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INSECURITE SUR FOND DE STIGMATISATION AU BURKINA


L’auteur du point de vue ci-dessous n’est plus à présenter puisqu’il fut, dans un passé pas très lointain, ministre de la République. Zacharia Tiemtoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, appelle les Burkinabè à un « sursaut patriotique », au risque, dit-il, de voir notre pays « disparaître dans sa forme actuelle ». Lisez !

« En 1932, nos grands-parents ont dû taire leurs divergences, ravaler orgueil et ambition individuelle, pour exiger ensemble que notre pays soit reconstitué dans ses frontières initiales.  Quinze longues années de lutte, de sacrifices, de sueurs et de sang pour continuer d’exister. En tant qu’héritiers, nous devons certainement avoir dans notre ADN ce marqueur. Celui de patriotes capables de faire bloc, sans se soucier des minuscules et artificielles querelles, pour protéger et sauvegarder notre pays. Eh bien, le moment est venu d’utiliser cette capacité d’union des cœurs et des forces car le danger qui nous menace n’est pas fondamentalement différent de celui du siècle dernier. Ne nous y trompons pas, si le sursaut collectif n’arrive pas maintenant, c’est le pays dans sa forme actuelle qui pourrait disparaître.  Il est vrai que dans le monde des vivants mobiles, le pouvoir attise toujours des convoitises mais il est des temps, dans la vie d’une nation, où cela devient dérisoire.  Il est un fait, dans moins de six mois, le mandat de ceux que nous avons désignés (Présidence et Assemblée nationale) pour agir en notre nom, arrive à échéance. Que devons-nous faire ? Tenir les scrutins à bonne date en dépit de la situation sécuritaire fortement dégradée ou les reporter sine die ? Les positions sur le sujet se cristallisent au fur et à mesure, les lignes de fracture apparaissent et nos divisions s’approfondissent. A petit feu, notre pacte social se consume. Pourtant, il est dit régulièrement par les tacticiens et les stratèges que la manœuvre doit être dictée par le terrain. Alors, pourquoi en de pareilles circonstances, ne laissons-nous pas le terrain fertiliser notre imagination, libérer notre génie créateur, pour fabriquer des solutions en dehors des cadres rigides ?  Nous entendons l’argument du respect de la Constitution et de ce qu’elle prescrit. Mais nous entendons également la vérité selon laquelle cette fameuse Constitution n’est qu’un outil au service de la cause commune et ne doit, en aucun cas, devenir un obstacle à la cohésion. Car, au-delà de la Constitution, c’est bien la vie humaine et la préservation de la terre de nos ancêtres qui sont sacrés. Osons donc nous réinventer. Nous avons cinq mois pour construire un consensus national autour d’une autre forme de désignation de nos représentants, ne serait-ce que de façon provisoire, afin de demeurer unis face à une cruelle adversité. Si la légitimité du pouvoir correspond à ce qui est juste et fondé sur une base éthique, alors elle ne saurait être enfermée uniquement dans une logique de suffrage universel, surtout lorsqu’on sait à quel point ce suffrage universel est perverti sous nos cieux.  Aussi, face à cette crise multiforme qui fragilise et fragmente le pays et dans la perspective de résoudre le problème des élections, afin de nous consacrer, ensemble, à la lutte contre l’insécurité et contre la désintégration de notre nation, nous suggérons l’alternative suivante dont les détails pourront être fournis ultérieurement : une concertation nationale de validation de la démarche proposée ;un gel, par des amendements, des dispositions non applicables de la Constitution dans le contexte actuel ; la mise en place d’un comité de candidatures apolitique et de grande probité pour proposer des critères pour être candidat à l’élection présidentielle et aux législatives. Ce comité pourra, au besoin, bénéficier de l’appui technique des experts de la CENI ; une présélection des candidats par le comité sur la base des critères préalablement définis (profils de leaders souhaités en situation de crise) ; la mise en place d’un collège électoral (entre 2000 et 3000 personnes) tiré au sort sur la base du fichier électoral ou de celui de l’ONI et constitué selon la méthode des quotas ; l’élection en salle d’un Président du Faso et de députés de zone par le collège électoral après un oral des candidats ; l’investiture et la prestation de serment.  Cette démarche alternative (qui a été partiellement expérimentée au Burkina Faso dans un passé récent) sera accompagnée de précisions sur la durée des mandats ainsi obtenus et sur les conditions d’exercice (les idées y relatives seront discutées en temps opportun). En sortant avec courage des sentiers battus, nous nous offrirons la possibilité de doter le pays d’élus et de dirigeants légitimes sans avoir à exposer davantage la vie des populations et des candidats. Les dizaines de milliards (Cf. budget CENI pour les élections) prévus pour l’organisation du scrutin au suffrage universel ainsi que les économies significatives sur le budget de la Présidence et de l’Assemblée nationale (grâce à un redimensionnement de ces institutions) pourront ainsi être épargnés et réaffectés à la lutte contre l’insécurité, à l’amélioration des conditions de vie des populations et des travailleurs. Les sommes énormes déversées pendant la campagne électorale ne seront plus nécessaires et ne troubleront plus le choix de l’électeur. Elles pourront plutôt servir à créer des emplois et à faire des investissements d’avenir. La fraude qui travestit le vote et transforme le plus souvent les scrutins en bombe sociale dans nos latitudes, sera rendue impossible dans le schéma proposé. Il est vrai que des citoyennes et citoyens pourraient ressentir une frustration de ne pas appartenir au collège électoral, mais cela ne sera qu’une émotion passagère et certainement le prix à payer, le renoncement à accepter pour le pays afin d’éviter qu’il se fragilise davantage. Nous savons bien que le compromis n’est jamais l’équivalent de l’idéal, cependant, il est nécessaire et crucial surtout lorsque le péril frappe à la porte. Nous devons, avec humilité et esprit de responsabilité, penser au pays que nous lèguerons à nos enfants et aux générations futures. Par conséquent, trouvons les idées et ouvrons, ensemble, cette phase patriotique transitoire de la vie de notre nation. Reconquérons les parties du territoire perdues et les compatriotes égarés, élevons-nous à la hauteur du sacrifice de nos devanciers pour ne pas rajouter à la division de la haine. Voici pourquoi, l’ultime priorité de celles et ceux qui seront candidats pour agir, au nom du peuple, au cours de cette période spécifique de résistance et de lutte pour la survie du pays, sera de nous rassembler tous, ruraux comme urbains…quelle que soit notre appartenance ethnique, religieuse ou politique.

Dr Zacharia Tiemtoré »


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