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GREVE DU SYNTSHA


La grève du SYNTSHA a paralysé tous les centres de santé publics dans la région des Cascades. Les quelques rares cliniques et cabinets de soins sont devenus les derniers remparts des malades et le centre de santé Jean Paul II, celui des femmes enceintes. Au deuxième jour de la grève le 22 mai 2019, ce centre comptait déjà plusieurs morts parmi les nouveaux-nés.

 

Avec cette grève de 96 heures décrétée par le SYNTSHA, le centre médical Jean Paul II de Banfora est devenu, depuis le 21 mai 2019, le seul refuge pour les femmes en travail. A l’entrée de ce centre, un parking a été improvisé. Jean Paul II qui ne recevait que quelques patients par jour, est pris d’assaut surtout par les femmes enceintes. Sous les arbres, les accompagnateurs attendent tandis que dans la maternité, tous les bancs sont occupés. « Il en est de même pour les tables d’accouchement », confie la sœur responsable du centre, qui a souhaité ne pas trop parler car n’ayant pas sollicité l’autorisation auprès de ses supérieurs. Néanmoins, elle ajoute qu’elles ont été dans l’obligation de référer trois femmes qui auraient pu être prises en charge au CHR, en clinique à Bobo-Dioulasso, dès le premier jour de la grève. En effet, à l’exception du centre Jean Paul II, aucune structure privée de soins de Banfora ne peut prendre en charge les parturientes. Et de nous dire, le cœur meurtri, que malheureusement, il y a eu des morts de nouveaux-nés dès le premier jour de cette grève qui, à son avis, est fort regrettable. Mais la sœur religieuse n’était pas au bout de ses peines puisque quelques minutes après notre entretien, alors que nous échangions avec des accompagnants pour recueillir leur point de vue, une femme est sortie de la maternité, les larmes aux yeux. Elle tenait dans ses bras le corps d’un bébé enveloppé d’un pagne. Sa parente vient d’accoucher, mais le bébé est sans vie. Elle demande au jeune homme qui les avait accompagnés, d’aller chercher un carton à la boutique. Certainement pour y mettre le corps du bébé. Sylvain Ouattara, formateur au CLIMA de Bérégadougou, qui accompagnait également la malheureuse accouchée, confie qu’elle est arrivée dans leur centre il y a à peine une dizaine de jours, en compagnie de son époux. « Ils viennent de Barsalogho. C’est dire qu’elle a fait tout le trajet de Barsalogo à Bérégadougou, avec la grossesse. Ce matin, dès que le travail a commencé, nous l’avons conduite au CSPS de Bérégadougou. Mais tout était fermé. On nous a conseillé de l’amener ici puisque même le CHR de Banfora se trouve paralysé. Elle était très agitée et pour atteindre Jean Paul II, ça n’a pas été facile. On s’est débrouillé pour arriver mais malheureusement, ça n’a pas marché. C’est d’ailleurs devant vous-même que ça s’est passé ». Une situation qui a attristé une fois de plus les accompagnateurs qui, depuis la veille, assistent à des scènes de désolation. Sans vouloir se présenter à notre micro, l’un d’eux martèle  que « c’est vraiment décevant. Nous sommes tous les enfants d’un même pays. A un moment donné, il faut céder et laisser tomber certaines revendications. C’est la catastrophe. Nous sommes menacés au Nord du pays où il y a des tueries et c’est ce qui devrait nous préoccuper tous. Je me retrouve ici avec ma femme dans cet état, couchée à même le sol. Elle est en train de souffrir pour donner la vie à notre premier enfant et je ne sais pas comment ça va se dérouler ». Au même moment, on lui fait savoir que son épouse est délivrée. Il nous abandonne et court voir les siens.  Les grévistes, pour leur part, ont choisi d’établir leur piquet au siège de la CGT-B à Banfora. Ce lieu refusait du monde. Les agents venus des différents CSPS échangeaient de tout et de rien. La position du gouvernement, qu’ils incriminent, était le plat central. Emile Ilboudo, SG du SYNTSHA/ Comoé, tout en se disant sensible à la situation de la population, fait noter que le SYNTSHA s’est vu obligé de lancer cette grève parce que le gouvernement les fait tourner en rond depuis  2 ans. Selon lui, le gouvernement ne veut pas appliquer le protocole d’accord qu’il a d’ailleurs et unilatéralement transformé en fonction publique hospitalière qui coûte plus cher que le premier protocole qui avait été signé. « Il ne peuvent pas venir, deux années après, nous dire que ça coûte cher et qu’ils ne  peuvent pas l’appliquer ». A entendre monsieur Ilboudo, le mouvement est très bien suivi. L’hôpital est fermé, de même que tous les CSPS de la ville et des campagnes. En tout cas, la mobilisation est au-delà de nos espérances, fait-il savoir. Ce qui, de son point de vue, veut dire que les travailleurs sont mécontents, exaspérés et ils tiennent à le montrer. « On sait qu’il y aura des victimes et nous-mêmes, nous sommes des victimes potentielles » lance-t-il tout en précisant qu’il y a  des pressions et des menaces qui sont exercées sur les militants, dans le but de casser le mouvement. Cela ne marchera pas car nous sommes déterminés. C’est d’ailleurs pourquoi, de commun accord, nous avons décidé de rejeter toutes les réquisitions qui ont été faites. Cette grève sera suivie du boycott des gardes et permanences, apprend-on au piquet de grève. C’est dire que dès le week-end qui suit les 96 heures de grève, le CHR et autres CSPS resteront fermés. Ils n’ouvriront que le lundi 27 mai 2019. Là encore, selon un régime sans garde ni permanence. En attendant, un tour au CHR de Banfora nous permet de faire le constat que l’ensemble des services sont fermés. Le DG que nous avons joint au téléphone, n’a pas souhaité dire mot sur ce débrayage. Toutefois, il était fort aisé de s’apercevoir que les malades ont disparu. Qui pour rallier une clinique, qui pour attendre à la maison, le temps que le service reprenne. Les parkings qui débordent habituellement de motos jusque sur la chaussée, sont désespérément vides et même les vendeuses d’eau, de fruits et de bouillie, se sont trouvé d’autres clients en attendant.

Mamoudou TRAORE

(Correspondant)

 

 


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