HomeA la unePour un Jugement équitable du  putsch du 16 septembre 2015 : L’examen en 3D d’un concerné

Pour un Jugement équitable du  putsch du 16 septembre 2015 : L’examen en 3D d’un concerné


 

C’est un document rédigé par Me Hermann Yaméogo. Il porte sur le coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 ; notamment sur la supposée implication de l’auteur. Nous avons réussi à mettre la main sur cette réflexion bien travaillée dans laquelle Me Hermann revient  sur des faits de l’histoire récente du Burkina Faso. Selon nos informations, l’auteur est toujours en train de peaufiner son document mais en attendant, nous vous en livrons la teneur, la teneur du premier jet, expurgé de ses annexes. Le titre est de l’auteur. Bonne lecture.

Introduction

Les inculpations dont j’ai été  l’objet dans le cadre du coup d’Etat du 26 septembre, finalement ramenées comme en ce qui concerne Léonce Koné, aux termes de l’ordonnance de clôture du juge d’instruction, à la seule charge de complicité d’atteinte à la sûreté  de l’Etat, ne méritent pas d’être retenues par des instances juridictionnelles sérieuses, ayant la capacité de statuer dans le respect des principes cardinaux d’indépendance et d’impartialité. Je les  tiens toutes, anciennes abandonnées après non-lieu partiel, aussi bien que la seule restante à ce stade de confirmation des charges, par la chambre de contrôle, comme découlant d’infractions non constituées et purement idéologiques. Cela comme de bien entendu n’est pas l’avis du parquet militaire qui après désistements de ses appels tant partiels que de celui portant sur l’ordonnance de renvoi en son entier, voudrait se dédisant voir la chambre de contrôle rétablir à mon encontre des charges abandonnées par le juge d’instruction avec en prime une contrainte par corps.

Je m’attacherai  cependant à faire la démonstration de ce que je soutiens sans frilosité mais avec le calme de celui qui se sait autant protégé par la vraie justice des hommes que par celle immanente toujours infaillible.

Je m’y efforcerai autant pour les besoins immédiats de la cause, que pour en assurer bonne garde et utilisation à mes enfants et petits-enfants et pour contribuer à fournir des éléments d’appréciations pour l’immanquable réévaluation de notre passé judiciaire, dans le cadre tant demandé du travail de reconstruction mémorielle.

Mais je le précise, je n’ai pas été  outre mesure surpris par nos arrestations, non que j’ai pu avoir quelque chose à me reprocher, comme d’avoir enfreint à la loi et de devoir m’attendre à des retours de bâtons, mais par ce que je me sentais dans le viseur d’un système prédateur et autoritaire qui n’attendait que la moindre occasion pour m’alpaguer. Un système sans foi, ni loi qui ne supportait pas mes propos d’insoumis, et autres démarches judiciaires inhabituelles, avec Léonce pour dénoncer cette politique d’exclusion en fortification, dont nous savions que l’unique but était de faire place nette et permettre ainsi sans encombre, l’installation du régime actuel alors en embuscade.

Personnellement j’avais aussi le sentiment de devoir affronter après l’insurrection/coup d’Etat effective, des préventions et autres antipathies anciennes, liées je me disais à défaut d’explications sur le moment à des incompatibilités finalement plus  physiques qu’autre chose et qui trouvaient le moyen avec l’insurrection de s’exprimer un peu plus, et sans les tempérances du passé. Je devrais vérifier après le départ de Blaise Compaoré, l’adage qui dit qu’il vaut mieux effectivement avoir à faire au bon Dieu, qu’à ses saints en l’espèce Roch, Salif et Simon. Ce n’est pas qu’il n’ait pas été souvent consentant pour nombre de misères qui m’ont été faites, Je pense seulement rétrospectivement qu’il n’en a pas toujours été l’instigateur originel et que sans lui, les actions contre moi auraient pu être encore plus lourdes.  Avec mon frère Salvador j’évoquais souvent ce sentiment et même s’il ne m’a jamais donné la certitude de partager mon ressenti, il ne m’a jamais non plus convaincu du contraire.

Ce que nous avons vécu les 30/31 octobre 2014, dans la plus part des analyses politiques averties, participait sans l’ombre d’aucun doute, de ces coups d’Etat innovants (qui ne disent pas leur nom), mais dont l’unique but était de bluffer la contrariété internationale et finalement de faire passer la pilule de la forfaiture par de subtils maquillages. Ici il s’agissait de faire illusion en prenant comme couverture l’insurrection et la restauration de la constitution bien que trouée  par endroits  pour aider les Roch, Salif et Simon (les RSS), à passer entre les gouttes afin de prendre leur pouvoir tant convoité au nez et à la barbe de leur calife.

Isaac Zida en réagissant aux intentions émises par la justice burkinabé de l’entendre, aurait ironisé en soulignant que l’occasion faisant le larron, cela lui permettrait aussi d’expliquer comment un coup d’état a pu être camouflé dans une insurrection. Le défi n’est pas insignifiant il serait instructif au sujet de ces types modernes de coup d’Etat, si seulement le pouvoir avait le front de lui dire chiche on t’entend!

    Beaucoup de politiques non insurgés, suffisamment exsangues, après les incendies et autres tourments, préféraient de beaucoup faire le mort, pour ne pas encourir de nouveau, le courroux des nouveaux maîtres officiels et officieux, qui ne s’embarrassaient pas trop d’éthique morale, démocratique ou constitutionnelle dans leur nettoyage politique, avant  le passage de témoin.

L’ambiance pour cela empruntait quelque peu  à celle de la terreur, sous la révolution française.

Les nouvelles autorités, dans une dramaturgie calculée se déclaraient incapables d’assurer notre défense contre les agressions des insurgés, agissant en électrons libres ou en tant que groupes constitués sous la forme désormais équivoque d’organisations de la société civile (OSC) et nous conseillaient de ne pas chercher à être visibles, en prenant par exemple part à des discussions avec elles, à la tête de nos partis respectifs. Elles nous demandaient mot pour mot, ” aidez-nous à vous aider “. Tenez donc, la belle affaire ! Et pendant ce temps entourées de ces OSC dites incontrôlables et craintes, et de certains leaders biens connus de partis, qui n’avaient jamais rien souhaité d’autre que ce qui nous arrivait, elles recommandaient fortement à nos représentants d’en profiter pour prolonger l’insurrection nationale par des insurrections intra-partis, afin de se débarrasser de leurs directions respectives, comme eux avaient su débarrasser le pays de Blaise Compaoré et des siens.

Mon parent Alain Zougba ne décollerait pas contre cette manière de faire captieuse et toute en feintise relevant d’un ” faux-typisme “, caractérisé comme il disait en insistant sur ses mots.

Aux comptes rendus qui m’étaient fidèlement faits, Je ne doutais plus,  dans ces conditions, du coup d’Etat savamment organisé. D’ailleurs le président Blaise Compaoré lui-même malgré cet isolement dans lequel on avait su le placer, prétendument pour le protéger, n’en était pas si dupe que ça!

Les partis d’opposition membres du front républicain avaient vainement demandé à le rencontrer en tant que groupe spécifique, pour parler de leur vision propre de certaines problématiques et généralement de la situation d’ensemble du pays. Cela concernait notamment -le recours au référendum, (puisque nombre d’entre nous étaient résolument contre le passage en force à l’assemblée nationale, une fois la majorité qualifiée alors démarchée fiévreusement et toute affaire cessante, obtenue à  cet effet), – la déclaration de l’état d’urgence- le recentrage de l’équipe gouvernementale pour provoquer de nouvelles et plus confiantes synergies, compte tenu des relâchements observés à tous les niveaux politiques et de l’appareil de l’Etat. Les rats phénomènes jamais vu fuyaient le navire comme des dératés.

Lorsque j’eu sur le tard, l’occasion de conduire auprès de lui, une délégation non des partis d’opposition membres du front républicain, mais du front républicain tous partis représentés, Je ne manquais cependant pas l’occasion d’en profiter pour évoquer certaines de ces  préoccupations de l’opposition que nous représentions, dont surtout l’état d’urgence. Après mon argumentation pour montrer que cette parade constitutionnelle que je demandais depuis longtemps s’imposait, il convainc avec moi de la gravité de la volonté de déstabilisation que j’évoquais dans mon propos, en parlant lui-même avec un air sombre à la limite de la prostration de conjuration. La sentait- il intuitivement cette dernière ou selon des recoupements de fiches de renseignements encore fiables, mais sans plus de réels pouvoirs d’influer sur le cours des événements? Je n’étais pas en mesure de KDG le dire.

Ce qui me taraudait par contre la pensée c’est que le coup d’Etat devant cette faiblesse de réactivité, d’arrimage étatique visible et pour tout dire d’instinct de survie,  semblait maintenant activé.

Même si comme souvent en pareil cas, on pouvait être en pleine confusion pour en identifier le modus operandi, devant la diversité des factieux, et des potentiels impétrants au califat à la place du calife, je ne doutais pas qu’ils soient tous prêts à se faire payer au prix de la course.

Les réactions violentes de Roch Marc Christian Kabore, alors  président du mouvement pour le peuple (MPP), à Koudougou en plein meeting, contre moi et mes propositions pour protéger le pays des dérapages violents en perspectives, m’avaient encore plus persuadé de la justesse et de mes pressentiments sur les antipathies viscérales relevées à mon endroit et au sujet de mon point de vue sur le recours aux prérogatives constitutionnelles, pour endiguer la crise. J’y trouverai encore plus de motivation à défendre la nécessité de déclarer l’état d’urgence. Pour moi c’était la preuve à posteriori des preuves, que j’avais vu juste.

Sa mémorable et  violente charge Très remarquée, me donnait du cœur à convaincre de la nécessité de déclarer l’état d’urgence prévu à l’article 58 de la constitution, au même titre que l’état de siège.

La contestation il faut s’en rendre compte n’avait pu prendre corps et grossir comme un fleuve en crue que grâce aux effets, aux affluents suivants : l’action de ceux qui en pareil situation disent par naïveté et flatterie, ou par  calculs, monsieur le président tout est sous contrôle, le rôle galvanisateur des médias, d’Internet, des téléphones portables, et aussi de la permissivité de l’Etat à l’égard des manifestations non autorisées.      La déclaration de l’état d’urgence à défaut de permettre par des restrictions légales, de contrôler certaines libertés dont on abusait et de toucher là où ça ferait le plus mal aux désobéissants déclarés, aurait à tout le moins permis, préventivement de tester la fiabilité des forces de défense et de sécurité (FDS). C’est ce que ne voulait pas justement les RSS et qui pour moi les mettait en lien avec ce qui se tramait.

Je me sentais quelque peu perplexe, j’y reviens encore, vu le  ton vague du Président Compaoré au cours de l’entretien. Bien que approbatif et annonciateur de la décision, face à mes exhortations empressées il ne laissait pas, et ce malgré le climat chargé de menaces, vraiment apparaître une possibilité de conjurer le dénouement final. Je  comprenais que le ver était déjà bien enfoncé dans le fruit, que la donne avait quasiment changé de main… Au sortir de l’entretien, nous nous sommes quelques peu attardés au parking à partager nos préoccupations avant de vider les lieux qui ne nous semblaient plus de dernière sécurité.

La mesure, je l’avais pourtant bien auparavant évoqué avec des partenaires côté CDP du front républicain, qui tout en y voyant de l’intérêt, soulevaient des inquiétudes face aux risques d’être incompris des partenaires en raison des restrictions temporaires aux libertés que commandait forcément l’état d’urgence, souvent appelé par les constitutionnalisées état de dictature constitutionnelle temporaire.

Je n’en revenais pas. Si nous étions  à la limite dans les conditions parfaites d’une guerre asymétrique cela pourrait se comprendre de ne pas vouloir recourir aux mêmes armes illégales déloyales et de dernières inhumanités, que l’adversaire (encore qu’il ne soit pas interdit de se débattre quand bien même on aurait déjà le couteau sous la gorge), mais la différence ici c’est que contre toutes les violences et manifestations illégales, menaçant la paix, les institutions, la vie humaine, il y’avait un atout à jouer, celui des parades constitutionnelles. Il se trouvait une carte maîtresse aménagée par la loi des Lois, que l’on rechignait à jouer pour ne pas s’il vous plaît, déplaire aux adversaires et à leur protecteurs internationaux, prêts à nous écharper pour les uns et à laisser faire pour les autres.

Par dépit, et advienne que pourra, je publiais un écrit à ce sujet pour qu’il m’en soit au moins donné un jour acte, devant l’histoire.

Mais voilà qu’en  pleine tourmente des 30/31 octobre 2014, la mesure finalement tombe. Je ne voudrais  évidemment pas dire comme mars en carême, mais si je pouvais inventer le mot, dire comme noël  en octobre. Le pouvoir avait à ce stade déjà tant évolué vers d’autres espaces qu’il apparaissait maintenant vainc à ses détenteurs légaux de l’assumer encore pleinement et d’être en mesure d’obliger à la discipline, et à l’obéissance du commandement. L’autorité de l’Etat était déjà en vacance.

Le piège du vote plus rapide et moins onéreux à l’assemblée nationale, plutôt que le référendum dispendieux demandé par certains partis à l’exemple de l’UNDD dont la voix à ce niveau résonnait d’autant moins, qu’elle n’était portée que par un député, se refermait admirablement au grand bonheur de ceux qui comptaient d’une façon ou d’une autre y tirer leurs marrons du feu.  Bien joué Jack ! Comme dirait l’autre. Les réflexions sur cette séquence particulière de notre histoire et sur sa part contributive au désastre restent ouvertes, en attendant les souhaitables auditions et redditions de comptes en justice transitionnelle reconstructive. Mais  Ah Conjuration quand tu nous tiens !

Pour les conspirateurs et autres cabaleurs maintenant quasi victorieux, dans l’attente du sacre électoral final arrangé, nos sorties médiatiques dans le cadre de notre résistance à l’unanimisme forcé, à l’autoritarisme de la transition, nous identifiaient à des empêcheurs de tourner en rond, à de la mauvaise graine à écraser. Pas question de laisser perturber cette transmission indiquée et intriguée du témoin par la transition.

Puisque nous voulions jouer aux fortes têtes malgré la leçon déjà reçue ils nous montreront  qu’il y’a plus fortes têtes que nous.

Sachant bien que dans cette phase de prise de ses marques, la transition ferait encore des sacrifiés, Nous n’en décidions pas moins Léonce et moi, lorsque le coup d’Etat du 16 septembre auquel nous avons applaudi, a tourné court, que quoi qu’il advienne, nous devrions nous préparer aux pires scénarios.

Mes enfants qui ne me quittaient pas du téléphone et d’Internet avaient pris toutes les dispositions financières et techniques pour me voir loin du Burkina Faso. Idem du côté de Léonce dont certains amis en étaient jusqu’à tenter de persuader de donner son accord pour une mission d’exfiltration.

Lorsque nous avons été convoqués à la fois à la sûreté et à la gendarmerie pour le 05/09/15, nous nous y sommes rendus séparément, préparés dans nos corps et nos esprits à toute éventualité.

Mais comment en sommes-nous arrivés là?

Pour y répondre il me faut faire une incursion dans le passé antérieur au coup d’Etat, revenir au présent de son exécution avant de jeter un regard prospectif sur ses conséquences et évolutions.

Pour ce faire j’emprunterai à la technique 3D dans sa dimension temporelle et chronologique en y apportant ma touche personnelle par une mise en relief de mon propos, en puisant aux réalités du  passé, du présent et de celles à venir.

  1. Les jours d’avants.

Il y’a des gens (engagés en politique), qui après un grand choc  post-traumatique du genre de celui que nous avons connu les 30/31 octobre 2014 au moment de l’insurrection coup d’Etat, décident  de prendre du champ par rapport à leur passion, de jeter l’éponge, ou au moins de se donner du temps pour se refaire une santé. Ça peut ressembler au sage recul conseillé pour bien sauter et parfois

D’ailleurs qui vaut à ceux qui le suivent, le plus grand bien.

Mais avant le 16 septembre 2015, j’en étais pour ma part, le choc plus vite et mieux accusé, à chercher les voies d’une remobilisation personnelle et collective pour reprendre le combat.

Les épreuves c’est bien connu endurcissent le caractère. Pendant mes longues années de lutte politique, Je devais en acquérir l’expérience. J’avais en effet entre autres appris que la recherche de la mort d’un adversaire ne se limitait pas en sa seule agression physique par quelque moyen que ce soit, mais qu’elle pouvait aussi résider dans d’autres armes. Des armes qui vous frappent à l’âme, à l’honneur, à la dignité, au portefeuille, aux liens de famille ou des relations amicales et professionnelles, ( ce que j’ai appelé dans ce dernier cas, la technique de l’isolement social, et de l’assèchement financier par l’encerclement et la mise en quarantaine ). Une forme plus élaborée de guerre psychologique, qui utile l’arme de la communication mais aussi celle de l’embargo sous des formes non conventionnelles et tout à fait atypiques.

Que ne fut pas grande un jour ma peine, de voir un ami opérateur économique Wahab Rassi en faire les frais. Libanais ayant transité par la France  et le Canada il avait déposé ses pénates en Haute Volta ou immanquablement il devait rencontrer cet homme qui de passage dans les années 1960 au Liban l’avait marqué par ses affectueuses tapes présidentielles sur ses joues de garçonnet, le Président Maurice Yaméogo.  Il fut vite appelé le fils blanc de Maurice en raison de la forte affection qu’il

Lui vouait et qui était partagé.

Et quand le soir à la villa Pax des rires inondaient le voisinage en pleine nuit on savait que Wahab d’une traite avait bravé la poussière de la tôle ondulée pour venir causer avec son père. Il deviendra le frère blanc d’Hermann avec lequel des liens fraternels s’étaient créés. Dans la joie comme la douleur il était toujours là. Même quand les plus Fidèles finissaient par prendre le large pour se chercher, comme on dit  il était toujours là.

Un jour il fut convoqué à la sûreté pour y être interrogé sur la nature de ses relations avec moi. Un des saints du régime que cet attachement insupportait l’accusait d’être mon rabatteur en argent et en armes pour déstabiliser mon pays. Comme il revenait d’Europe où il était allé s’occuper de l’inscription de sa fille qui venait tout juste d’être admise au baccalauréat, à l’université, eh bien voyons, la preuve sans chercher plus loin était toute trouvée. Ce voyage était pour acheter des armes.

Ces démêlés avec la police lui causèrent un tel préjudice que la bonne marche de ses affairent s’en ressentiront jusqu’à nos jours.

Oui c’est comme ça, les montages et lynchages médiatiques, les insultes et calomnies de jeunes activistes du net payés pour, les détournements de militants et d’élus, les fraudes électorales, les accusations d’Etat infondées, l’assèchement des sources de financement, les chantages, persécutions et agressions contre des membres de votre famille, vos amis, et relations politiques sont Je le saurais quelques-unes des armes létales, en politique.

