HomeA la uneINVALIDATION DE LA CANDIDATURE DE LAURENT GBAGBO A LA PRESIDENCE DU FPI : Chronique d’un naufrage annoncé

INVALIDATION DE LA CANDIDATURE DE LAURENT GBAGBO A LA PRESIDENCE DU FPI : Chronique d’un naufrage annoncé


Après un premier report, le tribunal de première instance d’Abidjan a rendu, le lundi 29 décembre dernier, sa décision dans l’affaire Affi N’Guessan contre le comité de contrôle du Front populaire ivoirien (FPI), par rapport à la candidature de Laurent Gbagbo à la présidence du parti.  La justice ivoirienne a tout simplement validé le recours de Affi N’Guessan contre la candidature de Laurent Gbagbo et a ordonné le retrait de celle-ci, parce qu’incomplète, en raison de l’absence d’une demande manuscrite de ce dernier dans son dossier. C’est la fin d’un épisode, mais pas la fin du feuilleton judiciaire qui pollue depuis quelques semaines l’atmosphère au sein du FPI, et qui divise profondément les militants.

En rappel, certains cadres du parti dont Michel Gbagbo, le fils de l’ex-président ivoirien, avaient porté la candidature du père fondateur du parti contre celle du président actuel, Pascal Affi N’Guessan, candidat à sa propre succession à la tête du parti. Et le congrès du parti, initialement prévu en début décembre et qui devait trancher la question, n’a pu se tenir, justement en raison des dissensions autour de la question. C’est dans ces circonstances qu’Affi N’Guessan avait saisi la Justice pour trancher le différend.

Le 17 décembre dernier déjà, dans une première décision, la Justice déboutait les adversaires d’Affi N’Guessan dans leur recours pour demander la levée de la mesure de report du congrès. Avec le verdict du lundi 29 décembre dernier, c’est sans surprise qu’Affi N’Guessan a remporté la deuxième manche du procès qui l’opposait à ses frères ennemis.

Bien entendu, certains verront derrière ce verdict une décision confortable pour la Justice ivoirienne elle-même et pour le pouvoir d’ADO. Mais, il y a lieu de croire que manifestement, le dossier de Laurent Gbagbo n’était pas conforme aux règles, et que le tribunal n’a pas eu besoin d’aller puiser ailleurs que dans les textes fondamentaux du parti pour trancher la question.

A l’analyse, le FPI n’avait pas besoin d’aller devant les tribunaux pour régler cette affaire. Une solution à l’interne aurait pu être trouvée s’il y avait eu une volonté réelle de privilégier le dialogue et d’appliquer tout simplement les textes.

Cette bataille fratricide va laisser des séquelles profondes au sein du FPI

Mais, ce verdict suffira-t-il à ramener le calme et la sérénité au sein du FPI ? Rien n’est moins sûr, même si ce serait l’idéal pour permettre au parti de se réorganiser et de repartir du bon pied. Pascal Affi N’Guessan aura-t-il désormais les coudées franches pour mener son combat ? L’on peut aussi en douter, quand on connaît le radicalisme de certains de ses adversaires qui ne tolèrent pas ses accointances supposées ou réelles avec le pouvoir d’ADO qui est leur ennemi juré.

En tout état de cause, ce verdict vient certes trancher une situation,  mais il faut craindre qu’au lieu de régler définitivement le problème, il ne contribue plutôt à creuser davantage le fossé entre les héritiers de Laurent Gbagbo. Cela est d’autant plus à craindre que visiblement, les adversaires d’Affi N’Guessan ne sont pas prêts de rendre les armes. Les propos de l’avocat du Comité de contrôle, Me Achille Gboho,  sont d’ailleurs assez éloquents à ce propos : « nous allons faire un appel suspensif de cette décision ».

Il faut donc s’attendre, dans les jours à venir, à un rebondissement dans cette affaire. Dans ce combat fratricide où deux tendances s’affrontent, c’est l’avenir du parti qui se joue en filigrane avec, d’une part, Affi N’Guessan et ses partisans pour qui, dès lors que leur mentor commun est détenu dans les geôles de la Cour pénale internationale (CPI), en attente de son procès prévu pour s’ouvrir en juillet 2015, il faut faire preuve de réalisme et changer de stratégie pour la reconquête du pouvoir d’Etat. Et d’autre part, leurs détracteurs qui estiment que Laurent Gbagbo est l’âme du parti et qu’à ce titre, l’on ne saurait en tourner la page. De surcroît, ces faucons soupçonnent Affi N’Guessan non seulement de pactiser avec le « diable » Alassane Ouattara, mais aussi d’avoir un agenda caché pour la présidentielle de 2015. Chose qui le pousserait à vouloir poser cet acte s’apparentant, selon eux, à un parricide.

Le plus triste, c’est que Laurent Gbagbo lui-même, qui aurait pu éviter une telle descente aux enfers à son parti en prenant une position claire dès le départ, s’emmure dans un silence incompréhensible qui ne fait que contribuer à pourrir l’atmosphère entre ses héritiers. C’est  la chronique d’un naufrage annoncé pour le FPI qui risque de faire son propre requiem d’ici là, si les uns et les autres ne reviennent pas à la raison.

Au-delà, cette situation vient confirmer une fois de plus toute la difficulté, en Afrique,  pour les partis politiques, de survivre à leur fondateur.  Et cette bataille fratricide va laisser sans aucun doute des séquelles profondes voire irréversibles au sein du FPI. Car, quel que soit l’épilogue, le parti en portera les stigmates pour longtemps, s’il parvient à éviter l’implosion.

 

Outélé KEITA

 


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