HomeDroit dans les yeuxJOURNEE NATIONALE DU PAYSAN : En finir avec le folklore !

JOURNEE NATIONALE DU PAYSAN : En finir avec le folklore !


 

La 18e édition de la Journée nationale du paysan (JNP) a débuté le 23 avril 2015 dernier et s’est achevée le 25 avril à Dédougou, grenier du Burkina, par la traditionnelle rencontre d’échanges entre le chef de l’Etat et les producteurs. Ce face-à-face a permis aux acteurs du monde rural de faire le diagnostic des difficultés liées à leurs activités et d’évoquer leurs préoccupations. Cette édition de la JNP, qui intervient six mois après la chute de son géniteur, Blaise Compaoré, et  la mise en place de la transition, a permis aux producteurs de profiter du fait que la parole a été libérée dans notre pays depuis les évènements des 30 et 31 octobre 2014, pour dire ce qu’ils pensent de la JNP et surtout de la manière dont elle fonctionne. Le moins que l’on puisse dire, est qu’ils n’ont pas eu besoin de porter de gants pour le faire. En effet, à l’occasion de cette 18e édition, le président de la Confédération paysanne du Faso, Bassiaka Dao, a révélé que les doléances posées par l’ensemble des producteurs ont été exprimées avec récurrence à plusieurs éditions de la JNP. Nous le citons : « Malheureusement, force est de constater que ces doléances, jusqu’au moment où nous vous parlons, n’ont pas trouvé satisfaction, d’où notre volonté de poser à nouveau nos préoccupations majeures, dans un contexte de transition politique soutenu par le monde paysan ». Les propos du patron de la CPF sont sans ambiguïté. Les paysans ne sont pas satisfaits

de la JNP. Ils veulent, par conséquent, que les choses, à la faveur de la transition, changent. Et Bassiaka Dao l’a dit en ces termes : « Nous  souhaitons que la 19e édition soit intégralement organisée par les paysans, pour les paysans et entre les paysans ».

Ces propos traduisent non seulement les frustrations accumulées des producteurs, mais aussi leur volonté de faire désormais dans la rupture. En attendant de voir si les nouvelles autorités du pays vont les y accompagner, nous pouvons à notre tour faire les observations suivantes sur la JNP.

La plus grande responsabilité pour que les  choses changent véritablement au profit des producteurs, revient à ces derniers

D’abord, l’idée de mettre en place un cadre pour évoquer les préoccupations des producteurs et leur trouver des réponses adéquates, est une bonne initiative. Mais cette  idée semble avoir été dévoyée. Cela nous amène ensuite à avoir le sentiment que la JNP a été récupérée par les agents du ministère de l’Agriculture au détriment des paysans. Ce sont eux qui, à chaque édition, sont au devant des choses pour organiser la JNP. Cela, de toute évidence, expose la JNP à un risque de bureaucratisation. Or, tout le monde sait que la bureaucratie est un des maux majeurs de l’Afrique indépendante. Elle favorise la routine et annihile toute initiative novatrice. Dans le cas d’espèce, la bureaucratie, peut-on dire, a pu contribuer à éloigner la JNP des objectifs pour lesquels elle avait été créée. Ce faisant, la JNP ne pouvait en aucun cas s’atteler à la résolution des vrais problèmes des paysans.

Enfin, et c’est le plus grand reproche que l’on peut faire à la JNP, elle s’apparenterait à un instrument consciemment mis en place pour contribuer à la pérennisation du pouvoir de Blaise Compaoré, si fait qu’une sorte d’aristocratie paysanne s’était accaparée des rênes de toutes les associations de producteurs, pour mieux répercuter à la base les desiderata des ténors du pouvoir, dans le sens uniquement de la  préservation de leurs intérêts. Dans ces conditions, l’on peut dire que les premiers perdants de cette instrumentalisation de la JNP, c’est l’écrasante majorité des paysans et les premiers gagnants sont les hommes politiques. C’est pour cette raison que les postes de responsabilité au sein des organisations faîtières des producteurs sont âprement disputés. Ils le sont d’autant plus que ces organisations constituent de véritables cavernes d’Ali Baba dans lesquelles l’on peut tout se permettre, pour peu que l’on accepte de faire le jeu du pouvoir. La querelle à n’en pas finir au sein de l’Union  des producteurs de coton, pourrait être liée à cette réalité.

Toutes ces considérations ont fini par faire de la JNP, tout, sauf un instrument d’épanouissement du monde paysan. Elle avait des allures de folklore pour le grand malheur des paysans. Il faut donc en finir avec cela et dans les meilleurs délais. Et le gouvernement de la transition, pour peu qu’il le veuille, le peut. Car, il n’a aucun intérêt à instrumentaliser le monde paysan. Mais la plus grande

responsabilité pour que les  choses changent véritablement au profit des producteurs, revient à ces derniers. Il leur revient, par conséquent, de savoir défendre en rangs serrés et avec responsabilité et détermination, l’ensemble de leurs intérêts. C’est seulement à ce prix que leurs partenaires, notamment l’Etat, pourraient les traiter comme des interlocuteurs crédibles.

Sidzabda


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