Il en était une autre tout aussi efficace que douloureuse au cœur, celle de voir sa maison partir en fumée dans son propre village où vous compter forcément des parents et des amis. L’agression ici dans sa cruauté et froide perfidie d’exécution ne vise pas seulement dans l’immédiat à causer des dommages matériels et moraux à une personne et à sa famille, à les humilier, elle vise à plus ou moins long terme et mieux à préjudicier à son village dans sa conscience. J’avais par expérience donc et c’est pourrait-on dire le bon côté des épreuves, le dos un peu carapacé pour échapper à la crise cardiaque, ou d’angoisse chronique. Ce d’autant que je n’ai pas manqué de camarades comme Bambara Martin, Bamouni Baboué pour me soutenir durant toutes ces épreuves.

Vu les circonstances riches à la fois en douleurs et en enseignements d’humilité dans lesquelles se trouvaient les tenants de l’ancien pouvoir, et nombre d’entre nous, après le cataclysme  des 30/31 octobre 2014, je me disais  que nous aurions de meilleures chances de mener collectivement cette lutte en donnant enfin plus de crédit au consensus qui m’a toujours été si cher. Enfin disais-je car l’union qui banalise les différenciations liées à la politique, à l’idéologie, à l’affiliation partisane et associative, n’avait jamais véritablement été intégrée comme nécessité et valeur sociale fondamentale pour affronter des épreuves collectives et, à en venir à bout. C’est ainsi que lors même que les données du monde obligeaient, a selon les études des plus grands scientifiques à l’institutionnalisation du consensus pour opposer la solidarité aux défis globaux, l’union sacrée le consensus restaient plus des slogans des incantations que des réflexes sociaux.

Les exclusions telles que pratiquées, était en effet plus qu’un défi pour nos partis et nos personnes; c’était un défi global de société qui pouvait sonner le glas de la démocratie, de la paix sociale et de la croissance. A enjeu collectif de société il fallait une parade collective de société. Les collectivités humaines organisées en Nations ayant conforté leur besoin de vivre ensemble à travers les joies et les épreuves, j’avais foi que nous surmonterions nos handicapes du passé à commencer par les victimes que nous étions, pour mieux comprendre et adhérer au consensus, à l’union et au partage sacrés.

Heureusement, je trouvais en mon ami et beau-frère Léonce les mêmes dispositions d’esprit et un tel allant, que le sursaut fut instantané, sans jamais vaciller malgré les épreuves passées, celles en cours et les perspectives carcérales.

Comment ne pas ici demander pardon à l’épouse de mon ami, ma petite sœur Esther, aux parents de Léonce qui souvent me suppliaient de modérer mon ami dans ses ardeurs sans deviner à quel point (et surtout dans l’adversité), nous pouvions être l’un pour l’autre source de motivations et de résistances à l’injustice.

A mes enfants et à tous ceux qui m’aiment tout en détestant  la politique, vont aussi mes demandes de rémittence pour avoir scellé ma vie à une cause qui au-delà de ma personne leur a causé et cause encore tant de mal, sans jamais rompre nos attaches, et s’agissant de mes enfants ce puissant lien paternel qui leur reste, en dépit de tout, après celui arraché dans la douleur et l’incompréhension à jamais vive, du lien maternel.

I.1. La volonté de redressement

Au cours de l’insurrection, la maison de Léonce à Banfora a été incendiée. Il figurait comme moi-même et nombre d’autres, sur une liste de personnes dont les noms circulaient dans les réseaux sociaux, les différents systèmes de messageries et même dans des tracts à l’ancienne. Nous y étions jetés en pâture à l’opinion insurgée, dont les leaders recommandaient de s’en prendre physiquement à nous et de brûler nos maisons et autres biens (S.C1  Témoignage de l’ex député Salam DERME). Après le forfait de Banfora, s’attendant à ce qu’il en fut de même pour sa maison de  Ouaga qu’il habitait, Léonce trouva accueil auprès d’amis, avant d’y retourner une fois la bourrasque passée et la maison sauve. Mais à Banfora des biens évalués à vue de nez, à plus du milliard et demi de francs CFA, se sont consumés dans les flammes quand ils n’ont pas été emporté ou vandalisés. Que dire des préjudices moraux, d’agrément et autres personnels, sans parler de ces dommages à l’âme sans prix, que sont la profanation des tombes des siens, et l’autodafé de souvenirs familiaux et autres  témoignages de toute une vie non reproductibles, et donc à jamais perdus ?

En ce qui me concerne, ma maison de Koudougou, avait été également incendiée avec tout ce qu’elle contenait et qui se trouvait dans la cour comme moyens de déplacements, meubles, lampes et vases de jardin. La maison me venait de mon père qui en avait commencé la construction quand j’étais étudiant à Nice dans les années 1971/1972. Une façon pour lui de m’inciter à rentrer au plus tôt au pays. Une fois de retour effectivement, j’en avais poursuivi l’édification au fil des années sans jamais penser à la terminer, tant je voulais en faire un havre de bonheur familial pour les enfants et petits-enfants, qui dans un rituel sacré, nous y retrouvaient ma défunte épouse et moi chaque été.

De la police ou j’avais été exfiltré, je suivais l’autodafé le cœur en lambeaux. Ce n’était pas seulement une grande partie de mon passé qui partait en flammes, il en allait de même pour des pans entiers du présent et du futur et cela était aussi  valable pour mes enfants et petits-enfants. Des maisons livrées au feu dans plusieurs villes du Burkina Faso emportant dans leur consumation jusqu’à des êtres humains dites, quels esprits maléfiques avaient ainsi pris corps de frères burkinabé pour qu’ils abjurent à ce point leur croyances religieuses, philosophiques, sociales et ancestrales ? Quel soif de pouvoir aussi inextinguible pouvait dans notre pays charger de tant de cruauté des cœurs d’hommes au point de les inciter à de telles extrémités pour le conquérir?

La maison de Ouaga sera également attaquée, saccagée et dépouillée de tout. Informé de l’imminente arrivée des incendiaires, j’avais fait prévenir par deux sources différentes la gendarmerie située à quelques encablures de la maison. Une équipe effectivement arrivée sur les lieux en moins de 20 mn avant que le mal ne soit consommé, en était bizarrement repartie pour revenir plus tard quand tout fut terminé. De l’auberge ou je venais d’arriver en provenance de Koudougou,  j’étais informé par le menu. La fausse opération des gendarmes a été expliquée  par le fait que pensant s’être trompé d’endroit (une maison pourtant coutumière de leur missions d’arrestations, de perquisitions …), ils en seraient répartis pour voir ailleurs. Un ami Kaboré Boureima à qui je racontais la scène médusé me rappela un incident que j’avais oublié: Les gendarmes avaient tellement l’habitude de venir se poster aux alentours de mon domicile pour le surveiller que ça gênait les militants et autres visiteurs, jusqu’aux amis des enfants dont les parents s’inquiétaient de cette maison toujours aussi surveillée par des gendarmes. Un jour excédé j’avais marché avec lui à mes côtés jusqu’à eux, pour me plaindre et leur dire que tant qu’à faire, pour plus d’efficacité, ils feraient mieux de venir squatter la demeure. Embarrassés les gendarmes avaient dit de les comprendre car ils ne faisaient que leur boulot.

Les générations changent c’est vrai, mais ceux des supérieurs joints au téléphone tels qu’identifiés ne pouvaient pas en tout cas ignorer l’emplacement de la villa, pour ne pas donner des indications précises à leurs éléments, avant l’opération me fit remarquer l’ami.

La maison sera naturellement totalement pillée, dévastée, minutieusement désossée, et ce manifestement par des professionnels qui avaient selon les besoins, les outils adaptés pour démonter sans avanies, qui les climatiseurs et autres appareils électriques, qui les sanitaires la vitrerie, ou les ouvertures intérieures et extérieures, emportant le tout dans l’ordre et avec le matériel adapté. Tout fut comme à Koudougou perdu en quelques temps: meubles, frigidaires, congélateurs, livres, diplômés, pièces d’identités, manuscrits, argent, tableaux, tapis, porcelaine jusqu’aux habits et chaussures compris. Des biens souvent difficilement et patiemment acquis et ramenés des quatre coins du monde des années durant.

Quand le travail fait, ils décidèrent en apothéose de livrer la maison  aux délices des flammes, une voisine se jeta à leurs pieds pleurant et implorant à chaudes larmes, de n’en rien faire. Dans ses sanglots m’a-t-on dit,  toutes les suppliques y passèrent: la peine des innocents enfants déjà suffisamment traumatisés, la maison de Koudougou déjà incendiée, le sens de la pitié, les mannes des ancêtres et surtout Dieu le miséricordieux. C’est  ainsi que la maison fut sauvée in extremis de l’incendie.

Ejeunais  Bassolet Valérie, Que dans toutes leurs puissances ces mêmes invocations et plus encore,  comblent tous tes vœux, te protègent, te donnent la santé, une heureuse et longue vie à toi et aux tiens.

    Nous subissions ainsi dans les  deux attaques (qui auraient donc pu être aggravées), mes enfants et moi, un préjudice matériel et moral  pour ce qui pouvait être estimé, égal et même supérieur à celui de Léonce et des siens. Des biens familiaux de grandes valeurs ayant appartenu à mes père et mère, ou fruit du travail de plusieurs décennies. Trois véhicules 4/4, des moteurs de piscine, des lettres, photos, bref des objets renfermant des repaires historiques, politiques, professionnels, familiaux et respirant des souvenirs de tant de vies. Cela aussi sans compter d’autres dommages plus inhumains  à l’exemple des violations de sépultures de nos parents, comme ce fut le cas pour ma défunte épouse. Je me retrouvais dans cette auberge à me forcer à savoir raison garder et à prendre les choses avec philosophie.

Très compliqué tout ça dirait un compatissant en manque de mots pour traduire sa communion !

 Je me récitais seulement encore comme une leçon de vie à enseigner, qu’un pouvoir qui échoit à des personnes intrinsèquement irrespectueuses des valeurs sociales sacrées, des libertés et de la vie et plus grave du respect dû aux morts ne pourra jamais sans changer de nature, sans conversion à l’esprit du bien être exercé dans le souci scrupuleux de ces mêmes valeurs, de ces mêmes acquis ancestraux et de ces droits immanents consacrés par la loi.

    Alors que nous échangions via  internet, l’idée vint à Léonce de constituer un réseau grâce auquel nous pourrions, anciens partenaires du front républicain, et autres victimes de  l’insurrection / coup d’Etat, avoir rapidement et de sources crédibles, des nouvelles les uns des autres et aussi de la situation nationale.

Je l’y  exhortais fortement. Aussitôt dit aussitôt fait. Le réseau fut constitué. Certains craignant d’être tracés ou de se rappeler ainsi «  aux bons souvenirs « de leur Vandales et commanditaires de violences, ont refusé d’y prendre part, d’autres n’ont même pas daigné répondre. Il faut dire que l’une des menaces courante, à l’endroit des victimes non insurgées qui tentaient de relever la tête et de donner de la voix ( au lieu de se répandre en plates autocritiques, en demandes de pardon au peuple ), était «  nous n’avons fait le travail qu’à moitié nous allons repasser pour le terminer et correctement cette fois-ci  ».

Mais le réseau vit bel et bien le jour. Son importance fut tellement ressenti que nous primes la décision de travailler à créer une alliance entre les partis et personnes victimes de l’insurrection, pour envisager de combattre ensemble l’exclusion, de créer les conditions de la réconciliation nationale et pour aller en union aux élections.

Léonce porté entre temps à la tête du directoire du CDP, réussit à stopper le mouvement de débandade dans le parti et quoiqu’après moult réticences (il faut croire que j’avais sous-estimé le poids des héritages), à faire accepter l’idée, de cette entente. Les travaux de mise sur pied de l’alliance pour la république (APR), pour ne pas la citer commencèrent (S/C.2 Accord d’Alliance Politique et électoral portant création  APR). Les réunions entre les différents partis intéressés par le projet se succédaient, jusqu’à la rédaction et l’adoption des documents fondamentaux, ne laissant en attente que la détermination de la date pour la cérémonie officielle de signature, voulue grandiose et significative de notre farouche volonté de surmonter l’adversité.

Le principe d’aller ensemble aux élections était en tout cas consensuellement accepté. On allait voir ce qu’on allait voir !

I.2. La lutte contre l’exclusion

En attendant la signature de ces textes, le travail contre l’exclusion battait également son plein. Déclarations, conférences de presse, visites aux coutumiers et religieux, saisine de la cour de justice de la CEDEAO au sujet de l’exclusion, activisme au niveau des chancelleries, accueil triomphal des avocats de l’opposition à leur retour d’Abuja.

Dans ces moments de détresse ou comme jésus sur La Croix, les plus croyants peuvent être gagnés par le doute Pascalien sur l’existence de Dieu, beaucoup ont vu comme un signe divin, cette réponse positive à l’appel au secours des victimes de l’insurrection/coup d’Etat, de l’exclusion et autres persécutions, porté par les avocats Anna  Ouattara Sory, et Paulin M Salemberé, aux pieds de la cour de justice de la CEDAO. Recevoir avec grandeur ces dignes et persuasifs défenseurs de la cause des victimes que nous étions, leur faire cortège officiel de l’aéroport au siège du CDP où devait se tenir une conférence de presse en leur honneur, et pour que le monde entier en fut témoin, était autant un acte courageux de défi en raison de l’intolérance ambiante, qu’un incontournable devoir de reconnaissance. Alors que nous marchions, nous nous attentions à tout moment à être agressé par les insurgés protégés du pouvoir, dont le dépit au sujet de cette décision devait être inversement proportionnel à notre joie. Mais nous marchions, téméraires comme des hommes ayant tout perdu mais désireux de préserver l’honneur et disons pour être mieux compris du commun à l’image de cabris morts n’ayant plus peur du couteau !

    Sur la lancée de notre insurrection politique, légale et constitutionnelle contre l’exclusion, nous avions autre signe de défi, créé un mouvement de résistance à l’exclusion (S/C.3 Appel à la mobilisation patriotique pour une transition inclusive et démocratique).

Franchement le monde entier ne pouvait plus ignorer notre engagement assumé, sans tutorat ni bras armés, dans la lutte à visage découvert contre ce système inique de l’exclusion légalisé par la transition, dans le silence de la bien-pensante communauté internationale et des défenseurs zélés des droits de l’homme et des peuples.

Notre cause commençait aussi à convaincre en témoigne cette dernière crise du RSP qui avait contraint le Président de la transition Michel Kafando à des consultations nationales qui nous avaient donné le sentiment lorsque nous avons été entendu à notre tour par lui, que de grands changements pourraient intervenir pour ramener le curseur vers plus d’inclusion et de démocratie. L’impression fut encore renforcée lorsque  la commission de réconciliation nationale et des réformes recevant une délégation des partis politiques comprenant le CFOP conduit par Z. Diabré et composée notamment de  R.M.C Kabore d’une part et l’opposition conduite par moi-même et qui comprenait notamment Achille Tapsoba d’autre part, la question de l’exclusion fut abordée avec intérêt de même que conséquemment celle de la récente décision de la cour de justice de la CEDEAO y relative.

La preuve semblait faite que nous ne prêchions pas tant que ça dans le désert, même si la montagne devait sous des pressions diverses et particulièrement diplomatiques accoucher d’une souris, gardant pour l’essentiel en l’état le système d’exclusion sauf quelques réajustements de façades.

Entre temps le CDP ayant je dois dire en dépit de tout, tenu son congrès, Eddie Komboïgo avait été porté à la tête du parti. Loin de répudier le travail fait au sujet de l’alliance, il s’engageait à le poursuivre. Il fut seulement demandé un changement de sigle et l’APR devint la coalition pour la république (CPR). Mais l’entente cordiale devait recevoir un plomb dans l’aile. Alors qu’il se trouvait au siège du CDP, Émile Kabore remarqua une intense activité. Des responsables du parti allaient et venaient plus nombreux et affairés que d’habitude. Quand il s’en est enquis, ce fut pour apprendre qu’ils étaient au niveau de ce parti, en train de confectionner des listes en solitaire. Des listes homogènes sans participation des autres partis contrairement aux engagements pris.

Venu rendre compte aux partenaires que nous étions (partis anciens du front républicain ou non), ce fut on peut l’imaginer le grand coup de colère. Voilà ! Disaient certains d’entre nous, c’est toujours comme ça, quand on travaille avec ces gens du CDP. Notre décision fut prise de créer entre nous une autre coalition, le protocole d’accord politique (PAP), pour sauver les meubles en allant ensemble aux élections (S/C.4 Manifeste des partis signataires du protocole d’accord politique (PAP)). Il nous fallait démobiliser nos militants dont certains convaincus de la confection des listes communes étaient déjà sur celles du CDP. Il fallait surtout trouver les moyens de la campagne alors que la plus part des responsables avaient tout perdu au cours de l’insurrection. Nous étions à peu de chose près à  un mois des élections.

Le CDP se retrouvant désormais seul pour ses activités, le lancement de sa campagne de désobéissance civile qu’il voulait en fanfare et trompette tourna court, le meeting au stade municipal garda un arrière-goût d’inachevé.

L’effort qui semblait réorienter prioritairement les préoccupations vers les seuls intérêts du parti montrait des insuffisances car étant en porte à faux avec les attentes dans nos différentes bases, d’un meilleur traitement de la solidarité des victimes des 30/31 octobre 2014. La direction du CDP ressentit une gêne pour ce qui n’était en son sein que la manifestation du choc entre les intérêts particuliers et l’intérêt collectif. Les plus raisonnables et les moins égoïstes savaient qu’après un tel coup de massue il sera suicidaire d’espérer s’en sortir en solo, en jouant de ses seuls coudes et en piétinant le rassemblement le plus large possible. Les quelques temps passés ensemble dans l’épreuve commune à se soutenir le moral, à se réorganiser, au lieu de ne broyer que du noir et de se perdre  en pures lamentations sur le lait répandu, avaient aidé à raboter bien de préventions accumulées depuis des années d’opposition et à améliorer les rapports entre certains leaders. Les épreuves ne dévoilent pas uniquement de grands caractères, elles donnent aussi souvent naissance à des amitiés insoupçonnées. Cela devait favoriser l’adhésion à un processus de réconciliation, avec à la manœuvre Moise Traoré (cet ami  d’enfance du camp fonctionnaire perdu en grande partie à cause de la politique et retrouvé à cause de la politique), en sa qualité de vice-président chargé des relations avec les partis.

Eddie Komboïgo vint en personne à une rencontre avec une délégation du PAP composée d’Émile Kaboré, et de moi-même.

La rencontre se tint dans une demeure gracieusement mise à ma disposition par un parent à bonheur ville, me permettant de quitter l’auberge, où je logeais depuis les événements, et dont le propriétaire que je ne remercierais jamais assez avait refusé de me prendre un sous. Il y’a une autre strophe de l’auvergnat qui parle d’une hutte accordée à un sans-abris et domicile fixe, mais c’est bon comme ça j’en parle juste pour mémoire. Brassens et c’est dommage ne parle plus tant que ça à la génération rap.

