Québec. J’ai eu à me rendre dans un petit pays de l’Amérique centrale qu’on appelle le Costa Rica et j’ai été frappé par la richesse de ce pays. Le pays est riche, les habitants sont riches et en bonne santé ; tous les enfants vont à l’école, obligatoire et gratuite jusqu’à 17 ans. J’ai cherché à savoir comment ils en sont arrivés là alors qu’ils n’ont rien. Ils m’ont répondu qu’ils n’ont rien effectivement et que c’est parce qu’ils savent qu’ils n’ont rien qu’ils ont fait des choix qui soient beaucoup plus bénéfiques à la population. Cela faisait cinquante ans qu’ils avaient supprimé l’armée. Ce choix a été douloureux parce qu’il a fait beaucoup de débats. Le Costa Rica est dans un environnement instable qu’est l’Amérique centrale. Vous avez le Honduras, le Guatelama, le Salvador, le Nicaragua, le Panama… C’est un environnement très instable avec tout ce que l’on sait de l’histoire de cette région. Malgré tout, ils ont fait ce choix en espérant que rien ne leur arriverait et rien ne leur est arrivé. Conclusion, toutes les ressources qui étaient destinées à l’armée, ont été affectées à l’éducation et à la santé, exclusivement. Cela a donné les résultats que l’on connait. En voyant cela, je me suis posé la question : et si l’Afrique faisait fausse route ? Si depuis l’indépendance, on avait fait le choix de ne pas avoir d’armée, conventionnellement, on aurait économisé cet argent. Je ne pensais pas seulement au Burkina Faso mais aussi à tous les pays africains. C’est vrai, certains pays africains ont eu à livrer des guerres d’indépendance dont le dernier est le Soudan du Sud, mais beaucoup de pays n’ont pas eu de problèmes en tant que tels pour accéder à l’indépendance. Pour ce qui est de ma rentrée en politique, j’ai pris la décision après les évènements de l’insurrection populaire. Mon domicile est voisin à celui de Bongnessan Arène Yé, ancien président de l’Assemblée nationale. Le domicile de ce dernier et celui de sa femme ont été incendiés. Sa femme, pédiatre, voulait faire de son domaine une clinique. Voyez-vous, c’est sur ma terrasse que les jeunes venaient se réunir pour aller brûler les maisons et cela m’a beaucoup interpellé. Je me suis demandé est-ce qu’il était nécessaire de brûler les maisons. J’ai eu cette discussion avec un cadre du MPP et il m’a fait comprendre que peut-être ce n’était pas nécessaire de brûler les maisons mais pour le besoin de la cause, il fallait le faire. Après, on a su que ç’a été bien orchestré, bien préparé. Cela m’a révolté. En plus, la manière de désigner le président de la Transition ne m’a pas plu. Je n’ai pas du tout accepté que, pour une fois dans la vie de ce pays, on ne donne pas la présidence à un quelqu’un d’autre qu’à un moaga. Ne serait-ce que pour une petite année. On a parlé de Soungalo Ouattara ; ils ont dit qu’il était proche de Blaise Compaoré. Et le chef d’état-major général des armées, le général Honoré Nabéré Traoré ? Il lui revenait de droit de diriger cette Transition. Il s’est déclaré président.  Comment se fait-il que Zida vienne après prendre sa place sous des acclamations ?

Ne pensez-vous pas que cela a été une question de rapports de force et du fait de la proximité de Nabéré avec Blaise ?

C’est une question de perception des choses. Zida était au RSP qui était vomi par la population à l’époque. Il était le numéro deux du RSP. On dit qu’il était moins connu mais il n’en demeure pas moins qu’il avait la confiance de Blaise. Blaise, quand il n’avait pas ta confiance, tu n’étais pas à ses côtés. Donc, Zida faisait partie du sérail. Nabéré, au contraire, étant le chef d’état-major des armées, était garant de l’unité de l’armée et aurait dû diriger la Transition qui devait durer une année. En quoi Nabéré était-il proche de Blaise ? Etait-il dans les secrets de Blaise ? Etait-il dans ses confidences ? Je n’en sais rien, mais je retiens que Zida était dans sa garde rapprochée au point d’en avoir été, à un moment donné, son chargé de missions auprès de la rébellion en Côte d’Ivoire. On ne donne pas cette mission à n’importe qui.

Voulez-vous dire que le choix du président de la Transition a été fait sur une base de considération ethnique ?

Personne ne peut m’empêcher de penser que si Nabéré Traoré s’appellait Honoré Ouédraogo ou Honoré Tapsoba, les choses ne se seraient pas passées autrement. C’est ma conviction à moi.

La Transition n’a pas été dirigée par Yacouba Isaac Zida !

Il l’a dirigée pendant 21 jours et cela lui a permis d’avoir le statut d’ancien chef d’Etat.

Vous avez oublié qu’il y a des anciens dirigeants de ce pays qui s’appellent Sangoulé Lamizana ou Saye Zerbo !

C’est par justement leurs fonctions dans l’armée, qu’ils ont occupé ce poste de président. En 1966, lors de l’insurrection contre Maurice Yaméogo, le premier président de notre pays, c’est la population qui a amené Lamizana au pouvoir parce qu’il était le patron de l’armée. Mais il a été combattu après par la classe politique. Pour ce qui est de Saye Zerbo, pour la petite anecdote, quand il s’est agi de renverser Lamizana, il n’y a pas eu un officier moaga qui s’est proposé. Je connais cette histoire-là parce qu’au nom du « rakiré », ils avaient peur. C’est une question de l’armée mais c’est une question d’ethnie également. Aujourd’hui, le Burkina Faso est en train de changer et il faut qu’on tienne compte de toutes les sensibilités, sinon il y a une certaine frustration qui va rester et elle n’est pas bonne pour la cohésion sociale.

Etes-vous rentré en politique par révolte ?

