HomeA la uneERIC BOUGOUMA, MINISTRE DES INFRASTRUCTURES : « Ce que reversent les entreprises bénéficiaires de contrats au ministère, n’est pas ma trouvaille »

ERIC BOUGOUMA, MINISTRE DES INFRASTRUCTURES : « Ce que reversent les entreprises bénéficiaires de contrats au ministère, n’est pas ma trouvaille »


Les uns l’appellent « Eric Bulldozer », les autres disent de lui qu’il dirige son département avec la bible tandis que certains le considèrent comme le « Joker de Roch ». Le ministre des Infrastructures, Eric Wendenmanegha Bougouma, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est constamment sous les feux de la rampe. Dans l’interview qu’il a bien voulu nous accorder, première du genre, il revient sur la critique faite par l’opposition politique selon laquelle le pouvoir actuel revendique la paternité de certains chantiers alors que, dit-elle, il s’git de projets ficelés sous le régime de Blaise Compaoré. Et ce n’est pas tout. Eric Bougouma répond à ceux-là qui l’accusent d’avoir construit, aux frais du contribuable, à l’instar de son ancien homologue, Jean Claude Bouda, un bunker dans son village. Lisez !

 

« Le Pays » : Comment se porte Éric Bougouma?

 

Eric Bougouma : Merci pour l’intérêt porté à ma modeste personne. Par la grâce de Dieu, je me porte très bien.

 

Vous avez tenu votre CASEM du 7 au 9 février dernier. Quel bilan faites-vous de votre action depuis votre nomination à la tête du ministère des Infrastructures ?

 

Faire le bilan du ministère des Infrastructures en référence à ma personne, c’est faire preuve d’orgueil. Bon nombre de réalisations dans le domaine des infrastructures ont été engagées et certaines même achevées. Ce travail est à mettre à l’actif de l’ensemble des travailleurs du ministère des Infrastructures ainsi que de nos partenaires techniques et financiers. C’est grâce à l’implication des uns et des autres que nous parvenons à obtenir des résultats pour le désenclavement de notre pays. Même s’il reste encore du travail pour atteindre voire dépasser nos objectifs,  je n’ai aucune gêne par rapport à ce qui est déjà fait. Nous avons achevé, à ce jour, 464 Km de routes bitumées auxquelles il convient d’ajouter la route Dédougou-Tougan qui vient d’être achevée, 570 km en cours de réalisation et 850 km de routes en instance de démarrage. A terme, notre pays aura 1884 km additionnels de routes bitumées, soit un accroissement de la proportion de routes revêtues de 24% à plus de 35%. Il y a également 712 km de voirie qui seront aménagés. Il faut savoir que la route engendre sur son parcours des projets de forages, d’écoles, de dispensaires et bien d’autres infrastructures et d’équipements. Nous avons abattu un travail colossal et nous poursuivons dans la dynamique du désenclavement de nos régions par la route. C’est le lieu, pour moi, de féliciter l’ensemble du personnel du ministère des Infrastructures et de leur exprimer ma satisfaction à travailler avec eux.

 

Le chef de file de l’opposition dit que vous revendiquez la paternité de certains chantiers alors qu’il s’agit de projets ficelés par le régime de Blaise Compaoré. Qu’en dites-vous ?

 

Je n’ai jamais, à titre personnel, revendiqué la paternité de quoi que ce soit. J’explique ce que nous faisons au ministère des Infrastructures et je dis ce qui est fait en application du programme du président Roch Marc Christian Kaboré et selon ma lettre de mission. Que certains de l’opposition fassent des interprétations à dessein sur ce que je fais ou dit, c’est leur droit. Je reste convaincu qu’une chose est de ficeler des projets au nom du peuple et une autre est de les réaliser entièrement pour le peuple.

 

Certains de nos confrères ont plusieurs fois traité de cas de malversations financières dans certains services de votre ministère. Pouvez-vous revenir sur ces  accusations ?