Eddie dès qu’il s’assit commença par demander de bien vouloir l’excuser, et pour le retard accusé dans la signature des documents, et pour le non-respect de l’engagement pris d’aller en alliance aux élections. Il nous en expliqua très froidement et sans faux fuyants les raisons. Il a rencontré des résistances au niveau de son parti. Beaucoup craignaient de perdre des chances d’être élu, s’ils devaient être mis en balance avec des leaders de partis alliés, quand d’autres demandaient encore à être convaincus de la valeur ajoutée de cette alliance, le CDP se suffisant à lui-même. Il nous expliqua ensuite avec la même franchise qu’il n’avait pas pu obtenir au CDP, les moyens nécessaires pour finaliser l’alliance et être en mesure de conduire les élections en union. Pour preuve il nous confia que jusqu’à présent il finançait les activités du parti  (conférences, sorties régionales…), sur fonds propres et que maintenant à dire vrai, il commençait à approcher la charge de rupture.Tout en montrant sa disponibilité à signer s’il le fallait dès le lendemain les textes fondateurs de la coalition, il demanda que nous mettions la main à la pâte, pour la mobilisation des ressources. Il avoua être revenu sans aucune aide de ses propres sollicitations et nous demandait avec fortes instances de venir en renfort pour d’autres explorations.

La nature des révélations et la tonalité des accents indiscutables de sincérité dans le propos nous laissèrent pantois. Après l’avoir raccompagné nous restâmes quelques temps à commenter le tragique de cette situation difficile à comprendre.

Le compte rendu fut fait au PAP et à Léonce Koné qui au CDP restait un des plus farouches défenseurs de l’union, Je dirais même de la sainte alliance de l’opposition la plus large possible. Alors, ceux qui avaient des amis notamment en Côte d’Ivoire ou ailleurs susceptibles d’apporter du soutien décidèrent de les actionner et donnèrent à cet effet des noms à Émile qui se faisait fort de faire bouger les choses en raison particulièrement de ses propres relations dans ce pays où il avait passé de longues années et qui était celui d’origine de son épouse. Il prit l’avion  pour le travail d’approche et  qui sait de collecte en Côte d’Ivoire.

C’est alors que revenu plutôt optimiste des suites de sa mission et que nous attendions dans l’urgence au moins une première tranche des aides effectivement promises, que le coup d’Etat est intervenu le 16 septembre 2015. La surprise fut totale d’un certain point de vue, et cela se comprendra aisément par la suite des événements.

  1. Les jours pendants

Le jour du coup d’Etat, et les quelques jours qui ont suivi, ont été marqué par une grande espérance euphorique de notre part.

II.1. Une espérance et une grande annonce.

Qui a lu « La promesse de l’aube » de Romain Garry, décrivant l’amour d’une mère pour son fils, les convictions et prophéties répétées  par cette dernière quant au succès futur, promis et juré  de son adulé d’enfant, et les impacts correspondants dans l’âme de ce dernier, comprendra la puissance de résonance d’une promesse telle que celle qui nous était pour ainsi dire faite.

Cette main tendue en plein questionnement si non en pleine désespérance, était-ce possible que ce soit un autre secours divin comme le disait le cardinal Paul Zoungrana à l’avènement  de Saye Zerbo en 1982 ? Les raisons d’exprimer du bonheur à cette annonce étaient multiples. Il y avait certes ces préjudices que l’insurrection nous a causés à nous-mêmes et à nos familles et qui pouvaient justifier et c’est normal et humain, que nous ne portions pas dans nos cœurs le système née de ce drame, mais les raisons étaient aussi liées à l’état déplorable des droits de l’homme et au naufrage économique et démocratique en cours du Burkina Faso.

Si j’étais  aussi jubilatoire cependant, c’est que par-dessus tout j’espérais voir arriver le temps de la sanction historique de cette insurrection / coup d’Etat, qui était parvenue au pouvoir, sur la base d’une escroquerie à la constitution et à la mémoire, à travers un triple mensonge populaire. Une triple supercherie sur l’inconstitutionnalité :

–  de la révision de l’article 37

–  de la mise en place du Sénat

–   du recours au référendum pour départager les citoyens sur la révision ou non de cet article querellé.

Mais aussi une triple calomnies à mon niveau avec les accusations  personnellement formulées, d’être l’inspirateur et le manœuvrier à tous ces niveaux, faussement désignés et brandis au peuple comme attentatoires à la constitution.

Je ne pouvais d’autre part que souhaiter en sus des réparations des dommages à titre individuels en perspectives, celles mémorielles nécessaires. Cette insurrection/ coup d’Etat, avait de surcroît installé un système frauduleux, prédateur de nos valeurs et de nos biens, s’employant dans un climat de mensonges et de terreur, à démanteler le substrat politique, social et juridique piliers de la cohésion sociale et nationale et sensé fonder une démocratie concurrentielle, dans un État de droit.

Elle le faisait spécialement en se couvrant de textes fondamentaux charcutés, comme cela l’a été de la constitution cavalièrement suspendue puis rétablie de la même façon, sans égards pour les procédures et après ablations arbitraires de certaines de ses parties vitales, d’une part et de la charte nationale autoproclamée, taillée selon le bon vouloir des insurgés, en guise de texte suréminent rivalisant avec la loi fondamentale d’autre part.

Le régime de la transition appelé aussi transition/ transmission, s’activait sans fards, à passer le relais du pouvoir à ceux qui, de toute évidence lui en avait passé commande ferme.

L’opération se déroulait sur la base d’une atteinte grave ( et jamais imaginé en raison de l’énormité ), au droit de suffrage, et d’une violation subséquente de la constitution qui consacre pourtant le principe d’égalité entre  les citoyens (article I), des droits politiques des citoyens (articles 11 et 12), et de ceux des partis politiques (article 13).

C’était là, toute la raison d’être de cette politique d’exclusion et d’apartheid électoral consacrée par la scélérate loi baptisée loi Sy Chérif qui préparait ainsi l’élection la plus visiblement frauduleuse, et immoralement éhontée, de notre histoire nationale.

Notre désolation était d’autant plus grande que le tout se passait avec l’incroyable approbation de la communauté internationale, dont les chancelleries occidentales nous disaient les yeux dans les yeux, que d’être exclus nous l’avions bien cherché en ne sachant pas empêcher la volonté de réviser l’article 37. Autrement dit nous avions mangé tout notre pain blanc, il ne nous restait plus qu’à aller nous satisfaire du noir. Comment ne pas avec de tels comportements comprendre les ressentiments grandissants de nombre de jeunes africains en l’endroit de cette communauté?

Ressentiments qui ont été exprimés dans toute leur vérité, avec la puissance de leurs cœurs meurtris, par espoir 2000 dans David et Goliath et par Gadji Celi dans libererez mon pays, chansons toutes impérissables, et que je ne peux jusqu’à ce jour écouter sans émotion !

Voilà comment incroyable mais vrai selon Léonce des représentants de l’union Européenne ont pu réagir à cette grave question de l’exclusion.

Non seulement l’argumentaire, pêchait par sa subjectivité et manquait de base légale, mais tout de même, ces chancelleries auraient bien pu recommander au plus fort de la crise, elles si férues de démocratie, la voie du référendum plus économe en dommages et ruptures diverses de préférence à celle du coup d’Etat camouflé dans l’insurrection aux résultats dommageables prévisibles.

De toutes les façons et c’est ça qui est la vérité, la remarque soulevée par les diplomates, était révélatrice de leur volonté de laisser l’Etat pratiquer l’exclusion et aller ainsi aux élections, malgré la décision de la cour de justice de la CEDEAO et ce au motif indéfendable que les victimes de cette exclusion n’avaient pas été en mesure de dissuader le président Blaise Compaoré de réviser l’article 37.

Justification s’il en fut totalement disproportionnée par rapport au mal fait à la démocratie, à la cohésion sociale, à la sécurité collective.

On pourrait même trouver un lien causal avec le coup de gueule du 16 et dire que cette vision des choses aura participé du coup d’Etat. En effet, si l’Union Européenne avait dit, comme feu le Président Omar Bongo, au sujet de cette atteinte au droit de suffrage et à la constitution, «  nous, on ne mange pas de ce pain « , le coup d’Etat du 16 septembre 2015 n’aurait pas eu lieu.

Le même désintérêt par rapport à l’exclusion pouvait aussi s’observer au sein des organisations Africaines comme la CEDEAO. C’est vrai qu’à ce niveau les insurgés bénéficiaient de soutiens, ce qui handicapaient comme toujours en pareille situation des décisions consensuelles, mais les États attachés à un minimum de démocratie, si non de cohésion nationale, sans aller jusqu’à menacer d’intervenir militairement comme au Mali à la chute de A. Toumani Toure, auraient franchement pu un peu plus mouiller la chemise. Après avoir validé l’insurrection /coup d’Etat, accepter cette atteinte au corps électoral qui en démocratie est le premier des pouvoirs ne destinait pas la direction du moment au rang des meilleures cru de la CEDEAO.

La totale cependant dans ce domaine de la désertion vis- à- vis  du minimum de solidarité humaine et démocratique viendra  de l’archevêque de Bobo-Dioulasso, Ouedraogo Paul qui a osé non pas tant se compromettre lui-même, que l’église du Burkina Faso et surtout celle catholique de Rome, en comparant ceux qui ont soutenu la révision de l’article 37 à des collaborateurs nazi et qui méritaient bien de subir en retour les rigueurs de l’exclusion.

Il y avait là un contentieux d’autant plus grave que ses propos n’avaient pas été recadrés par la hiérarchie catholique nationale et que même l’incriminé, au mépris des valeurs bénies d’humilité, de pardon et de repentance chrétiennes, ne pensa même pas en battre sa coulpe en pardonnant et en demandant pardon.

Et pourtant, voilà ce que disent les écritures saintes de l’humilité:

“L’humilité est le « terrain » sur lequel les autres vertus prospèrent. L’humilité est une attitude de vérité à l’égard de Dieu, des autres et de soi-même, elle s’oppose à l’orgueil, à la suffisance, à l’arrogance. En nous appuyant sur la grâce de Dieu (1 Pierre 5,5) l’humilité nous conduit à l’amour et permet de conjuguer tous ensemble l’amour de Dieu, l’amour du prochain et l’amour de soi-même. L’évangile nous la présente comme la vertu fondamentale (Mt 11, 25 et 18,3) “

Et pourtant, le manque d’humilité entache aussi on le remarque ici cette autre valeur essentielle qu’est pour l’église le pardon.

Le pardon est aussi une exigence chrétienne. Cette réalité est tellement centrale pour la foi chrétienne qu’il existe dans l’Eglise pour les catholiques, les orthodoxes et les anglicans, le sacrement de pénitence et de réconciliation qui permet de pardonner les péchés. Le pardon fait partie de la prière du Notre Père (Mt 6. 9-13), et de la profession de foi catholique, le credo. Dans l’évangile on voit souvent le Christ pardonner ou rappeler l’importance du pardon : la pécheresse (Luc 7 ; 36-50), la parabole de l’enfant prodigue (Luc 15, 11-32), Jésus sur la Croix (Luc 23 ; 34).  ( Église. Catholique.fr )

Et pourtant, La crise de la foi et des vocations qui préoccupe le Vatican ne vient pas seulement d’une érosion des valeurs civilisationnelles liées aux dérives de notre société matérialiste jouissive et de surconsommation débridée. Elle  vient aussi de telles déviances au sacerdoce, à la simple humanité, à la parole de Dieu. L’église du Rwanda nous le rappelle pendant le génocide, de même que celle de Rome sous PIE XII face à Hitler et au nazisme, pendant la seconde guerre mondiale.

    En apprenant la nouvelle du putsch par le truchement des réseaux sociaux, mon premier réflexe, dominant mon exaltation, fut d’en chercher confirmation, puisque la proclamation n’était pas encore intervenue. J’appelais à cet effet au téléphone des amis dont Léonce Koné. Ce dernier se montra très dubitatif. La période était marquée par des annonces multiples de coup d’Etat foireux. Si les regards n’étaient pas tournés vers le RSP qui en était au minimum à son troisième coup de sang, c’était vers les vrais faux coups d’Etat, ou vers Zida lui-même, de retour de tel ou tel voyage.  Voilà l’ambiance qui régnait et qui faisait que Léonce Koné comme d’autres étaient sur la réserve, se disant qu’il se pourrait que ce fut un pétard mouillé de plus.

Pour en avoir le cœur net, je décidais d’appeler le lendemain le colonel Keré. Ce dernier effectivement joint, s’il me confirmait le putsch, ne semblait pas manifestement, au ton de sa voix, s’en réjouir.

Je rapportais aux autres et sa réponse confirmative et les résonances, peu engageantes de sa voix.

Il nous fallait attendre maintenant que selon la pratique consacrée le nouveau maître du jeu, fasse la proclamation, et engage son marathon d’explications et de projections à la classe politique et à la Nation pour savoir à quoi nous en tenir sur les raisons et les intentions du nouveau pouvoir.

En effet si après la confirmation du colonel Keré, la lecture de la proclamation (S/C5 proclamation du conseil national de la démocratie (CND)), intervenue entre temps et l’absence de démenti remarqué de l’Etat-major et spécialement de son chef le General

Zagré Pingerenoma, nous étions maintenant, enfin certains du coup d’Etat, il nous restait comme relevé  à attendre l’invitation des nouvelles autorités pour avoir des informations directes et sur les motivations du putsch et sur les intentions de la nouvelle équipe à la tête de l’Etat. C’est logique il ne faudrait pas comme préviennent les anglais « buy a pig in  poke «  acheter un cochon en sac, où comme disent les francophone acheter un poisson dans un sac.

Je rappelais une expérience personnelle à ce sujet. A l’avènement du Conseil du salut du peuple (CSP), du médecin commandant  Jean- Baptiste Ouédraogo, en 1982, le même type d’invitation avait été fait aux hommes politiques, et j’avais contribué à la rédaction d’un mémorandum à l’intention de mon père, qui comme d’autres se rendît à la dite rencontre accompagné je m’en souviens par un El hadj de Ramongo (Koudougou) qui se nommait Idrissa Ouédraogo. Il semble que le Président Sangoulé Lamizana ait aussi eu de telles consultations, et en 1966 à la fin de la première république et en 1974 après l’interruption de la seconde république.

En 1987 également, à l’avènement du mouvement de rectification commué en front populaire, à l’exemple d’autres politiques, nous avions été reçus (une dizaine de camarades et moi), par le nouveau chef de l’Etat Blaise Compaoré. Pendant que des fidèles du défunt président Thomas Sankara tentaient une contre réaction notamment à partir du bataillon d’intervention aéroporté (BIA), à Koudougou où affluaient quelques officiers et soldats opposés au changement intervenu, Le coup d’Etat consommé dès le 15 octobre 1987, les nouvelles autorités se préoccupaient d’en expliquer les raisons et d’éclairer sur l’avenir du pays.

En même temps qu’elles s’activaient à calmer les velléités d’installation de foyers de résistance, elles assuraient la continuité de l’Etat. C’est dans ce cadre que Blaise Compaoré me demanda de mener des négociations avec le capitaine Boukary Kabore dit le lion pour éviter le clash. Trois déplacements successifs dans des conditions périlleuses (j’y reviendrais  un jour dans le cadre d’autres témoignages), me permirent d’obtenir son accord dans un document que je rapportais et qui fut lu sur antennes un bref moment seulement, car plus tard, pressé sans doute par certains de ses hommes, il fut contraint de se rétracter. La confrontation devait malheureusement s’en suivre.

Si les explications, promesses d’avenir et applaudissements entendus à ces différentes occasions de notre passé commun, correspondaient souvent points pour points aux attentes de certains invités à ces séances d’explications, il n’en a jamais été tiré une quelconque preuve, pour les élever au rang de commanditaires, auteurs, complices ou receleurs de ces putschs.

Clairement, de rencontrer le premier responsable du CND, ça ne serait nullement une grande première (et par-dessus tout suspecte de complicité), car c’était l’usage et donc normal pour nous d’attendre les mêmes éclairages pour le  coup d’Etat du 16.

Mais voilà il y’a des burkinabé qui pensent que l’histoire du pays ne commence qu’avec eux et qui ne se donne pas la peine de regarder dans le rétroviseur du temps.

Et puis finalement le 17, apaisant notre impatience, nous sommes conviés à une rencontre à Kossyam avec le patron du désormais CND. Avant d’y arriver et tout au long du parcours, les choses me parurent trop calmes. Pas de dispositifs lourds, de concentrations particulières de troupes. Pas de soldats masqués et aux mines renfermées. Nous n’avons eu droit qu’à quelques points de contrôles militaires, sans grande montée d’adrénaline.

Je me revoyais en effet  en comparaison le 15 octobre 1987 regagnant de mon étude de Ouaga en centre-ville, mon domicile situé vers la zone du bois. Arrivé au niveau de la centrale électrique de Dapoya, il y avait des militaires à chaque pas et tout au long des rues, jusque vers Bangreweogo. Certains avaient les yeux rouges et étaient je me demandais bien pourquoi, comme couvert de poussière, leurs mines à couper au couteau donnaient envie de tout, sauf de s’attarder à vouloir tailler une bavette avec eux, ou à les énerver en les fixant un peu trop droit dans les yeux! Vraiment  ils n’avaient pas des mines à plaisanter. Il y’en avaient parmi eux qui se trouvaient dans les caniveaux armes aux poings, pendant que d’autres procédaient à des contrôles serrés. J’ai été obligé de m’arrêter au moins quatre reprises et d’ouvrir autant de fois le coffre de mon véhicule, satisfaisant aux contrôles d’identité en répondant à des questions du genre, d’où venez-vous, où allez-vous, avez-vous remarqué quelque chose d’Inhabituel en route ?  Le tout sans compter les détonations et autres mitrailles à vous tordre d’autant plus les boyaux, qu’on ne savait pas encore qui avait gagné le duel  attendu et tant redouté entre Thomas Sankara et Blaise Compaoré, dont les divergences de notoriété publique avaient même dans l’opinion générale atteint le point de non-retour.

Le décor ce 17 septembre 2015 alors que nous nous dirigions vers Kossyam, avait changé du tout au tout. Même pas cette litanique musique militaire qui dans le pays profond, vous annonçait que le pouvoir avait changé de versant, et qui à l’occasion rythmait des marches ou retraites aux flambeaux, pour célébrer les changements quand ils étaient manifestement salvateurs.

Arrivé dans l’enceinte du palais de Kossyam, on pouvait remarquer une plus forte présence militaire, mais ce qui me frappa encore, c’était cette relative décontraction que présentaient les militaires. J’entrevu  cela, probablement pour me rassurer, comme une sorte de posture manifestative d’une assurance tranquille. Mais au fonds de moi, Je me perdais en questionnements, tant j’aurais mieux imaginé des hommes plus en train, et plus déployés sur le terrain pour en affirmer davantage la maîtrise.

