HomeA la uneFRANCOIS TAMBI KABORE, président du PPR : « Nous ne pouvons pas travailler avec des partis vaincus »

FRANCOIS TAMBI KABORE, président du PPR : « Nous ne pouvons pas travailler avec des partis vaincus »


Economiste de formation à la retraite après avoir servi plus de vingt-cinq ans au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans plusieurs pays, François Tambi Kaboré a créé avec ses camarades, en novembre 2016, le Parti du peuple républicain (PPR) dont il est le président. Il faut rappeler que le premier responsable du PPR faisait partie des dirigeants du parti de l’Union pour le peuple et le changement (UPC) et était un des proches de Zéphirin Diabré, président de ce parti. Dans le cadre de mardi politique, nous l’avons rencontré. Avec François Tambi Kaboré, nous avons échangé sur des sujets d’actualité, après avoir fait le point sur la vie de son parti.

Le Pays : Comment se porte aujourd’hui votre parti, le PPR ?

François Tambi Kaboré : L’idée que nous avions de soutenir l’esprit de l’insurrection a connu un engouement auprès des populations. Ce qui fait que nous avons enregistré une ruée vers le parti dès sa création. Beaucoup de gens ont adhéré mais très vite, nous avons déchanté parce que nous nous sommes rendu compte que tous ne venaient pas avec une réelle conviction puisqu’ils ont bien d’autres idées. Pour l’instant, nous sommes satisfaits de la visibilité du parti mais, en termes d’exécution de nos objectifs, nous ne le sommes pas totalement. Officiellement, nous sommes présents dans cinq arrondissements du Kadiogo et seulement dans trois provinces du Burkina. Bien évidemment que les prochaines échéances électorales ne sont pas proches mais, nous aurions voulu aller plus vite. Tout compte fait, mieux vaut aller doucement et sûrement.

« Je voudrais bien être avec le Seigneur et surtout pas avec le diable »

Votre parti est-il de la Gauche, de la Droite ou Libéral ?

Le PPR n’est ni de Gauche, ni de Droite. C’est un parti pragmatique et progressiste parce que nous nous sommes rendu compte qu’il ne faut plus qu’on s’enferme dans les carcans idéologiques pour prendre des mesures dans l’objectif de satisfaire les attentes des populations alors qu’elles n’ont pas besoin de tout cela. Il ne faut pas se laisser guider par ces dogmes qui ne donnent pas souvent des solutions durables. Nous sommes très heureux parce que je constate qu’en France, c’est ce même type de parti qui est arrivé au pouvoir.

En décidant d’aller à la majorité, d’aucuns vous reprochent d’avoir rejoint la table du « Seigneur ». Que leur répondez-vous ?

Je suis croyant et en tant que tel, je voudrais bien être avec le Seigneur et surtout pas avec le diable (NDLR : rires). Je ne comprends pas ceux qui disent cela parce que nous sommes allés à la majorité pour travailler et non pour nous servir. Ce qui serait contre notre idéologie qui est de servir le peuple et non le contraire. Nous ne pouvions pas aller à l’opposition pour les raisons que nous avons avancées. Nous avons lutté contre un groupe de personnes, des partis politiques qui ont été vaincus et nous ne pouvons pas nous retrouver avec eux pour travailler. Pendant notre lutte, des lignes de conduite avaient été arrêtées et nous essayons de les appliquer. Il était dit que si l’opposition obtenait le pouvoir, que les autres membres de cette opposition acceptent d’aider celui qui a eu ce pouvoir pour que dans la paix et la cohésion sociale, nous puissions apporter les transformations nécessaires pour améliorer les conditions de vie des populations burkinabè. C’est suivant cette idée que nous nous sommes positionnés dans la majorité et non pas pour manger quoi que ce soit.        

La gouvernance du MPP est décriée par certaines organisations de la société civile. Quelle est votre appréciation ?

Mais, il y a aussi d’autres organisations de la société civile qui apportent leur soutien à l’action du gouvernement. Il faut être assez pratique et tolérant. Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, est en train de dérouler son programme d’activités et quand on regarde, il y a un problème de timing mais, les grands objectifs sont en train de se mettre en place progressivement. Je suis sûr que lorsqu’il faisait son programme d’activités et que de l’autre côté, ils élaboraient le leur, et je sais de quoi je parle, on avait intégré la sécurité mais pas le terrorisme en tant que tel. Nous nous apercevons tous que depuis la prise de fonction du gouvernement, c’est le terrorisme qui est au-devant de la scène. Et cela mobilise non seulement de l’argent, mais aussi l’énergie de tout le monde pour la sécurité de tous ceux qui vivent au Burkina. Nous devons intégrer cet aspect dans nos critiques  et essayer de voir si nous pouvons permettre au président Roch Marc Christian Kaboré de dérouler son programme dans la paix. Je ne dis pas que les critiques ne sont pas nécessaires, mais il faut être réaliste.

