HomeA la uneDR MADIBELE KAM, PEDIATRE AU CHUP-CDG : « La drépanocytose est réellement un fléau dans notre pays »

DR MADIBELE KAM, PEDIATRE AU CHUP-CDG : « La drépanocytose est réellement un fléau dans notre pays »


De nombreux couples, après avoir eu un enfant,  se disent qu’ils ont peut être fait le mauvais choix ou plutôt ont négligé les aspects liés à la santé qu’ils devraient prendre en compte avant de s’unir pour la vie. L’un des aspects de santé est le test de compatibilité que bon nombre de couples ignorent avant de se mettre ensemble et bonjour les problèmes de santé chez les enfants, dont la drépanocytose, une maladie liée au sang qui est héréditaire et sa non prise en charge a des conséquences affreuses.  Le monde entier a commémoré la Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, le 19 juin. Dans le cadre de cette célébration, nous avons interrogé le médecin pédiatre au centre hospitalier universitaire pédiatrie Charles De Gaulle, Dr Madibèlè Kam. Dans cette interview, il nous situe sur les causes et les différentes prises en charge de cette maladie. Lisez plutôt ! 

 

« Le Pays » : Comment peut-on définir la drépanocytose ?

 

Dr Madibèlè Kam : La drépanocytose est une maladie du sang. C’est important de le dire, car certains confondent cela à une maladie osseuse. C’est une maladie du sang qui confère au sang de la personne drépanocytaire, une particularité, notamment les globules rouges qui constituent un des éléments du sang de l’enfant drépanocytaire qui ont la particularité de se déformer sous forme de fossile lorsqu’ils se trouvent dans une situation où ils manquent d’oxygène. C’est cette particularité qui est à l’origine des symptômes que l’enfant va présenter.

 

Par quoi est-elle causée ?

 

Pour ce qui est de la cause, il faut dire que c’est une maladie héréditaire. Pour qu’un enfant soit drépanocytaire, il faut que les parents lui aient transmis quelque chose. Vous avez l’hémoglobine normale qui est l’hémoglobine A. L’enfant drépanocytaire a l’hémoglobine S, associée à une autre hémoglobine anormale. Ainsi, lorsqu’un papa a une hémoglobine anormale (il peut être AS), la maman a une hémoglobine anormale (elle peut être par exemple AC) ; l’enfant qui nait et qui prend le S de papa et le C de maman est SC et il est drépanocytaire malheureusement.

 

Comment peut-on savoir qu’une personne est drépanocytaire ?

 

 Pour savoir qu’une personne souffre de la drépanocytose, habituellement, l’élément le plus important, ce sont les symptômes que la personne va présenter. Il y a beaucoup d’enfants qui sont drépanocytaires et la majorité présente des symptômes douloureux, surtout  certains enfants, dès l’âge de 6 mois, vont commencer à présenter ces signes douloureux. Et c’est devant souvent ces signes que les patients viennent en consultation. Nous avons un élément important qu’on appelle le syndrome pied-main dont les douleurs sont localisées habituellement au niveau du dos, des pieds et des mains. L’enfant qui commençait déjà à prendre la douche sur les pieds, refuse désormais de la prendre. Il a les mains qui sont parfois tuméfiées. Donc, c’est souvent devant ces situations que les enfants viennent en consultation. On retrouve beaucoup de ces cas en consultation, parce qu’ils vont ailleurs d’abord où on fait des scarifications sur l’enfant.  On retrouve des enfants avec les dos des mains et des pieds scarifiés d’habitude. C’est surtout les syndromes douloureux, qui sont la première présentation de la drépanocytose. Ce sont des douleurs osseuses et articulaires que les enfants présentent.

 

Ya-t-il un remède contre la maladie ou seulement des calmants ?

 

 Ce qu’il faut retenir pour la drépanocytose, c’est qu’il y a des médicaments qui aident la personne drépanocytaire à vivre bien avec la maladie. Vous avez un aspect très important. Vous avez la période où la personne n’a pas de crise et il y a la période où la personne présente des crises. Pendant cette période de latence, où la personne n’a pas de crise, il faut réussir à  donner des conseils hygiéno-diététiques qui constituent la base de la prévention des crises. C’est ce qui manque souvent dans notre contexte de travail et qui fait qu’il y a beaucoup de problèmes. Un drépanocytaire doit être dans un  milieu aéré, il doit éviter certaines boissons et boire beaucoup d’eau… Ce sont des conseils simples apparemment, mais qui peuvent aider normalement la personne drépanocytaire à éviter des crises. Et lorsque  la personne est suivie, quand il y a une crise qui démarre, on peut arrêter ces crises assez rapidement parce que tel que je vous l’avais expliqué, tous ces globules rouges qui peuvent se bloquer, peuvent se trouver n’importe où dans le corps. Partout où le sang peut partir, ces globules peuvent aller se bloquer là-bas. Et lorsque le globule rouge se bloque, la partie après n’est pas vascularisée. Le sang n’arrive pas à ce niveau et cela peut entraîner des destructions qui peuvent être aussi importantes.  Donc, si la personne est suivie, on peut éviter ce genre de complication par déjà les conseils, mais aussi la prise en charge précoce.