 

J’ai un profond respect pour la presse dont le travail est indispensable à l’ancrage du pluralisme et de la démocratie. Nous sommes en politique et si au début, j’étais surpris par l’acharnement, maintenant je comprends mieux. Comme je l’ai déjà dit à d’autres occasions, le ministère des Infrastructures ouvre ses portes à toute instance de contrôle de notre pays. J’ai demandé à mes collaborateurs d’être disponibles à tout média qui souhaiterait avoir des informations et/ou des explications sur tel ou tel projet dans toute la mesure du possible. Que faire de plus ? Mon seul but est de réussir la mission que le Président Roch Marc Christian Kaboré m’a confiée. Je sais qu’on ne peut pas plaire à tout le monde et d’ailleurs, je ne cherche pas à plaire. Je cherche à bien faire mon travail.

 

Il avait été question, dans la presse, de retro commission exigée par votre ministère aux entrepreneurs bénéficiant de contrats d’exécution de marchés. Vrai ou faux ?

 

Il faut noter que je ne suis pas le premier ministre des Infrastructures du Burkina. C’est dire qu’avant moi, le ministère existait avec ses méthodes de fonctionnement. J’ai donc pris la tête d’un ministère dont le fonctionnement est régi par des textes conventionnels et contractuels. Ce que reversent les entreprises bénéficiaires de contrats au ministère des Infrastructures, n’est pas une trouvaille de Eric Bougouma mais une pratique bien plus ancienne à ma nomination. Ces versements ne sont pas faits auprès de moi et je ne vois pas la couleur d’un quelconque versement qu’un entrepreneur aurait fait au sein du ministère. J’ai, moi-même, mis du temps à comprendre certaines dispositions des contrats routiers, en particulier celles qui prévoient la prise en charge de certaines charges par l’entreprise ou la mission de contrôle : appuis institutionnels, fourniture de véhicules, de carburant, de matériels informatiques, frais d’homologues, etc.Cette prise en charge est destinée à assurer la bonne exécution des projets et est pratiquée par tous les partenaires techniques et financiers, chacun dans la limite de ce qu’autorisent les procédures internes.  Il ne s’agit pas de rétro commissions.

 

Y-a-t-il des reversements en espèces ?

 

Oui, malheureusement. J’ai donnné des instructions pour  cela cesse, je demande aux entreprises de ne plus faire de versements en espèces. J’ai également demandé aux services en charge de réceptionner ces versements de n’accepter que des chèques. Tout appui financier prévu dans une convention ou un marché doit obéir aux règles et être géré dans un compte Trésor. Depuis 2017, grâce au concours de l’ASCE que j’ai demandé, nous évoluons favorablement sur cette question. Tout n’est pas encore au point mais les choses vont dans le bon sens.

 

Il semble que certains de ces reversements vont à un « panier commun » que vous avez créé.

 

Le dialogue social au sein du ministère a, en effet, permis de mettre en place un panier commun des frais d’homologues afin d’établir une équité dans le système de motivation des agents. A mon arrivée au ministère des Infrastructures, des cadres de même niveau percevaient, par exemple, du carburant et même des indemnités appelées « frais d’homologues » de niveau très disproportionné. Deux Directeurs généraux pouvaient percevoir l’un 4 000 000 et l’autre 40 000 F CFA.Cela est maintenant réglé, même s’il subsiste des difficultés. Je ne comprenais pas du tout ce système de motivation mais il y a là une spécificité des projets routiers qui existe dans quasiment tous les pays en développement.

« Je vis depuis plus de 10 ans, dans une maison construite grâce à mon prêt bancaire, avec ma femme et nos trois enfants »

 

Des bruits de couloir laissent entendre que des agents de votre ministère auraient pris des pots-de-vin pour attribuer des marchés à des entrepreneurs, notamment sur les projets de pistes rurales. N’est-ce pas là des actes répréhensibles ?