«  S’il est autorisé aux gens d’aller en grève, il faut aussi le permettre pour ceux qui veulent aller travailler »

Comment avez-vous accueilli la proposition de loi sur le droit de grève ?

Je ne peux pas faire de commentaires spécifiques sur certaines dispositions de cette loi parce que j’avoue que je ne l’ai pas lue mais, j’ai des inquiétudes au niveau général. Je crois savoir que l’actuelle loi date des années 1960 et une relecture s’impose. Nous sommes en train d’évoluer dans une démocratie et il faudrait que nous essayions de la renforcer de même que la liberté des travailleurs à travers un texte beaucoup plus actuel qui prenne en compte un certain nombre de préoccupations. Le PPR est d’accord qu’il faut renforcer la liberté des travailleurs mais, celle-ci doit s’exercer dans un cadre légal reconnu par tous. S’il est autorisé aux gens d’aller en grève, il faut aussi le permettre pour ceux qui veulent aller travailler. Par exemple, nous avons constaté récemment à l’hôpital que l’absence du service minimum, a entraîné le décès de plusieurs personnes.

Le procès de Blaise Compaoré et de son dernier gouvernement a été suspendu, le temps que le Conseil constitutionnel se prononce sur le recours introduit par les avocats de la défense. Quel commentaire cela vous inspire-t-il ?

Ces multiples reports témoignent de la vitalité de notre démocratie.

« Chacun de nous doit rendre compte de ses actions mais, il faut que cela se fasse dans la légalité, le respect de la dignité des accusés »

Nous constatons que les revendications des avocats sont prises en compte et cela a occasionné les différents reports. Au PPR, nous disons que ces personnes doivent être jugées parce que le peuple attend de même que les victimes. Autant que nous sommes, chacun de nous doit rendre compte de ses actions mais, il faut que cela se fasse dans la légalité, le respect de la dignité des accusés. Et nous sommes satisfaits de ce qui se passe parce que c’est un processus qui doit nous permettre d’inscrire cette action dans la légalité. Je crois que le gouvernement actuel va travailler dans ce sens.

Que répondez-vous alors aux propos de l’opposition et particulièrement de l’ex-majorité qui déclare qu’il y a comme une justice des vainqueurs ?

Le gouvernement actuel a hérité des tares d’un régime qui a été décrié par tout le peuple les 30 et 31 octobre 2014. Ce qui est important, c’est de juger ceux qui ont été responsables de cette situation. Maintenant, s’il y a des gens du régime actuel qui sont impliqués, ils doivent également être jugés. Ce n’est pas une justice des vainqueurs mais, c’est la situation qui le recommande. Nous ne pouvons pas aller à une réconciliation tant que ces dossiers de justice sont pendants.

Estimez-vous que les adversaires de la majorité ne lui permettent pas de travailler sereinement ?

Je pense que notre pays a besoin de paix et de cohésion sociale pour travailler. Nous ne pouvons pas passer notre temps à nous attaquer mutuellement, à ignorer les intérêts du peuple sous prétexte que nous faisons de la démocratie. Si nous voyons ce qui se passe dans le monde, il y a comme un repli sur soi-même. Les Américains ont élu un président qui a mis au-devant le nationalisme, à savoir l’Amérique d’abord et c’est pareil en France. Les gens élisent leur président pour l’intérêt de leur pays alors que nous sommes là en train de faire fi des intérêts de nos populations et ce n’est pas une bonne chose. Nous demandons à tout le monde, particulièrement aux acteurs politiques, de construire un pacte national qui nous permettera à tous de renforcer nos capacités à vivre ensemble, à travailler ensemble et à jouir ensemble des fruits de notre développement. Ce pacte est nécessaire sinon, nous allons mettre en péril tous les facteurs, les éléments de notre développement. Nous devons tous changer notre manière de faire la politique.

Propos recueillis par Antoine BATTIONO

 


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