HomeA la uneGRANDE MOSQUEE DE BANFORA : Deux camps se disputent les postes de président et d’imam

GRANDE MOSQUEE DE BANFORA : Deux camps se disputent les postes de président et d’imam


La communauté musulmane de Banfora a mal à sa cohésion depuis un certain temps. La crise qui se manifestait par de petites querelles, a fini par s’exacerber au point que la Police nationale et la Police municipale ont investi la grande mosquée de Banfora le 22 mai 2017, où devrait avoir lieu en principe la cérémonie d’installation de Ibrahim Sagnon et de Lallé Karim Traoré respectivement comme imam et président de ladite communauté. L’autre camp, qui soutient Amadou Sanogo, s’est mobilisé tout autour de l’édifice religieux avec pour ferme intention d’empêcher quiconque d’accéder à la mosquée pour soutenir un imam autre que leur idole.

 

Point de prière à la grande mosquée de Banfora, le 22 mai 2017. La raison est que dès 4h 30, plusieurs éléments de la Police nationale et municipale de Banfora ont investi la maison de Dieu sise au secteur 2 de la ville, avec pour ferme instruction de ne laisser personne y accéder. A l’exception de quelques vieux, aucun fidèle n’a donc pu effectuer la première prière matinale de ce 22 mai 2017 au sein de la grande mosquée de Banfora. Une situation qui perdurera du reste durant toute la journée. Cette décision d’interdire l’accès de la mosquée émane des premières autorités régionales des Cascades et communales de Banfora, et visait, selon toute vraissemblance, à éviter un accrochage qui se profilait à l’horizon entre les partisans d’Amadou Sanogo qui assure l’intérim de l’imam depuis le décès d’El Hadji Bah Ouattara et ceux d’Ibrahim

Sagnon, actuel imam du quartier Korona de Banfora. En effet, la veille, c’est-à-dire le 21 mai 2017, le camp d’Ibrahim Sagnon a fait diffuser un communiqué par la voie des ondes, dans lequel il invitait les fidèles musulmans à assister à l’installation du nouveau bureau de la communauté musulmanne et du nouvel imam le 22 mai 2017 à 8h. Peu de temps après cette diffusion, les partisans d’Amadou Sanogo ont fait lire à la même radio, un autre communiqué qui annule la cérémonie et qui la reporte à une date ultérieure. Si la désignation et l’installation du nouveau imam passe pour être le véritable point d’achoppement de cette crise, il ne faut pas perdre de vue que la cérémonie devrait consacrer également l’installation de Lallé Karim Traoré en qualité de président de la communauté musulmane de Banfora. Ces deux postes, à savoir ceux d’imam de la grande mosquée et de président de la communauté musulmane de Banfora, étaient jadis occupés par la seule personne de Bah Ouattara, aujourd’hui disparu.

Pour les partisans de Amadou Sanogo, composé en grande partie d’allogènes, le camp adverse, c’est-à-dire celui qui soutient Ibrahim Sagnon, fait de l’ethnicisme dans la désignation des deux responsables. L’un d’eux qui répond au nom d’Ibrahim Traoré, pense que cette crise s’exacerbe justement parce que l’ethnicisme est en train de gagner du terrain au sein de la communauté musulmane de Banfora. Selon lui, les imams se sont toujours succédé à Banfora sans le moindre couac. « Pourquoi veut-on aujourd’hui changer le mode de désignation de l’imam et empêcher Amadou Sanogo de succéder à Bah Ouattara ? », s’est-il interrogé avant

