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GESTION DE LA TRANSITION PAR L’ARMEE AU BURKINA :Une insistance suspecte


La transition qui doit s’ouvrir au Burkina, suite à la chute du régime de Blaise Compaoré, peine à se mettre en route. La faute à l’armée qui s’est emparée du pouvoir que le peuple a arraché des mains des anciens dignitaires, au prix de nombreux et douloureux sacrifices. En effet, les militaires tiennent à occuper une place centrale dans cette transition. Ils justifient leur attitude par leur volonté d’éviter le chaos et leur patriotisme. Ils disent ne pas vouloir s’éterniser au pouvoir, mais ce prétexte a de la peine à convaincre grand’monde. Blaise Compaoré lui-même n’avait-il pas tenu un tel langage au début de sa prise de pouvoir ? On sait ce qu’il est advenu par la suite de cette profession de foi. Et les exemples de paroles données par les hommes en treillis, puis par la suite trahies par eux-mêmes, sont légion sur le continent africain.

 

On ne peut s’empêcher de penser que les militaires veulent protéger les dignitaires du régime déchu

 

Quant à la nécessité pour les forces de défense et de sécurité d’assurer la sécurité de l’Etat dans toutes ses composantes, cela va de soi. C’est une mission essentielle pour toute armée digne de ce nom. Cela ne relève donc pas de l’extraordinaire et les militaires n’ont pas besoin d’être à la tête de l’Etat pour assumer cette fonction. Le principe voudrait qu’ils le fassent dans un esprit républicain, sous la houlette d’un chef de l’Etat qui soit civil. De même, le patriotisme tant chanté n’est pas l’apanage de l’armée. On en veut pour preuve le fait que pendant que les militaires étaient occupés à jouir de leurs privilèges et à protéger les princes, les populations se battaient pour un meilleur avenir du pays. En effet, l’armée s’est montrée incapable de hausser le ton face au régime de Blaise Compaoré et s’est rendue d’une manière ou d’une autre, complice de la répression qui s’est abattue sur les manifestants. Mieux, ce sont bien des balles militaires qui ont fauché des vies dans les rangs du peuple qui réclamait la démocratie pour le pays. L’armée est donc mal placée aujourd’hui pour s’ériger en symbole de patriotisme, face au peuple burkinabè meurtri par tant d’années de règne sans partage du clan Compaoré, sous le regard bienveillant et protecteur de la même armée, surtout de sa composante Sécurité présidentielle dont est issu le Lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida.

On peut bien comprendre -et non accepter ou excuser- la tentation de l’armée burkinabè de s’accrocher au pouvoir. En effet, après ces 48 ans de pouvoir plus ou moins kaki dans le pays, on imagine bien que le pouvoir est désormais dans l’ADN de l’armée burkinabè. Bien des militaires ont fait la pluie et le beau temps sur les civils dans ce pays. Ils sont encore probablement nombreux dans les rangs de la Grande muette à avoir peu d’estime pour les civils qu’ils prennent pour des « incapables ». Et les nombreux avantages auxquels ils ont goûté sous Blaise Compaoré surtout, comparativement aux civils du pays, ont contribué à aiguiser leur appétit du pouvoir. Blaise Compaoré a, en effet, ouvert grandement les portes de nombreux postes de l’Etat et non des moindres à des officiers : ministères, secrétariats permanents etc. Surtout que même à ces postes civils, il y en a qui n’ont rien perdu de leur droit à la promotion dans les rangs de l’armée. Au Burkina Faso, sous l’ère Compaoré surtout, la politisation de l’armée et la militarisation de la politique n’ont pas été de vains mots.

En tout état de cause, les arguments de ces militaires qui s’arcboutent au pouvoir convainquent difficilement pour ne pas dire qu’ils ne convainquent personne. Les anciens ne disaient-ils pas en substance que plus le discours du prince est ronflant, plus il est  trompeur ? Cette insistance de l’armée à tenir les rênes de la transition au Burkina est suspecte. En effet, on se demande ce qui se cache derrière cet entêtement. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a anguille sous roche, que les militaires veulent protéger à tout prix, les dignitaires du régime déchu. Du reste, leur attitude qui a consisté à laisser fuir Blaise Compaoré et certains de ses proches hors des frontières du pays, cache mal leur parti pris. Aussi, constate-t-on que certains dignitaires, qui étaient censés avoir fui le pays, sont là en chair et en os et libres de leurs mouvements. Pourtant, il y avait des raisons évidentes pour mettre aux arrêts pas mal de personnes de la galaxie Compaoré, afin qu’elles rendent compte de certaines choses. C’est curieux que les nouvelles autorités n’aient rien entrepris dans ce sens.

