EVACUATION DES ILES DU LAC TCHAD POUR LUTTER CONTRE BOKO HARAM : L’armée nigérienne passe à l’offensive

L’armée nigérienne semble déterminée à en finir avec la secte islamiste Boko Haram dans les îles du Lac Tchad. C’est, du moins, l’impression qu’elle donne à travers l’ultimatum lancé aux populations de cette zone, de déguerpir afin de lui laisser le champ libre pour mener des opérations d’envergure contre la nébuleuse islamiste. Mais en disant aux populations que celles qui ne quitteraient pas les îles avant l’expiration de l’ultimatum, seraient considérées comme des membres de Boko Haram, le gouverneur de Diffa se rend-il compte que l’opération pourrait se révéler périlleuse ? Car, de toute évidence, ordonner à des populations dont certaines sont dans le dénuement total, de quitter leurs habitations sans mettre en place un dispositif conséquent pour leur évacuation, c’est envoyer certaines personnes à l’abattoir. Et l’ONU a raison de s’inquiéter de la situation humanitaire de ces déplacés dont le nombre s’élève déjà à plus de 25 000 personnes. D’ailleurs, le bilan dressé une semaine après le début de l’opération est fort inquiétant. En effet, selon la mission d’observation des droits de l’Homme à Diffa, plus d’une dizaine de déplacés auraient péri pendant le trajet, jugé très pénible. Il est certes bon de combattre Boko Haram. Mais était-ce nécessaire de mener une telle opération avec tous les risques que cela comporte? Au-delà du fait que cette opération endeuille de nombreuses familles, Boko Haram pourrait trouver là, l’occasion d’infiltrer d’autres localités. Cela est d’autant plus vrai qu’elle a déjà réussi à démentir les autorités nigériennes qui avaient annoncé que cette vermine ne parviendrait pas à s’installer sur leur sol. En tout cas, si l’armée nigérienne tient à réussir cette opération, il lui faudra revoir les conditions d’évacuation. L’armée tchadienne qui a repris le contrôle de nombreuses villes nigérianes, n’a pas eu besoin d’évacuer les habitants de ces localités avant de les reprendre. Comme le dit l’adage, chat échaudé craint l’eau froide.

La stratégie de l’armée nigérienne est un couteau à double tranchant

L’armée nigérienne a récemment subi de lourdes pertes face à Boko Haram sur l’île de Karamga. On se rappelle que l’attaque avait coûté la vie à 46 soldats et à 28 civils nigériens et 32 personnes avaient été portées disparues. Et l’onde de choc de cette terrible attaque continue d’avoir un effet psychologique sur l’armée nigérienne. Il est donc compréhensible qu’elle soit prudente, qu’elle cherche à prendre toutes les précautions nécessaires avant de livrer bataille aux fous d’Allah. Surtout qu’ils ont réussi à écumer les îles. En somme, l’armée nigérienne donne l’impression de vouloir être suffisamment sur ses gardes, se disant quelle n’a plus droit à l’erreur. Elle ne veut plus se laisser surprendre par l’ennemi. Et la meilleure solution pour elle, c’est d’évacuer les îles de leurs habitants pour être sûre qu’elle n’aura à combattre que des éléments de Abubakar Shekau. Reste que sa stratégie est un couteau à double tranchant. L’opération peut lui permettre de faire le ménage dans les îles du Lac Tchad certes. Mais elle pourrait aussi lui compliquer davantage la tâche. Car, il n’est pas exclu que, sentant le danger venir, ces « illuminés » utilisent certains habitants des îles comme boucliers humains. On le sait, les hommes de Abubakar Shekau sont des combattants sans foi ni loi. Certes, ils n’ont plus leur puissance de frappe d’antan, mais ils sont toujours capables du pire. En tout cas, l’armée nigérienne doit mettre les bouchées doubles car comme le dit l’adage, « un lion, même édenté, fait peur ».

Dabadi ZOUMBARA