HomeA la uneINONDATIONS DANS LA KOSSI : Concessions, champs et cimetières sous l’emprise des eaux

INONDATIONS DANS LA KOSSI : Concessions, champs et cimetières sous l’emprise des eaux


La saison pluvieuse s’est tardivement installée courant juillet dans la Kossi. Des pluies diluviennes sont enregistrées dans les villages de Sikoro, Kamiankoro, Kodougou, Badala, Hankuy dans la commune de Bourasso ; Dara, Bankoumani, Sobon, Toni et Bagala dans la commune de Nouna ; Goni et Kamandena dans la commune de Dokuy. Ces précipitations excessives ont causé et continuent de causer des dégâts aussi bien sur les habitations que dans les champs. C’est du moins le constat que nous avons pu faire en nous rendant sur les lieux. C’est un spectacle désolant qu’il nous a été donné de voir le 10 août dernier à Dara, le village maternel de Djibrill Bassolé, et dans ses environs qui se sont retrouvés sous les eaux.

 

Pour se rendre à Dara, village situé à 12 km au sud de Nouna ces temps-ci, c’est véritablement le parcours du combattant. Nous en avons fait l’amère expérience. A notre arrivée, point besoin de demander pour comprendre la situation.

Nihani Dembélé, un artiste-musicien traditionnel que nous avons rencontré à l’entrée du village, nous a appris que la situation est très alarmante, étant donné que la plupart des champs sont inondés. Nous avons fait le tour du village pour constater les dégâts occasionnés par les eaux. Dara et ses environs sont inondés, faisant planer de sérieuses incertitudes sur la réussite de la saison agricole.

Mais le paradoxe est que la localité n’a pas enregistré une forte pluviométrie. L’eau est venue d’ailleurs. « Cela fait longtemps que nous n’avons pas connu un tel désastre aux conséquences aussi dramatiques et fâcheuses », explique Nihani Dembélé. Sous les hangars du marché du village, une population désœuvrée, quasiment désespérée et désabusée, ne sait plus à quel saint se vouer. Aux alentours du village, les eaux ruissellent avec une vitesse incroyable. Des centaines d’hectares de champs sont submergées d’eau. L’axe Dara-Bankoumani où on se rendait, à un jet de pierre, est impraticable et ledit village est inaccessible à cause des eaux qui dictent leur loi. Seuls quelques courageux y vont, par nécessité ou par contrainte, en pirogue artisanale contre déboursement d’une somme de 100 à 200 F CFA pour une distance de 500 m. Un instituteur que nous avons joint au téléphone à Bankoumani, nous a déconseillé d’y venir car, le village est en ce moment même divisé en deux à cause du ruissellement des eaux, laissant les habitants perplexes. A la question de savoir d’où proviennent ces eaux, Valentin Yacoro, le président CVD du village de Dara, notre guide, répond qu’elles proviennent du Mali, notamment des collines de Dokuy et des villages de Dira dans les Banwa. La quantité inouïe d’eau effraie tout observateur avisé. « Sauvez-nous de ces eaux, sinon nous n’aurons plus d’abri, ni de quoi nous nourrir cette année. Chaque année, nous vivons ces mêmes scènes d’inondations, sans assistance », plaide une vieille femme qui marche en s’appuyant sur une canne. Laurent Dehoun, un agent d’agriculture à la retraite à Dara et qui fêtait son 61e anniversaire le même jour, nous apprend que 98% des champs sont inondés à cause des pluies diluviennes et torrentielles survenues dans certains villages situés en  altitude, dans les Banwa et à Dokuy dans la Kossi. Pour lui, chaque année, les villages de Dara, Kamandena, Goni, Toni et Sobon subissent le même triste sort. Et les principales causes de ces inondations sont, entre autres, l’ensablement des cours d’eaux, plus précisément le fleuve Vouhoun à Bourasso. Les autres raisons sont liées à la culture sur les berges  des cours d’eau par les paysans et l’atypique pont de Bagala. Selon lui, pour sortir de ce bourbier, la seule solution, c’est de dompter l’eau entre les différents villages concernés, pour amorcer les cultures de contre-saison, le curage des rivières, des marigots et du Vouhoun pour canaliser les eaux de pluie. Il n’est pas passé par quatre chemins pour fustiger les autorités, les accusant de manque de volonté politique. Pour lui, il existe des espaces pour créer des retenues d’eau et construire des barrages. Il affirme que des constats et des recensements sont faits pendant les inondations dans les villages, mais les sinistrés ne reçoivent jamais d’aide. Et les propos de Dabou Taro, élève en classe de CE2,  nous ont surpris lorsqu’il a dit en bwamu à ses camarades que nous avons l’habitude de venir faire des photos en temps d’inondation, mais leurs parents n’auront rien en retour. « Vont-ils passer leur temps et leur vie à prendre des photos ? », a-t-il murmuré par la suite.

