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FIEVRE APHTEUSE DANS LE MOUHOUN : Ce virus qui ravage les bovins depuis plus d’un mois


 Les éleveurs et les agriculteurs de Bladi, dans la commune rurale de Douroula, sont dans le désarroi. Ils sont confrontés à la  fièvre aphteuse qui ravage les bovins depuis le mois de juin 2018. Certains ont déjà perdu un nombre important de leur bétail, en partie des vaches et des veaux. Le samedi 7 juillet dernier, nous nous sommes rendu dans ce village pour constater de visu cette situation. 

 

Il est 7h 30mn, le samedi 7 juillet 2018. Après moins d’une heure de route, nous voilà à Bladi, un village de la commune rurale de Douroula à une vingtaine de kilomètres de Dédougou. Nous nous rendons sur le champ au « camp peulh », un des quartiers du village, pour toucher du doigt ce qui nous a été révélé il y a deux jours. C’est l’éleveur Seydou Zanté qui nous reçoit, après avoir stoppé son labour qu’il menait avec son frère aîné dans les encablures de sa concession. Après les salutations d’usage, nous expliquons l’objet de notre visite matinale.

« Nous avons enregistré 25 bœufs qui sont morts de la maladie, dans l’intervalle de 5 jours »

 

« Cela fait 8 ans que nous connaissons cette maladie. Cette année, c’est devenu plus criard. Dans l’intervalle de 5 jours, nous enregistrons  25 bœufs qui sont morts de la maladie. Avant, c’est quelques têtes qui mouraient suite à cette maladie, mais cette année, c’était grave. La gueule de l’animal se ferme, il a des plaies dessus et ne peut pas l’ouvrir pour manger. Il marche et sa salive coule ; quelques temps après, il maigrit. Le lait des  vaches disparaît et quand une vache est atteinte, si son veau tète, il n’a plus que quelques heures de vie », nous a expliqué l’éleveur visiblement peiné par cette situation dramatique. Nous décidons de voir les bœufs en question, mais hélas, ils étaient déjà allés pour le pâturage. Nous mettons le cap sur un autre enclos, celui de Monè Zanté. Là, nous trouvons d’abord un veau de deux ans et un autre d’un an  souffrant de la maladie dans l’enclos.  « Ça fait deux jours qu’ils ne mangent pas.  Ils ont les gueules  fermées et quand c’est comme ça, ils ne peuvent pas manger. Le reste du troupeau est déjà parti … Si vous voulez, on les rattrape ». Ce qui fut fait. Après une marche rapide, nous rattrapons le troupeau et ses bergers. Après constat, plusieurs signes anormaux apparaissent chez les bovins (bœufs, vaches, veaux)  atteints de cette maladie : avec des plaies au niveau de la bouche, la langue pourrie, des sabots pourris dégageant ainsi une odeur nauséabonde, ces animaux maigrissent et ont la démarche difficile. Les mêmes signes se présentent aussi chez les ovins, avons-nous constaté.  «Chez moi, c’est dans la semaine que la maladie est entrée dans mon enclos. Donc, je n’ai pas encore enregistré de bœuf mort. En attendant que les vétérinaires viennent, je leur donne de la farine de néré et du miel pour atténuer la maladie.   S’agissant de leur survie, on s’en remet à Dieu. Voyez cette vache, depuis qu’elle a mis bas, elle n’a pas assez de lait pour allaiter son veau à cause de la maladie ; c’est aujourd’hui qu’elle broute un peu », a expliqué Moné Zanté.  A la question de savoir si les conditions de vaccination des animaux sont respectées, l’éleveur a laissé entendre que les bœufs sont vaccinés au moins deux fois l’année. «Ce taureau est un bœuf de trait ; il  était également atteint mais ça va un peu chez lui. Alors que quand les  bœufs de trait sont atteints pendant qu’il faut cultiver, vous voyez…», a-t-il déploré.