Je dirais par frustration un peu. Vous savez, je ne me suis jamais vu dans un habit de président. J’étais dans mon métier de journaliste. La preuve est que depuis mon retour du Canada, je n’ai jamais milité dans un parti politique. Le CDP, au plus fort moment de son pouvoir, n’a jamais pu me convaincre de rallier ses rangs. J’en ai payé le prix parce que vous avez constaté que je n’ai jamais été nommé à aucun poste. C’est un choix parce que j’aime rester indépendant et libre. C’est le mot frustration qui convient donc à la situation, non pas pour moi, mais pour les autres minorités de ce pays qui, je le répète, forment l’autre majorité. Si les Mossi forment une majorité, tous les autres forment la deuxième majorité. Je suis comme Koffi Annan ; je regarde les choses dans leur globalité.

Pour un parti qui vient de naître comme le vôtre, n’est-il pas ambitieux de viser déjà Kosyam ?

Je ne rêve même pas d’habiter à Kosyam qui est d’ailleurs contreproductif pour notre pays. Parce que, quand les bailleurs de fonds arrivent et vont à la présidence, ils sont tous surpris de voir qu’un pays aussi pauvre ait pu offrir un tel palais à son président car ils n’ont pas ça chez eux. Si donc, par miracle, je suis élu président, je reste dans ma maison. Sinon, viser Kosyam, c’est l’objectif de tout parti politique et comme disent les textes : la conquête du pouvoir d’Etat. Sommes-vous ambitieux ? Peut-être ! Rêveur ? Certainement pas parce que tout ce que nous avons décliné dans notre programme, est parfaitement réalisable et réaliste.

Qu’est-ce qui justifie votre précipitation dans la conquête du pouvoir d’Etat ?

Ce n’est pas de la précipitation. C’est juste un premier pas. Un bébé, avant de courir, commence toujours par un premier pas. Il va tomber et se relever. L’onde de choc provoquée par notre discours-programme du 13 juin 2020, prouve que, quelque part, on a touché du doigt certaines réalités de ce pays. Vous êtes là, chez moi aujourd’hui, parce que vous avez été interpellés. Cela veut dire que dans les sept points que nous avons développés, tout n’est pas mauvais. Je ne dis pas que tous les sept points sont parfaits ; certains sont certainement perfectibles. Mais en attendant, ce que nous avons écrit, ce sera notre feuille de route.

« Je ne reproche rien à l’armée. Au contraire, je dois beaucoup de choses à l’armée »

Lors de votre rentrée politique, le 13 juin dernier, vous avez promis de parcelliser les camps militaires et de dissoudre l’armée. Que reprochez-vous à l’armée ?

Je ne reproche rien à l’armée. Au contraire, je dois beaucoup de choses à l’armée. Pour la petite histoire, j’ai perdu mon père en 1973 quand j’avais 16 ans. En 1974, il y a eu le conflit avec le Mali et il y avait un camp militaire à N’Dorola, mon village. Pendant les vacances, l’armée m’a nourri. Ma mère n’était plus et il n’y avait personne dans la maison. Les militaires avec qui j’ai sympathisé, m’ont donné à manger. Je n’oublierai jamais ça. Notre armée actuelle a été formée pour une guerre conventionnelle classique, pays contre pays, armée contre armée. Ce que nous vivons actuellement n’est ni conventionnel ni classique. C’est du terrorisme, c’est-à-dire de la guérilla. Des gens qui sont camouflés dans des huttes, des forêts et qui sortent nuitamment ou de jour pour aller arroser des populations civiles ou attaquer des détachements militaires. Le Burkina Faso est trop pauvre pour avoir du matériel de guerre. Combien de fois les militaires ont-il réclamé des blindés ? Combien de fois ont-ils réclamé des hélicoptères de combat ? Les ont-ils obtenus ? Un hélicoptère de combat coûte 8 millions de dollars, 4 milliards de F CFA. Il en faut combien pour sécuriser un pays contre des djihadistes qui sont prêts à se faire sauter sur n’importe quelle cible mobile ? Aujourd’hui, puisque nous sommes attaqués, nous devons nous défendre et l’armée est là pour cela. J’espère que cela ne va pas durer. Mais une fois qu’on aura fini avec le terrorisme, moi je propose qu’on regarde notre armée avec une autre vision. C’est-à-dire qu’au lieu d’avoir une armée qui attend un conflit qui, j’espère, n’arrivera jamais parce qu’on aura fait la paix avec tous nos voisins, on aura fait un autre choix. Une fois qu’on aura fini avec les terroristes donc, nous allons faire des propositions aux militaires : puisque nous sommes maintenant en situation de paix, si vous le souhaitez, nous allons racheter les années de service restantes avant votre retraite, en fonction des textes. Nous allons payer ici et maintenant la moitié des revenus que vous aurez dû gagner. Avec cet argent, ils peuvent ouvrir des entreprises et employer des gens. C’est cela notre vision.

Ne courez-vous pas le risque de vous mettre à dos l’armée ?

Les militaires sont libres d’accepter ou pas notre proposition. S’ils ne sont pas d’accord, on ne le fera pas. Une proposition, ça se discute. Elle peut être amendée. Dans tous les cas, c’est mon programme de gouvernement et je le mets sur la table de discussion.

N’êtes-vous pas dans les nuages en pensant, comme d’autres personnes d’ailleurs, qu’on peut venir d’ici là à bout du terrorisme ?

Si, honnêtement, je pensais que la situation allait perdurer, je n’aurais pas fait cette proposition. Je suis convaincu que l’état-major et le ministère de la Défense, avec les partenaires du Burkina Faso, sont en train de chercher des solutions à ce problème. J’en suis convaincu parce que personne n’a intérêt à ce que ça perdure. Je suis convaincu que d’ici là, la solution sera trouvée. Je pars du principe que ceux qui nous attaquent sont des exécutants. Les commanditaires, il faut les rechercher, les identifier et discuter et négocier avec eux. Il n’y a pas de honte à négocier. L’Amérique, la plus puissante armée du monde, négocie. Elle l’a fait avec les Vietcongs au Viêtnam et elle est en train de le faire avec les Talibans en Afghanistan. L’Union Soviétique, après avoir envahi l’Afghanistan, est repartie la tête basse. L’idéologie des groupes terroristes est quelque chose qui est effuse dans la tête et dans l’esprit. C’est difficile de vaincre quelqu’un qui se bat pour une cause, qu’elle soit juste ou non et qui est prêt à en mourir. Nos soldats se battent pour un pays, avec les règles de l’art de la guerre. La preuve, dès qu’il y a une petite exaction, les défenseurs des droits de l’Homme s’en emparent et disent que l’armée est en train d’exécuter des civils. Alors qu’on ne sait pas dans quelles conditions psychologiques ces soldats luttent pour leur propre survie sur le terrain.

