HomeA la uneELECTIONS GENERALES EN ANGOLA : Dos Santos se retire pour mieux digérer

ELECTIONS GENERALES EN ANGOLA : Dos Santos se retire pour mieux digérer


Jour-J pour le rendez-vous des urnes aujourd’hui en Angola. En effet, à l’issue d’une campagne électorale relativement calme, les Angolais sont invités à départager les différents partis engagés dans la course pour la succession du président Eduardo Dos Santos. Le traditionnel duel entre les deux partis historiques qui ont rythmé la vie politique nationale angolaise, en l’occurrence le Mouvement populaire pour la Libération de l’Angola (MPLA) et l’Union pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA) est suivi aux aguets par de petites formations comme Cosa-Ce qui peut venir en troisième larron.
En attendant que les urnes livrent leur secret, on peut déjà se féliciter de la tenue de ces élections générales qui viennent confirmer la stabilité retrouvée pour un pays qui, pendant 27 ans, s’est déchiré dans une guerre fratricide qui s’est soldée par le macabre bilan de près d’un million de morts.

En décidant de se retirer, Dos Santos fait preuve d’un salutaire courage politique

Les Angolais apportent ainsi, si besoin en était, la preuve supplémentaire qu’ils veulent résoudre leurs contradictions par des débats politiques dans des cadres démocratiques républicains. L’autre motif de satisfaction, et pas des moindres, est que pour la 1ère fois depuis 1979, une consultation électorale se tient en Angola sans Eduardo Dos Santos qui a fait le choix de ne pas rempiler pour un énième mandat. En décidant de se retirer pendant qu’il est temps, le président Dos Santos fait preuve d’un salutaire courage politique et marque sa spécificité dans la mare des dictatures africaines où la norme, malgré l’hostilité du contexte international, consiste à se maintenir au pouvoir contre vents et marées. Cela dit, la décision du président sortant angolais de rompre les amarres est d’autant plus louable qu’il fait preuve d’une extraordinaire intelligence politique. Car, l’homme a soigneusement évité, comme on l’a vu sous d’autres cieux, de mettre sur orbite pour la présidentielle l’un de ses enfants qui, pourtant, appartiennent à la galaxie politique qui l’a jusque-là entouré. L’homme peut donc se retirer pour digérer ce qu’il a mangé pendant quatre décennies de pouvoir et mieux roter tout en tirant dans l’ombre les ficelles. Mieux, il peut se féliciter de s’être assuré des jours tranquilles, à l’abri de tout ennui judiciaire. De ce fait, il faut le dire, l’homme indique la voie à suivre aux autres dictateurs du continent.
Cela dit, il reste à espérer que ces élections se déroulent en toute transparence. Ce vœu est une exigence pour que les résultats qui sortiront des urnes reflètent véritablement la volonté populaire. C’est en tout cas le principal défi, car d’ores et déjà, l’opposition parle de graves irrégularités qui entachent le scrutin . En effet, l’UNITA s’est plaint, entre autres, de manœuvres d’intimidations à l’encontre de ses militants et sympathisants, d’achat massif de consciences et du refus de la structure chargée de l’organisation des élections de délivrer des accréditations à certains de ses représentants dans les bureaux de vote. Dans tous les cas, il importe que l’Angola qui a déjà subi les affres de la violence en politique, se donne les moyens pour que les résultats soient acceptés de tous.
Cela dit, quelle que soit l’issue de ce scrutin, le gagnant aura fort à faire. Car, Eduardo Dos Santos laisse derrière lui un pays où les défis demeurent énormes.

Tout laisse croire que le processus politique a été verrouillé

En effet, au plan politique, Eduardo dos Santos au pouvoir depuis 1979, a établi en Angola une dictature silencieuse. Son extrême longévité au pouvoir, fondée selon un rapport du Center for Strategic and International Studies « sur la promesse de la paix à une nation épuisée par la guerre, l’utilisation de la rente pétrolière pour garder l’élite du pays de son côté et une habile manipulation de l’opposition politique », en a fait un féroce prédateur des libertés démocratiques et individuelles. Il est, de ce fait, urgent pour le nouveau pouvoir qui va s’installer, d’opérer des réformes politiques audacieuses pour répondre aux aspirations du peuple angolais. Au plan socio-économique, la gouvernance du président sortant a fait de l’Angola l’un des pays les plus inégalitaires au monde. La rente pétrolière n’a bénéficié qu’à une minorité qui s’est enrichie sans limites, alors que la grande majorité des Angolais croupit dans la misère. Luanda, la capitale, classée ville la plus chère au monde, est le reflet de cet Angola à deux visages, avec un centre-ville grouillant de voitures et d’hôtels de luxe et des bidonvilles populeux aux allures de ghettos. Une image qui n’est pas sans rappeler les Tanga Nord et Tanga Sud des villes coloniales dépeintes par Eza Boto dans son roman « Ville cruelle ». Par ailleurs, l’ère Santos aurait fait de l’économie angolaise l’une des plus corrompues au monde. Là aussi, il y a urgence à agir pour reconvertir l’économie en la diversifiant et mieux répartir les fruits de la croissance.
Mais il ne faut pas trop se leurrer. Les chances que le nouveau régime fasse du Eduardo Dos Santos sans Eduardo Dos Santos sont grandes. En effet, tout laisse croire que le processus politique a été verrouillé de façon à établir en Angola une dynastie Santos. A preuve, la Constitution dispose que c’est la tête de liste du parti vainqueur aux législatives qui dévient le président. Or, quand on sait que c’est le fidèle ministre de la Défense d’Eduardo dos Santos, Joao Lourenço, qui est à la tête du parti et que ses enfants occupent la plupart des postes-clés, on ne peut que se résoudre à admettre que le jeu est déjà pipé. Le nouveau président sera donc un produit du système et travaillera sans nul doute à le pérenniser. Mais c’est déjà cela de gagné que le pays, avec cette élection, puisse tourner la page en renvoyant aux oubliettes les deux noms Dos Santos et Savimbi, qui ont hanté le sommeil de plusieurs générations d’Angolais.

« Le Pays »


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