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 FETE DU 11 DECEMBRE


Vous avez dit «bonne gouvernance et équité sociale» ?

Les Burkinabè de l’intérieur auront les regards tournés demain vers Manga, la capitale de la région du Centre-Sud, puisque c’est là-bas que l’Etat a décidé d’organiser cette année la cérémonie commémorative du 58e anniversaire de l’indépendance de notre pays. Ce sera sans doute et comme de coutume, une journée riche en symboles et en couleurs avec comme point d’orgue, l’impressionnant défilé civilo-militaire qui sera présidé par Roch Marc Christian Kaboré, président du Faso et chef suprême des armées. Mais à dire vrai, le cœur de la majorité des Burkinabè ne sera pas à la fête, en raison des crises protéiformes qui minent le pays, notamment sur le plan sécuritaire avec des attaques tous azimuts perpétrées par des individus encagoulés, et sur le plan économique se traduisant par une morosité ambiante des affaires et une rationalisation drastique des finances publiques qui préfigure une année 2019 de feu, aussi bien pour le gouvernement que pour ses partenaires sociaux, notamment de la Fonction publique. Pour autant, l’Etat « ne pouvait pas ne pas aller à Manga » à seulement deux ans de la prochaine élection présidentielle, puisque le Centre-Sud est une région à fort potentiel électoral et à enjeu majeur surtout pour le parti au pouvoir qui, pour rien au monde, ne prendrait le risque de frustrer les populations de cette partie du pays qui sont très loin de lui être entièrement acquises. Vaille que vaille donc, la fête de l’indépendance sera célébrée demain dans la cité de l’épervier sous le thème : «bonne gouvernance et équité sociale pour une union forte et prospère», thème qui constituera d’ailleurs le plat de résistance du traditionnel discours à la nation du chef de l’Etat ce soir, depuis son pied-à-terre de Manga. Plus que les activités commémoratives prévues pour demain et que d’aucuns qualifient de folkloriques, c’est l’adresse à la nation du président du Faso qui sera scrutée à la loupe, car les défis et les attentes sont énormes et croissent de façon exponentielle au fur et à mesure qu’il s’achemine vers la fin de son premier mandat.

Des gages doivent être donnés

Il devra donc sortir des sentiers battus et des propos convenus pour être le plus factuel possible, tout en évitant la langue de bois s’il veut être écouté et compris par le peuple, car en ces temps de crise et d’horizon obscurci par des difficultés de tous ordres, le boniment ou l’hypocrisie faciles en périodes de stabilité économique et sécuritaire n’ont pas droit de cité. Le concept du « plus rien ne sera comme avant » épousé par la majorité des Burkinabè au lendemain de l’insurrection populaire doit être enfin matérialisé dans le discours du Président à travers des annonces fortes et sans ambiguïté, au lieu de nous ressasser comme d’habitude et en pareille circonstance, des propos incongrus et incohérents, qui vont du simple maquillage de la réalité jusqu’à sa déformation totale. Monsieur le Président, abstenez-vous par exemple, de dire aux Burkinabè que l’Administration publique est gangrenée par la corruption et la concussion, et par l’absence d’éthique et de l’appropriation personnelle de la chose publique. Ça, même le Yarga colporteur de Zéguédéguin le sait déjà ! De grâce, n’insistez pas non plus sur les conséquences fâcheuses du terrorisme sur notre économie et sur la cohésion nationale. C’est connu déjà ! Dites-nous plutôt quelles sont les mesures fortes et concrètes que le gouvernement prendra pour mettre un frein à ces tares et à ces fléaux, à toutes ces pratiques peu vertueuses telles que la corruption, l’opacité dans la passation des marchés à travers l’usage abusif du gré à gré ou de l’entente directe, les malversations, le rançonnement et l’impunité. Nous savons tous, en effet, que la pierre angulaire de la stratégie de rupture que vous prônez à longueur de discours demeure l’assainissement de l’environnement économique débarrassé du «mouta-mouta» et des passe-droits, ainsi que l’éradication de la pauvreté dont la profondeur et la sévérité en ville comme en campagne n’ont cessé de s’aggraver depuis quelques années. Il est de notoriété publique que le Burkina Faso est, sur le plan économique et sécuritaire, au bord du gouffre et nous ne pensons pas qu’il faille faire encore un pas en avant. Il faudrait qu’on marque un arrêt, qu’on décide hic et nunc de la voie de contournement que nous allons emprunter et qui nous mènera vers « la bonne gouvernance et l’équité sociale pour une union forte et prospère». Cette voie va forcément passer par la rationalisation des ressources financières, humaines et institutionnelles, et c’est sûr que chemin faisant, le gouvernement qui va jouer le rôle « d’escorte de tête » va rencontrer des courants contraires et même farouchement hostiles au changement de direction. Mais qu’à cela ne tienne, il faudra, pour une fois, avoir le courage et la fermeté d’avancer contre vents et marrées, et il faudrait que cela soit senti déjà dans le discours de ce soir du président du Faso, en attendant celui du 31 décembre prochain. Nous osons espérer que le contenu du thème du 58è anniversaire de l’indépendance de notre pays, n’est pas une simple profession de foi et pour convaincre les plus sceptiques et les plus incrédules, des gages doivent être donnés en commençant évidemment par le haut de la pyramide. Il semble que la loi de finances qui sera probablement votée au cours de cette semaine donne déjà des indices sur la ferme détermination des décideurs d’instaurer «la bonne gouvernance» et «l’équité sociale»,   socles du développement et de la lutte contre l’insécurité, mais encore faut-il que les leaders syndicaux, dont certains auraient déjà mis leurs «troupes» en état d’alerte maximum, l’entendent de cette oreille et acceptent de faire contre mauvaise fortune bon cœur pour qu’ensemble, nous sortions notre pays de cette zone de hautes turbulences économiques et sécuritaires. Rien n’est moins sûr, mais en attendant la sortie presqu’inévitable des machettes dès le début de 2019, nous irons demain à Manga pour chanter et danser notre « indépendance », pour la cinquante-huitième fois de notre histoire.

Hamadou GADIAGA

 

 


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