« Les bœufs sont notre espoir et sans les bœufs,  tu ne peux pas cultiver »

 

Pour Adama Konaté, cultivateur  à Bladi, parmi ses 70 têtes  de bovins, la plupart des bœufs sont atteints.  « Nous avons tenté de les vacciner avec des produits mais cela n’a pas empêché d’autres de crever. Il y a 4 qui sont morts parmi mes bœufs et ce sont des vaches en particulier. Nous demandons aux autorités de nous aider à atténuer cette maladie car on sait que ça ne peut pas finir définitivement ». Certains, à l’image de Moussa Saye, ne voient pas d’inconvénient à consommer la viande des bœufs  morts de la maladie. « Il y a un éleveur qui a amené son bœuf que j’ai dépecé ; c’est la peau que vous voyez comme ça. Il y a beaucoup de ténias qui en  sont sortis». A la question de savoir s’il n’y a pas de risque à consommer cette viande, le sieur Moussa Saye a laissé entendre ceci : «Depuis que nous sommes nés, quand un animal meurt, nous consommons sa viande mais si les agents de la santé animale nous disent de ne pas le faire, nous suivons leur conseil».  « Nous cherchons, par tous les moyens, à traiter nos bœufs car  les bœufs sont notre espoir et sans eux,  tu ne peux pas cultiver », a-t-il confié.

« La fièvre aphteuse est due à un virus à près de sept stéréotype ; il n’y a pas de traitement spécifique »

Pour en savoir davantage sur cette maladie qui décime les bœufs, nous avons rencontré le directeur provincial des Ressources animales et halieutiques de la province du Mouhoun.  «C’est dû à la fièvre aphteuse qui sévit au Burkina Faso chaque année et qui est due à un virus à près de sept stéréotypes. Ça veut dire que pour pouvoir prévenir la maladie, il  faut sept vaccins ou, dans le cas contraire, faire des stéréotypages  pour savoir  quel est le type de virus stéréotype qui circule au Burkina, ce qui n’est pas encore fait. Chaque année, il y a des ravages mais le cas particulier de cette année, c’est que c’est arrivé à une période où il n’y avait pas d’alimentation. Et comme ça fait des plaies au niveau de la cavité buccale, il va sans dire qu’il serait très difficile pour l’animal d’ingérer des fourrages secs. Avec l’installation de la saison d’hivernage,  ça va s’atténuer et on aura en réalité un état normal de santé», nous a fait savoir le directeur provincial des Ressources animales et halieutiques du Mouhoun,  Sériba Dembélé. Pour le cas précis de la commune de Douroula dont Bladi fait partie, le technicien a laissé entendre que des mesures sont en train d’être prises.  « J’en ai discuté avec le chef de zone qui va y dépêcher une équipe. Comme il n’y a pas de traitement spécifique, c’est juste aller voir si l’on peut au moins lutter contre les complications qui sont liées à la maladie, et voir si on peut avoir de l’aliment sur place,  qui peut leur permettre de consommer. Sinon ces animaux sont peut- être morts à défaut de pouvoir manger  et s’ils font deux à trois jours, c’est ce qui conduit à la mortalité », a-t-il expliqué.

«Pour la consommation de la viande, techniquement, il n’y  a pas de danger»

«Pour la consommation de la viande, techniquement, je ne vois pas de danger», selon Sériba Dembélé, à propos de la consommation de cette viande. Pour lui, une fois que l’organisme est mort, le virus ne peut pas survivre ; il ne survit que dans les cellules vivantes. Ce qui peut  être compliqué, toujours selon le DP, c’est quand les gens dépouillent les animaux, prennent la viande  et circulent. «Vous voyez, les moyens de transport de nos viandes peuvent souiller les pâturages au passage, ce qui nous complique la tâche. Ça fait que le contrôle de cette maladie est difficile, vu notre mode d’élevage». Selon le DP, avec le rapport de synthèse, on note une mortalité énorme de plus de 200 animaux dans la province.  Pour le directeur provincial des Ressources animales et halieutiques, plusieurs mesures ont été prises mais force est de constater que ces mesures sont  souvent difficiles à appliquer par les éleveurs et les paysans. Parmi ces mesures, il y a par exemple la mise en quarantaine des animaux atteints, pour qu’ils ne se mélangent pas aux autres au risque de propager la maladie, en attendant que les agents prennent les mesures nécessaires. Mais cette mesure est difficile à appliquer car les animaux déjà atteints et les autres partagent les mêmes points d’abreuvement et de pâturage. En attendant des solutions pour bouter cette maladie hors du pays et particulièrement du Mouhoun, la fièvre aphteuse continue de faire des ravages.  En ce début de campagne agricole, c’est un coup dur pour certains paysans  victimes de cette situation.

Arnaud Lassina LOUGUE

                                                                Correspondant

Légende :

 

1- « Nous enregistrons  25 bœufs qui sont morts de la maladie », dixit Seydou Zanté, éleveur à Bladi

 

 


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