 

le peuple éveillé veillera désormais sur ses acquis démocratiques

 

Mieux, le Lieutenant-colonel Zida lui-même n’a-t-il pas évité sciemment de dire où étaient le chef de l’Etat et certains dignitaires aux premières heures de la chute du régime ? Cela conforte l’idée selon laquelle, il a été pour beaucoup dans la sécurisation de la fuite du chef de l’Etat et de certains de ses acolytes. On sait comment les choses se sont passées, concernant la désignation par l’armée de celui qu’elle entendait voir conduire cette transition. Ce n’est pas banal de rappeler que c’est un Lieutenant-colonel qui a écarté de la course un Général, qui plus est, est le chef d’Etat-major Général des Armées. Difficile de se convaincre que cela est anodin, vu qu’une situation de ce genre ne relève pas de l’ordre normal des choses, dans une institution réputée pour sa discipline comme la Grande muette. Tout porte à croire que le Chef d’Etat-major particulier du Président du Faso, le Général Gilbert Dienderé, et Blaise Compaoré, ne sont pas étrangers à la situation. Ils tirent certainement les ficelles en sous-main. Et cela n’est, de toute évidence, pas de nature à rassurer sur les intentions réelles de l’armée dans son ensemble et de celui qu’elle a désigné pour conduire cette transition. Les hommes du Régiment de Sécurité présidentiel (RSP) ont-ils reçu mission de récupérer d’une manière ou d’une autre le pouvoir perdu par Blaise Compaoré ? Ont-ils été chargés de reprendre la main en vue de nettoyer quelques placards au contenu dérangeant pour les dignitaires du régime déchu ?

Cela n’est pas à exclure dans l’absolu. Car, comme le dit une pensée populaire de chez nous, « 27 ans, ce n’est pas 27 jours ». En effet, on imagine bien que le long règne de Blaise Compaoré n’a pas toujours été « clean ». Les dessous pourraient être nauséabonds, si on venait à soulever la dalle qui recouvre toutes ces années de règne Compaoré. On a bien l’impression que les militaires qui insistent pour conduire la transition, ont pour mission de faire le ménage. Ils ont peut-être promis à l’ancien chef de l’Etat de protéger ses arrières et de faire disparaître tout ce qui pourrait être compromettant pour lui et les siens. Aussi, ces militaires ont-ils, de toute évidence, participé à cette gestion du régime Compaoré et le passé de certains parle contre eux. C’est dire qu’en protégeant Blaise Compaoré et les autres dignitaires déchus, ces militaires se protègent également eux-mêmes.

Tout laisse penser que les jeunes officiers qui tiennent aujourd’hui à avoir la main sur le processus de transition n’ont pas encore réalisé que les temps ont vraiment changé. Les pouvoirs militaires ne sont plus acceptés sur la scène internationale et s’entêter serait une sorte de suicide pour des pays sous perfusion économique comme le Burkina Faso actuellement. Les bailleurs de fonds n’hésiteront pas à suspendre leur coopération, ne serait-ce que par principe. Les mises en garde de certaines organisations internationales contre l’armée s’inscrivent du reste dans cette logique. Une éventuelle mise du pays sous diète, conjuguée à cette situation intérieure explosive, ne serait pas de nature à aider le pays à se remettre rapidement sur les rails. Les militaires burkinabè doivent enfin comprendre que l’intérêt du peuple, l’intérêt général doit primer les intérêts individuels et claniques et qu’ils doivent marcher en toute honnêteté aux côtés du reste du peuple. Il est grand temps qu’ils s’inscrivent dans cette dynamique. Il n’y a pas d’autre issue pour le pays et il est évident que le peuple éveillé veillera désormais sur ses acquis démocratiques.