Mon premier souci au contact du General fut de demander si l’Etat-major avait donné son accord au changement. Le General  répondit par l’affirmative. Il ajouta même que les officiers de différents corps avaient demandé des réquisitions pour participer aux opérations de maintien de l’ordre, ce qui voulait tout dire. J’avais envie sur mon élan de demander si des dispositions avaient été prises pour avoir une continuité territoriale qui permette, sait-on jamais, de disposer d’une zone de replis et de ravitaillement, afin d’éviter un éventuel encerclement. Je m’en inquiétais auprès de Léonce qui me demanda de poser la question à qui de droit. Jamais je n’avais vu s’opérer un coup d’Etat aussi Zen aussi cool. Mais bien que l’ayant sur le bout des lèvres, Je ravalai ma question qui me sembla à la réflexion trop relever du secret militaire et un rien prétentieuse de surcroît.

Avait- il oui ou non perçu un besoin d’assurance ou quoi? Allons savoir! Mais le General souligna avec un petit sourire que tout ça en réalité n’avait pas pris plus de 30 mn. Il pensait nous rassurer mais cela en rajouta à mes interrogations et quand je m’en ouvris aux autres sur ce coup d’Etat vitesse éclaire, réalisé en un « clin d’œil » même par des commandos, cela nous laissait tout de même un peu circonspect.

Le président du CND en tout état de cause, nous expliqua dans les détails leurs motivations et rien ne fut laissé de côté tout y passa: la politique d’exclusion, la diabolisation du RSP et les menaces de suppression qui pesaient sur lui, les promesses non tenues après chaque crise, les violations de la constitution, le pillage du pays, les risques de guerre civile, le refus d’appliquer la décision exécutoire de la cour de justice de la CEDEAO relative à la condamnation de l’exclusion.

Les perspectives étaient tout autant clairement énoncées : travailler immédiatement pour le rétablissement de l’inclusion, la réconciliation et conduire au plus tôt le pays à des élections ouvertes à tous, pour donner toute sa légitimité au régime qui sera issu de ces élections.

Que cherche l’aveugle dit le proverbe si ce n’est des yeux?

A s’en tenir à une grande partie de l’opinion qui était très tôt revenue de ses illusions devant les frasques du régime, sa gestion oppressive et gabégique du pouvoir, le caractère salutaire et même patriotique de l’intervention ne faisait pas réellement mystère.

Le même 17 septembre au soir, les libérations de personnalités commençaient. En même temps il était annoncé la réouverture des frontières. On ne pouvait pas mieux donner l’assurance de maîtriser la situation et le bouclage des opérations.

Le 18 septembre le lendemain de notre rencontre avec le président du CND nous avons confirmation des assurances données la veille  par le président du CND, quant à la décision d’accompagnement prise par l’état-major. Nous verrons en direct à la télévision le chef d’état-major le général Zagré Pingrenoma, des officiers de l’état-major accompagner le Président du CND, dans les règles du protocole d’Etat, tapis rouge déroulé, honneurs militaires, et tous les tralalas pour accueillir ses homologues de la CEDEAO venus chercher une solution à la crise.

En raison de l’absence de toute instance nationale de protection contre l’arbitraire et du sentiment de l’existence de commanditaires internationaux dans les événements des 30/31 octobre 2014, la CEDEAO nous apparaissait, esseulés que nous étions et malgré ses handicapes soulignés, comme l’ultime rempart auquel nous pouvions nous agripper pour que la flamme de la restauration de l’inclusion ne s’éteigne pas.

Si pour le Mali, il avait été possible (menaces diverses dont celle d’intervention armée aidant), de rester dans le cadre constitutionnel pour engager la transition, après le coup de force du capitaine Haya Sanogo, l’organisation devrait avoir au moins  mauvaise conscience de n’avoir pas maintenu la jurisprudence et de n’avoir même pas, sauf quelques grognements à huis clos, levé le petit doigt pour faire respecter la décision de sa cour de justice.

Je savais que des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Togo, qui n’étant pas contrairement au Mali et au Niger classés au nombre des amis de nos insurgés, pouvaient avec d’autres comme le Bénin travailler à un meilleur respect des droits civils et politiques, mais qu’ils n’étaient pas toujours les meilleurs exemples de justiciables respectueux des décisions de la CEDEAO.

Le coup d’Etat du 16 septembre 2015 pouvait cependant, en leur donnant raison de leurs mises en gardes quoique timides contre l’exclusion, constituer un moyen de pression pour qu’à quelque chose en somme, malheur soit bon.

Notre détermination en rencontrant la délégation présidentielle était de jouer à fond sur cette carte pour avoir des assurances qu’il n’y aurait pas de régression ou pire d’abjuration au sujet des espérances d’apaisements démocratiques suscitées par la proclamation du CND.

C’est ce que nous avons fait en soutenant la plus grande implication de la CEDEAO et l’élévation à son niveau (puisque toute voie nationale semblait fermée), du règlement du contentieux national comme du reste  ses textes fondateurs le lui permettent et comme elle en avait au surplus l’expérience.

Devant elle nous avons souhaité une délocalisation des pourparlers puisque les insurgés bénéficiant de la complicité de l’appareil d’Etat de la transition, cela jouait sur la sérénité des discussions comme en témoignaient non seulement les nombreuses menaces et  agressions des opposants, mais surtout celles intervenues comble d’irrespect, jusque devant les propres yeux des chefs d’Etat de l’organisation régionale.

II.2. Une allégresse de courte durée

A l’occasion  donc des consultations décidées par les représentants de la CEDEAO avec la classe politique, la société  civile, l’armée notamment, j’ai  en quelque sorte dit au nom de la délégation que je conduisais que les insurgés et le couple Zidane/Kafando, étaient les vrais déterminants du coup d’Etat du 16 septembre du CND  et demandé  que les négociations soient effectivement  délocalisées avec les responsables de la nouvelle autorité d’Etat en place. Seule cette condition pouvait permettre des discussions sereines et prometteuses de changements favorables à l’application de la décision de la cour de justice de la CEDEAO. Restaurer les autorités démises de la transition qui avaient légalisé l’exclusion, qui  se refusaient d’appliquer une décision ayant force de chose jugée sur la question, c’était leur donner raison de leur politique, contre la cour de justice de la CEDEAO, contre le droit et contre l’espérance.

Notre crainte à ce sujet était forte, légitime et anticipatrice.  Une certaine agitation commençait à poindre en ce sens. Contrairement aux partis et OSC pro insurgés qui restaient sur leurs acquis organisationnels et n’avaient pas démobilisé leurs troupes en décrétant le repos du guerrier, les partis et OSC de l’autre bord encore convalescents étaient loin d’avoir le répondant nécessaire  pour défendre les promesses de retour à l’inclusion et à la normalité démocratique.

Si le 16 septembre avait été organisé à l’avance et avec eux, le minimum aurait été de leur permettre de donner plus de résultats à leur restructuration, afin de pouvoir venir en soutien en termes de mobilisation en temps opportun au nouveau pouvoir. Seul un coup d’Etat purement militaire pouvait s’exécuter en faisant l’économie de la participation des forces politiques et civiles. Le risque dans ce cas étant de tourner en couilles avec des défections dans l’armée, et l’incapacité de bénéficier d’un appui populaire organisé. Mais c’est souvent aussi  le risque à prendre quand la discrétion n’est pas assurée du Côte civil et quand de nombreuses hésitations font craindre des fuites.

Les insurgés l’ont compris qui par-delà la hiérarchie travaillaient l’armée dans ses démembrements au corps, avec des arguments de circonstances.

Face aux partisans de l’exclusion en plus soutenus par l’ambassadeur de France Gilles Thibault, et celui des USA Tulinabo Salama Mushingi, nous demandions dans l’improvisation totale à ceux qui luttaient pour l’inclusion de donner pareillement de la voix et d’être visibles. Il fallait offrir des raisons aux présidents de la CEDEAO de garder la main sur le dossier en montrant que même devant l’inégalité des situations et le terrorisme pratiqué par les insurgés la frange démocratique des Politiques était toujours là, en dépit des stigmates de l’insurrection, prête à défendre la démocratie et ses droits.

Jamais de ma vie, je n’avais vu un tel affaissement de l’autorité de l’Etat dont je rendais principalement responsable, l’accession au pouvoir d’un leadership plus scandaleux, vénal, violent et obtus, qu’éclairé par le sens de l’Etat et de la gouvernance intelligente et responsabilisée. Mais il y avait aussi ce bradage de nos acquis républicains, par le recours systématique à des forces sociales et traditionnelles non instituées pour des décisions d’Etat ou comme ultimes instances protectrices d’organes d’Etat.

Un impétrant général, qui plus est premier ministre, courant à brides rabattues pour aller se réfugier dans les boubous du Moro Naba, afin d’échapper aux poursuites de ses frères d’armes du RSP, ça n’est pas coutumier dans notre pays, ni dans une république arrimée à ses prérogatives. Le comique de la situation ne doit pas cependant, nous conduire à en banaliser les causes et les conséquences pour les privilèges de la république.

Tout aussi grave et même plus encore, il était  observé un quasi retour au gouvernorat colonial, avec l’ingérence intempestive et indigeste de l’ambassadeur de France dans nos affaires nationales. Tel un administrateur colonial gavé de Gobineau et imbu de sa supériorité raciale, Il a pesé d’un tel poids dans la défense des insurgés qu’un rétablissement de l’histoire ne pourra se faire sans mettre en relief sa part de responsabilité (donc celle de la France), dans l’insurrection/ coup d’Etat, et dans les conséquences dramatiques qui en  résultent actuellement pour le peuple.

L’ambassadeur des USA a certes été moins cynique et moins hautain mais il est tout aussi comptable (et donc les USA), des retombées de l’insurrection / coup d’Etat, pour le soutien également apporté aux auteurs. Un véritable travail mémoriel ne peut que mettre en exergue les responsabilités des administrations Obama et Hollande, qui pour être moins graves qu’en Libye (sous Sarkozy) n’en restent pas moins patentes. JE t’étais personnellement déçu après avoir été le premier en Afrique et Bien avant son élection à créer un club Barack Obama et à battre campagne pour lui à grand frais, en votant les résultats de sa politique en Afrique et spécialement en Libye en Côte d’Ivoire et dans mon pays le Burkina Faso.

L’homme intelligent et de caractère s’était laissé piégé par la faconde et la nature interventionniste de Sarkozy et par un complexe vis-à-vis de l’Afrique reposant sur la crainte de s’immiscer dans les zones d’influences de la France et de se faire critiquer de mêler des critères raciaux à sa politique internationale en s’intéressant personnellement de trop près  à son continent d’origine.

Je veux bien qu’en Europe et en France des opinions criant au ras-le-bol pour les mises en causes des crimes de l’esclavage et de la colonisation exigent aux gouvernants de se décomplexer en les passants aux pertes et profits, sans plus de séances humiliantes de repentances et encore moins de projets de réparations, mais qu’il soit mis au moins fin aux phénomènes de néo-domination avec leur lot de crimes et de retour en esclavage comme en Libye.

 Le 19 septembre 2015, preuve s’il en fallait encore que l’Etat-major avait parti liée avec le CND, j’apprenais que la police, la gendarmerie et l’armée accompagnaient effectivement le RSP et le nouveau pouvoir dans les opérations de maintien d’ordre.

Mais la rue était aussi de plus en plus sollicitée, et devinant que la CEDEAO pouvait se démarquer de la politique d’exclusion, les attaques par-delà les opposants nationaux fusaient contre les présidents  de la CEDEAO, se faisant irrévérencieuses et insultantes à souhaits. Le Président Macky Sall en aura une telle dose que la réaction outrée par la voie diplomatique du Sénégal s’en suivra.

Ce jour-là du 19, j’eus un malaise, une brusque chute de tension et déclinais toute proposition de sortie pour aller à l’hôtel Laïco ou avaient toujours lieu les échanges. Au courant de la nuit, j’appris sans plus de détails par Léonce et Émile qu’une première tranche, fruit de nos sollicitations extérieures était arrivé.

Les jours suivants étaient marqués par des manifestations en force des insurgés et des propos changeants des personnalités libérées.

Alors qu’au début elles paraissaient se soumettre à la nouvelle donne plus tard, le ton changea du tout au tout. C’était prévisible avec les visites que ne manquaient pas de leur faire nos deux ambassadeurs, plus intrusifs que jamais dans nos affaires nationales, allant s’agissant de Gilles Thibault, jusqu’à assurer le gîte et le couvert aux insurgés pour soit disant les protéger.

Les syndicats, de leur côté, étaient rivés au mot d’ordre de grève générale contre le CND et Sy Chérif animait la résistance à travers un aménagement de radio pirate. Des barricades étaient visibles.

Le 21 septembre, malgré les efforts du chef d’Etat-major pour les en dissuader, et donc en état de désobéissance et de sédition déclaré, des militaires partis  des régions, encerclaient au soir du même jour Kossyam. Ce  que j’avais redouté l’encerclement, se réalisait.

II.3 le clap final

Le 23 septembre coup dur, Michel Kafando proclame son retour aux affaires et le rétablissement du gouvernement de transition. Le général Dienderé de son côté annonce qu’il abandonne le pouvoir.

Une semaine en tout et pour tout à la tête de l’Etat. Jusqu’à présent autant que je m’en souvienne on retenait au nombre du temps d’exercice de pouvoir les plus brefs,  ( hors mis l’imbattable Dahomey oublié avec : ceux de Jean-Baptiste Hachème  19 décembre 1967/ 19 décembre 1967 ; justin Ahomadegbe  27 novembre 1965/ 29 novembre 1965 ; Maurice Kouandété 10 décembre 1969/13 décembre 1969 ), ceux de l’aiglon Napoléon II  fils de l’empereur Napoléon I, en France : 20 jours du 22 juin au 7 juillet 1815, de Amadou Haya Sanogo au Mali  : 20 jours du 22 mars 2012 au 12 Avril 2012.

Maintenant le record était faussement attribué au général Dienderé au  Burkina Faso,  7 jours du 16 septembre 2015 au 23 septembre 2015, compte non tenu de la Catalogne ou après la proclamation de l’indépendance / coup d’Etat le Président Carles  Pudgemont n’aura tenu pratiquement que quelques heures dans la journée du 27 octobre 2017, se situant dans les normes Dahoméennes.

Quoi qu’il en soit, des gens, (selon le film de Georges Méliès  qui pleurent et qui rient, tiré d’un poème de voltaire: Jean qui pleure et qui rit), il y en avait pour rire et d’autres pour pleurer ce 23 septembre.

Au soir du 23 j’ai vécu ce que les hommes du conquistador espagnol Cortes, alors plein de confiance et de supériorité sur les aztèques ont vécu après avoir été en une triste nuit ”  noche triste “, encerclés et sévèrement combattus et défait par les Aztèques, brusquement ragaillardis à la suite des erreurs commises par les espagnols.

Je n’arrêtais pas de chercher la faute. Dans le même temps Je ne manquais pas de me remettre en cause. Pourquoi n’avoir pas alors que je ne sentais pas la chose pris mes distances ou été plus alerte sur les insuffisances que je percevais? N’étais-je pas au fond le propre artisan de mon malheur ?

Avec humilité je me posais toutes ces questions, mais sans jamais réussir à me désolidariser ni de la cause, ni de ceux qui m’ont fait vivre ce bref moment d’espérance qui correspondait je le souligne encore à une profonde attente.

J’en revenais à quelques semaines de l’insurrection quand sentant les choses venir et ayant vainement tenté d’orienter les choses vers l’arbitrage populaire par le référendum ou la constituante j’avais demandé une rencontre entre une petite délégation de l’opposition membre du front républicain et des responsables de premiers plan du CDP membres du même front pour parler de la  situation sans tabou. La rencontre eu lieu à Joly hôtel.

Je me souviens qu’en demandant une meilleure participation à la prise de décision, je soulignais le déséquilibre entre cette participation décisionnelle telle que nous la vivions alors et les  risques encourus.

Nous autres Avais-je relevé en parlant de ceux qui n’étaient pas de la majorité présidentielle, pouvions plus perdre que beaucoup d’entre vous dans cette affaire en assumant des décisions à la prise desquelles nous n’avons pas participé.

J’aurais pu en ce moment aussi décrocher puisque n’ignorant pas le sort funeste qui pouvait être le mien.

Mais là aussi il y’avait une question de conviction, de solidarité dans une cause partagée. Celle de la paix.

Ces pensées me revenaient et me laissant au gré de mes rétrospectives je trouvais curieux, qu’on aime à dire que l’histoire ne se répète  jamais, tant je demanderais parfois à voir et surtout en ce moment ! Je pense au moins que parfois elle tendrait si non à revenir sur ses pas, à balbutier. Ce même état de douleur intérieure oppressive, de chute abyssale dans l’inconnu, et d’attente anxieuse d’une répression politique, que je ressentais après la fin brutale du CND je l’avais déjà vécu.

C’était à l’avènement du conseil de salut du  peuple (CSP), de  Jean-Baptiste Ouédraogo, et  plus particulièrement du CSP II, avec le débarquement du premier ministre Thomas Sankara. Des soutiens il y en a eu le président Jean-Baptiste Ouédraogo pour ces annonces qui soulevaient beaucoup d’espérance dans la classe politique.

Des marches de soutiens au commandant démocrate, étaient mêmes proposées pour ne pas laisser seules sur le terrain les organisations révolutionnaires, dont l’activisme était pareil à celui des insurgés. Les similitudes, se voyaient tout à fait jusqu’aux espoirs déçus, avec le retour au pouvoir de ceux qui en avaient été évincés et les attentes stressantes de représailles subséquentes.

Ce que je vivais je l’avais donc déjà vécu à la chute du CSP II et au retour de Sankara avec le CNR. Pour nous autres considérés alors comme des ennemis de classe des réactionnaires, les temps de braises allaient succéder au temps cléments.

Mêmes impressions après le naufrage du CND et de ses engagements démocratiques.

J’évoquais la promesse de l’aube de Romain Gary pour tenter d’expliquer toute l’espérance que nous mettions dans les promesses du CND qui sonnaient pour nous comme la sortie d’un cauchemar. Il reste à écrire la promesse de la veille, pour traduire dans toute sa plénitude, la désillusion du lendemain et le parcours inverse de la brillance éclatante de l’aube à la flétrissure ténébreuse de la nuit.

Les insurgés remis en selle nous savions que les choses seraient encore plus dures pour nous autres, non insurgés  approbateurs du putsch du 16.

