HomeA la uneECHANGE DE PRISONNIERS ET POURPARLERS ENTRE GROUPES RIVAUX AU MALI : Attendons de voir la suite !

ECHANGE DE PRISONNIERS ET POURPARLERS ENTRE GROUPES RIVAUX AU MALI : Attendons de voir la suite !


 

Sur les bords du fleuve Djoliba, l’actualité est marquée par deux faits : le premier porte sur un échange de prisonniers entre Bamako et les rebelles de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Ainsi, le gouvernement malien a libéré la semaine passée, une trentaine de rebelles et la CMA a, de son côté, libéré 16 militaires maliens. Cet échange, dit-on, s’est déroulé sans incident, à la grande satisfaction des partisans de la paix qui y voient un acte susceptible de restaurer la confiance. Les plus optimistes parlent de décrispation dans le cadre du processus de paix qui avait pris, rappelons-le, du plomb dans l’aile, avec la reprise des hostilités dans le septentrion malien, entre la CMA et le Gatia, du nom de ce groupe armé favorable à Bamako. Le deuxième fait marquant de l’actualité et qui pourrait alimenter cet optimisme, porte sur les pourparlers initiés par les deux principaux groupes armés rivaux impliqués dans l’accord d’Alger à l’effet de poser les jalons de la paix. Dans cette perspective, une première rencontre entre les deux parties, à savoir la CMA et le Gatia, a déjà eu lieu sur le terrain dans le Nord-Est du Mali. Une nouvelle rencontre est prévue pour ce dimanche. Au moment où nous tracions ces lignes, on ne peut pas en dire davantage en dehors du fait que cette rencontre vise à permettre aux deux parties d’échanger sur les futurs sites de cantonnement. A priori, ces deux faits peuvent être décryptés comme des signes qui vont dans le bon sens, c’est-à-dire celui de la paix. C’est pourquoi tout doit être mis en œuvre pour renforcer cette dynamique. En effet, le fait d’échanger des prisonniers, même si cela n’est pas une première au Mali, et le fait que le Gatia et la CMA qui, hier encore, se combattaient à coups de canon et de diatribes, aient décidé de résoudre leur différend par le dialogue, peuvent être interprétés comme des signes avant-coureurs de la fin d’une « époque marquée par la suspicion ».

La chose la mieux partagée des protagonistes de la crise du Nord-Mali est l’hypocrisie

Si cette analyse venait à se confirmer dans les jours à venir, le mérite reviendrait avant tout aux responsables de ces deux groupes politico-militaires. Et tous les Africains ne manqueraient pas de se réjouir de voir le Mali enfin sur la voie de la pacification, pour se donner plus de chances de contrer les djihadistes dont tout indique qu’ils ont tout à perdre dans un Mali véritablement réconcilié et pacifié. Mais ce serait aller trop vite en besogne que de croire cette fois-ci à la sincérité des uns et des autres. En effet, des raisons qui invitent à ne pas verser dans un optimisme béat, subsistent par rapport aux actes de décrispation auxquels l’on assiste aujourd’hui. La première raison est que ce n’est pas la première fois que Bamako et la CMA procèdent à des échanges de prisonniers. Mieux, de par le passé, l’on avait vu le gouvernement malien, au nom de la paix, amnistier des chefs rebelles qui étaient impliqués dans le massacre de ses soldats à Aguelhok. Cet acte fort de bonne volonté de Bamako que l’opinion malienne, on se souvient, avait eu du mal à avaler, n’ avait pas pour autant mis un terme à la belligérance. La deuxième raison qui fonde notre scepticisme porte sur cette sorte d’alliance de circonstance entre le Gatia et la CMA. En effet, les retrouvailles entre ces deux groupes armés sont suspectes. Car, elles peuvent ne pas être sous-tendues par une volonté de pacifier le septentrion malien au bénéfice de tous ceux qui y vivent. Leur véritable motivation, tels des larrons en foire, pourrait tenir à ceci : face à l’entrée en scène de groupes formés exclusivement de Songhaïs, de Peuls et de Bellas, notamment le Ganda IZO (fils du pays), qui aspirent à jouer un rôle dans le processus de paix pour mieux défendre leur identité, l’on peut avoir l’impression que la CMA, composée essentiellement de Touaregs, s’est circonstanciellement rapprochée de ses frères du Gatia pour mieux faire prévaloir la cause de sa communauté. De ce point de vue, ce rapprochement pourrait ne pas être du goût de Bamoko en ce qu’il le prive des bons et loyaux services d’un allié et pas des moindres, dans sa lutte contre les irrédentistes touaregs qui ne jurent  que par l’indépendance de l’Azawad. La  troisième et dernière  raison qui invite à être sceptique est que la chose la mieux partagée des protagonistes de la crise du Nord-Mali est l’hypocrisie. En effet, de manière officielle, il arrive que les acteurs  tiennent  des discours lénifiants. Mais sur le terrain, les choses se passent autrement. La conséquence de cela est que personne ne croit plus à personne. Ce jeu de dupes d’ailleurs est en passe d’agacer et de lasser la communauté internationale, qui, on le sait, s’est beaucoup investie pour le retour de la paix dans le septentrion malien. Pour toutes ces raisons, l’on peut dire à propos de l’échange de prisonniers entre Bamako et la CMA et des pourparlers entre groupes rivaux du Nord-Mali, ceci: c’est bien mais attendons de voir la suite!

« Le Pays »


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