 

Ces bruits de couloir me sont parvenus récemment. J’ai laissé entendre que si ces faits étaient avérés, les responsables répondront seuls de leurs actes et cela, sans aucune complaisance. J’ose espérer que ces bruits ne sont pas fondés. Il est vrai que partout, il y a des brebis galeuses mais j’ai confiance en la majeure partie des agents du ministère des Infrastructures.  Ils sont nombreux ces femmes et ces hommes qui ne rechignent pas devant le travail et qui s’impliquent ardemment pour que les projets du ministère aboutissent. C’est un ministère d’hommes et de femmes de courage. Notre devoir est de faire en sorte que les quelques brebis galeuses ne sapent pas tout le travail que nous faisons.

 

Récemment, il a été révélé que vous avez construit, tout comme votre ex-collègue ministre Jean Claude Bouda, un bunker dans votre village. Est-ce vrai ?

 

(Rires). Je vis depuis plus de 10 ans, dans une maison construite grâce à mon prêt bancaire, avec ma femme et nos trois enfants.La maison dont la presse parle n’est pas la propriété du ministre Eric Bougouma.A ceux qui, tapis dans l’ombre, organisent ces campagnes de dénigrement de ma personne, je leur souhaite beaucoup de courage.

Quels sont les projets les plus importants qui vous restent avant 2020 ?

 

Nos projets vont au-delà de 2020. Dans le cadre de la sauvegarde du patrimoine routier, le gouvernement a contracté un prêt de  30 milliards de Francs CFA auprès de la Banque ouest- africaine de développement, pour le financement partiel de la tranche prioritaire du programme d’entretien routier 2017-2019. Ce programme va concerner la réhabilitation et la construction de plusieurs voiries. Dans le cadre du développement du réseau routier national et de la sauvegarde du patrimoine routier national, le ministère des Infrastructures, à travers le FSR-B, a contracté auprès d’un Pool de banques de la place un prêt de 100 milliards de F CFA pour le financement de plusieurs projets routiers, notamment la construction d’un pont à Ramsa sur la RN15, le bitumage de 374 km de routes dans l’Est et j’en passe.Avec la reprise des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine, plusieurs projets de grande envergure ont été soumis aux partenaires chinois.

N’avez-vous pas le sentiment que la question sécuritaire anéantit les efforts du gouvernement et met en échec votre parti le MPP ?

 

Non ! La question des attaques terroristes est un défi lancé à l’ensemble du peuple burkinabè. C’est une épreuve difficile que nous traversons et que nous surmonterons. Aucun peuple n’a obtenu sa liberté, nul pays au monde ne s’est bâti sans traverser des épreuves douloureuses.D’ailleurs, le Président du Faso marche au-devant de la lutte contre le terrorisme et les décisions prises aideront à sortir de la tourmente et à poursuivre la marche du pays en avant.La question sécuritaire est un défi pour l’ensemble du peuple burkinabè. Notre pays n’est pas le seul à y faire face et c’est dans l’union que nous réussirons. De ce point de vue, le MPP n’a pas échoué. C’est le peuple tout entier qui risque d’échouer si nous ne nous mobilisons pas tous contre le terrorisme.

 

L’opposition semble se préparer de manière concertée pour les élections de 2020. Cela ne vous fait-il pas peur ?

 

Vous savez, le MPP est un parti porté par des hommes d’expérience. Que l’opposition s’organise, c’est normal et je ne vois pas en quoi nous devons avoir peur. Nous avons fait un travail formidable et les Burkinabè jugeront au soir des élections. Pour ma part, tout cela est encore loin. Le président Roch Marc Christian Kaboré est un homme pondéré, un homme de parole et de conviction qui s’est donné pour mission d’offrir au Burkina un nouvel élan pour un développement certain et je crois que le pari est sur le point d’être tenu. C’est aussi peut-être pour cela qu’il y a une émulsion dans les rangs de l’opposition.

Aimeriez-vous ajouter autre chose ?

 

Je voudrais vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer et féliciter la presse en général pour le travail qu’elle fait au quotidien. Je réitère ici mon souhait d’un Burkina plus fort et davantage déterminé dans l’unité à porter son développement. Je suis certain que la voie de développement empruntée par le Président Roch Marc Christian Kaboré est la bonne.

 

Entretien réalisé par Boundi OUOBA

 

 


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