En nous engageant ouvertement et en première ligne contre l’exclusion, nous étions conscients  Léonce et moi qu’on ne nous ferait pas de cadeaux. Nous en plaisantions même à l’occasion nous disant que nous ferions mieux de préparer nos familles et d’apprêter nos balluchons. Les choses étaient  plus claires après nos appréciations favorables à la  proclamation du CND. Quand en premier Léonce Koné s’est exprimé à ce sujet sur les antennes internationales sans vouloir condamner la réaction des insurgés pro transition a été si vive que dans les rangs de son parti, on a ressenti une onde de frayeur et une tentation de démarcation. Après notre audition par les chefs d’Etat de la CEDEAO, la presse m’avait tendu le micro en tant que chef de délégation de notre groupe. J’ai alors à cette même question portant sur l’appréciation du putsch que je savais dans le canon, répondu sans hésiter que j’y avais applaudi. Deux raisons motivaient cette réponse contre laquelle j’avais été prévenu par des  personnes très chères :

– l’attachement à mes convictions.

– le souci de ne pas abandonner Léonce en rase campagne.

Et puis après ça, à ce jour dit de la désillusion du 23, les choses sont allées très vite:

25 septembre 2015 premier conseil de ministre je dirais de la transition II. Quatre mesures tombent comme des couperets :

– Dissolution du RSP

– Commission d’enquête

– Destitution de hauts grades

– Gel des avoirs de 24 personnalités

.cette dernière mesure ayant été arbitrairement activée. (S/C.6 gel des avoirs). Il nous avait été déjà donné de vérifier cette façon incroyable de gouverner au XXI siècle dans le plus grand mépris des contraintes de droit et de l’équité procédurale. Après son coup d’Etat Zida, avait fait saisir nos comptes bancaires sans passer par aucune procédure conservatoire comme s’il était le maître et seigneur du Burkina Faso, agissant comme le roi soleil par lettres de cachet.

Le signal était pour nous, donné et nous attendions nos arrestations.

2 octobre 2015 voilà que je reçois un coup de téléphone d’un jeune opposant qui venait de passer la frontière ivoirienne. Il me suppliait de quitter le pays immédiatement et de dire à Léonce d’en faire de même. Il me suppliait de ne pas prendre les choses à la légère car dès le début de la semaine, la machine répressive allait se mettre en branle et que nous risquions de passer, rien moins que ça, devant une cour martiale. C’est vrai que ces cours martiales ont une triste renommée au Burkina Faso, et que ça fait froid dans le dos, quand on connait la brutalité ambiante, mais nous avions déjà décidé quoi qu’il advienne de rester sur place.

Je repensais alors  aux années 1967/68, lorsque nous préparions  des manifestations pour exiger la libération de nos parents détenus au camp Ballolé, actuel MACA et que le projet éventé, la décision avait été prise de nous arrêter pour tentative de coup d’Etat. A cette époque dès réception de l’information, nous avions aussitôt décidé de ne pas quitter le pays, mais d’informer le maximum de camarades engagés dans les manifestations, pour qu’ils soient juges de leurs propres décisions. Beaucoup sont restés, mais d’autres sont partis qui au Mali, qui  en Côte d’Ivoire, ou en France.

5 octobre 2015 Nous reçûmes  effectivement comme prévu depuis le fameux coup de téléphone, le 3 ou le 4 octobre  des convocations téléphoniques pour la sûreté et la gendarmerie le 5 octobre 2015. Nos enfants et autres parents, nos amis et camarades de partis informés, nous primes nos dispositions au cas où nous ne reviendrions pas de ces auditions.

Emile Kaboré qui avait perdu son beau-père avait bougé pour les obsèques en Côte-d’Ivoire par un vol régulier et non pris brusquement la clé des champs.

Le Lundi matin très tôt on se salua Léonce et moi au téléphone et nous nous rendîmes chacun de notre côté à la direction de la sûreté nationale, envisageant de nous rendre après à la gendarmerie.

III. Les jours d’après

Enquêtes préliminaires et garde à vue se passeront le même jour. C’est curieux les interrogatoires auront lieu aussi bien à la  police qu’à la gendarmerie confirmant la sourde mais forte compétition existant entre les deux corps.

III.1.Enquêtes préliminaires

-Enquête de police

Mon cousin Noël me conduisait d’abord à la police où un inspecteur très courtois m’attendait à l’entrée principale. Il me conduisit en traversant le grand bâtiment vers une sorte d’annexe ou l’audition devait se passer. L’interrogatoire se déroula correctement avec grand professionnalisme. Des questions il y’en eu sur mes relations avec les militaires, sur comment j’avais été informé du putsch, sur ce que j’en savais. Aucune réaction à mes réponses sauf quand il me questionna sur cette liste sur laquelle figurait mon nom en tant que ministre d’Etat à l’environnement.

En réponse Je soulignais que j’en avais entendu parler sans y apporter la moindre importance. D’abord il y’a bien longtemps  que je n’ai plus voulu pour moi même de poste dans un gouvernement préférant  y envoyer des collaborateurs. Pourquoi refuser des portefeuilles ministériels en temps normal pour en accepter en période incertaine de transition?

A cette réponse Je remarquais un signe approbatif, accompagné d’un marmonnement de même nature.

Au terme de l’audition, l’inspecteur qui visiblement n’en était pas à sa première, me semblait avoir son opinion faite. Je le sentais se disant en son for intérieur que s’il ne tenait qu’à lui il classerait cette affaire, vite fait bien fait car  il n’y avait vraiment pas de quoi fouetter un chat. Et effectivement il n’y avait rien, absolument rien d’accrochant dans le dossier. Je rappelais comme j’avais signalé au début de l’interrogatoire que j’étais attendu à la gendarmerie, sans réponse que je pouvais m’y rendre.

L’ambiance n’était pas dépourvue de compassion car parmi les policiers qui passaient dans la salle certains après le bonjour me souhaitaient du courage. Un d’entre eux s’est même fendu d’un ah ce n’est pas facile, courage. Ce n’est pas croyable ce qu’en pareille circonstance, de tels simples mots peuvent apparaître comme une giboulée  rafraîchissante pour l’âme, vous replongeant dans les versants chaleureux de la condition humaine malgré, souvent, les pics d’inhumanité des hommes.

J’en éprouvai de la sympathie pour la police. Du coup je me mis à observer les lieux tout alentour. L’endroit où je me trouvais évoquait en moi de vieux souvenirs, c’était en fin 1967, ou en début  1968 je ne m’en souviens plus exactement. Nous étions quelques camarades dont Léonce, Moustapha  Thiombiano et moi, en garde à vue à la sûreté, pour notre projet de manifestation converti en coup d’Etat par le tribunal spécial.  Un matin nous avons été conduits dans une annexe à l’identification judiciaire pour prises d’empreintes et photos anthropométriques, ça devait être dans les parages où je me trouvais, mais que les lieux avaient changés. Normal, ça faisait tout de même, près de 50 ans, exactement 47 ans.

Une  pensée me vint à l’esprit en relation avec cette  commisération diffuse que je ressentais. Alors que j’attendais fiévreux et grelottant  d’en finir avec les formalités devant clôturer la garde à vue et nous envoyer au juge, une secrétaire nous observait. Midi arriva sans que nous ayons terminé. Elle descendit et revint à 15 h me retrouvant faisant des allées et venues de l’endroit où j’avais fini par m’étendre à même le carreau, aux herbes bordant la clôture pour vomir en attendant mon tour. La scène dut la toucher car je l’entendis s’exclamer avec un profond soupir en dioula hé Allah (oh mon Dieu), Je ne la connaissais pas, je ne connaissais pas davantage les policiers qui me disaient courage, mais jusqu’aujourd’hui, quand je pense à eux, à leur ouvertures de cœur, les paroles de l’auvergnat, la chanson de Georges Brassens me reviennent en mémoire et notamment ce passage :

“…Elle est à toi cette chanson

Toi l’étranger qui sans façons

D’un air malheureux m’a souri

Lorsque les gendarmes m’ont pris

Toi qui n’as pas applaudi quand

Les croquantes et les croquants

Tous les gens bien intentionnés

Riaient de me voir amener

Ce n’était rien qu’un peu de miel

Mais il m’avait chauffé le corps

Et dans mon âme il brûle encore

A la manière d’un grand soleil

Toi l’étranger quand tu mourras

Quand le croque-mort t’emportera

Qu’il te conduise à travers ciel

Au père éternel…”

Émergeant de mes réminiscences, je  prévenais encore que je devais me rendre à la gendarmerie. Je me rappelais cette insistance de mon interlocuteur gendarme qui me convoquait pour le même jour à 8h30 à venir avant et en priorité à la gendarmerie dès que je portais à sa connaissance ma convocation première et plus matinale à la sûreté. Pour toute réponse on me dit d’attendre en avançant de fuyantes explications.

Je compris que les gendarmes informés avaient prévu de venir chercher eux-mêmes leur colis et de scénariser quelque peu l’opération. Beaucoup sont comme ça qui y trouvent glorioles, en observant les regards ébahis de badauds, voyant passer des personnalités entre les mains des forces de l’ordre.

Je décidais de prendre mon mal en patience.

Sous le coup de midi  deux véhicules de la gendarmerie arrivèrent avec des éléments armés jusqu’aux dents. A l’intérieur de la police, en face du bâtiment où je me trouvais, ils étaient déployés en éventail pour sans doute éteindre en moi toute  envie de me débiner. Je souris in petto en me demandant comment ils pouvaient m’imaginer prenant mes jambes à mon coup, qui plus est dans l’enceinte clôturée de la sûreté pour leur échapper. Mais après s’être présenté à moi et enquis de comment j’étais arrivé à la sûreté, et recu explications, l’officier commandant l’équipe m’informa qu’il avait reçu ordre de me conduire à la gendarmerie. Il proposa que Noël m’y amène comme il m’avait conduit à la police. Je pris alors place à l’arrière de la voiture, encadré par deux gendarmes et  Noël démarra  pour la gendarmerie avec un troisième élément à sa droite, sa voiture flanquée d’un véhicule devant et d’un autre derrière tous bourrés de gendarmes.

-Enquête de gendarmerie

Après mon audition nickel à la sûreté, pas de garde à vue. Au  contraire tour de la gendarmerie. Là, difficile mise en train. Trop busy, les gendarmes. Beaucoup de personnes  à auditionner. Et puis il fallait casser la croûte midi étant bien entamé. Noël venu me chercher dès 6 heures du matin attendait  dans la cour. Nourrissant pour ce qu’il savait de la légèreté du dossier, l’espoir de me ramener au terme de l’audition à domicile

Quand  les choses commencèrent enfin, je me retrouvais avec près de six gendarmes au lieu d’un inspecteur à la sûreté pour faire le boulot. Parmi eux, un faisait sans cesse des va- et -vient. J’en aurais mis ma main au feu, que c’était  entre moi et des instances occultes. Les auditions à la gendarmerie ont été plus longues mais reproduisant quasiment les mêmes questions. Avez-vous été contacté dans le cadre du coup? Avez-vous été reçu par le General Diendere. Étiez-vous au courant du gouvernement à constituer ? Que pensez-vous du coup d’Etat ? A cette question je voyais deux volets. Le premier était relatif à l’annonce du coup, le second à une appréciation d’ensemble sur son déroulé. Je confirmais pour le premier point que j’y avais applaudit expliquant pourquoi et précisant que sur la question  je ne changerais pas de déclaration. Pour le second qui en appelait à une appréciation d’ensemble et après coup, j’ai exprimé une pensée profonde qui me venait du sentiment général que j’éprouvais de ce coup à l’annonce duquel j’avais applaudis comme relevé, mais qui finalement de mon point de vue avait été victime à son tour d’un autre, coup. Ce qui me frappait et qui confirmait mes appréhensions c’était l’impréparation. Quand on connaît l’histoire de l’homme concerné au premier chef, ses états de service, c’est une injure inutilement bête et méchante que de parler  du putsch du 16/09/15 avec mépris comme étant dans le genre le plus bête au monde. C’est oublier son côté profondément soucieux de rétablir les équilibres démocratiques avant toute élection et d’éviter autant qu’il le pouvait les débordements. Invoquer la proximité des élections pour qualifier le coup d’idiot c’est montrer qu’on avait adhérer à cette élection à l’avance tronquée par les mesures arbitrairement restrictives du suffrage. Ce qui ne me semble pas  plus glorieux.

Au jour d’aujourd’hui en tout cas, avec ce que vit le pays notamment après les élections sous embargo partiel de suffrages, la perpétuation de l’exclusion, la crise généralisée, le refus de la réconciliation, le temps ne donne pas si tort que ça, à cette volonté exprimée de restauration du droit de suffrage et de prévention contre les suites de cette élection ayant aboutit à la mise en place d’organes à légitimités limités.

Mais ce qui me frappait le plus dans ce coup et qui pouvait valablement sous -tendre une enquête objective , en orienter les recherches, c’était son caractère impromptu, improvisé, décidé à la va -vite comme pour prendre les devants sur un autre, ou pour mettre un indécis, un velléitaire devant le fait accompli. En mon âme et conscience le démêlé de ce dossier, son instruction conduite dans les normes en prenant pour boussole cette donnée trouverait les vraies réponses qui aideraient à situer les responsabilités.

J’ai donc dit aux gendarmes de deux choses l’une: ou bien le général Diendere a été mis devant le  fait accompli d’un coup d’Etat réalisé par d’autres, où il a été obligé de le réaliser en catastrophe pour parer à l’imminence d’un autre.

Dans les deux cas il y’avait  cette impréparation qui seule pouvait expliquer que l’entreprise ait ainsi tourné en vrille. Aurais-je en tout cas été associé à cette action comme on le prétend, que je me serais au moins, tel que je me connais, montré plus tatillon si non plus précautionneux,  ai- je volontairement voulu marquer le coup, en terminant ma réponse.

Mon analyse et ma conviction étaient par ailleurs que une fois les personnalités de la transition arrêtées à l’insu de l’état-major, ce dernier avait au bout du compte dominant ses frustrations, donné son accord pour l’opération permettant au CND de faire la proclamation et de démettre officiellement les organes de la transition, actes indispensables à la consommation de l’infraction.

C’est ensuite qu’un contre coup a été organisé, mais bien que dans l’urgence avec plus de méthodologie, de soutien extérieur et intérieur et surtout de civils associés cette fois ci et même en première ligne. Un coup (cette fois ci), plus à connotation civile que militaire stricto sensu.

L’ambiance à la gendarmerie était nettement différente. Si je connaissais la sûreté pour y avoir été gardes-en à vue, à mes dix-huit ans, comme souligné et y avoir été interrogé une fois après retrait de mon passeport pour soupçon de déstabilisations de mon pays, Je connaissais plus encore la gendarmerie. J’y avais été convoqué au moins trois fois et gardé à vue deux fois. Je repensais aux conditions de ces arrestations alors que j’étais auditionné. Les gendarmes venaient toujours m’arrêter à la maison et cela traumatisait mes enfants. C’étaient des pleurs à n’en plus finir. Ces événements, les lynchages sur internet qui ne les épargnaient pas, les conditions tragiques de la disparition de leur mère, les incendies et saccages de leurs maisons avec violation de la sépulture de leur mère sont des épreuves qui les laisseront marqués à vie et qui malheureusement ont contribué à mettre dans leur cœur de la distance avec le Burkina Faso. Ils m’en parlent à l’occasion expliquant que cela assombrit une partie leur mémoire d’enfance. Noël ayant dû les prévenir de notre évolution vers la gendarmerie, je savais que toutes ces images du passé leur reviendraient avec en relief l’intermède de l’équipe de gendarmes se trompant de maison au moment où les incendiaires et autres vandales n’avaient pas encore terminé avec leur triste besogne.

Ce qui me frappait le plus dans la conduite de l’interrogatoire à la gendarmerie c’était cette atmosphère plus impliquée, plus engagée, plus militante que professionnelle.

Comment avez-vous pu Me, vous qu’on sait attaché au dialogue et à la réconciliation, cautionner une action qui a fait autant de morts ? Le ton était ainsi donné !  Si le proverbe dit qu’après une chute il faut regarder vers ce, sur quoi on a trébuché pour se trouver le nez par terre, et non où on a  mordu la poussière, manifestement ce n’était pas ici la préoccupation majeure. Il ne fallait pas compter sur les gendarmes pour faire la course aux déterminants du putsch. Je rappelais toutefois que je n’avais pas applaudi à des morts mais à un changement de régiment oppressif, soulignant que même le cardinal Paul Zoungrana  avait qualifié un coup d’Etat comme le fait d’un secours divin, tellement le régime précédent était décrié. Sans ce fait premier, autrement dit cette causalité adéquate de l’exclusion, de la terreur il n’y aurait pas eu de 16 septembre.

A leur affairement à traiter les dossiers et à procéder aux arrestations on sentait chez eux plus d’intéressement à faire le  boulot commandé qu’à imaginer autre fait causal que mon soutien au putsch.

    Ils semblaient pris par cette ambiance qui consistait a surfer sur les morts pour donner des raisons à la justice politique de frapper, en faisant passer les commanditaires de l’insurrection comptables de morts, et autres infractions pour des justiciers, des sauveurs.

Critique pour critique en effet, l’insurrection/ coup d’état qui a allègrement enjambé, pour ne pas dire provoqué des cadavres pour s’installer au pouvoir est malvenu d’accuser des burkinabé de vouloir enjamber des cadavres pour aller à la réconciliation nationale.

Mais cette martyrologie de mauvais goût dont ils nous saoulent actuellement, qui statufie des martyrs à tout va, comme il décerne des décorations n’abuse plus pas grand monde.

Il s’agit d’une espèce de comédie Dantesque qui vise de la part des insurgés auteurs de crimes graves à se donner les moyens et les raisons de nettoyer, de vider le terrain politique de certains de ses adversaires et de s’aménager des immunités perpétuelles en exploitant les morts ( sans sélections ), pour tenter de sacraliser envers et contre tout, l’insurrection et de faire des artisans qu’ils sont d’intouchables héros nationaux.

    A la nuit tombante de ce 05/ 10/15 quand pris fin mon audition et alors que j’étais conduit je ne savais ou, puisqu’aucune notification de garde à vue ne m’avait été faite, Je vis Noel qui s’avançait vers moi. Cela faisait plus de 12 h, qu’il était mobilisé. Quand il vit que j’étais conduit dans une chambre il comprit que les choses contrairement à la logique judiciaire prendraient une autre tournure. C’était partie dans le meilleur des cas pour une garde vue et au pire pour des inculpations. Je lui disais de rentrer, de rassurer les enfants, de bien leur faire comprendre que ce n’était qu’une garde à vue politique sans aucune base juridique. Je lui disais de me faire venir des effets le lendemain

En face de la chambre du quartier des officiers où j’étais, il y’en avait une autre et dans la nuit du 5 Léonce y avait été conduit. Je le sus au son de sa puissante voix que les murs n’arrivaient pas à contenir. Il restait égal à lui-même parlant parfois avec une voix plutôt comminatoire sans égards à la situation contraire que nous connaissions. Je me disais en souriant ça, c’était du Léonce  premier choix !

Au fonds pourquoi être geignard quand on a le bon droit avec soi?

