HomeA la uneGREVE DES SYNDICATS AU MALI :Une grogne sociale qui se comprend

GREVE DES SYNDICATS AU MALI :Une grogne sociale qui se comprend


Face à la vie chère et contre l’inertie du nouveau régime, les travailleurs sont en grève au Mali, depuis hier 21 août 2014. Cela fait suite à l’appel de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). La grogne concerne aussi bien le public que le privé. C’est la première crise sociale vraie, à laquelle se trouve confronté le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK).

La fronde sociale intervient dans un contexte sociopolitique très difficile

Une série de revendications sociales met aux prises les autorités maliennes et la première centrale syndicale du pays. L’UNTM a maintenu ferme son mot d’ordre de grève, après en avoir avisé la partie gouvernementale en fin juillet dernier. En effet, après quatre jours de négociations autour des 17 points soumis, les parties ne sont parvenues qu’à 12 points d’accord. Les 5 points de désaccord restants ont fait l’objet de trois propositions de la part du gouvernement malien. Il y a entre autres le relèvement du SMIG d’environ 10%, mais aussi celui de l’allocation familiale au bénéfice des conventionnaires, lui aussi d’environ 10%. Enfin, l’équipe d’IBK a fait une proposition d’étude du système fiscal, en vue d’une réduction de l’IUTS. Selon les dernières estimations, la grève se serait déroulée normalement. La fronde sociale intervient dans un contexte sociopolitique très difficile, car rythmé par trois grands facteurs. Il y a d’abord la crise du Nord- Mali, et la menace « djihadiste » qui survit aux négociations. Elle met le Chef de l’Etat dans une situation fort délicate : IBK se trouve, en effet, entre le marteau des « djihadistes » et l’enclume des syndicats. Ensuite, la pauvreté s’est beaucoup généralisée, dans les campagnes en particulier. Cette misère nauséabonde est consécutive à l’incuriedes acteurs politiques, à la démission de l’Etat sous différents régimes politiques. Elles ont conduit au laisser aller, encourageant de ce fait de nombreux citoyens maliens à privilégier l’intérêt personnel aux dépens de l’intérêt général.

Les atermoiements consécutifs à la gestion du pouvoir politique suite à l’avènement de la junte, les volte-face répétées en rapport avec la résolution de la crise du Nord, achèvent de convaincre que le Mali traîne vraiment de l’arrière quant à l’édification d’une société moderne. Les élites politiques semblent davantage promptes à régler les comptes à l’Etat, sinon à en exploiter les avantages, qu’à forcer la négociation avec les forces conservatrices, pour faire avancer les causes sociales justes. Durant les crises de ces dernières années, les tiraillements de la classe politique, toutes tendances confondues, illustrent jusqu’à quel point l’on a perdu jusqu’au sens de l’Etat et du service public. L’évolution politique, il est vrai, n’a pas beaucoup aidé les Maliens. Abandonnée à elle-même depuis des décennies, la barque de l’Etat n’a fait que tanguer. Longtemps aura prévalu chez les uns et les autres, le souci de mieux se servir pendant qu’il est temps, et de laisser pour la postérité la part de responsabilité à assumer. Cela se ressent jusqu’à des niveaux insoupçonnés dans l’appareil d’Etat. Les détournements orchestrés par le passé à l’occasion de la lutte menée contre le SIDA, notamment. Au Mali, on semble davantage chercher à se rattraper.

Aujourd’hui, après les courses-poursuites à travers le Sahel, quiétude et sérénité semblent s’installer progressivement. Toutefois, la mégalomanie semble titiller l’équipe d’IBK. Sinon, pourquoi ces scandales autour de l’achat d’un avion présidentiel d’environ vingt milliards de francs CFA ? Très difficile de justifier cette hâte fiévreuse à renouveler l’avion présidentiel, ou à restaurer le palais de Koulouba, dans un pays toujours en conflit avec des « djihadistes » camouflés et prêt à frapper à tout moment.

 

Aux Maliens de s’entendre pour conjurer le mauvais sort

 

Epreuve difficile que cette fronde sociale qui tient lieu d’avertissement. En tout cas, elle illustre la montée des mécontentements qui se multiplient. De façon générale, plusieurs fois l’Etat malien a chaviré, face à l’inflation. Lors des rencontres avec les partenaires sociaux, la révision du barème salarial a toujours constitué un cauchemar. Les ménages n’en peuvent plus ! Outre l’insécurité qui fait régner l’incertitude, les travailleurs des villes et des campagnes éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts. Par ailleurs, certains paysans maliens n’ont pas pu semer, du fait de l’insécurité. Par conséquent, ils ne récolteront rien en fin de saison ! La situation est d’autant plus grave qu’au Nord, l’éleveur a du mal à gérer son troupeau, face au double péril de la menace « djihadiste » et de la difficulté à conduire les troupeaux vers des pâturages qui font rêver, et où règne un semblant de paix.

Avec un agenda constamment rongé par la situation de « ni guerre, ni paix » que lui impose la rébellion touarègue, le régime d’IBK ne semble pas avoir eu suffisamment de temps pour s’occuper des revendications du monde du travail. De sorte que progressivement, les conditions de vie et de travail se sont dégradées. En changeant soudainement de Premier ministre, sur des bases peu convaincantes, IBK n’a-t-il pas prêté le flanc ? Aujourd’hui, il faut faire face à une grogne sociale qui pourrait s’envenimer et prendre de l’ampleur. Or, le nouveau régime malien semble vaciller sous le poids de la politique politicienne. Dans leur analyse des revendications des travailleurs, IBK et ses partisans ne doivent pas perdre de vue que dans les pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA en particulier, il existe des critères de convergence qui dictent leurs lois. De manière irréversible, le mouvement de l’intégration est en marche en Afrique de l’Ouest. Et comme tel, il incite chacun à regarder de près ce qui se passe à côté. Le principe des vases communiquants s’observe principalement dans des secteurs sensibles comme l’éducation, le bloc socio-sanitaire, l’agriculture, entre autres.

La grogne des travailleurs maliens se comprend. A l’inverse, il est difficile d’admettre que le Mali serait victime d’une sorte de mauvais sort, qui lui aurait été jeté au lendemain des indépendances. Aux Maliens eux-mêmes de s’entendre pour conjurer ce mauvais sort s’il en est. Il leur faut vite édifier l’Etat moderne qui se profile, mais tarde à renaître des cendres des anciens royaumes que l’histoire a enregistrés. Dans cette optique, il est salutaire de travailler à conjuguer les efforts tant au plan intérieur qu’extérieur. Ce, d’autant que pour bâtir l’idéal communautaire ouest-africain, il est impératif de s’arrimer aux exigences de l’heure. Or, de nos jours, aucun citoyen de notre vaste espace n’aspire à devenir le dindon d’une farce de mauvais goût !

 

« Le Pays »

 


No Comments

Leave A Comment