Si l’on vous comprend bien, vous êtes favorable à la négociation avec les groupes terroristes !

Absolument ! Mais deux choses ne sont pas négociables, pour notre parti : la forme laïque et républicaine de l’Etat et l’intégrité du territoire national. Mais il faut d’abord qu’on entende ceux qui nous attaquent pour savoir ce qu’ils veulent. Jusqu’à présent, nous ne connaissons pas ceux qui nous attaquent. Mais moi, je suis convaincu et je l’ai dit, ces gens ne sont pas en Afrique. Ils ne sont pas en Europe ; ils sont quelque part au Proche et au Moyen-Orient. Ils sont là-bas et c’est avec eux qu’on doit discuter. Si on arrive à les convaincre, tout ce que nous vivons va s’arrêter.

Voulez-vous dire qu’il y a des pays du Proche et Moyen-Orient qui abritent les têtes pensantes du terrorisme chez nous ?

Je ne suis pas le seul à le penser et à le dire. Le ministre nigérien du Tourisme a avancé la même idée. Il a dit clairement qu’il sait que ce sont des gens qui sont au Proche et Moyen-Orient, qui attaquent le Sahel. Quelque une semaine après, il y a eu l’attaque d’un camp militaire au Niger, qui a fait près de 71 morts. C’est une relation de cause à effet. C’est vrai, les Occidentaux le savent mais pourquoi ne dénoncent-ils pas ? Ils ne peuvent pas le faire parce qu’ils ont intérêt dans cette guerre. Observez bien ! Chaque année, des dirigeants occidentaux vont signer des contrats à coups de milliards de dollars, soit en armement, soit en technologie nucléaire, dans cette zone du Proche et Moyen-Orient. Ils ont besoin de ces contrats pour leur propre économie et donc, ils ne peuvent pas se permettre de dénoncer ouvertement les commanditaires des attaques au Sahel.

Comment comprendre alors l’aide que semblent nous apporter les Occidentaux dans cette guerre contre le terrorisme ?

Vous avez bien dit « semblent » ! Cette question mérite d’être posée à ceux qui nous gouvernent.

L’ancien président Blaise Compaoré séjourne depuis plusieurs mois au Qatar. Pensez-vous qu’il soit en train de rechercher les commanditaires du terrorisme au Sahel ?

Selon les médias, il serait parti au Qatar pour des raisons médicales. Je m’en tiens à ce que les médias ont dit puisque je n’ai pas la possibilité d’avoir une autre version. Je lui souhaite de bien se soigner pour pouvoir bientôt revenir chez lui pour se mettre à la disposition de la Justice. Que justice soit rendue pour qu’il y ait une véritable réconciliation nationale.

Vous promettez d’instaurer un pouvoir rotatif si vous arrivez au pouvoir. Pensez-vous que cela soit réalisable ?

Je rappelle aux uns et autres que le Nigéria fonctionne sur ce modèle ; un mandat renouvelable une fois pour le Nord et après ça bascule pour le Sud. Cette question de pouvoir rotatif est délicate. Le Burkina Faso a soixante-huit composantes sociales. Je n’aime pas le mot « ethnie » parce qu’il fait un peu sectaire. Malheureusement, il faut appeler les choses par leur nom. Il ne faudrait pas qu’il y ait de la frustration au détriment d’autres groupes. Que dit l’article 168 de la Constitution du Burkina Faso ? La Constitution proscrit la domination d’un groupe sur d’autres groupes. C’est écrit noir sur le blanc. Or, on a le sentiment, nous les minorités, qu’on est un exclu. Je reviens sur la question de la Transition. Pour une année, on aurait dû donner le pouvoir à quelqu’un d’autre ; cela aurait apaisé les cœurs des uns et des autres. Même cela n’a pas été possible.

Expliquez-nous ce qui s’est réellement passé pour la désignation du président de la Transition !

Vous avez vécu la situation comme nous. Premièrement, quel nom a été scandé à la Place de la Révolution ? Kwamé Lougué. Demandez-lui ce qui s’est passé. Deuxièmement, Nabéré s’est proclamé président. Deux heures plus tard, quelqu’un d’autre arrive et on dit que c’est un rapport de force. Je maintiens que s’il s’appelait Honoré Ouédraogo, les choses se seraient passées autrement. Troisièmement, quand il s’est agi de nommer le président de la Transition, je m’attendais à ce qu’il y ait un certain Damo Justin Barro dans le lot, parce qu’il était proche de Sankara. Je pensais à un Monsieur Togognini mais finalement, les choses ont tourné pour revenir à certain Michel Kafando qui était loin d’être un révolutionnaire. Il était loin d’épouser les idées de Thomas Sankara. Il était aux Nations unies lors du coup d’Etat de Thomas Sankara mais il a refusé de rentrer au pays. Pourquoi n’est-il pas rentré ? Il a fallu que Blaise renverse Sankara pour qu’il soit réhabilité et qu’il reprenne son poste aux Nations unies. Et en plus, et là c’est le comble, quand il s’est agi de proposer quelqu’un de Bobo-Dioulasso, on a pensé à Mgr Paul Ouédraogo. Pourquoi  n’a-t-on pas pensé à Mgr Lucas Sanon de Banfora, à Laurent Dabiré de Dori, au Cheik Doukouré, un érudit… ! Voyez-vous, c’est dans la tête de certaines personnes que le pouvoir doit être d’un groupe. Je dis alors que dans ces conditions, jouons carte sur table. Nous sommes tous Burkinabè; nous sommes tous des enfants de ce pays ; personne ne veut mettre le feu à cette maison-là. Si les choses doivent continuer ainsi, ayons le courage d’écrire dans la Constitution du Burkina Faso que le président doit être de l’ethnie moaga, point barre. Si c’est adopté, personne ne va encore ouvrir la bouche ici. Mais tant que ce n’est pas écrit, nous autres allons revendiquer toujours.