    Malgré mon opposition fondamentale à ce régime qui m’avait conduit dans cette situation, s’il y a une mesure de la transition dont j’aurais moi-même circonstances aidants à en apprécier favorablement l’effectivité d’application, c’était l’intervention de l’avocat, dès le stade de l’enquête préliminaire. A la gendarmerie je sus que c’était maintenant chose faite depuis la transition.

Au Burkina Faso on n’est pas souvent enclin à reconnaître les droits d’auteurs. On est même plutôt poussé à se les attribuer frauduleusement et sans la moindre gêne. On remarquera que  même pour citer quelqu’un surtout un adversaire, la langue devenait soudain trop lourde à soulever et la mémoire évanescente.

N’avaient généralement droit à ce privilège, et encore, que les personnes décédées. Cette pensée me traversait la pensée et je me disais qu’il me faudrait sur ce point, comme sur bien d’autres rappeler mon combat devancier et constant pour la réalité de cette assistance par les conseils dès la police ou la gendarmerie. Il en allait de même, toujours dans le domaine de la justice de l’indépendance du conseil supérieur de la magistrature, et de l’ouverture de la saisine du conseil constitutionnel aux simples citoyens. (SC.7Communiqué de l’UNDD sur la contribution aux réformes dans le cadre consultatif pour les reformes politique)

C’était maintenant choses faites sur le papier. Cela m’a donc fait plaisir lorsque Me Antoinette Ouédraogo est entrée dans ma chambre cellule à la gendarmerie pour mon premier entretien de garde à vue avec son conseil. Je mesurais pour ainsi dire au touché l’importance réelle de cette mesure.  Mais ma joie de la voir tenait aussi et surtout au fait que je me sentais pleinement en confiance avec elle. Je savais en mon fort intérieur être compris de cette grande dame que j’avais connu dans le cabinet de  Me Pacéré quand j’y avais été accepté dans les années 1982 de retour de Dakar pour y terminer mes trois mois restants de stage au pays. Dès le premier abord elle m’avait impressionné par son allure altière de princesse, mais attention sans hautainerie aucune, et par son parlé sans fioritures toute particulière de yadega. Infatigable bosseuse, je ne doutais pas qu’elle fût un jour une grande dame du barreau. La vie nous donnera des occasions de nous fréquenter en dehors des cabinets et même de travailler ensemble sur d’autres terrains que judiciaires, sans nous en laisser loin de là, de mauvais souvenirs. Au contraire, je me souvenais qu’à une certaine époque de mes tourments politiques , quand je luttais pour la réconciliation suite aux Traumatismes de la révolution, pour  le retour au constitutionnalisée et au pluralisme démocratique, dans de difficiles conditions, en raison de l’opposition farouche de certains anciens militaires et civils du défunt CNR, elle m’avait été d’une précieuse assistance à travers ses conseils et mises en gardes. Et en lui faisant la bise mon respect et ma gratitude étaient restés sans une once de changement pour elle, maintenant madame le bâtonnier, dont la réussite professionnelle confirmée se doublait d’une autre dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage…

Quand l’autre  bâtonnier Yerim Thiam  est venu à son tour nous voir ma joie a été également grande. Non seulement je me disais qu’avec Antoinette ils formeraient la paire en expérience et compétence, mais une foule de pensées en le revoyant me ramenait dans un passé  merveilleux. 35 ans que nous ne nous étions pas revu.  Les cheveux, il les laissait intentionnellement poivre sel, mais entre mille je l’aurais reconnu. Même démarche, même voix de baryton.

Je me revoyais à Dakar dans les années 1979 /1981 j’étais avocat stagiaire et lui que Léonce m’avait présenté, nouvellement intégré dans le cabinet d’avocat de son père, lequel avait été ministre de Léopold Sedar Senghor. En plus d’être liée par le droit et la bonne cuisine, nous avions des goûts communs en musique et nous voulions en particulier  un culte à Charles Aznavour.

Un jour qu’il nous avait invité à un gueuleton mémorable, dans son appartement au-dessus du théâtre Daniel Sorano, et alors que nous en étions au café, nous eûmes droit au grand classiques du poète chanteur. Ce  fut géant et en retournant chez nous à Yoff, nous ne savions plus mon épouse et moi, entre le repas et la musique ce que nous avions le plus apprécié.

    Je savais, que les choses seraient difficile mais je connaissais la paix intérieure de celui qui a la conscience tranquille et qui est persuadé que ses accusateurs seraient en peine de rapporter la moindre preuve de sa participation à ce coup d’Etat, à quelque niveau que ce soit, de son cheminement, sauf évidemment à recourir à des supputations et autres déductions subjectives et démagogiques, sans aucun rapport avec des preuves telles que prévues par la loi.

III.2  La garde à vue.

J’allais jusqu’à trouver au-delà de mes propres lignes de défense, des moyens de même type à travers les faits justificatifs pour les militaire du RSP poursuivis, dans le cadre du même dossier.

En effet la situation nationale dominée par:

Le pillage éhonté des biens du pays  (S/C.8 rapport 2015 de l’ASCE-LC : la mise au point du contrôleur d’état); les arrestations illégales;

Le renversement de l’ordre constitutionnel par une série d’actes (coup d’Etat, Charcutage de la constitution, violation de principes fondant l’ordre démocratique et républicain …);

L’oppression d’une partie du peuple par une autre;

Les menaces publiques et réitérées de suppression de ce corps d’élite le RSP (S/C 9 menaces et dérives de la transition).

-Menaces de suppression du RSP proférées par ZIDA;

-décision de suppression préconisée par le rapport de la commission de la réconciliation nationale et des reformes(CRNR) présidée par monseigneur Paul Ouédraogo et exprimée  lors d’une conférence de presse le 15 septembre 2015).

Tous ces exemples constituaient précisément quelques cas de ces faits pouvant valablement justifier le coup d’Etat.

En soutien légal à ma conviction, j’en appelais à la constitution et au code pénal.

Eh oui cela va paraître rébarbatif à nombre de ceux qui n’aiment pas le droit pour ses formulations tarabiscotés, mais comment traiter d’affaires sérieuses de droit sans parler droit, sans citer des articles ? Comment être convainquant sans aller puiser dans les techniques du système probatoire si important en droit et surtout en matière pénale, la preuve ?  La preuve qui selon Domat est « ce qui persuade l’esprit d’une vérité ». Cette preuve  constitue la base de tout procès et la condition sine qua non d’une bonne administration du système judiciaire. Son  absence  qui est traditionnellement considérée comme ayant un effet déterminant sur la procédure, est illustrée par la maxime latine suivante: ” Idem est non esse et non probari ” ce qui signifie, avoir un droit sans le prouver, revient à ne pas avoir de droit. C’est vrai qu’il revient à celui qui se prévaut d’un droit en l’occurrence à l’accusation qui nous poursuit sur la base de son droit de défendre la société, de prouver qu’elle a les preuves de ses prétentions, mais rien n’empêche au lieu de rester ” tranquillos ”  les bras croisés, de lui en prouver la vanité, surtout quand on est dans un pays comme le Burkina Faso ou les fondements du droit ont été déstabilisés par la démagogie, du fait des menaces autorisées par les instances protectrices de la justice elles-mêmes, sur son administration.

Il faut comprendre alors que derrière le caractère ardu des mots, on peut aider à démonter les procès montés en confondant les falsificateurs, on peut aider à préserver les libertés et sauver des vies humaines, à voir la vie en rose après l’avoir vu en noir. Allons donc!

Les faits justificatifs dont je parlais, qui dans un procès où on a du plaisir à faire du droit et non de la politique, pourraient constituer de bons moyens de défense, et aider à  sauver la mise aux militaires du RSP, découlent d’abord de  trois articles du code pénal. Lisons les attentivement, entrons en eux et le jet d’intérêt si non de passion viendra surprendre au bout de la concentration.

Article 70 ” n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal “.

Article 71 “il n’y a ni crime, ni délit, ni contravention lorsque l’homicide, les blessures, violences et voies de fait, étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi- même ou d’autrui, à condition que cette défense soit proportionnelle à la gravité de l’attaque.

Sont notamment commandés par la nécessité immédiate de la légitime défense les actes commis en repoussant de nuit, l’escalade ou l’effraction d’une maison ou de pillage exécutés avec violences.

Article 72″ n’est pas pénalement responsable la personne qui se trouve dans la nécessité de commettre une infraction en vue d’éviter un péril plus grave et imminent pour lui-même ou pour autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace “

En lisant ces trois articles majeurs, on retrouve très clairement les craintes partagées à l’époque par beaucoup devant les menaces et autres dérives de la transition.

Mais il y’a plus que ces articles du code pénal.

La constitution elle-même en effet prévoyante, considère comme étant normales, légales et légitimes des actions du genre contre tout pouvoir qui en viendrait comme celui de la transition à sortir du lit de la légalité républicaine et à se considérer comme détenteur originaire du pouvoir à la place du peuple souverain. Elle le dit noir sur blanc  à travers les articles suivants;

Article 167 ” la source de toute légitimité découle de la présente constitution. Tout pouvoir qui ne tire pas sa source de cette constitution, notamment celui issu d’un coup d’Etat ou d’un putsch est illégal. Dans ce cas, le droit à la désobéissance civile est reconnu à tous les citoyens.

Article 168 ” le peuple burkinabé proscrit toute idée de pouvoir personnel.

Il proscrit également toute oppression d’une fraction du peuple par une autre.

Les conséquences de la constitutionnalisation de la désobéissance civile sont considérées comme tellement suicidaires pour les pouvoirs que même des pays disons de démocraties premières hésitent à le faire. Le pouvoir de libre action populaire est encore plus grand s’agissant de la résistance à l’oppression.

Les constituants burkinabés sortant de la révolution d’Aout, n’ont pas craint cette double expression de la démocratie directe pour assurer un meilleur contrôle du pouvoir jusqu’à ouvrir au peuple au-delà du droit naturel et immanent à la révolte contre l’injustice, celui juridique de le faire et même le droit de se défaire d’un pouvoir qui méconnaît son pouvoir en violant sa volonté souveraine exprimée par la constitution, autrement que par l’élection.

Nous sommes ici en plein dans la reconnaissance de la théorie du coup d’état de droit, qui récemment remise au goût du jour dans des Etats Sud-Américains, gagne en crédibilité en Europe et en particulier en France. Des auteurs comme Mari De Casals y travaillent dans la perspective de l’éclosion d’un droit constitutionnel nouveau. Il faut croire que nous avons damé le pion à ces États latino-américains et même à la patrie des droits de l’homme (la France), comme  à celle de Thoreau un des pères de la désobéissance civile  (USA), en ayant le front de constitutionnaliser et de pratiquer ces principes sans réprobations ni condamnations, mais plutôt même avec validation du conseil constitutionnel.

Il faut en effet reconnaître ce qui suit :

     La constitution américaine reconnaît au peuple le droit de résistance à l’oppression à travers sa déclaration d’indépendance Proclamée le 4 juillet

: « Nous tenons ces vérités comme évidentes, que tous les hommes ont été créés égaux, qu’ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur. – Que pour garantir ces droits, des gouvernements sont établis parmi les hommes, tenant leur pouvoir légitime du consentement des gouvernés. – Que chaque fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur ces principes et en l’organisant sous les formes lui paraissant les plus propres à lui apporter la sûreté et le bonheur ».

     La constitution française en fait de même au travers de son préambule :

C’est en ce sens qu’il faut comprendre, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme (DDH) qui proclame que « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme » et qui compte parmi ces droits « la résistance à l’oppression “.

    La constitution allemande  y va aussi de sa consécration plus calibrée : Article 20(4) Tous les Allemands ont le droit de résister à qui conque entreprendrait de renverser cet ordre, s’il n’y a pas d’autre remède possible ».).

Si ces pays reconnaissent avec des formulations  différentes et à des niveaux différents de leurs constitutions, la désobéissance civile et la résistance à l’oppression, aucun d’eux sauf timidement peut être l’Allemagne n’a jamais observé, éprouvé l’endossement judiciaire d’une mise à exécution de ces droits comme le Burkina Faso, ou le conseil constitutionnel a reçu le serment d’organes issus des 30/31 octobre 2014 c’est- à -dire , de cette insurrection / coup d’Etat qui s’est réclamée de la désobéissance civile ( S/C10. Burkina Faso : c’est quoi la désobéissance civile).

La reconnaissance judiciaire est ici d’autant plus acrobatique qu’un contrôle de constitutionnalité régulier, aurait pris â défaut les motivations des insurgés basées sur une interprétation erronée des dispositions constitutionnelles sur la révision de l’article 37, de la mise en place du sénat et du recours au référendum.

Mais l’histoire retiendra aussi que non seulement cette saisine en interprétation n’a pas eu lieu, mais que le recours préventif ou défensif à l’état d’urgence n’aura pas été non plus judicieusement actionné.

Dans ces pays dits de ” démocratie avancée “, on craint ces couteaux à double tranchant que sont la désobéissance civile et la résistance à l’oppression.

Au Burkina Faso on n’y prête pas suffisamment attention, sauf de façon opportuniste (quand cela nous arrange), mais il faut encore le dire nous ne les crayons pas.

Un coup d’Etat au Burkina Faso peut d’autant plus être exécuté  et se justifier, si les conditions énoncées sont remplies. Si les articles ci-dessus du code pénal et de la constitution sont démontrés.          Et nous avons une jurisprudence en béton ( plusieurs fois renouvelée de ),du conseil constitutionnel: Endossement du coup d’état de droit, acceptation de la suspension/ rétablissement tronqués de la constitution,. validation de la charte de la transition (qui se fonde au surplus sur l’insurrection dès son premier considérant et qui en son article 3 instaure l’exclusion, en fermant ses portes à ceux qui ont ouvertement soutenu la révisions de l’article 37 ), et de ses organes comme en atteste le serment du Président de la transition devant lui ( le18/11/2014 )

    En lisant ces articles, et en les confrontant avec le vécu des burkinabé à la veille du 16 septembre 2015, qui de sérieux ne verrait pas reconstitué le cheminement infractueux, et anticonstitutionnel de la transition ? Qui ne verrait pas en effet que la transition est parvenue au pouvoir par des crimes tels que :

  • l’insurrection code pénal article 115  très explicite:

” sont punis d’un emprisonnement de dix à vingt ans, ceux qui, dans un mouvement insurrectionnel:

-Sont trouvés porteurs d’armes et de munitions;

-Occupent ou tentent d’occuper des  édifices publics ou des propriétés privées;

-Érigent des barricades;

-S’opposent par la violence et les menaces à l’a convocation ou à la Réunion de la force publique;

-Provoquent ou facilitent le rassemblement des insurgés par drapeaux, signes de ralliement ou tout autre moyen;

– Interceptent ou tentent d’intercepter les communications entre les dépositaires de la force publique; brisent ou tentent de briser les lignes télégraphiques ou téléphoniques ;

– S’emparent d’armes et de munitions par la violence, ou la menace, le pillage, le désarmement d’agents de la force publique.

Sont punis de l’emprisonnement à vie, ceux qui font usage de leurs armes à feu.

  • les incendies (code pénal article.  Articles 518,519et 520 pouvant entraîner en cas de mort d’homme la peine de mort)

-*Les violations de tombes de sépultures (code pénal article193)

-• violation répétée dans l’invocation infondée du triptyque ?

Cette transition récidiviste  indécrottable, est aussi celle qui a suspendu la constitution, ne respectant pas après son rétablissement, le minimum de formes, (comme au Mali pour régler la succession de Amadou Toumani Toure et plus tard au Zimbabwe pour régler celle de Robert Mugabe), pour engager une transition constitutionnelle.

Qui ne verrait pas aussi que le fonctionnement même de la transition reposait sur l’exclusion, sur l’oppression d’une fraction du peuple par une autre, sur l’impossibilité de recours à un organe pour obtenir en dernier lieu une protection effective de droits fondamentaux, bref sur la violation continue de la constitution?

En fait non seulement les faits justificatifs tiennent ici la route, mais ce sont tout au contraire les tenants de la transition qui devraient être objets de poursuites.

Le comble d’ironie nous ramenant au bout du compte à ce vaudeville ou des citoyens contre lesquels n’existent pas de charges, sont poursuivis quand d’autres qui croulent sous leur poids, ne le sont pas.

Quelles preuves de plus faut- il pour être convaincu que notre  justice pédale à deux vitesses ? Des preuves il y en a vraiment une flopée parfois illustrées par des images parlant d’elles-mêmes, comme avec ces gens bien identifiés paradant des armes à la main sur Face book au plus chaud de l’insurrection, ou plus édifiant confessant fièrement en public avoir après préparation mis à feu l’insurrection avec toutes ces conséquences dommageables.  Ce sont là des aveux considérés comme les reines des preuves.

Comment dans tout cela douter qu’à fortiori nous ne devrions pas nous retrouver dans les liens de la prévention ?

III.3 En transit dans le  cabinet du juge.

Pour moi il faudrait véritablement un passage en force pour parvenir à des inculpations sérieuses. Mais je n’ignorais pas non plus que je me trouvais devant une juridiction d’exception.

Difficiles imputations légales.

Juristes de formation nous savions en effet que si le dossier était traité dans le strict respect du droit, nous ne serions même pas gardés à vue et moins encore inculpés et déférés. Pour être passible de poursuite sur la base d’une infraction à la loi il faut des conditions. En droit on ne poursuit pas comme ça qui on veut, quand on veut et comme on veut. Il faut d’abord exige la constitution, que ce soit sur la base d’une Ioi existante avant la commission de l’infraction, qui vous est reprochée (art 3 alinéa 2; article 5 alinéa 2).  Il faut que vous-même vous entriez dans la définition du crime, que vous soyez présent dans son cheminement, pas involontairement, accidentellement, mais en toute connaissance de cause.  La loi exige particulièrement deux conditions essentielles pour qu’une infraction soit retenue

Un fait positif ou négatif appelé élément matériel, et un état d’esprit nommé élément moral ou psychologique. Ces deux éléments manquent en ce qui nous concerne car non seulement nous n’avons participé à aucun acte pour la préparation et la réalisation de ce coup, mais nous n’en étions même pas informés. Ni les soldats du RSP ni leur supérieurs officiers, n’ont mentionné à aucun moment, que nous avons été partie prenante du coup. Je  ne parle même pas du General Diendere puisqu’il ressort du dossier qu’il n’aurait fait qu’assumer le coup. Comment pouvait-il nous y avoir personnellement associé dans ces conditions ?

En plus l’idée même qui veut que j’ai été, l’architecte le commanditaire en chef, du putsch est si ridicule et à écarter normalement d’office, qu’elle fait de moi une personnalité  ayant une ascendance telle sur le RSP que je pouvais, passant par-dessus toutes les hiérarchies commander ce corps d’élite. C’est tout de même me donner trop de pouvoir, ravalant par le fait l’armée au niveau zéro de ses capacités. Un vrai délire en somme.

