HomeDroit dans les yeuxEFFONDREMENT DE SALLES DE CLASSE AU LYCEE MUNICIPAL BOGODOGO : Un spectacle devenu la norme et non l’exception

EFFONDREMENT DE SALLES DE CLASSE AU LYCEE MUNICIPAL BOGODOGO : Un spectacle devenu la norme et non l’exception


Encore des salles de classe qui s’effondrent au Burkina comme des châteaux de cartes, peut-en s’exclamer. En effet, dans son édition du lundi 22 octobre dernier, les Editions « Le Pays » titraient ceci au sujet de l’effondrement de salles de classe au lycée municipal Bogodogo : « On a frôlé le pire ». Le journal ne croyait pas si bien dire. Car on aurait assisté à un drame si les choses s’étaient passées pendant que les élèves étaient en train de prendre des cours dans ces salles. La cause apparente du sinistre est le vent qui a soufflé sur Ouagadougou dans la nuit du jeudi au vendredi 19 octobre dernier. La vraie cause, à en croire le directeur de l’urbanisme et de la construction de la mairie de Ouagadougou, est liée à l’utilisation de matériaux inadaptés. Le technicien a notamment pointé du doigt l’absence de platine au niveau de la toiture, la mauvaise qualité du sable et du ciment. Il faut préciser que les salles endommagées ont été érigées grâce à la contribution des parents d’élèves. L’autre précision qui vaut son pesant d’or est que l’une des salles a été construite il y a à peine deux semaines. L’on peut saluer le volontarisme des parents d’élèves tout en les invitant à éviter de faire dans le dilettantisme dans la réalisation des infrastructures scolaires. On le dit d’autant plus volontiers que pour dégager la responsabilité de l’APE (Association des parents d’élèves), le président de la structure a laissé entendre ceci : « L’un des bâtiments s’est écroulé parce que nous ne nous sommes pas entourés des techniciens de la mairie avant de le construire. Nous ne savions même pas qu’il fallait le faire ». Cet argumentaire est trop facile, car s’il y avait eu des pertes en vies humaines, il n’aurait pas pu tenir la route en cas de procès. En effet, la célèbre phrase selon laquelle « nul n’est censé ignorer la loi », lui serait opposée et probablement l’APE aurait été condamnée pour « homicide » involontaire, voire volontaire.

Les meilleurs contrôleurs de la qualité des infrastructures scolaires sont le vent et la pluie

Cette démonstration doit servir de leçon à l’ensemble des APE qui s’investissent dans la réalisation des infrastructures scolaires pour que désormais, elles fassent les choses dans les règles de l’art. L’enjeu ici est la sécurité des élèves et en la matière, la moindre insouciance ne peut être tolérée. Cela dit, ce qui vient de se passer au lycée municipal Bogodogo, n’est pas isolé. C’est un phénomène que l’on peut observer sur l’ensemble du territoire national. En effet, l’on ne compte plus le nombre d’écoles nouvellement construites qui s’effondrent ou dont les toits sont arrachés sous l’effet des vents et des pluies. La récurrence du phénomène a amené certaines personnes à dire ironiquement que les meilleurs contrôleurs de la qualité des infrastructures scolaires sont le vent et la pluie. Et ils n’ont pas tort. En effet, bien des écoles nouvellement construites et réceptionnées après l’avis de techniciens, ont eu une durée de vie éphémère. Les cas sont légion au Burkina. Les enquêtes parlementaires ont déjà pointé du doigt cette triste réalité. En plus de cela, le ministre de l’Education nationale a été interpellé sur la question par les députés. Mais rien n’y fit. Rien ne semble arrêter le phénomène. Et l’on peut facilement imaginer pourquoi. En réalité, tout se ramène à la corruption et à l’impunité. En effet, la pratique est connue. Pour se voir attribuer un marché de construction d’école, il faut prendre d’abord le soin de « mouiller la barbe » à tous les acteurs qui interviennent dans la chaîne de passation des marchés publics. Après cette étape, il faut mettre un point d’honneur à s’acheter les bonnes grâces du contrôleur en charge du suivi du chantier. Si vous vous montrez généreux, ce dernier ne se donne pas la peine de se déplacer sur le chantier avant d’accorder un quitus à l’entrepreneur.
Résultat. Le chantier est massacré. Par endroits même, la construction s’arrête au niveau de la fondation. Le comble, c’est que ces genres d’entrepreneurs indélicats ne courent aucun risque d’être traduits en justice pour répondre de leurs actes. En réalité, tant que ces mauvaises pratiques vont durer, l’effondrement d’écoles nouvellement construites ne sera pas l’exception mais la norme. Car la cause est structurelle. Elle est liée à un système de gouvernance. Et ce système est tellement rôdé qu’il a encore de beaux jours devant lui. Ce grand manquement découle de la représentation qu’on fait de l’intérêt général. En effet, au Burkina en particulier et en Afrique en général, ce concept n’engage que ceux qui y croient. Ce qui fait l’objet de culte, c’est l’intérêt individuel. Dans ces conditions, notre pays ne peut que s’enliser dans le sous-développement. Mais comme cet état des choses fait l’affaire des gouvernants en particulier et de l’élite politico-administrative en général, l’on peut jurer que rien ne changera tant que les populations mêmes ne prendront pas leurs responsabilités.

Sidzabda


No Comments

Leave A Comment