Quant à Valentin Yakoro qui était notre guide, il déplore des chefs de famille déplacés, des centaines de champs complètement ravagés, des zones de pâturage inondées dont lui-même en est victime. Et d’ajouter qu’il n’y a aucun espoir d’avoir de bonnes récoltes et que la conséquence est que certains jeunes de Dara et de Bankoumani se rueront vers les grandes villes et les sites artisanaux d’orpaillage. D’aucuns sont déjà au Mali. Aussi, lance-t-il un cri du cœur pressant aux autorités afin qu’elles se penchent sérieusement sur les problèmes récurrents d’inondations de Dara et ses environs. Il préconise pour cela, la construction de retenues d’eau, la vulgarisation des plaines aménagées et la construction d’un barrage pour promouvoir les cultures de contre-saison.

 

Le pont de Bagala

 

Après un parcours périlleux, nous nous sommes rendus à Bagala, un village situé à 15km au Sud sur l’axe  Nouna-Sanaba. A l’entrée du village, un pont de fortune, un cassis, a été érigé par une entreprise qui envisageait la construction d’une retenue d’eau pour le maraîchage. Ce pont est submergé par les eaux qui inondent les champs et les villages voisins. Oscar, un jeune venu au secours des usagers pour traverser ledit pont à polémique, nous informe que celui-ci  est la principale cause de leurs malheurs chaque année. « L’entreprise qui l’a construit nous a trompés », dit-il. Ce pont n’a aucun intérêt en hivernage comme en saison sèche. « Notre sort se trouve entre les mains de Dieu, le Tout-Puissant, et la bonne volonté des autorités », affirme-t-il.  Sur les lieux, c’est la croix et la bannière pour les usagers qui veulent traverser le pont. A quelques mètres des champs envahis par les eaux, c’est la désolation. L’exploitation anarchique des ressources naturelles à la faveur de la pression démographique, a changé la donne. Au regard de la situation embarrassante qui y prévaut, les uns et les autres se convainquent à présent que les changements climatiques sont une réalité.

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Le village de Bankoumani, l’épicentre des inondations

 

Le 13 août dernier, nous avons effectué une visite périlleuse à Bankoumani, un village situé à 20 km au Sud-Ouest de Nouna où l’ampleur des dégâts crève les yeux. Cette fois-ci, notre équipe est forte de 4 membres dont le maire de Nouna, Issoufou Traoré, son 2e adjoint, Adama Dembélé, et le directeur de la radio communale, Eric Traoré. Il était 9h 30mn à notre arrivée sur le pont de Bagala. Des jeunes hommes ont été sollicités pour garder les motos sur les rives du fleuve.

Le reste du chemin se fera à pied. Mais avant, il était question de marcher sur une distance d’un kilomètre dans l’eau dont le niveau atteint en général les genoux, pour se rendre d’abord à Bagala. Là-bas, nous avons sollicité des montures pour rejoindre Bankoumani. A deux kilomètres du village, les engins ont été déposés sous des arbres. La distance restante pour atteindre le village est faite à pied, le sol étant glissant.  C’est à 12h 00 que nous sommes arrivés dans ledit village. Sur les visages des habitants, la désolation se lisait. Le village de Bankoumani est scindé en deux. Le constat était accablant, les dégâts étant énormes : des routes impraticables, des greniers, des puits et des cultures envahis par les eaux. L’état des maisons, la plupart construites en banco, entièrement détruites comme si elles avaient été bombardées, atteste de l’ampleur de la situation.

En plus de ces dégâts, le pont de fortune qui reliait le côté Est à l’Ouest du village, a cédé. Partout, c’est le désarroi total. «  Nous avons tout perdu, sauf ce que nous sommes. Il y a plus de 21 personnes sinistrées et le bilan sera exhaustif au fil du temps. Ce n’est que le début. Chaque année, nous plongeons dans la même situation qui va de mal en pis », a confié le chef du village, Kalifara Zon. Yacouba Konaté, un septuagénaire, susurre que si rien n’est fait, des familles vont éclater, étant donné que les bras valides se vident peu à peu du village. Et ce sont des enfants, des femmes et des vieillards qui croupiront dans la misère. «Ce que nous craignons, c’est notre sommeil. Car chaque jour est un cauchemar pour nous. Comment faire pour nourrir nos familles dans ces conditions exécrables et dégradantes ? », s’interroge t-il. Soumana Zobon, le chef du quartier du flanc ouest du village, déplore l’état des champs irrécupérables, des fosses septiques et des puits submergés. Les cimetières n’ont pas non plus  échappé à la furie des eaux. En effet, la plupart des tombes se sont affaissées, créant ainsi un sérieux problème de santé publique. Le village est devenu inaccessible, et c’est par pirogue que des gens effectuent les déplacements dans les deux sens.

C’est par ce même moyen de déplacement que le maire de Nouna, Issoufou Traoré, et son équipe ont pu aller constater les dégâts et exprimer leur vive compassion aux sinistrés. Ils  en appellent à la solidarité agissante de l’ensemble des habitants qui affrontent ces moments difficiles. Quant à  Adama Dramé,  un vieux remonté, il a dit à la délégation que si jamais les préoccupations de Bankoumani telles que la construction d’un pont, d’un CSPS et des routes  ne sont pas prises en compte durant les cinq années à venir, il ne votera pas et dissuadera quiconque voudrait le faire.

 

Madi KEBRE

(Correspondant)

 

 

 

 


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