« Nous allons procéder à une purge de l’appareil judiciaire parce qu’il n’est pas normal que des juges incompétents et corrompus siègent au niveau de la Justice au Burkina Faso »

Votre projet de société ne relève-t-il pas de l’utopie au regard des promesses que vous avez faites?

Je vais prendre les points un à un, pour vous répondre. D’abord, le développement de la paix et de la démocratisation au Burkina Faso : c’est quelque chose de réalisable et nous espérons qu’on y arrivera très bientôt. La régulation du pouvoir d’Etat : nous en avons déjà parlé. L’appareil judiciaire : j’ai dit et je répète que si jamais nous accédons au pouvoir, nous allons procéder à une purge de l’appareil judiciaire parce qu’il n’est pas normal que des juges incompétents et corrompus siègent au niveau de la Justice au Burkina Faso. Sans une bonne Justice, on ne peut pas avoir une bonne gouvernance. La refondation de l’Administration : partout où vous allez dans notre Administration, la paresse s’est installée ; c’est chacun pour soi. Certains utilisent l’Etat, non pas pour servir les autres, mais pour se servir. Nous allons regarder cela de très près. Nous considérons que les syndicats sont légitimement fondés à réclamer des droits pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. Le constat que nous faisons aujourd’hui, c’est que l’Etat ne respecte même pas ses propres engagements. Il signe des accords qu’il ne respecte pas. Et donc, c’est normal qu’il y ait la fronde. Nous n’allons jamais signer des engagements que nous ne pouvons pas respecter. Mais nous mettons en garde. Si nous signons une convention collective pour cinq ans, pendant cinq ans, c’est la paix pour tout le monde. Je respecte mes engagements, vous respectez les vôtres. Si à l’intérieur des cinq ans, quelqu’un se lève pour mettre l’Etat à genoux, je décrète le lock-out s’il le faut. L’employeur a le droit de dire qu’il ne peut pas donner à l’employé ce qu’il demande et donc, il ferme boutique en attendant de pouvoir réunir les moyens. Pendant ce temps, celui qui ne travaille pas, ne gagne rien mais celui qui continue de travailler, est payé. On m’a rapporté le cas des syndicats des Finances qui menacent d’aller en grève et le gouvernement panique. C’est exactement ce qu’ils veulent : que le gouvernement panique. C’est parce que le gouvernement n’a pas de plan B qu’il va en négociation. Or, il faut toujours avoir un plan B. D’abord, on va aux négociations en toute bonne foi parce que ceux qui sont en face, sont des Burkinabè qui ont le droit d’être bien traités mais dans la mesure du possible. Mais il faut partir du principe que l’autre peut être de mauvaise foi. Dans tous les cas, personne ne peut mettre l’Etat à genoux ; aucun groupe ne peut le faire sinon ce n’est plus un Etat. Si quelqu’un fait cela sous le règne de notre parti, vous allez assister à du jamais vu au Burkina, le lock-out d’un service tout entier. J’ai parlé du refus absolu de la corruption : on est trop pauvre pour permettre que quelqu’un puisse prendre un ou deux milliard de F CFA pour faire ce qu’il veut. Il y a des pays où si tu es pris dans des cas de corruption, on te juge et te condamne à payer. Si tu ne peux pas payer, c’est l’exécution. Voler 100 millions de F CFA est un crime mais voler 1 ou deux milliard de F CFA est un génocide. Or, les génocidaires, on les fusille.

Si on vous suit, si vous parvenez au pouvoir, en cas de détournement grave, on pourrait assister à des exécutions ?

En cas de détournement grave, nous donnerons toujours la possibilité de rembourser. Ceux qui soutiennent l’action du mis en cause, pour sauver sa tête, n’ont qu’à se cotiser pour rembourser. Au cas contraire, il subira la sentence suprême, et je suis convaincu, un seul coup de feu, « boum », suffit et tout s’arrêtera. C’est parce qu’on les laisse qu’ils continuent ces détournements. Sur la déconcentration de la gouvernance d’Etat : c’est vrai que Ouagadougou, c’est la capitale du Burkina Faso mais les autres villes sont aussi du Burkina Faso. On a déconcentré le 11-Décembre dans les autres régions, on y a construit des villas, des salles polyvalentes, mais après le 11-Décembre, que deviennent ces infrastructures-là ? On avait ouï dire, à une certaine époque, que le gouvernement veut délocaliser les Conseils de ministres mais ça n’a pas fait long feu. Nous, nous voulons aller au-delà de tout cela. Après une année dans la capitale, nous allons procéder à une rotation de cette gouvernance dans les différentes villes qui ont accueilli le 11-Décembre. C’est une manière de donner vie à toutes les infrastructures, d’offrir la possibilité aux filles et fils qui ont énormément investi, de pouvoir louer ces infrastructures aux personnalités gouvernementales et de permettre aux populations de ces régions de voir de très près, l’exercice du pouvoir d’Etat. C’est cela aussi l’appartenance à la construction de l’Etat-nation. Et au lieu de tenir les Conseils de ministres chaque semaine, on pourrait, par exemple, les tenir chaque deux semaines. Mais, si le président a besoin d’un dossier le lundi, à 8h, le ministre concerné doit être présent. C’est d’ailleurs l’occasion de développer le télétravail. Ouagadougou est certes mieux lotie en la matière mais qu’en est-il des autres villes ? C’est dire s’il faut développer Internet dans ces villes-là, pour faciliter la mise en œuvre de cette politique. Le point portant sur la reconnaissance et l’encadrement de la chefferie coutumière: ce point me tient à cœur. Il faut savoir que les chefs coutumiers ont leurs prérogatives mais malheureusement, ils sont parfois incompris. On constate aujourd’hui que le bonnet de certains chefs a perdu le respect qui lui est dû. Cela, parce que certains d’entre eux prennent de l’argent avec des hommes politiques ou des opérateurs économiques et après, ils leur sont redevables. C’est cela qui amène certains chefs à s’ingérer dans les affaires de la République. Nous comptons régler cela. Nous allons décréter que le chef coutumier puisse être payé au prorata de la population vivant sur son territoire. J’ai donné l’exemple avec le Mogho Naaba. Je suis un citoyen vivant sur le territoire du Mogho ; je suis de facto un sujet de Sa Majesté le Mogho Naaba. Ça fait 25 F CFA par personne et par mois. La contribution de six millions de personnes, ça fait 150 000 000 de F CFA par mois. En prélevant les taxes et redevances, on aura environ 1,4 milliard de F CFA et moi, je n’aurais aucun problème pour payer cette somme à Sa Majesté le Mogho Naaba pour qu’il soit le protecteur de la paix sur son territoire. En ce sens que ce qu’il reçoit, c’est six millions de problèmes. De la même manière, les Koglwéogo qui sont implantés un peu partout sur le territoire national, disent généralement qu’ils dépendent de leur chef. Et leur chef, c’est qui ? Le chef coutumier. Donc, cette somme servira également à gérer les Koglwéogo et s’ils commettent une bavure qui nécessite des réparations, on va prélever sur ce montant du chef pour le dédommagement de la victime. Ainsi, chacun saura que toute faute se paie.