d’indiquer que leur mobilisation vise à le soutenir car il est à leurs yeux l’imam légitime et naturel et à empêcher qu’une autre personne ne vienne s’accaparer de la mosquée. Même son de cloche chez Fousseni Banworo, un autre partisan d’Amadou Sanogo qui dit être présent pour soutenir celui-là qui doit en principe assumer les fonctions d’imam après le décès de Bah Ouattara. Pour Oumar Dao qui dit n’appartenir à aucun des deux camps, pareille situation n’a jamais été vécue à Banfora. A l’entendre, « le camp d’Ibrahim Sagnon brandit la jeunesse d’Amadou Sanogo pour dire qu’il ne peut pas devenir imam. Pourtant, selon la chronologie des successions, c’est son tour et les fidèles musulmans feront preuve de grandeur d’esprit en lui confiant la charge. Ce n’est pas parce qu’il est jeune qu’il ne peut pas assumer la fonction d’imam ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le mot d’ordre au sein des partisans d’Amadou Sanogo est qu’aucun iman, autre que Amadou Sanogo, ne mettra pied dans la grande mosquée de Banfora ; à moins de marcher sur leurs cadavres. Et pendant qu’ils étaient mobilisés tout autour de la grande mosquée pour, disent-ils, empêcher l’installation d’un quelconque bureau, les fidèles qui sont pour l’installation de Ibrahim Sagnon et Karim Traoré respectivement comme imam et président de la communauté musulmane, se sont déportés chez le chef de canton, Héma Yoyé, où ils entendaient mettre à exécution leur programme. Parmi eux, Cheik Abdoulaye Sombié, un natif de Bérégadougou, domicilié à Ouagadougou et qui dit être venu pour l’installation de l’imam. Celui-ci soutient que les autochtones ne sont pas du tout opposés aux allogènes dans le choix des responsables de la mosquée. Selon lui, c’est plutôt les allogènes qui ont été mis aux devants de la religion depuis le temps de leurs parents qui ont montré, à travers leurs agissements, qu’ils ne veulent pas voir des autochtones dans les sphères de décision de l’islam à Banfora. Et de s’interroger : « Peut-on accepter que des choses se passent chez nous sans notre point de vue alors que nous avons des fils capables de jouer leur partition ? ». Pour lui, voilà plus de 20 ans que la religion islamique ainsi que les fidèles musulmans de Banfora sont victimes d’une impunité criarde. « Regardez la grande mosquée de Banfora. Ne croyez-vous pas qu’elle devrait être construite en dur comme les autres ; elle est tout en banco alors qu’il y a les moyens pour la rénover. Depuis ces longues années, il y a des bourses qui viennent au nom de la communauté musulmane de Banfora. Mais aucun fils de la localité n’en bénéficie. Seuls les enfants des allogènes en bénéficient. C’est donc contre ces pratiques indignes d’une religion qui se respecte, que nous nous sommes levés aujourd’hui et il faut que ça cesse. Loin de  nous tout esprit xénophobe. Mais nous ne saurons accepter que quelqu’un à qui on a demandé de nous aider à construire notre maison, en devienne le propriétaire. Consultez la composition des deux  bureaux que nous avons proposés et vous vous rendrez compte que nous ne sommes pas xénophobes. Nous avons seulement demandé qu’Ibrahim Sagnon soit imam dans la mesure où il est plus âgé et plus studieux que Amadou Sanogo qui demeure toujours, selon nos propositions, le premier adjoint à l’imam ». Ouattara Oumar que nous avons également retrouvé chez le

chef de canton, pour sa part, n’est pas du tout tendre avec les autorités régionales qu’il accuse de soutenir le camp de Amadou Sanogo contre les autochtones.

En début de soirée du 22 mai 2017, une délégation du bureau national de la communauté musulmane conduite par El Hadji Ardjouma Sanou est arrivée et a rencontré le chef de canton de Banfora chez qui étaient mobilisés les partisans d’Ibrahim Sagnon. A la fin des échanges, le président a indiqué qu’ils sont venus dire aux fidèles musulmans, d’œuvrer pour le consensus. C’était en présence cette fois d’Ibrahim Sagnon qui, peu de temps avant, nous a confié à son domicile ceci : « J’ai été sollicité par mes frères musulmans pour être imam central et j’ai marqué mon accord ». Il s’est également dit disposé à diriger la mosquée avec la collaboration d’Amadou Sanogo. Les démarches que nous avons entreprises (appels téléphoniques, visite à domicile) pour joindre ce dernier se sont révélées infructueuses.

 

Mamoudou TRAORE

 

 

 

 


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