HomeA la uneENIEME MANIF DE L’OPPOSITION EN RDC : Il en faut plus pour inquiéter Kabila

ENIEME MANIF DE L’OPPOSITION EN RDC : Il en faut plus pour inquiéter Kabila


Il y a un an, jour pour jour, que le second et dernier mandat du président Joseph Kabila prenait fin conformément à la loi fondamentale du pays. Mais rusant avec les textes, les hommes et le temps, l’occupant du palais de marbre de Kinshasa est parvenu à proroger de plus de deux ans son règne. Mais pour Félix Tshisékédi et ses compagnons de lutte, il faut siffler la fin de la récréation. Aussi ont-ils appelé leurs militants à descendre de nouveau dans la rue, à travers une marche dite de « sommation » pour réclamer la tenue des élections conformément à l’accord de la Saint-Sylvestre, c’est-à-dire avant la fin 2017 et non pas en 2018 comme le prévoit le calendrier publié par la CENI. Mais en face, le pouvoir n’a pas hésité à bander les muscles, estimant que les revendications de l’opposition sont caduques dans la mesure où, selon André Kimbuta, gouverneur de Kinshasa, « la CENI a déjà fixé l’opinion nationale et internationale sur la publication du calendrier électoral ».

Est-ce l’opposition congolaise qui est trop faible ou le pouvoir de Kabila qui est trop fort ?

Autrement dit, pour lui, continuer de réclamer des élections fin 2017 alors que l’Eglise catholique et la communauté internationale se sont ralliées, même avec des réserves, à ce calendrier, serait anachronique. La manif a été de ce fait interdite et comme il fallait s’y attendre, les heurts étaient inévitables. Les opposants, bravant l’interdit, étaient dans la rue mais les matraques et le gaz lacrymogène y étaient également. C’est donc à une nouvelle journée de tensions et de violences, comme en sont devenus coutumiers les Congolais depuis le rêve de règne à vie de Joseph Kabila, qu’il a été donné d’assister hier, 19 décembre. Mais on le sait, il faut plus que des courses-poursuites entre manifestants et forces de l’ordre pour ébranler Kabila. Et la question que l’on peut se poser est de savoir si c’est l’opposition congolaise qui est trop faible ou si c’est le pouvoir de Kabila qui est trop fort. En tout cas, on peut le dire, l’opposition congolaise s’est considérablement affaiblie. Qu’elle est révolue l’époque où le Rassemblement de l’opposition, sous la conduite du vieux Etienne Tshisékédi, donnait des insomnies au régime en place ! Mais depuis la disparition du Sphinx de Limeté, le troupeau, privé de son berger, semble égaré et comme pour ne pas arranger les choses, s’autodétruit avec des querelles intestines alimentées par des ego surdimensionnés. A cette guerre fratricide, viennent s’ajouter les effets démobilisateurs du pilotage à vue, doublé d’une absence criarde d’organisation. L’on ne peut non plus passer sous silence les comportements des leaders du mouvement, qui brillent souvent par leur absence à certaines manifestations. Cela dit, il faut aussi reconnaître qu’en décidant de se maintenir au pouvoir, Kabila est prêt à tout, y compris à marcher sur les cadavres de ses compatriotes, aidé en cela par une armée féroce et brutale, qui lui est totalement acquise. L’on garde encore en mémoire les scènes apocalyptiques de la répression du 19 septembre 2016, qui se sont soldées par pas moins d’une cinquantaine de morts. Ni donc le sang des Congolais ni les sanctions internationales ne semblent en mesure d’infléchir ce jeune homme dont le cœur s’est endurci à mesure que la boulimie du pouvoir s’est emparée de son âme.

La manif de ce 19 décembre n’est pas un simple coup d’épée dans l’eau

En tout état de cause, quel que soit le regard que l’on porte sur la scène politique congolaise, le sentiment que l’on peut avoir est que l’opposition semble avoir perdu la boussole et seul Kabila reste maître du navire. Et il faut craindre que le bonus qu’il s’est octroyé, ne lui serve à d’autres manœuvres destinées à prolonger indéfiniment son bail à la tête de l’Etat. Car, sait-on jamais ? Dans une RDC où la mise sous éteignoir de la Constitution a ouvert la porte à une zone de non-droit, tout est devenu possible. Mais l’opposition devrait-elle pour autant se résigner et laisser faire? Assurément non ! Elle doit faire son autocritique afin de mieux s’organiser pour repartir du bon pied. Elle doit, par exemple, trouver des thèmes plus mobilisateurs au lieu de s’arcbouter à des revendications qui relèvent plus de l’utopie et de la surenchère politique comme la tenue de l’élection en fin 2017. Et c’est en cela d’ailleurs que l’on peut penser que la manif de ce 19 décembre n’est pas un simple coup d’épée dans l’eau, parce qu’elle pouvait participer non seulement à maintenir la flamme de la mobilisation, mais aussi contribuer à maintenir la pression sur Kabila et attirer le regard de la communauté internationale sur ce prédateur des principes démocratiques.

« Le Pays »


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