Pensez-vous que cela est possible de nos jours, ce d’autant qu’on a beaucoup de chefs ?

En réalité, cette taxe sera prélevée sur les revenus d’une carte de résidence qui sera maintenant obligatoire pour tous les Burkinabè. Ce que nous vivons aujourd’hui en matière d’insécurité, est dû au fait que tout le monde entre, tout le monde sort. On ne sait pas qui est qui ? Qui va où ? Qui fait quoi ? Mais s’il y a une carte de résidence, on sait, depuis la frontière, qui vient pour faire quoi ? Pour combien de temps ? Pour voir qui ?, etc. Pourquoi les pays asiatiques sont-ils si bien sécurisés ? C’est parce que cela est de règle chez eux. Si vous arrivez aujourd’hui au Canada, par exemple, vous n’avez pas besoin d’aller voir un douanier. Dès que vous tendez votre passeport, qui que vous soyez, votre identité est connue, votre nom est affiché avec le mot : bienvenue au Canada M. Sessouma ou M. Y. Et quand vous quittez le pays, on sait que vous n’y êtes plus. Si la carte de résidence coûte 25 F CFA au Burkina, je ne vois pas qui ne pourra pas la payer.

Quels sont vos rapports avec le monde des médias en tant qu’ancien journaliste ?

Ce sont des rapports de courtoisie. Beaucoup de respect mais beaucoup de taquineries aussi. Certains me disent mais kôro, tu ne dois pas entrer dans ça.

Entrer dans quoi ?

La politique ; certains ne sont pas favorables à ce que je mouille le maillot dans la politique.

Pensez-vous que ceux qui sont déjà dans la politique ne veulent pas que d’autres y entrent ?

J’ai rencontré, en 2008, à Bamako, Tiken Jah Fakoly dans le cadre de l’émission 5/5 de la télévision canadienne. En parlant de la politique, il m’a dit : «Pascal, tu vois, ce sont toujours les mêmes depuis des années ». Il y a des gens, dans ce pays, qui ne savent pas combien coûte un litre d’essence à la pompe depuis plus de 40 ans ; ni eux, ni leur épouse ni leurs enfants. Ce sont eux qui nous gouvernent. Pensez-vous qu’ils ont intérêt à ce que ça change ? Pas du tout. Par conséquent, tous ceux qui pensent pouvoir bousculer ces gens-là, doivent être sur la ligne. Dans une course de fond, au départ, c’est serré. Vous vous bousculez, certains vont tomber ; d’autres vont continuer et il y en a qui vont arriver. Mais personne ne doit se sentir exclu; c’est ce que nous revendiquons aujourd’hui.

« Certains paient des gens pour attaquer d’autres sur les réseaux sociaux »

Quel regard portez-vous sur les réseaux sociaux ?

Le problème des réseaux sociaux, c’est qu’on ne sait jamais quelles sont les personnes qui sont derrière. On m’a même expliqué qu’un seul individu peut créer cinq profils différents, écrire à lui-même et répondre à lui-même. Certains paient des gens pour attaquer d’autres sur les réseaux sociaux. Mais, les réseaux sociaux peuvent aussi jouer un rôle important dans la divulgation de certaines affaires sales. Ça part sur le coup d’une rumeur, ça s’amplifie, après par les réseaux sociaux, on obtient une preuve. Ces temps-ci, c’est ce à quoi on assiste (ndlr : il fait allusion à l’affaire de tentative d’escroquerie dont a été victime le maire de Ouaga). Il faut s’en méfier, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Je crois que le Conseil supérieur de la communication (CSC) a essayé de mettre de l’ordre. Les réseaux sociaux ont leur rôle, parce que ce sont des défouloirs collectifs. C’est bon pour la démocratie, pour peu qu’on ne tombe pas dans la diffamation. Parce qu’accuser quelqu’un de quelque chose qu’il n’a pas fait, est très grave.

Ces derniers temps, certains acteurs politiques demandent le report des élections en invoquant des raisons sécuritaires. Quel est votre avis sur la question ?