Ce que j’affirme haut et fort c’est que je n’ai pas donné ordre ( n’étant même pas en situation de le faire ), à des militaires à quelques fins que ce soit, ni participé à l’arrestation des premiers responsables de la transition, (ces derniers m’aimant comme ils m’aimaient, se seraient fait un malin plaisir de le claironner sur toutes les radios de France et de Navarre), que Je n’étais  pas non plus à l’état-major, lorsque la décision d’accompagner le putsch a été prise, que rien n’atteste par ailleurs que j’ai apporté quelque assistance que ce soit aux putschistes. Aucun document, aucune preuve en appui. C’est dans des cas de même nature que l’on parle généralement de dossier vide.

Il y’a certes la déclaration de Bila Bénédicte disant que j’étais le concepteur du coup et Léonce le financier, sans autre explications ni preuves sinon qu’en raison de ce que j’étais notoirement reconnu comme un anti exclusion et que Léonce Koné était un banquier. Mais à ce sujet non seulement Bila s’est expliqué sur les raisons de ces propos, les recadrant en audition et précisant que ce sont les conditions de son interpellation qui l’ont amené à s’exprimer de la sorte et sans preuves, mais dans aucune de mes auditions son nom n’est ressorti, ce qui atteste du peu de consistance que le juge lui-même y accordait. D’ailleurs il bénéficiera mène frappé d’appel d’un non-lieu total du juge d’instruction.

Que l’on ait imaginé en rade de preuves et n’ayant pu trouver d’éléments qui puissent corroborer l’idée que nous ayons convaincu, financé les militaires qui ont  procédé aux arrestations, des personnalités, ou que nous ayons persuadé le General Dienderé d’accepter la réalisation du coup, tenté de façonner des faux témoignages qui aident à donner quelques apparences de crédibilité à l’accusation c’est possible, mais le procédé était pour moi des plus grossiers et d’un ridicule franchement hilarant.

Des confrontations notamment avec le colonel Keré au près duquel j’ai demandé confirmation du coup, avec le General Dienderé, avec Bila lui-même ou des officiers et soldats du RSP, pour avoir confirmation de notre présence à quelque moment que ce soit du coup, auraient suffi à couper court aux vaines recherches de preuves. Cela n’aura pas lieu et pour cause. De tels actes d’instructions qui s’imposent  d’eux-mêmes si tant il est vrai que le juge militaire lui aussi instruit à charge et à décharge, n’auraient fait que nous disculper davantage au cours de l’instruction. Je les attendrai en vain. Mais on comprend que même le bénéfice du doute ne devait pas nous profiter, de l’avis du cabinet occulte que je soupçonnais à la manœuvre. Et je savais aussi personnellement que pour avoir refusé d’être de l’entreprise insurrectionnelle, on m’en tenait rigueur voulant m’en faire payer le prix fort. Des invitations à faire partie de l’attelage, aux stades premiers du montage, à quitter le front républicain au stade avancé de l’opération et même après son exécution, j’en ai reçu, avant que tout ça ne tournent aux menaces précises proférées par écrits et divers messageries et par réseaux internet.

Le temps électoral par ailleurs interdisait, tout relâchement. Et puis comme Je l’avais écrit à la gendarmerie dans mes notes gardées sous scellées, le procès avait besoin de têtes d’affiches vendables. A côté des généraux Dienderé et Bassolé, les politiques et civils Léonce et Hermann c’était ma foi, une bonne distribution, en plus ça devait servir à crédibiliser la collusion entre civils et militaires, brefs à marquer les esprits sur ce coup des revanchards de l’ancien front républicain et alliés d’infortune.

III.4. Veine salve de charges lourdes.

C’est en quelque sorte contraint et forcé  que le juge d’instruction nous chargera de pas moins de 5 inculpations, qui nous situaient arbitrairement au niveau des acteurs principaux. Il s’agissait des charges suivantes :

– association de malfaiteurs

–  de complicité de trahison

– complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat

– complicité de dégradation volontaire aggravée de biens

– complicité de coups et blessures volontaires.

Rien que ça ! C’est vrai que dans cet élan de généreuses inculpations certains se sont retrouvés avec des crimes contre l’humanité me faisant dire qu’il ne manquait plus que le crime de génocide, pour boucler la boucle, mais toutes proportions gardées nous n’étions pas mal servis non plus !  Pendant que le juge égrenait ses préventions, je le regardais en coin pour voir si lui-même au fond n’en sourirait pas en se  disant TCHIEE tout ça ! Mais il restait de marbre. Je devinais les contraintes qui devaient être les siennes et m’engageais à ne jamais demander à le voir, ni à lui adresser personnellement aucune demande de mise en liberté provisoire. Je pris la résolution de le laisser seul avec sa conscience devant l’histoire et les mânes de nos ancêtres communs de Koudougou d’où comme moi Yaméogo, il était originaire. A la fin des fins il fera machine arrière pour ne retenir contre nous, que la seule complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Nous nous attendions pour notre part, dans les conditions d’une justice non retenue, au non-lieu total estimant que même là, il manquerait cruellement de preuves pour caractériser, visser comme qui dirait la prévention.

Voyons pour le démontrer, d’abord ce qu’est l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Avant d’en faire de même pour la complicité et nous établirons clairement et ensemble en quoi la complicité de complot d’atteinte à la sûreté de l’Etat, ne peut pas plus prospérer, que les autres charges. Pour cela, consultons encore parce que comme on dit ça ne ment pas, le code pénal. En son article 109 il est dit ceci : ” il y a complot dès que la résolution d’agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes en vue :

– de changer  par la violence le régime légal ;

– d’exciter les populations à s’armer contre l’autorité légale de l’Etat ou à s’armer les uns contre les autres;

– de porter atteinte à l’intégrité du territoire national;

– d’organiser le massacre et la dévastation.

La peine applicable est l’emprisonnement de cinq à dix ans “.

Nous n’avons accompli aucun des actes visé ni au surplus, jamais eu de résolution de nous concerter et d’arrêter avec qui que soit le projet d’accomplir n’importe lequel des faits cités audit article.

Voyons la complicité.

Selon le code pénal en son article 65: “

Sont complices d’une action qualifiée crime ou délit:

– Ceux qui auront procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui auront servi à l’action sachant qu’il devait y servir;

– Ceux qui auront avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action dans les faits, qui l’auront préparée, facilitée ou consommée;

-Ceux qui connaissant la conduite criminelle de malfaiteurs exerçant les actes de brigandage ou des violences contre la sûreté de l’Etat, la paix publique, les personnes où les propriétés, leur fournissent habituellement logement, lieu de retraite ou de réunion;

– Ceux qui en dehors des cas prévus ci-dessus, auront sciemment recelé une personne qu’ils savaient  avoir commis un crime ou un délit et qu’ils savaient de ce fait recherchée par la justice, où qui auront soustrait ou tenté de soustraire cette personne aux recherches ou à l’arrestation, ou l’auront aidée à se cacher ou à prendre la fuite;

– Ceux qui ayant connaissance d’un crime ou d’un délit déjà tenté ou consommé n’auront pas, alors qu’il était  encore possible d’en prévenir ou limiter les effets ou qu’on pouvait penser que les coupables ou l’un d’entre eux commettraient de nouveaux crimes qu’une dénonciation pourrait prévenir, averti aussitôt les autorités administratives ou judiciaires.

Sont exclus de ces deux derniers cas le conjoint, les parents ou alliés du criminel ou de l’auteur du délit jusqu’au quatrième degré inclus.

    On aurait pu penser au défilé sans fin des cas que nous en aurions au moins un, taillé sur mesure, eh bien non. Malgré la très large palette de situations pouvant fonder la complicité aucun ne vaut pour nous.

En rappel Il n’a pas été possible comme relevé de maintenir toutes les préventions retenues contre nous au départ.

La seule reconduite par le juge au terme de son instruction étant donc pour nous deux, la complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Je trouve une fois de plus et cela ressort de la réalité des faits confrontés aux articles ci-dessus qu’on n’est guère plus avancé avec ça!

Si nous n’avons pas été reconnus comme auteurs principaux du putsch, c’est qu’aucune preuve matérielle de notre participation consciente et volontaire au coup n’a pas été trouvée. Maintenant comment peut-on être complice d’un tel fait ? Surtout qu’en relisant bien en ses 4 points l’article 65 suscité du code pénal, sur les éléments constitutifs de la complicité, nous n’y apparaissons nulle part ?

En effet :

Nous n’avons apporté au projet ni armes ni autres instruments et qui plus est, en connaissance de cause  pour réaliser le coup d’Etat. (Ce serait porté en double gras au dossier comme pièces à conviction)

Nous n’avons ni aidé ni assisté les auteurs du coup à quelque niveau que ce soit en parfaite harmonie avec leur intention.

(Les déclarations ou résultats de confrontations en feraient état)

Il n’existe aucune trace, aucune preuve que nous ayons cachée ou aidé à s’enfuir des gens qui  portaient atteinte à l’Etat, à des biens ou à des personnes. (Aucune trace de cela dans le dossier)

Le recel ne peut nous être appliqué car nous n’avons pas gardé chez nous des instruments ou des personnes que nous savions engagés dans un putsch. (Pas de déclarations ni de scellées à cet égard)

Nous avons appris le coup d’Etat comme tout le monde, de la bouche même des auteurs. Comment peut-on être poursuivi pour n’avoir pas dénoncé quelque chose qui l’ayant déjà été, et qui plus est, par ses propres auteurs sur les ondes nationales et internationales, était de notoriété mondiale? Disons au total ceci : le statut juridique de la complicité est clair.

Il exige les éléments suivants:

Un élément préalable, c’est à dire une infraction à laquelle le complice est venu prendre part en s’y associant.

*Un élément matériel qui se manifeste par les types de complicités suivants:

– la complicité par collaboration comme l’assistance à la préparation, le prêt d’une arme, d’un instrument ou de matériel ayant servi à la commission de l’infraction. Le fait de complicité on le remarque ici est forcément antérieur au fait principal punissable, en l’espèce l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Cette aide peut aussi consister dans la surveillance pour couvrir l’exécution du coup, dans le guet par exemple. Dans ce cas-là, le fait du complice est concomitant au fait principal punissable

-La complicité par instigation en raison de promesses, de don, menace, ordre ou abus d’autorité ayant provoqué l’infraction. Nous nous trouvons ici dans un autre cas où le fait de complicité est obligatoirement antérieur au fait principal punissable.

Ce que j’en retire et quiconque lirait calmement ces conditions en ferait pareillement, c’est que l’élément matériel de la complicité n’existe  en ce qui nous concerne ni dans un type ou l’autre de complicités relevées.

On peut tenter de  forcer pour passer outre, mais des juristes honnêtes, et mêmes des profanes impartiaux seront d’accord avec moi.

Qu’en est- il de l’autre élément constitutif de l’infraction de complicité?

*Un élément moral c’est à dire prendre part à dessein dans l’infraction qu’un autre va commettre. Cette participation intentionnelle, volontaire et consciente est indispensable.

Sans l’intention, la complicité n’encourt pas la répression.

Voilà esquissé le statut de la complicité. Notre cas constituera demain, quoi qu’il advienne un cas d’école en matière de poursuites infondées du chef de complicité. Les étudiants peuvent d’ores et déjà préparer leurs fiches de TD. Ce statut en effet nous exclut totalement et pour y remédier l’accusation le sachant bien, voudrait pouvoir convaincre qu’avec de l’argent nous avons financé des activités putschistes ou en tout cas incité aux dites activités. Elle se baserait notamment sur l’article 69 du code pénal  “.

Celui qui incite à la commission d’un crime ou d’un délit est puni des peines prévues pour l’infraction quand bien même celle-ci n’aurait pas été commise en raison de l’abstention volontaire de celui qui devait le commettre.” Il suffit même au profane de bonne foi de lire cet article pour nous y chercher en vain. Pour les raisons déjà suffisamment étayées.

Il n’existe finalement aucune infraction qui puisse nous être appliquée puisque nous n’entrons pas dans le cadre de leur définition. C’est pour cela qu’à l’annonce des charges qui étaient retenues contre moi j’ai simplement et calmement répondu à mon parent Yaméogo, que je ne me reconnaissais nullement dans ces faits et qu’il y avait manifestement erreur sur la personne. Seul le désir maniaque de faire du mal ou la pure sorcellerie pouvait expliquer cette situation.

En fait il fallait nous charger au maximum pour nous garder au frais, continuer selon la technique de la terreur de faire peur, nous neutraliser politiquement et voir venir! Mais comme sœur Anne, ils attendront en vain que l’étincelle jaillisse de l’instruction. Alors pourquoi ne pas recourir à des expédients? Si les charges ne viennent pas à nous allons à elles. La pression du politique en ce sens ne vient même pas d’officines cachées, elle se manifeste directement, via des responsables politiques ou des OSC liées au système. De la maison d’arrêt et de correction des armées ou nous serons incarcérés, Je passerai un an en tout à attendre le bon vouloir des maîtres de céans.

III.5 réflexions à la MACA autour de la quête aux charges idéologiques.

     Livré aux conditions de la vie carcérale en milieu militaire, Je me consacrais à l’écriture, pour ne pas laisser l’esprit s’ankyloser et au sport matinal pour ne pas donner l’opportunité au temps d’en prendre à ses aises en accélérant la déchéance du corps. Outre les ouvrages divers (citations, justice militaire et mémoires), je faisais des recherches sur les charges retenues contre moi.

Je restais persuadé d’un acharnement politique et de cette détermination à trouver des incriminations exceptionnelles par la voie de la justice exceptionnelle, ce qui a toujours été une des missions politiques de ces

Juridictions.

La volonté de tordre le coup à la loi  se manifeste ici selon deux  stratagèmes.

  1. a) Le premier  consiste à vouloir criminaliser l’expression d’une opinion. Ainsi pour avoir dit que j’applaudissais au 16 septembre la conclusion de mon implication en a été tirée pour m’inculper. Afin de  donner du corps à cette affirmation les questions se sont beaucoup attardées, sur le fait que cet encouragement serait à l’origine des morts et divers faits de violences nous restons toujours dans la dramaturgie forcenée, a la martyrologie d’état qui ne fait pas de différenciations entre ceux qui sont morts en volant, en pillant  et ceux qui l’auraient été en luttant pour la seule cause républicaine de défense de la constitution.

Il m’était aussi opposé qu’en raison de ce que la proclamation du CND reproduisait les revendications, de l’ancien front républicain et alliés d’infortune la preuve était faite que j’étais l’un des commanditaires du putsch. (S/C 11 à qui profite le crime fasonet). Avec la question de savoir à qui profitait le crime j’étais pris dans les mailles du filet. La preuve était faite.

Le plus naturellement du monde j’ai répliqué qu’applaudir un fait était une chose, mais qu’en être l’exécutant une autre. Il suffirait dans ces conditions d’applaudir une belle œuvre pour en être le créateur, d’en faire pareillement pour toute prouesse quelconque pour en être le réalisateur ! Diantre s’il tel devait être le cas, le monde ne serait pas ce qu’il est. Si en tous les cas, il y aurait de  ce fait de drôles de bienheureux,  les prisons aussi crouleraient par effet de saturation, notamment avec tous ces gens qui de par le monde, trouvant leur compte dans des coups d’Etat y apportent leur approbation visible et audible.

Sur ce point des déductions  abusives je pensais souvent à Gavroche, personnage que Victor Hugo a créé pour représenter cette tendance à l’amalgame et au confusionnisme propre à certains esprits. Je revoyais en pensée le jeune révolutionnaire abreuvé aux sources des lumières et donc par ces dignes représentants qu’ont été bien avant sa naissance, Voltaire et Rousseau, pris dans la ferveur d’un moment de manifestation populaire. Il avançant vers les barricades en chantant alors que des salves de tirs de la garde nationale passaient à côte, sans atteindre la cible qu’il était. Il chantait et pour montrer que rien ne l’arrêterait, il ramassait les douilles en progressant gaillardement vers les barricades osant qui plus est, ironiser sur les puériles accusations et confusions dont étaient l’objet Voltaire et Rousseau par cette chanson venue du moyen âge et qui par ses soins connaîtra une destinée pérenne. C’était en 1832 et ça donnait ceci :

” On est laid à Nanterre

C’est la faute à Voltaire,

Et bête à Palaiseau,

C’est la faute à Rousseau

Je ne suis pas notaire,

C’est la faute à Voltaire,

Je suis petit oiseau,

C’est la faute à Rousseau.

Joie est mon caractère,

C’est la faute à Voltaire,

Misère est mon trousseau,

C’est la faute à Rousseau.

Gavroche termina sa chanson avec ce dernier couplet:

Je suis tombé par terre

C’est la faute à voltaire,

Le nez dans le ruisseau

C’est la faute à Rousseau “,

Il marmonnait ces mots dans un râle, sous l’effet d’une balle qui finalement l’avait mortellement touché. Oubliant son propre sort pour rester dans l’humour, il dira que les colportages iront même tant qu’à faire, jusqu’à dire et ce malgré le plus de siècle, qui le sépare des philosophes, qu’ils sont causes de sa mort.

Victor Hugo aura en fait employé ici dans le style de Socrate, des utopistes comme Thomas Moore, le style, allégorique pour moquer par la chanson et le personnage de gavroche, les conservateurs de l’époque Louis Philippe, qui tenaient les philosophes, dont les deux cités, pour  des subversifs, les accusant de tous les maux de la société d’alors, en raison des idées qu’ils répandaient. On pourrait tout autant, m’accuser d’être à l’origine de tous les maux du pays. D’ailleurs c’était dans l’air du temps. Avec ce sens de la manipulation populaire qui leur est propre, certains politiques n’ont-ils pas réussi à persuader nombre de burkinabé que j’étais un des responsables des morts de l’insurrection, pour avoir défendu la révision de l’article 37 de la constitution?  Non seulement personne ne s’est autant battu que moi contre la suppression de la limitation des mandats, mais j’ai aussi préventivement demandé, anticipant sur l’insurrection et ses conséquences désastreuses que nous vivons aujourd’hui, de nous en remettre en bons démocrates, patriotes et républicains, au peuple pour nous départager sur la révision ou non de l’article 37.). (S/C12 document de l’auteur : Transition constitutionnelle : réalité politico juridique ou auberge espagnol. Observateur Paalga, mardi 01 Avril 2014

Pendant les travaux du CCRP, des participants spécialistes des coups fumants avaient décidé contre ce qui était déjà convenu, de faire de la révision de l’article 37 un sujet consensuel. Autrement dit de l’ériger au rang des questions ne souffrant  pas de débats et que l’assemblée une fois les travaux terminés pouvait sans plus tarder convertir en lois. Se laisser prendre à la grossière roublardise aurait été pour nous qui y étions historiquement opposé faire preuve d’amateurisme et surtout une trahison à un de nos principe sacré. Sans la farouche opposition de l’UNDD, cela serait passé comme une lettre à la poste. La raison de notre opposition à cette incartade se justifiait d’autant plus que pendant les concertations consécutives au drame de Sapouy, j’avais pu obtenir qu’il soit inscrit en complément des termes de l’article 37, la précision manquante suivante : mandat renouvelable une seule fois. Le fruit d’un consensus obtenu après de rudes batailles avec Salif Diallo à la proue du camp adverse. Pendant que nous célébrions en privé cette grande victoire nationale attendant confiant sa confirmation à l’assemblée nationale, un commando ne trouva rien de mieux que de s’y rendre en catimini pour modifier d’autorité les termes du texte, en ne gardant que la rédaction litigieuse querellée et qui finira par les fatales contestations que l’on sait. Si le maître du commando n’est plus de ce monde, les autres complices sont toujours vivants. Ils n’en ont jamais fait mystère du reste à mon collaborateur Dabo Amadou qui a l’occasion leur rappelle sans ménagements ce coup des plus fumants ! Il suffit de penser aux nombreuses autres manipulations et expéditions du genre au cours de l’histoire de ce fameux 37 pour convenir que nous sommes loin d’avoir identifié les vrais coupables du drame de l’article 37 et des morts et autres dommages qui en ont découlé.

