HomeA la uneGESTION DU DOSSIER DU PUTSCH MANQUE : L’Etat doit mieux faire

GESTION DU DOSSIER DU PUTSCH MANQUE : L’Etat doit mieux faire


Le Burkina Faso a commémoré, le 16 septembre dernier, le deuxième anniversaire du putsch manqué dirigé par le Général Gilbert Diendéré. Ce coup de force était intervenu, rappelons-le, après une série de sautes d’humeurs du tristement célèbre Régiment de sécurité présidentielle qui avait maille à partir avec les autorités de la Transition et qui s’accommodait difficilement de la situation induite de la chute et de la fuite de son mentor, Blaise Compaoré. Ce fut, pour ainsi dire, l’épilogue d’une litanie de crises qui ont fait plus d’une fois vacillé la Transition mise en place par les Burkinabè au lendemain de l’insurrection populaire qui a balayé les très autistes dirigeants de l’ancien régime. Cet épilogue douloureux et regrettable, comme l’a reconnu son principal auteur, Gilbert Diendéré, a donné l’occasion au peuple burkinabè d’en finir avec la gangrène RSP, et subséquemment, d’envisager l’avenir politique du pays avec plus de sérénité. Dans le feu de  ce coup d’Etat  d’un anachronisme effarant, plusieurs dizaines de Burkinabè ont été précocement et atrocement arrachés à l’affection des leurs par les balles des mauvais garnements à la solde du Général Diendéré. Deux ans après, les blessures morales et physiques sont loin d’être cicatrisées, car le peuple burkinabè attend toujours la reddition des comptes et le jugement des présumés auteurs, co-auteurs et complices de ces actes de violence et de tueries totalement inutiles. On comprend donc pourquoi l’association des victimes et des parents  des victimes du putsch donnent de la voix et exigent que tous les dossiers y relatifs soient vidés dans les plus brefs délais, afin de permettre aux familles des disparus de faire leur deuil et aux nombreux blessés de se faire convenablement prendre en charge. Certes, la complexité et la sensibilité des dossiers sont telles que, dans leur traitement, il ne devrait y avoir ni vitesse ni précipitation. Mais dans ce cas du putsch qui confine à du flagrant délit et où certains acteurs ont très vite reconnu leurs responsabilités, la Justice se devait de se hâter, même lentement, pour clore définitivement cet intermède qui continue de pourrir la situation sociopolitique du pays.

 

La puissance publique ne semble pas avoir suffisamment fait

 

Les âmes des martyrs ne reposeront en effet en paix que le jour où on saura qui a fait quoi, avec qui et pourquoi, pendant toute la deuxième quinzaine folle de septembre 2016, et même avant. En tout état de cause, ce n’est pas le report des audiences de confirmation des charges, intervenu à la veille du deuxième anniversaire « du coup d’Etat le plus bête de l’histoire », qui va rassurer les combattants de la liberté et de la démocratie qui ont tenu la dragée haute aux croquants du RSP, même si le directeur de la Justice militaire affirme mordicus que le procès tant attendu s’ouvrira avant la fin de cette année. En attendant que justice soit faite et donc que les responsabilités soient situées, l’Etat burkinabè, qui a accordé une oreille attentive aux victimes, doit mieux faire en allant au-delà des cérémonies protocolaires et des propos convenus, pour apporter le soutien moral et financier à tous ceux qui ont payé de leur vie ou de leur intégrité physique, cette liberté et cette alternance

politique dont tout le monde, et pas seulement les Burkinabè, est fier aujourd’hui. Il ne faudrait pas en effet oublier que certains des disparus étaient les piliers de leurs familles, et leur absence définitive a fatalement créé un vide incommensurable pour les parents, les veuves et les orphelins. Leur contribution, pour ne pas dire leur sacrifice pour l’émergence d’une nouvelle société burkinabè, doit non seulement être saluée à titre posthume, mais l’Etat devrait également perpétuer leur mémoire en prenant en charge les victimes collatérales que sont les familles de ces disparus. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que la puissance publique ne semble pas avoir suffisamment fait sa part de boulot, d’autant qu’il y a même des blessés qui vivent, difficilement on l’imagine, avec toujours du plomb dans le corps. Comment peut-on expliquer que des gens qui ont lutté pour une cause aussi noble, ne puissent toujours pas être évacués à l’extérieur pour des soins appropriés, afin de leur permettre de retourner au travail pour gagner dignement leur  vie ? A-t-on besoin d’attendre la sentence du tribunal militaire contre Gilbert Diendéré et ses hommes avant de s’occuper de ces survivants miraculés ? La réponse est évidemment non. Le fait qu’il y ait, dans la liste des victimes du putsch tout comme de l’insurrection, des individus de mauvaise foi ou de petite vertu qui se sont fait faussement passer pour des blessés de ces deux événements, ne devrait pas expliquer, encore moins justifier cette lenteur. Deux ans après les faits et à la veille de l’ouverture du procès, l’on peut s’étonner que le gouvernement ne dispose pas de la liste exhaustive des victimes du putsch alors que dans le même temps, l’on rassure les uns et les autres qu’aucune victime ne sera oubliée. C’est du politiquement correct, mais pour un paradoxe, c’en est véritablement un. Espérons que d’ici à la fin du jugement, les choses rentreront dans l’ordre et que le débat  malsain sur qui est victime du putsch et qui ne l’est pas, ne fera pas rage et qu’on n’assistera pas à des passes d’armes indécentes à l’heure des indemnisations.

 

Hamadou Gadiaga


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