Ceux qui veulent le report des élections, ont certainement leurs raisons. J’ai entendu dire que c’est parce qu’il n’y a pas de sécurité ; parce que la Constitution dit que tous les Burkinabè doivent pouvoir voter. Je ne suis pas un constitutionnaliste. Donc, je ne peux pas entrer dans ce débat-là. Je retiens seulement que la Constitution a fixé la date des élections au 22 novembre 2020. Donc, c’est au peuple burkinabè et aux autorités et aux institutions de prendre des dispositions pour que les élections se tiennent à cette date. Et nous, nous sommes partants pour le 22 novembre. Un report ne ferait que nous fragiliser davantage. A mon avis, ce ne serait pas prudent de reporter ces élections. D’ailleurs, pour combien de temps ? Après, une fois que la nouvelle date sera fixée, si on constate que les problèmes pour lesquels les élections ont été reportées, ne sont toujours pas résolus, on fait quoi? Et puis, comme je l’ai dit plus haut, je n’aime pas les transitions. Je préfère qu’on aille droit au but et que le meilleur gagne pour diriger tous les Burkinabè.

Avec quels partis comptez-vous composer en cas de second tour à la présidentielle ?

Si nous arrivons au second tour, il appartiendra aux autres partis de voir entre les deux candidats qui sont qualifiés pour le second tour, lequel est le plus proche de leur idéologie, de leur programme et de leurs aspirations.

Et au cas où un candidat de l’opposition et un de la majorité présidentielle sont qualifiés pour le second tour, quel sera votre choix ?

Vous pouvez me donner deux noms ?

Un candidat de l’opposition et un du pouvoir.

En pareilles circonstances, on ne fait pas de sentiment en politique. Si on veut être conséquent avec soi-même, ce n’est pas parce qu’on connaît un tel parce que c’est mon ami, qu’on le choisit ; ce n’est pas ainsi. C’est une question d’idée, de programme. C’est lequel va être le plus proche de ce que nous, nous avons élaboré comme programme. Il y a sept points ; sûrement, il y a un, deux ou trois qui seront pris en compte. Quand il y a second tour, ce sont les partis dont les candidats sont qualifiés pour la bataille finale, qui vont vers les autres pour négocier.

Etes-vous prêt à voter pour Roch Marc Christian Kaboré en cas de second tour ?

La question est brutale, la réponse sera brutale. Pourquoi ? Je n’ai rien contre Roch Kaboré ; je ne le connais pas, il ne me connaît pas. Je sais seulement qu’il est proche de la famille Sessouma parce qu’il était un proche de Guillaume Sessouma. Ils étaient tous deux du même bord politique. D’ailleurs, au décès de ce dernier, il était présent. Donc, je dis que je n’ai rien contre lui. J’aurais pu voter pour Roch si j’avais la conviction certaine qu’en votant pour lui, il va mettre fin à la guerre. Ça fait cinq ans qu’il est au pouvoir mais il n’a pas réussi et je ne vois rien venir dans ce sens. Comment voulez-vous que je puisse voter pour quelqu’un qui ne m’offre rien en contrepartie pour arrêter la guerre ? En mon âme et conscience, cela ne m’est pas possible. Quand il est arrivé au pouvoir, il a commis une erreur en disant qu’il ne nommerait pas un homme de tenue ni à la Défense ni à la Sécurité. Mais, à chacun son métier. A chacun sa position de frappe, à chacun sa compétence. Toi tu es civil, tu n’es pas militaire, ni policier ni gendarme. La question sécuritaire, c’est du domaine militaire, policier, etc. ; donc, il faut en tenir compte. Si Roch me promet, me donne des gages, si demain, il donne une feuille de route claire, pour dire que la paix va revenir au Burkina dans trois, quatre voire six mois, et en regardant on se rend compte que c’est clair, je réunis mon bureau politique national et je lui dis que ce n’est plus la peine d’exister parce qu’il y aura la paix bientôt.

Entre Eddie Komboïgo et Zéphirin Diabré, lequel des deux candidats est-il bien placé pour avoir votre voix ?

Je ne connais ni l’un ni l’autre. Je ne connais pas le programme de chacun. Or, je vous l’ai dit, moi, je fonctionne en fonction du programme. Ils n’ont pas encore dévoilé leur programme. J’attends qu’ils le fassent. Ce n’est pas une question de personne.

C’est donc une question d’intérêts ?

Non, c’est une question d’idéologie. Il nous faut un parti qui va nous dire, « nous, on veut la paix ; voilà comment on va s’y prendre pour asseoir cette paix ». Sans cela, nous allons les combattre, nous serons sur la ligne de départ avec eux. Vision parti pacifiste, c’est dans notre nom, il faut donner des garanties, c’est tout.

« J’ai eu la chance d’avoir travaillé dans un pays qui me payait bien, le Canada. Les moyens, on verra bien, nous irons aussi loin que les moyens nous le permettront »

Comment comptez-vous mobiliser les moyens pour votre caution et la campagne ?

C’est une question importante. L’argent ! On a tellement habitué les Burkinabè à faire la politique avec l’argent. Moi, je n’en ai pas au point de pouvoir en distribuer. Mais je vis correctement. J’ai eu la chance d’avoir travaillé dans un pays qui me payait bien, le Canada. Les moyens, on verra bien, nous irons aussi loin que les moyens nous le permettront.

Vous n’êtes pas sûr de pouvoir mobiliser les moyens pour payer la caution et assurer la campagne ?

Mais attendez, si la caution passe à 50 millions de F CFA, parce qu’on peut changer les règles du jeu, on fait comment ? C’est un parti politique, et un parti politique vit de quoi ? Des cotisations de ses membres, des dons, des legs, etc. Qu’est-ce qui prouve que d’ici là, il n’y aura pas un miracle qui va se produire pour qu’il y ait 25 000 000 de F CFA pour la caution du candidat de Burkina vision pacifiste?

Pour l’instant, vous n’avez pas les 25 millions de F CFA ?

Même si je les avais, je ne vous le dirais pas.

On sait que vous serez amené à sillonner tout le territoire pour convaincre l’électorat. Quels sont les moyens financiers et humains dont vous disposez pour mener ce travail ?

La campagne, ce sera pour bientôt. Donc, je vous prierai d’économiser cette question-là pour bientôt. C’est prématuré de parler de quelque chose qui va se passer dans trois ou quatre mois. Vous verrez bien si le candidat de Burkina vision pacifiste ne sera pas capable d’aller partout où il voudra aller.

Comment avez-vous accueilli la chute du régime de Blaise Compaoré ?

