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ENLEVEMENT DE JEUNES FILLES AU NIGERIA La presse mauvaise conscience de l’armée


Un bouc émissaire de choix pour l’armée nigériane, c’est le moins que l’on puisse dire au regard de la pression dont est victime la presse au Nigeria. En effet, le 6 juin dernier, l’armée a saisi les éditions de quatre journaux et empêché la distribution d’un hebdomadaire dans plusieurs régions du pays. Des soldats se sont introduits sur les principaux sites de distributions de trois journaux à savoir The Nation, The Leadership, Punch et Nation, semant ainsi la peur-panique. En tout cas, la scène était indigne d’une nation démocratique, tant elle rappelle la période de l’Inquisition.

 

La presse,  apparaît comme la mauvaise conscience de l’armée nigériane

 

L’armée nigériane semble se tromper de combat. Elle voudrait se montrer compétente qu’elle s’y prendrait autrement ; en allant notamment à l’assaut de la secte islamiste Boko Haram qui, en plus d’avoir enlevé des centaines de mineures, a réussi à incendier des villages entiers au Nord du Nigeria. Ce que l’opinion nationale et internationale attend aujourd’hui de l’armée nigériane, c’est beaucoup moins des actions d’éclat que la libération de ces pauvres filles. En fait, on ne le sait que trop bien : la presse, depuis un certain temps, apparaît comme la mauvaise conscience de l’armée nigériane, parce qu’elle ne rate jamais la moindre occasion pour tirer à boulets rouges sur elle. Corruption, affairisme, utilisation de locaux militaires à usage personnel par des officiers, ce sont autant de maux que la presse nigériane n’a de cesse de dénoncer. Ce qui lui vaut d’être vouée aux gémonies par une armée qui, comme à l’époque de l’autodafé, a décidé d’envoyer des éditions entières au bûcher. Un tournant qui traduit l’aveu d’impuissance de l’armée nigériane face à Boko Haram. Au fait, cette situation rappelle mutatis mutandis le cas du Mali où au temps fort de la guerre contre les djihadistes dans le massif montagneux des Ifoghas, les autorités avaient accusé la presse de vouloir saper le moral des troupes. La suite, on la connaît. Si dans le cas d’espèce du Nigeria, on peut se féliciter de ce qu’aucun journaliste n’ait été jusque-là écroué, il en va autrement pour le Mali où le journaliste mis en cause a été jeté en prison tel un malpropre.

 

En s’en prenant à la presse, l’armée nigériane fait de la pure diversion

 

On aurait accusé la presse nigériane de diffamation que l’on aurait pu comprendre ; mais l’accuser de vouloir saper le moral des troupes, cela paraît pour le moins invraisemblable et ridicule. Est-ce la presse qui incite Boko Haram  à tirer à l’aveuglette ? Est-ce la presse qui a installé la corruption au sein de l’armée nigériane au point que certains officiers se livrent à une guerre de leadership sans merci ? Non ! L’incompétence de l’armée nigériane face à Boko Haram est connue de tous et ce au-delà même des frontières du Nigeria. N’est-ce pas la preuve d’un échec ou d’une incompétence si des civils ont décidé de  se constituer en comités d’auto-défense pour lutter contre les islamistes de Boko Haram et assurer ainsi leur propre sécurité ? N’est-ce pas aussi l’expression d’une impuissance si plus d’un mois après le rapt des jeunes filles, l’armée nigériane n’est pas en mesure de les localiser à plus forte raison de les libérer ? C’est dire donc qu’en s’en prenant à la presse, l’armée nigériane fait de la pure diversion. On se rappelle aussi que peu avant cette fatwa contre la presse, les autorités avaient interdit avant de se raviser, une marche-meeting du mouvement Bring back ours grils (Ramenez-nous nos filles). Visiblement gênée aux entournures et manifestement incapable face aux attaques répétées de Boko Haram, l’autorité nigériane semble avoir jeté  son dévolu sur tous ceux qui, constamment, lui rappellent ses responsabilités. Malheureusement, elle oublie que ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on fait baisser la fièvre.

 

Boundi OUOBA


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