 

Quelles sont les précautions que doit prendre un drépanocytaire pour éviter les crises répétées ?

           

La drépanocytose, c’est réellement un fléau dans notre pays. C’est une maladie qui concerne la race noire  et l’idéal aurait été que les populations connaissent leur électrophorèse, de la même manière qu’elles connaissent leur nom. Parce que si les gens connaissaient leur  électrophorèse, et étaient sensibilisés  sur les conséquences de se marier avec les électrophorèses qui posent problème, en principe, ont devrait éviter beaucoup de situations inquiétantes. Donc, beaucoup d’enfants drépanocytaires et leurs parents, malheureusement, n’ont pas su qu’il y avait un problème. S’ils avaient été au courant, peut-être qu’ils allaient faire attention avant de se marier.

 

Comment l’éviter ?

 

 Il ne faut pas faire les enfants ou se marier avant de connaître son électrophorèse. Il faut le connaître d’emblée, pour  le prendre en compte dans la constitution de son dossier. Si les gens sont déjà ensemble et qu’ils décident de se marier et si c’est à ce moment qu’ils décident de le faire, c’est  déjà trop tard. Parce qu’à ce moment, on s’est déjà juré toutes les fidélités possibles, de se soutenir dans toutes les situations possibles et ce n’est pas à ce moment que les gens peuvent reculer. C’est pourquoi il est bon que les enfants qui ne connaissent pas leur électrophorèse puissent le connaitre maintenant. Et que dans leur éducation, ils puissent savoir qu’ils n’ont pas d’hémoglobine anormale dans leur électrophorèse.

 

La drépanocytose est-elle mortelle ?

 

Dire qu’elle est mortelle, c’est peut être exagérer. Aujourd’hui, la drépanocytose est connue et dans sa prise en charge, il y a beaucoup d’avancées à telle enseigne que l’on ne peut pas dire que c’est une maladie mortelle. Mais, si la prise en charge n’est pas assurée, c’est dans ce cas qu’on peut arriver à des cas mortels.

 

Le Burkina, à l’instar des autres pays, célébrera la journée mondiale contre la drépanocytose. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

 

En tant que médecin, je pense que les journées devraient s’articuler d’une part autour de la prévention qui s’accompagnera d’un dépistage en masse, au niveau de la population et autour de la prise en charge des enfants drépanocytaires au Burkina, parce que c’est un sérieux problème de santé publique et les moyens, dans le ménage, ne suffisent pas pour prendre en charge ces enfants, compte tenu du traitement qui est assez complexe. Or, dans notre pays, il n’y a pas encore de politique pour faciliter la prise en charge des personnes souffrant de cette maladie. Donc, nous souhaitons une politique de prise en charge.

 

D’aucuns disent que les drépanocytaires ont une espérance de vie limitée. Que leur répondez-vous ?

 

Ce sont des préjugés que les gens ont sur la maladie. Avant, cette affirmation était fondée, compte tenu du manque de suivi. Mais, de nos jours, ce n’est plus une réalité, car les enfants qui sont suivis, grandissent bien et deviennent adultes, se marient et fondent des familles.  Il suffit de venir en consultation et être en contact permanent avec le médecin pour un suivi régulier.

 

Autre commentaire à faire ?

 

Je remercie votre journal, pour l’intérêt que vous portez aux questions de santé. C’est aussi une opportunité pour nous, de faire comprendre aux populations les différents aspects dans le domaine de la santé. En ce qui concerne la drépanocytose, nous souhaitons, au niveau du Burkina, une réponse pays en rapport à cette maladie et nous demandons à l’Etat de mettre en place des centres spécialisés de prise en charge, pour surtout gérer les crises liées à cette maladie.

 

Propos recueillis et retranscrits par Valérie TIANHOUN

 

 


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