 

« Le Pays »

 

 


Comments
  • Un peuple qui se met debout est capable de tous les exploits. Ceux qui tentent de s’attribuer la paternité de la victoire du peuple Burkinabè sont bien ridicules et peu respectueux de la mémoire de nos martyrs et blessés. Nos jeunes frères et enfants ont été le fer de lance de l’insurrection populaire qui a balayé le régime impopulaire et prédateur d’un clan. C’est une belle victoire, fruite de la conjugaison des efforts et de la détermination. A présent, sortons de l’émotionnel pour entrer dans le rational afin de réussir la transition, oh combien délicate. Les intelligences ne manquent pas au Burkina pour réussir ce pari, malgré les nombreux pièges laissés par près de 30 d’un système de gouvernance, dont les aspects horribles apparaîtront les jours à venir. C’est le lieu d’inviter les vautours qui commencent à descendre sur le Burkina de refaire leurs valises, car on ne les as pas vus porter secours au peuple en détresse et nous avons engagé les concertations pour une transition civile et démocratique. Alors qu’ils empochent leurs perdiem et retournent dans leurs tours d’ivoire.
    La neutralité relative de l’armée a permis que le prix à payer pour notre libération ne soit pas trop élevé.
    La participation de l’armée à l’assaut final, en contraignant l’ex-président à la démission est à saluer.
    Mon Lieutenant-colonel, vous demandez qu’on vous laisse travailler ? Eh bien, du boulot, il y en a :
    -empêchez les voleurs du peuple de disparaître dans la nature ;
    -assurez l’intégrité territoriale et la sécurité des citoyens et de leurs biens ;
    -travaillez à restaurer l’unité et la cohésion de l’armée.
    Si vous réussissez ce pari, le peuple, que vous connaissez suffisamment maintenant, chantera un hymne à votre gloire.

    3 novembre 2014
  • Cette victoire est indiscutablement celle du peuple souverain du Burkina Faso. Personne, et vraiment personne, qui qu’il pense être, ne pourra encore terroriser les citoyens Burkinabè.Ce pouvoir de Transition reviendra aux Civils. Les héros de la vingt cinquième heure doivent comprendre, dans leurs propres intérêts qu’ils ne peuvent plus modifier le cours de l’histoire au Faso.

    4 novembre 2014
  • Le régiment de sécurité présidentielle doit être dissout. La sécurité du Président et des autres institutions du Burkina Faso Démocratique seront organisée et confiée aux organes des forces de défense et de sécurité comme cela se fait dans un vrai état démocratique. L’état d’exception du dictateur est révolu. Il faut que ceux qui se prennent pour des super-militaires le comprennent. Désormais, tous les militaires de notre armée seront traités sur les mêmes bases et sur un pied d’égalité.
    Les éléments constituant actuellement le RSP seront dispersés dans les différentes armes à travers le pays. Nous n’accepterons plus jamais une armée de privilégiés dans notre armée nationale.

    4 novembre 2014
  • En chaque militaire sommeille un dictateur. Ces gens du RSP sont là pour faire disparaître des preuves, ramasser tous les papiers compromettants pour Blaise et pour eux.Ils ne sont pas plus patriotes que les civiles qui terrasser le diable. Diablotins, remettez-nous notre révolution; le vol est un crime.

    4 novembre 2014
  • Il ne doit pas oser. Il était où quand le peuple battait le pavé? Comme cela ne l’intéressait pas, il s’occupait de la préparation de la fête du 1er novembre à Bobo. Maintenant que son papa n’est plus au pouvoir, il veux usurper la victoire du peuple. Ce ne sera pas possible. Qu’il rende au peuple son pouvoir, et qu’il aille s’occuper de la sécurité de l’intégrité territoriale. Voila qu’il commence à faire des dons. On ‘est vigilant, et t’attend au tournant. A bon entendeur, salut!

    6 novembre 2014
  • L’armée ne doit usurper de la victoire du peuple. Elle doit bien tenir sa promesse de rendre aux civils leur pouvoir. Depuis 1966, elle est toujours présente dans les affaires de la gestion de la cité; or son rôle regalien n’est pas cela. Il faut qu’elle sache que la société, les tâches sont bien partagées et que chacun connaît bien sa place. Le civil n’a jamais joué le rôle du militaire, donc il ne faudrait pas que le militaire veuille jouer le rôle du civil dans la gestion de la cité.
    Qu’elle rende maintenant et si vite le tablier aux civils et qu’elle aille s’occuper des bandits de grands chemin. Chacun a choisi de jouer un rôle spécifique, qu’il se contente de cela.

    12 novembre 2014

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