HomeA la uneEXHUMATION DES RESTES DE THOMAS SANKARA : Les morts parleront-ils plus que les vivants ?

EXHUMATION DES RESTES DE THOMAS SANKARA : Les morts parleront-ils plus que les vivants ?


 

Le mensonge a beau courir, la vérité finit par le rattraper. Un proverbe qui colle parfaitement à la situation sociopolitique du Burkina, marquée en ce moment par la réouverture du dossier Thomas Sankara. Après 28 ans de mensonges, de pressions et de manipulations, le dossier du père de la Révolution burkinabè est enfin sur la table d’un juge d’instruction. Ce qui est déjà, en soi, une victoire du peuple burkinabè, car il a fallu, pour en arriver là, toute la foi inébranlable d’une nation, la patience de la famille, la détermination des avocats de la famille, et surtout, l’accélération de l’histoire qui a débouché sur la fuite de Blaise Compaoré, ancien compagnon de Sankara et soupçonné d’être à la base de cette tragédie du 15 octobre  1987. Bien sûr, la réouverture du dossier ne signifie pas la fin des obstacles et la famille Sankara, de même que tous les révolutionnaires et tous les sympathisants de Sankara, va devoir faire preuve de patience avant de connaître   la vérité sous toutes ses coutures et sur toute la ligne.  Qu’à cela ne tienne. La réouverture de ce dossier épouse le slogan désormais en vogue au pays des hommes intègres, à savoir que  désormais, plus rien ne sera comme avant. Si les hommes à qui a été confiée la lourde charge de faire la lumière sur les 27 années d’opacité sur cette affaire, se montrent vraiment à la hauteur, aussi bien du point de vue de l’éthique que de celui du professionnalisme, il ne reste plus alors qu’à croiser les doigts et à souhaiter que les morts soient plus loquaces que les vivants. Il faut espérer que les vêtements ainsi que les ossements récupérés par les experts, permettent enfin au peuple de mettre des noms et des visages sur les personnes qui ont pris sur elles la responsabilité d’anéantir le rêve de toute une génération. En attendant, cette exhumation est, comme l’a reconnu Mariam Sankara, « l’occasion de commencer officiellement le deuil ». Cela dit, s’il est vrai que cette exhumation apporte un réel soulagement, il reste néanmoins que c’est un soulagement teinté de frissons, d’indignation et même de révolte.

Il faut être naïf pour croire que ce dossier ira jusqu’à son terme, sans qu’il y ait des tentatives de manipulations diverses

En effet, les premiers constats faits par l’équipe chargée de l’exhumation, révèlent notamment que les ossements présumés de l’ex-leader burkinabè ont été retrouvés à seulement 45 cm de profondeur. Et c’est pratiquement le même sort qui a été réservé à ses compagnons. C’est sans doute la première fois dans l’historie de ce pays, et même  dans l’histoire des peuples d’Afrique, très respectueux des morts, que la dépouille d’un homme est « enterrée » à 45 cm. Ce n’est pas cela qu’on appelle dernière demeure, même pour un clochard, même pour un assassin, à plus forte raison pour un ancien chef d’Etat. Ceux qui ont posé cet acte ignoble ne méritent pas d’être appelés humains. Mais c’est peut-être aussi pour cela que les fantômes de ces morts sont en train de les rattraper aujourd’hui. Du reste, le capitaine Sankara l’avait lui-même dit : « La vie des grands hommes se termine très souvent par une tragédie. Et comme toujours, ce sont des individus minables qui sont à l’origine de cette tragédie ». S’il se confirme que les ossements retirés de la supposée tombe  de Sankara sont vraiment les siens, ceux qui ont ainsi traité ces morts, confirment qu’ils sont vraiment des minables.

Cela dit, de l’espoir suscité par l’exhumation des corps, à la manifestation de la vérité attendue par le peuple, il y a loin. Le chemin s’annonce long d’autant plus que certains acteurs ou complices de cette tragédie du 15 octobre 1987, sont encore vivants et feront certainement tout pour empêcher l’éclatement de la vérité. Parmi eux, il y a sans doute le médecin qui a signé l’acte de décès de Thomas Sankara et qui l’avait déclaré décédé de mort naturelle.

Il faudra expliquer comment un chef d’Etat mort d’une mort naturelle, a été enterré à 45 cm dans le sol et à même le sol. Bref, il faut être bien naïf pour croire que ce dossier ira jusqu’à son terme, sans qu’il y ait des tentatives de manipulations diverses. Déjà, la présence d’un expert français contribue à relativiser l’optimisme des Burkinabè.

Normal, ce qui s’est passé avec le dossier du juge Salifou Nébié est encore frais dans les mémoires. Or, comme le dit l’adage, « chat échaudé craint l’eau froide ».

Dieudonné MAKIENI


Comments
  • Bien la durée de la nuit il finira a faire jour.la soif de vérité bien attendue depuis un siècle par les burkinabè,est enfin sur une bonne voie. Vive le peuple,vive les burkindis

    28 mai 2015
  • un article de belle facture peut être un des meilleurs parmi les meilleurs. Il est bref mais fais bouger les cheveux de la plupart des burkinabé.
    Comme on le sait, personne n”est au dessus de la vérité quelque soit sa force car la vérité est Dieu lui même. La vérité est comme une boule de feu qu’on tente de cacher dans une couverture en coton. Elle se fera savoir de la plus belle de manière. Je crois que notre pays n”a pas encore fini d’écrire les belle page de l’histoire qu’il a entamé il y a bien longtemps. Vive le peuple du burkina faso. Que Dieu benisse notre pays

    28 mai 2015

Leave A Comment