Avec surprise et étonnement parce que nul n’aurait imaginé qu’un homme aussi fort, partirait de cette façon. C’est pourquoi je dis que le Burkina Faso a l’art de réserver des surprises à l’Afrique et au reste du monde. Donc, tout est possible. Blaise Compaoré, je dirais qu’on ne l’a pas chassé, c’est lui qui s’est chassé. Il devait juste respecter la Constitution, et s’il avait fait cela, il serait aujourd’hui le président de l’Union africaine probablement, ou à un poste aux Nations unies et le nom du Burkina Faso aurait continué à grandir encore et encore. Malheureusement, le pouvoir est tel que quand on y goûte, on n’a plus l’intention de le lâcher. Il aurait pris sa retraite politique en bonne et due forme qu’il serait aujourd’hui une référence, même pour les nations africaines. Il est parti et aujourd’hui, son plus grand souhait c’est de pouvoir revenir chez lui et j’espère qu’il pourra revenir chez lui très bientôt. Ça ne dépend que de lui. Il y a des dossiers pendants et il faut que les gens comprennent qu’on ne peut pas se réconcilier sans justice. Réconciliation d’accord mais justice d’abord. J’entends beaucoup de gens dire qu’il faut que les exilés reviennent. Oui, mais si quelqu’un parmi eux a un passif, on ne peut pas passer l’éponge dessus. On ne peut pas passer par pertes et profits tout ce qu’il a fait, sinon ce serait une prime à l’impunité. Si vous n’avez rien à vous reprocher, venez, on va vous juger en bonne et due forme et c’est fini. Vous allez même dormir tranquille parce que vous êtes passé par la case du jugement. Mais on ne peut pas rester à l’étranger et manipuler des gens à l’intérieur pour faire des manifestations pour réclamer le retour des exilés. Ça ne marche pas ainsi. Il faut que justice se fasse, car toute faute se paie.

Voulez-vous dire qu’il y a des exilés qui manipulent des gens à l’intérieur pour réclamer leur retour au bercail ?

Je le dis et je le répète, j’ai le sentiment qu’il y a des exilés qui manipulent des partis politiques et des OSC pour leur cause.

Durant votre carrière de journaliste, avez-vous eu l’occasion de travailler aux côtés de Blaise Compaoré ?

Juste comme journaliste de la RTB (Radiodiffusion télévision du Burkina). Je connaissais Blaise Compaoré depuis 1981 quand il était numéro 2 de Sankara. J’ai travaillé de 81 à 84 avant de partir. Donc, un peu mais, on n’était pas proches. Par contre, Sankara, oui, parce que ce dernier venait causer avec moi quand je faisais le journal. Il venait m’attendre à la rédaction et après la présentation du journal, on discutait comme nous sommes en train de le faire. Et c’est là qu’il m’a dit un jour clairement : « Camarade Sessouma, c’est vrai, tout n’est pas rose mais c’est ça la Révolution, j’assume parce que c’est moi le président». Il était au courant de ce qui se passait au sein des CDR mais en tant que chef, il assumait. Mais, je n’ai pas eu de rapport avec Blaise. Quand je suis revenu du Canada en 1997, le ministre de la Communication, à l’époque, Mahamoudou Ouédraogo qui est un promotionnaire et ami, m’a suggéré de le rencontrer pour, au moins, lui présenter mes respects. C’était en 1998. Après, l’affaire Norbert Zongo est survenue et cela n’a pas eu lieu. Mais, lors du XXIe sommet Afrique/France à Yaoundé, en janvier 2001, je faisais partie de la délégation de la télé qui accompagnait le président. A cette occasion, il m’a vu et il a dit à son protocole de m’informer que s’il n’arrivait pas à me recevoir dans l’avion, il le ferait à notre retour à Ouagadougou. Et il a tenu parole. Un lundi, on a dit que le président me recevrait à midi à l’ancien palais de Koulouba. L’entretien devrait durer 15 minutes mais finalement, ça a pris presqu’une heure. Il a voulu s’intéresser à ma vie au Canada. Mais, de lui-même, sans que je n’aie eu à lui poser la question, il a évoqué l’affaire Sankara et c’est là que j’ai senti à quel point quelque chose le rongeait de l’intérieur. Et je peux le dire, il est convaincu que c’était Sankara ou lui. Parce que quand il en parle, il n’y a même pas de doute dans sa voix ou dans son regard. Près d’une heure, on a parlé de tout et de rien mais sur l’affaire Sankara, on a fait près de 20 à 30 minutes. Je vous fais une autre confidence : j’ai refusé de travailler avec lui en 2014. Le poste de son directeur de la communication était vacant. On me l’a proposé mais j’ai décliné poliment l’offre. J’étais responsable de la communication de la MOAD (Maîtrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin) et j’ai préféré continuer parce que les bailleurs de fonds commençaient à me connaître là-bas et partir aurait créé un vide alors que l’aéroport, c’est quand même important pour l’économie de la Nation. Mais, Blaise n’est pas le pire président qu’on ait eu. Juste quelque chose pour faire réfléchir : Blaise Compaoré a pris le pouvoir avec le grade de capitaine il est parti du pouvoir avec le même grade. Je n’en dirai pas autant des autres qui ont pris le pouvoir, même pour un an et qui se sont donné le titre de général trois étoiles.

Vous regrettez le départ de Blaise ?

Il ne faut jamais regretter quelque chose qui relève du passé si ce passé a été constructif pour un avenir meilleur.

Quel regard portez-vous sur la gouvernance de Roch ?

Le président Kaboré fait ce qu’il peut. Malheureusement pour lui, il est arrivé au mauvais moment. Malheureusement pour lui, il est arrivé avec beaucoup de tuiles qui lui tombent sur la tête. Et malheureusement pour lui, il va laisser un bilan plus ou moins mitigé à l’ensemble de la population burkinabè. Si je l’avais en face de moi, je lui dirais en toute amitié, Monsieur le président, vous avez voulu travailler à faire sortir ce peuple-là de la misère mais vous n’avez pas réussi. Beaucoup de choses sont arrivées, ce n’était pas de votre faute à vous si c’est arrivé. Je vous demanderais non pas de démissionner parce que démissionner, c’est un aveu d’échec. Or, l’aveu d’échec renvoie au sentiment d’humiliation. Je vous demanderais tout simplement : « ne vous représentez plus ».

