HomeA la uneINVESTITURE DE DEBY POUR LA PRESIDENTIELLE TCHADIENNE : J’y suis, j’y reste !

INVESTITURE DE DEBY POUR LA PRESIDENTIELLE TCHADIENNE : J’y suis, j’y reste !


 

A l’issue du septième congrès extraordinaire de son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), tenu hier à N’Djamena, le président tchadien, Idriss Déby Itno, a été investi pour briguer un nouveau mandat à la présidentielle du 10 avril prochain. Et ce, après 26 ans de pouvoir sans partage. En réalité, cette investiture est un non-évènement, car, en aucun cas, il n’aurait pu y avoir une autre candidature au sein de ce parti, en dehors de celle du maître de N’Djamena. Qui est fou ? En cela, Idriss Déby n’est pas différent des autres dictateurs africains qui brillent par leur longévité au pouvoir et qui  ne se sentent nullement concernés par les questions d’alternance. En revanche, si elle est validée par la Cour constitutionnelle, la candidature d’une amazone comme  Mahamat Moussa Abdallah permettrait à cette dame inconnue jusque-là du grand public, de rentrer dans l’histoire comme la première femme à briguer la magistrature suprême au Tchad.

Idriss Déby semble assis sur du solide si fait qu’il a de bonnes raisons de penser à rester encore au pouvoir

Pour en revenir à l’investiture du warrior de N’Djamena, cela n’a rien de nouveau. Car, l’histoire récente de bien des pays africains a suffisamment montré que quand on a passé autant de temps au pouvoir, il devient difficile de se déscotcher du fauteuil présidentiel pour certaines raisons bien connues dont, entre autres, la prise de goût au pouvoir, les inévitables cadavres dans les placards, la peur de l’après-pouvoir et les nombreuses accointances au niveau international. En la matière et concernant le dernier point en particulier, Idriss Déby semble assis sur du solide si fait qu’il a de bonnes raisons de penser à rester encore au pouvoir, malgré les nombreuses années déjà passées à la tête de l’Etat tchadien. En effet, avec une image de pacificateur et de guerrier intrépide, il est visiblement dans le même schéma qu’un certain Blaise Compaoré à une certaine époque de son règne.  Dans le cas d’espèce, Idriss Déby Itno a su gagner la confiance et le soutien de la Communauté internationale pour son engagement sans faille dans la lutte contre le terrorisme notamment, véritable cancer de ce XXIè siècle, qui donne du fil à retordre même aux plus grands. Et en l’absence du guide libyen Mouammar Kadhafi, le président tchadien a su habilement se hisser au rang de véritable patron du Sahel à travers son engagement et les hauts faits d’armes de ses troupes dans la lutte contre la pieuvre djihadiste, notamment au Mali, au Nigeria, au Cameroun. Toutes choses qui constituent, à bien des égards, une certaine dette morale de la communauté internationale à son endroit, pour le prix du sang de ses soldats tombés au front.  Pour tous ces motifs, Déby a de bonnes raisons de se dire que la Communauté internationale a encore besoin de lui et de son expertise, surtout au moment  où la menace terroriste se fait de plus en plus pressante et présente dans cette partie du monde qui semble la moins bien armée pour faire face à ce fléau planétaire. Il pourrait aussi se convaincre qu’il n’en va pas autrement pour son peuple qui  lui doit une fière chandelle non seulement pour la notoriété internationale dont jouit à présent son pays sur l’échiquier africain, mais aussi pour ses efforts en matière de développement et de répartition des fruits de la manne pétrolière! Sans oublier la relative stabilité dont jouit le pays et qui est en passe de faire du Tchad un ilot de stabilité dans un océan très agité. Aussi, dans cette région de l’Afrique qui apparaît aujourd’hui comme un repaire de dictateurs réfractaires à toute idée d’alternance  en faveur des générations montantes, Déby ne manque pas d’arguments, avec un tel bilan qui ferait pâlir de jalousie bien de ses pairs de la sous-région, pour justifier sa volonté de rester au pouvoir, même après un quart de siècle de règne.  L’on pourrait donc aisément en conclure qu’il est dans la logique du « j’y suis, j’y reste ».  D’autant plus qu’il a accepté de revêtir, pas plus tard que la semaine dernière, le manteau de nouveau président en exercice de l’Union africaine (UA) alors qu’il est en fin de mandat dans son pays. Toutefois, malgré les nombreux cas de violations des droits de l’Homme qui restent le tableau sombre de la gouvernance Déby,  l’on ne sera pas étonné du silence général sur le cas tchadien, des traditionnels donneurs de leçon en matière de démocratie. Un silence très fortement remarqué en ce moment où l’alternance est devenue le credo d’une jeunesse africaine qui voit dans le changement des perspectives d’avenir. Car, tout porte à croire que ce serait la mort dans l’âme que les grandes puissances, engagées dans une lutte sans merci ni répit contre le grand Satan islamiste,  verraient partir un samouraï comme Idriss Déby, dévoué à la cause et qui n’a visiblement pas fini de régler ses comptes avec Abubakar Shekau et sa bande de criminels.

S’il devait se succéder à lui-même, Déby raterait une occasion de passer la main et de sortir auréolé  de gloire

C’est dans un tel contexte que les Tchadiens, entre résignation et soif d’alternance, ont la lourde tâche de départager Déby et ses adversaires dont les plus emblématiques que l’on verrait bien sur la ligne de départ, demeurent l’ancien Premier ministre Kassiré Koumakoye, le maire de la capitale économique du pays Laoukein Kourayo Médard et les opposants historiques Ngarlédji Yorongar et Saleh Kebzabo. Mais les jeux semblent déjà faits. Car, en l’absence d’une véritable stratégie concertée de combat visant à barrer la route du palais présidentiel  au maître de N’Djamena, ses opposants semblent compter sur  un éventuel vote sanction pour espérer déboulonner Déby et étancher la soif d’alternance des démocrates tchadiens. Y parviendront-ils ? Rien n’est moins sûr. En tout état de cause, s’il devait se succéder à lui-même, Déby raterait une occasion de passer la main et de sortir auréolé  de gloire, ne serait-ce que pour son action sous-régionale en matière de lutte contre le terrorisme. Mais en faisant preuve d’autisme et en se laissant enivré par le pouvoir, il pourrait le regretter plus tard. Car, l’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de liberté. A l’image de cet oiseau en cage, qui n’hésite pas à prendre son envol à la moindre occasion, malgré les mille et une graines qui garnissent son cagibi et le mettent à l’abri du besoin. Déby aurait tort de ne pas en tenir compte en succombant facilement aux sirènes des Raspoutine zélés et intéressés qui brandiraient le spectre de son indispensabilité pour le pousser à la faute. Attention à l’effet boomerang ! Il faut savoir partir.

 « Le Pays »


Comments
  • Avec vos visions étriquées à travers les ouillières occidentales; si certains s’amusent à jouer les pitres, ils seront douloureusement réveillés par la caravane au passage.
    L’Afrique est debout pour ne plus répondre aux besoins d’occidentaux mais aux besoins de son peuple qui n’a que trop souffert.

    12 février 2016

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