HomeA la uneFIXATION DE LA DATE DU REFERENDUM AU CONGO : Sassou jusqu’au bout de l’indécence morale et politique

FIXATION DE LA DATE DU REFERENDUM AU CONGO : Sassou jusqu’au bout de l’indécence morale et politique


 

Au Congo, les dés sont jetés : dans moins de trois semaines, soit le 25 octobre prochain, les électeurs se rendront aux urnes pour se prononcer par référendum sur  le projet de loi constitutionnelle en vue de changer la loi fondamentale du pays, en vigueur depuis 2002. De prime abord, il n’y a rien de répréhensible à organiser un référendum pour modifier la Constitution d’un pays. D’un certain point de vue, il est même louable qu’il revienne au peuple de prendre des décisions aussi importantes, qui engagent la vie de sa nation. Du reste, le cas du Congo ne serait pas une première sur le continent ni dans le monde. Même dans les démocraties les plus abouties, il arrive que l’on recourt à de tels instruments pour trancher des sujets d’intérêt national.

Sassou aurait pu avoir la décence de passer la main à un autre de ses compatriotes

Mais dans le cas du Congo, l’on peut douter, dans le contexte actuel, de l’intérêt national de l’opération en cours. Car, comme on le sait, le président Sassou Nguesso, 72 ans, qui est frappé par la limite d’âge (70 ans) et de mandats (deux septennats qu’il aura épuisés à la fin de son mandat en cours) par la Constitution actuelle, est inéligible au terme de son deuxième et dernier mandat constitutionnel en 2016. Et si les choses devaient rester en l’état, il serait définitivement hors du jeu électoral. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de penser que ce référendum n’est en réalité destiné qu’à servir les seuls intérêts du prince régnant. Et si c’est le cas, cela est tout simplement indécent, moralement et politiquement, parce que ce serait une façon d’utiliser les instruments de la démocratie pour tuer la démocratie. Moralement parce qu’après trente ans de règne cumulé sur son pays, à défaut de s’être préparé un dauphin (ce qui est déjà un échec en soi), Sassou aurait pu avoir la décence de passer la main à un autre de ses compatriotes, pour ne pas laisser croire qu’en dehors de lui, personne d’autre ne peut diriger le Congo. En tout état de cause, comme le dit l’adage, « une hirondelle ne fait pas le printemps ». En outre, ce qui est le plus gênant, ce n’est pas tant la légalité que la légitimité de la chose, au regard des changements à apporter à la loi fondamentale, notamment l’abolition de la limite d’âge. Si fait que ce référendum, qu’il soit juridiquement justifié ou pas, semble taillé à la mesure de Sassou pour servir son seul intérêt personnel. Car, en se fondant sur la Constitution actuelle, il y a beaucoup de Congolais de moins de 70 ans qui sont capables de gérer convenablement ce pays. Or, le seul Congolais connu de plus de 70 ans qui a un intérêt immédiat à l’abolition de la limitation d’âge est incontestablement Sassou Nguesso. Sans oublier qu’à sa gouvernance politique qui est sujette à caution,  est venue se greffer une mal gouvernance économique avec l’histoire des biens mal acquis. Politiquement, cette démarche est aussi indécente, parce que la base politique, juridique et technique sur laquelle elle devait reposer, ce sont les conclusions du dialogue national qui avait été organisé par les autorités et duquel devait se dégager un consensus. Or, l’opposition politique n’a jamais cessé de clamer haut et fort son opposition à une modification de la Constitution devant permettre à Sassou Nguesso de briguer un troisième mandat.

Ainsi donc, Sassou a franchi le Rubicon

Où est donc le consensus sur lequel se fondent les autorités pour appeler à un tel référendum ? Quand on sait qu’au Burkina Faso, cela avait suffi à mettre le feu aux poudres, il y a de quoi craindre pour le Congo. Car, les mêmes causes produisent généralement les mêmes effets. Et ce qui est arrivé au Burkina Faso, avec Blaise Compaoré, pourrait bien arriver au Congo, même si Ouagadougou n’est pas Brazzaville. Cela dit, il ne sert à rien de rassembler des copains et des coquins pour prendre des décisions et prétendre parler au nom de tout un  peuple. Cela peut être source de danger. Et si elles s’obstinent à vouloir cacher le soleil avec leurs doigts, les autorités congolaises risquent d’être surprises par les événements. Car, en appelant à ce référendum, Denis Sassou Nguesso montre qu’il est dans une logique de forcing pour se maintenir au pouvoir. Et par cet acte, il vient de donner le clap de départ de l’opérationnalisation  de  son «coup d’Etat constitutionnel » que dénonce l’opposition depuis des mois.  En tout cas, l’on ne voit pas le maître de Brazzaville organiser un référendum ou tout autre scrutin pour le perdre. Cela est inimaginable, même en rêve, surtout sous nos tropiques. Et tout porte à croire que c’est fort de cette certitude que le gouvernement s’est empressé de fixer la date du référendum pour vite entériner un scrutin dont le résultat est pratiquement connu à l’avance. Et il l’a fait subrepticement, pour couper l’herbe sous les pieds de l’opposition en ne lui laissant pas suffisamment de temps pour organiser la riposte. Ainsi donc, Sassou a franchi le Rubicon. Et la question que l’on peut se poser est celle de savoir si c’est pour son plus grand malheur ou celui de son peuple. De toute évidence, les semaines à venir risquent d’être décisives au Congo, tout comme en RDC voisine où le président Kabila ne semble plus porter de gants pour bloquer la marche de la machine électorale afin de se maintenir au pouvoir.  Maintenant que Sassou a tombé le masque, la réaction de l’opposition est attendue. Que va-t-elle faire ? Acceptera-t-elle d’aller au référendum en battant campagne pour le non, ou va-t-on assister à un scénario à la burkinabè ? Quoi qu’il en soit, il appartient aux Congolais de s’organiser et d’écrire leur propre histoire, en ne fondant pas leurs espoirs uniquement sur  la classe politique ni sur la communauté internationale. Autrement, ils n’auront que leurs yeux pour pleurer.

 « Le Pays »


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