HomeA la uneELECTIONS GENERALES AU SOUDAN : Le scrutin de légitimation de la dictature

ELECTIONS GENERALES AU SOUDAN : Le scrutin de légitimation de la dictature


Les Soudanais ont été appelés hier, 13 avril 2015, aux urnes et ce, durant trois jours, pour  élire leur président, mais aussi leurs députés et les représentants des régions. Mais ce scrutin n’est qu’une formalité puisque le vainqueur est connu d’avance. En tout cas, tout bon observateur de la scène politique soudanaise ne doute pas un seul instant que Omar el-Béchir sera réélu. Certes, quinze autres candidats sont dans les starting-blocks mais ils ne sont, en réalité, que des candidats-motards, c’est-à-dire des accompagnateurs. L’absence de figures emblématiques à la compétition, comme Hassan al-Tourabi du Congrès populaire ou de Sadek al-Mahdi du parti Ouma en exil, ouvre un boulevard à Omar el-Béchir. Et il n’en demandait pas mieux. D’ailleurs, il aura manœuvré pour  qu’aucun de ces candidats sérieux ne puisse prendre part à la présidentielle. Pour preuve, le dialogue politique que l’opposition a longtemps réclamé à cor et à cri n’a jamais eu lieu. Et ce n’est pas demain non plus que Béchir sera disposé à écouter son opposition.  Pour tout dire, ces consultations électorales ne sont rien moins qu’une légitimation de la dictature. Cela est d’autant plus vrai qu’Omar el-Béchir qui dirige le pays depuis plus d’un quart de siècle, d’une main de fer, n’entend pas lâcher le pouvoir ni en céder la moindre parcelle à l’opposition.  Il veut régner ad vitam aeternam pour ne pas avoir à rendre compte demain. Faut-il le souligner, Omar el-Béchir est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Il sait, mieux que quiconque, que le jour où il ne sera plus au pouvoir, il sera cueilli comme un fruit mûr. Mais tant qu’il est aux affaires, il continuera de jouir de l’impunité car ses pairs africains ne sont pas prêts à le livrer à la CPI. C’est donc peu de dire que le Soudan fait partie des pays où l’alternance est piégée.  En tout cas, tant que Béchir sera en vie, il ne faut pas rêver d’alternance au Soudan. A quoi bon d’ailleurs organiser des élections au Soudan tant que Béchir sera là ? Puisque ce ne serait que de la pure comédie.

Le Soudan fait pitié

Sans renier le droit de vote aux Soudanais, on aurait pu se passer de ces élections. Ce qui aurait eu l’avantage d’économiser l’argent du contribuable et de le réinvestir dans des domaines comme ceux de l’éducation et de la santé, qui ne sont pas les mieux lotis au  Soudan. Khartoum aurait pu éviter de montrer à travers ce scrutin, son hideux visage démocratique au reste du monde. Mais autant il faut dénoncer l’autocratie de Béchir, autant il faut condamner le comportement de l’élite soudanaise. Car, au lieu de défendre les valeurs démocratiques, elle a préféré se mettre au service du satrape. Et c’est dommage pour le Soudan, mais aussi pour l’Afrique. On a le sentiment que pour juste quelques rubis, certains intellectuels africains sont prêts à fermer les yeux sur les pires monstruosités des dictateurs.  Sinon comment comprendre qu’Omar el-Béchir qui a fait la preuve de son incapacité à gérer la crise soudano-soudanaise, en l’occurrence celle du Darfour, à construire un Etat démocratique, puisse s’entourer d’intellectuels qui l’accompagnent dans sa forfaiture ? Le Soudan fait pitié, car il n’a jamais eu depuis son accession à l’indépendance, un civil à sa tête pour proposer une autre forme de gouvernance que celle kaki.  Rappelons si besoin en est, qu’avant Omar el-Béchir, le Soudan a vécu sous la férule de la soldatesque pendant plusieurs décennies. Si bien que jusque-là, il n’y a pas une société civile forte, bien structurée, à même d’inquiéter le prince régnant.  Or, dans un pays où la société civile n’existe que de nom, il est difficile voire impossible de voir émerger les valeurs démocratiques.

Dabadi ZOUMBARA


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