Quel symbole donnez-vous à votre investiture à Bobo-Dioulasso ?

Bobo-Dioulasso, c’est la ville de mon cœur. Je suis très attaché à cette ville. J’ai fait mes études au petit séminaire de Nasso. L’ancienne capitale coloniale n’est qu’une capitale économique de nom. Quand je parle  de rotation du siège du gouvernement, c’est en partie pour réparer l’injustice qui est faite aux villes de l’intérieur. Il n’est pas normal que tout soit concentré à Ouagadougou ou autour de la capitale, alors que les autres villes mériteraient aussi un meilleur rayonnement économique. J’aurais bien aimé, moi, implanter le siège de mon parti à Bobo-Dioulasso. Mais croyez-le ou non, je n’ai même pas de maison à Bobo. Pendant seize ans, j’ai couru après une parcelle à Bobo, que je n’ai jamais obtenue. Les différents maires ont pris mes CNIB, certains ont même demandé d’ajouter des CNIB des membres de ma famille. J’ai tout donné mais jusqu’aujourd’hui, je n’ai rien eu. Mais je ne désespère pas. Une fois, quelqu’un m’a proposé d’acheter une parcelle à Bobo. J’étais allé avec l’argent pour l’acheter. La personne qui était en face de moi, était l’émissaire de quelqu’un qui était à Gourcy. Je veux parler à la personne ; elle me dit qu’elle n’a jamais mis les pieds à Bobo. Comment quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds à Bobo, a-t-il une parcelle à vendre dans cette ville et moi qui suis de la région de Bobo, puisque je suis du Kénédougou, je ne peux pas avoir une parcelle par attribution ? Par principe, j’ai réemballé mon argent et je suis reparti, je ne l’ai pas achetée. J’attends d’être attributaire d’une parcelle quitte à ce que j’achète une autre contigüe parce que j’aime l’espace. Avoir un jardin et planter des arbres. C’est pour dire que Bobo, c’est ma ville de cœur et tout ce qui peut favoriser le rayonnement de cette ville, c’est mon devoir d’y contribuer et je vais m’y atteler de toutes mes forces. Donc, mon investiture à Bobo n’est pas juste symbolique. C’est lié à quelque chose de profond qui est que je considère que Bobo-Dioulasso mérite un meilleur traitement que celui qu’il a aujourd’hui.

Avez-vous autre chose à ajouter pour clore cet entretien?

Je voudrais juste vous remercier d’être venus pour mieux comprendre le programme de Burkina Vision pacifiste ; c’est vrai qu’il a été décliné rapidement, on n’a pas eu le temps d’expliquer les choses dans les détails mais cet entretien permet d’aller au fond, pour que les gens puissent comprendre mieux. Ce que je peux ajouter, c’est que nous ne sommes pas naïfs ; nous ne sommes pas non plus des utopistes. Nous disons que nous avons pensé proposer quelque chose de différent aux Burkinabè. Et nous ne croyons pas qu’un parti, jusqu’à preuve du contraire, ait pensé proposer ce que nous avons proposé. Et peu importe si cela va mourir de sa belle mort dès sa naissance, ou si cela va prospérer. Mais, l’idée est lancée et on en parle dans les maquis, dans les grins de thé, etc. Le Burkina Faso, je le dis et je le répète, c’est notre pays à nous tous et notre slogan, à Burkina Vision pacifiste, c’est un Burkina pour tous. C’est important que les gens mettent cela dans la tête : si le pays brûle, c’est nous tous qui sommes responsables. Or, il ne faut pas qu’il brûle et pour ce faire, chacun doit y mettre du sien pour que ce pays puisse avancer sereinement, en toute quiétude, dans la paix et dans la cohésion. Ce que nous proposons, va dans le sens de la paix et de la cohésion sociale à tous points de vue.

Propos recueillis par Dabadi ZOUMBARA et Michel NANA

CV SYNTHETIQUE DE DÔ PASCAL SESSOUMA

NOM : SESSOUMA
PRENOMS : Kiemdoro Dô Pascal
Né en 1957 à N’Dorola, province du Kénédougou, région des Hauts-Bassins.

FORMATION

– Master en Communication (Université du Québec à Montréal), 1999
– Certificate of Proficiency in English (McGill University, Montréal) 1997
– Diplôme Supérieur de Journalisme (Université de Dakar), Sénégal, 1981
– Diplôme Universitaire d’Etudes Générales I – Géographie. (Université de Ouagadougou), Burkina Faso, 1978.
– Une dizaine de certificats de formation dans les domaines de la communication, des médias et des projets.

EXPERIENCE PROFESSIONNELLE

– Personne responsable de la communication de la Maîtrise d’ouvrage de l’aéroport de Donsin (MOAD) (2010 – 2017).
– Rédacteur en chef et présentateur de la série 5 sur 5 Afrique (2009)
(Une série de la télévision canadienne en partenariat avec TV5 et plusieurs télés d’Afrique francophone)
– Enseignant de journalisme et communication à l’ISTIC (Institut des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication) (2006-2010).
– Fondateur et Directeur de l’agence DPS Communication : (2001-2004) – Consultant pour le Réseau Liberté, (organisme canadien oeuvrant dans le domaine de la liberté de la presse et de la démocratie en Afrique et dans les Caraïbes, 2004-2006)
– Journaliste présentateur à la RTB. (1997-2001).
– Journaliste, Grand-reporter à Télé Québec, Montréal (1989-1996).
(Emission Nord-Sud axée les questions de développement international)

DISTINCTIONS

– Chevalier de l’Ordre national du Burkina Faso
– Prix Gallian 1999
– Ancien membre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Canada
– Ancien membre du Conseil de presse du Québec, Canada
– Ancien membre de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision


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