Comment pourrais-je aujourd’hui face à des gens qui s’évertuent à retourner les charges historiques qui pèsent sur eux, en victoires historiques, alors que le temps me rend amplement justice sur eux de mes mises en gardes et prédictions demander pardon ? (S/C13 Déclaration de l’UNDD signé par le président du parti Me Hermann Yameogo à Ouagadougou le 16 septembre 2013).

C’est eux qui doivent demander doublement pardon à la Nation et aux victimes que nous sommes, pour avoir menti au peuple,  fait brûler des biens publics et privés et violé des sépultures. C’est dans ce même esprit de supercherie que l’on voudrait tirer de la   simple manifestation d’une opinion une infraction à la loi. Cela est contraire au droit international et au droit comparé. Pour preuves, La liberté d’opinion y est considérée comme  la liberté fondamentale que possède chaque individu de penser comme il l’entend, le souhaite ou d’avoir des opinions opposées  à celles de la majorité.  Le respect de cette  liberté d’opinion est conditionné par l’effectivité des deux libertés :

Suivantes:

  • liberté d’information, liberté de pouvoir s’informer à la source des médias libres et concurrentiels dans les opinions.
  • liberté d’expression, liberté d’émettre et de défendre des opinions, y compris dans le domaine philosophie, idéologique ou  religieux, sauf à ne pas être en porte à faux avec la loi.

Ce principe dans l’histoire des idées politiques, â trouve sa source  chez les philosophes des Lumières, au XVIII siècle,  en réaction aux abus d’autorité, émanent du religieux ou du séculier. La liberté d’opinion a été affirmée sous la révolution Française dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) du 26 août 1789 :

Article 10 – “Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.”

Article 11 “La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.”

La DDHC étant incluse dans le préambule de la Constitution de la Ve République, la liberté d’opinion a été reconnue comme ayant une valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel. Elle doit donc être garantie par l’Etat.

Au niveau international, on trouve une association de la liberté d’opinion avec celle d’association à travers l’Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (ONU, 1948). “Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit”.

Nous retrouvons la même chose dans notre droit national.

  • Constitution : – Préambule. Cette liberté d’opinion est indirectement protégée par le préambule (partie intégrante), qui porte notre attachement aux instruments internationaux qui la protègent et garantissent comme la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et la charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981. -article 7 “.

” Article 8 “.

La cour de justice de la CEDEAO décision N°ECW/CCJ/JUG/16/15 nous ayant quant à elle dans cet arrêt célèbre du 13 juillet 2015 rappelé au respect de l’inclusion réaffirmant le respect dû à la liberté d’opinion dans ces termes :

« PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement en matière de violations de droits de l’homme, en premier et dernier ressort,

En la forme

Rejette les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par l’Etat du Burkina ;

Se déclare compétente pour examiner la requête qui lui est soumise ;

Déclare recevable la requête qui lui est soumise ;

Déclare également recevable le mémoire en défense de l’Etat du Burkina ;

Déclare irrecevable la demande en intervention présentée par le cabinet « Falana and Falana’s Chambers » ;

Au fond

Dit que le Code électoral du Burkina Faso, tel que modifié par la loi n° 005-2015/CNT du 07 avril 2015, est une violation du droit de libre participation aux élections ;

Ordonne en conséquence à l’Etat du Burkina de lever tous les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification ; Condamne l’Etat du Burkina aux entiers dépens.»

    Ces développements peuvent j’en conviens, apparaître fastidieux, bourratifs, trop ésotériques surtout à un moment où les jeunes lisent malheureusement de moins en moins, mais  tout en voulant avoir leur mot à dire sur tout et de façon souvent péremptoire et définitive. Ils sont cependant nécessaires à une bonne intelligence de l’affaire et pour les besoins d’une promotion a laquelle j’en appelle de  cette conscience réflexive chez les jeunes qui seule peut combattre et aider à faire remonter les chutes de niveaux constatées au plan des valeurs, de la connaissance, du respect de soi, de l’autre et qui crédibilisera mieux leur légitime lutte pour l’alternance générationnelle.

Tout cela intervient il faut le souligner dans un  contexte dominé par les mensonges et autres roublardises d’Etat, qui abusent l’innocence des citoyens, portent atteinte à des droits protégés en même temps qu’ils oblitèrent la mémoire nationale.

Je reste persuadé qu’en prolongement ou non du processus  de réconciliation nationale cette question de la réconciliation de la Nation avec sa mémoire trouvera une voie de réalisation.

Poursuivre un citoyen sur la base de l’expression de son opinion c’est rien de plus, qu’un acharnement sur la base d’une infraction idéologique. Ce qui n’est pas mentionné dans le code pénal et qui nous ramène donc aux dispositions précitées de l’article 5 alinéa 2 de la constitution sur le principe de légalité. Le principe qui en rappel exige qu’on ne puisse poursuivre quelqu’un que sur la base d’un texte préexistant à l’infraction et non selon le bon vouloir des princes qui nous gouvernent.

Oui, la tentative de nous incriminer sur la base de l’expression d’une libre opinion pour faire de nous des complices ne peut prospérer en droit.

Contrairement à l’accusation en manque de preuves pour caractériser sa charge, nous apportons à suffisance des éléments de faits et de droit, qui interdisent intrinsèquement, toute incrimination du chef de l’expression d’une opinion.

C’est vrai que cette insurrection / coup d’Etat a aggravé le processus d’affaiblissement du droit en faveur d’un populisme qui sape quant au fond la sécurité physique et juridique des burkinabé, un démagogisme sur lequel peut surfer l’accusation, mais ce travers qui se nourrit  de l’ignorance et des instincts  grégaires de quelques marginaux, est condamné à terme, car incompatible avec notre propre sécurité collective, nos besoins de développement et nos engagements internationaux.

b ) Le second stratagème après la charge sur le flanc de la liberté d’opinion réside dans la volonté de criminalisation de cet argent de campagne reçu postérieurement au putsch.

La manœuvre dolosive consiste à vouloir tirer arbitrairement de la réception de la somme de 50 millions par le canal de l’opération héliportée du 19 septembre 2015, une preuve d’appui au coup d’Etat réalisé le 16 septembre. La supercherie frappe d’abord à vue d’œil. Comment peut- t- on (sans chercher à prendre ses désirs pour des réalités), parce que de l’argent nous aurait été remis, et ce, faut- il le souligner le 19 septembre soit 3 jours après la consommation du coup, vouloir nous associer à sa réalisation ?  Cet argent faut-il le rappeler est le produit de requêtes de financement que nous avions eu à faire auprès d’amis à la suite d’une rencontre avec Eddie Komboïgo, comme déjà expliqué. Par un simple jeu de hasard la somme contributive (au demeurant dérisoire et pour faire un coup d’Etat et pour financer toute une campagne ), est arrivé par un vol militaire parti chercher du matériel de maintien de l’ordre. Ni le General Diendere ni Léonce Emile ou moi ne savions que ce geste arriverait par ce canal. Et soit dit en passant, une enquête sur la base des noms de ces amis qui devaient être sollicités et qui figurent au dossier aurait pu donner des renseignements moins suspicieux et moins scabreux.

Quoi qu’il en soit, je dis qu’aucun lien ne saurait être fait avec le coup réalisé le 16 septembre 2015.

La chose aurait été à la rigueur possible si, impliqués dès le départ dans le putsch, nous savions être destinataires de cette liquidité qui devait y servir. Le grand hic pour l’accusation est que ce n’est pas le cas et que rien n’existe attestant notre participation, ou même notre connaissance du coup. De surcroît, personne de nous encore une fois ne savait ni le temps que prendrait l’argent pour nous parvenir ni encore une fois de plus le chemin qu’il suivrait pour nous arriver.

Ensuite et subsidiairement je relève que dès lors que le coup était réalisé et que les nouvelles autorités étaient en place, elles étaient investies de fait du pouvoir, assurant par conséquent la continuité de l’Etat. De ce point de vue elles pouvaient valablement bénéficier d’aide de cette nature (dans le cadre de la gestion du quotidien, ou de celui d’une  opération de maintien de l’ordre), de la part de voisins avec lesquels existe un minimum de coopération en particulier militaire. Cela me semble- t- il a  existé dès l’avènement du CNR, entre les nouveaux maîtres du Faso, la Libye et le Ghana et après le coup d’Etat contre le CNR entre les tenants du nouveau front populaire et le Togo.

Pour doper l’imagination des burkinabé à certains niveaux très fébrile, dès qu’une question d’argent est soulevée, surtout dans le milieu politique, l’accusation voudrait en faire son cheval de bataille, son joker. Vous avez reçu de l’argent, vous êtes complice du putsch. Point barre. A dessein le dossier du juge d’instruction est balancé prioritairement à des médias étrangers spécialisés dans les scoops mais pas toujours largement informés, ou saufs d’instrumentalisation. J’ai nettement ressenti dans le contexte choisi pour cadeauter en exclusivité l’information à Mediapart comme une réplique des grondements politiques en Côte d’Ivoire et une manière pour les protagonistes de ce pays de montrer qu’ils se tiennent à travers ce dossier par la barbichette.

Je ne suis en rien concerné par cette bataille de Titans et ce depuis la crise ivoirienne à travers laquelle je n’ai pas eu de variations dans mes idées et amitiés et particulièrement dans celle que le President Laurent Gbagbo a voulu me témoigner. C’est pourquoi j’étais partant pour un démenti qui a permis de couper court aux insinuations et faux propos qui nous étaient prêtés. (S/C14 démenti de l’auteur et Léonce Koné à propos de média part). Sur le net on relève le même type de réponse à cette volonté médiatiquement relayée par quelques médias, de manipuler l’opinion. (S/C15 contre argumentation de Auguste le voltaïque au sujet de l’auteur et de Léonce Koné contre mutation). La démarche c’est encore une fois de faire tonner la rue comme on l’y conduit si souvent depuis l’insurrection pour contester ou orienter les décisions de justice. Cette rue et c’est là, tout  l’intérêt, comporte des éléments qui comme on dit ” n’arrive pas à la rivière pour puiser de l’eau “. Elle regorge de ces sachants en tout genre, comme l’autre qui s’exclame sentencieux sur Face book, parlant de Léonce et moi, vous avez été inculpés, ce n’est pas pour rien vous êtes coupables ! Cela plaît à la manière toute en sournoiserie du parquet militaire, qui vise justement à emporter l’adhésion d’une opinion volatile, peu versée dans le droit et au raisonnement plutôt court, afin de faire pression sur les juges.

Cette rue est celle qui nous a conduit tout feu tout flamme à la pénible situation nationale que nous vivons et qui la confond aujourd’hui  dans des si, c’était à refaire, à cœur fendre.

Prions qu’elle n’en vienne Pas sous les effets combinés des manipulations, des regrets et des impasses politiques sociales et sécuritaires à d’autres extrémités plus graves.

Mais ce n’est pas dit que ce montage et cet ouvriérisme en cours affecte obligatoirement la décision. Avec les magistrats qui eux ont fait du droit, qui l’ont adopté comme branche professionnelle, et qui sont  astreints au respect d’une certaine éthique judiciaire, les choses sont légalement abordées, différemment. Les indicateurs, paramètres et contraintes du juge sont liés à la loi, à la jurisprudence et à la doctrine et non à la haine et à tout ce qui ressort de l’imagination vengeresse des justiciables.

Le coup d’Etat ils le savent, entre dans la catégorie des infractions instantanées. Le parquet  militaire malgré sa démarche artificieuse, sait, qu’ils le savent, mais feint de n’en avoir cure. Ses donneurs d’ordres, punisseurs et gratificateurs étant le pouvoir, l’armée et la rue, il n’a d’oreilles et d’yeux que pour eux.

Ce n’est pas qu’il ne sache pas qu’à la différence de l’infraction continue ou successive qui suppose ” une exécution qui s’étale dans le temps “, l’infraction instantanée est celle qui  ” s’exécute en un instant plus ou moins long “. Non il ne faut pas lui faire cette injure, le problème ici c’est qu’il travaille sur commande, à la carte.

    Il se trouve et c’est en l’occurrence le plus important que le droit et les faits sont à cet égard constants. Des illustrations, des définitions et des jurisprudences ne manquent pas qui confirment la normalité de cette différenciation.

    Une infraction instantanée est un agissement illicite au regard du droit pénal qui se caractérise par le fait qu’il se produit dans un laps de temps très court et ininterrompu. (Droit- finances.net).

Tout ici est contenu dans les mots très court et ininterrompu.

Autre définition :

L’infraction instantanée est l’infraction dont l’élément matériel s’effectue en un instant. L’infraction se consomme en un trait de temps. C’est le cas de la plupart des infractions. (Wikipédia).

Là encore le mot instant veut tout dire.

Selon la jurisprudence, une infraction est successive lorsqu’elle se renouvelle par réitération de la volonté de son auteur «. Cours de cassation, chambre criminelle audience publique du mercredi 02 décembre 1998 numéro de pourvoi : 97-83671 «

Ici le coup d’Etat a été exécuté en un trait de temps sans réitération de volonté.

La doctrine n’est pas en reste et cela se vérifie dans nombre de cours de droit.

A- Les infractions instantanées

Les infractions instantanées sont celles qui s’exécutent en un trait de temps. Ex : le vol.

À l’intérieur de cette catégorie des infractions instantanées, il y a les infractions permanentes. Les infractions permanentes sont celles qui ont des effets qui s’étalent dans le temps, mais sans qu’il ait chez l’auteur, une réitération de la volonté coupable. Ex : la bigamie ou l’affichage prohibé.

B- Les infractions continues et continuées

– Les infractions continues ou successives, sont celles qui supposent, de par leur nature même, non pas seulement une continuité dans leur exécution, mais encore une réitération persistante de la volonté coupable. Ex : la séquestration arbitraire ou le port illégal d’arme.

– Les infractions continuées sont une catégorie inventée par la doctrine pour caractériser la réitération, dans un dessein délictueux unique, de l’activité matérielle incriminée par la loi. Ex : Le fait pour un employé de dérober chaque jour un billet de banque dans la caisse de son employeur.

http://www.ivoire-juriste.com/2015/09/cours-de-droit-penal-general-linfraction-et-sa-commission.

Pour différencier l’infraction instantanée de l’infraction continue on s’attachera à l’élément matériel de l’infraction, c’est-à-dire à l’acte matériel qui a permis de dire qu’une infraction a été commise. En effet, le critère tiendra à l’immédiateté ou à la persistance de l’exécution matérielle de l’infraction.

En outre, l’infraction sera instantanée lorsqu’elle se caractérise par une exécution matérielle immédiate et l’infraction continue est celle qui se caractérise par une exécution matérielle qui persiste dans le temps.

Les choses sont claires et la plus grande mauvaise foi ne saurait en dénaturer la logique pour des raisons politiques, haineuses et vengeresses.

Le coup d’Etat obéit d’autant plus à la catégorie de l’infraction instantanée qu’il repose naturellement sur le principe de causalité adéquate qui prend seulement en considération les éléments directs matérialisant l’infraction, autrement dit les premiers faits et actes qui la rendent irréversible (SC.16 série de faits qui matérialisent et consomment le coup d’état du 16 Septembre 2015 observateur paalga 18 Septembre 2015).

Tous ces éléments font que le coup d’Etat ne peut concilier son exigence de discrétion et de célérité avec des atermoiements ou des réitérations d’intention. On n’a pas besoin, même à un novice, d’expliquer que si la réussite d’un coup d’Etat tient en sa minutieuse préparation, elle tient tout autant en sa confidentialité qu’à sa vitesse d’exécution.

Ainsi, l’une des raisons de l’échec du putsch de Kapp à Berlin en 1920, fut-elle le manque de discrétion du général Von Luttwitz, chef militaire de l’opération, qui alla présenter le soir du 10 mars un ultimatum aux gouvernants socialistes, et leur laissa 48 heures pour se retourner, avant de déclencher le putsch militaire annoncé, dans la nuit du 12 au 13 mars 1920. (Wikipedia)

L’expérience montre qu’un coup d’Etat est réalisé dès que les auteurs s’emparent des organes centraux de l’État ou les neutralisent, qu’ils arrêtent  les gouvernants, font immédiatement connaitre leur intention et mettent en place un nouvel organe d’Etat. Les auteurs du 16 septembre ont bel et bien accompli ces actes essentiels comme bien d’autres actes matériels, mais qui n’auront fait qu’illustrer en surplus la consommation du coup dans sa simultanéité de réalisation.

Pour différencier l’infraction instantanée de l’infraction continue Je poursuis au risque de verser dans la redondance, (mais la répétition est pédagogique), il est donc essentiel de s’attacher principalement à l’élément matériel de l’infraction, c’est-à-dire à l’acte matériel qui a permis de dire qu’une infraction a été commise. En effet, le critère tiendra à l’immédiateté ou à la persistance de l’exécution matérielle de l’infraction.

Un coup d’Etat de second tour c’est du rêve. Il appartient plutôt aux types de frappe chirurgicale. Son succès est grandement dépendant de sa vitesse, de sa furtivité, et de sa fulgurance d’exécution. (S/C.17 document causette) C’est du reste ce qui fait qu’on ne parle pas de coup d’Etat avec des datations multiples mais avec une seule. Si on parle encore des 30/31 octobre c’est encore une fois en raison de ce que Zida n’est pas encore devant nous pour prouver selon des propos qui viendraient de lui que l’insurrection était un coup d’Etat.

Normale, dirais-je que cette condition de rapidité et d’exécution unique et sans rattrapage. L’expérience est si périlleuse en effet que ceux qui envisagent y recourir outre qu’ils y réfléchissent par deux fois, programment toujours des zones de repli en cas de fuites ou d’échec.

C’est dire que les intentions en second plan, de surfer sur les coïncidences liées au circuit de transfert de l’argent, ne peuvent suffirent, toute légalité bien considérée, à fonder une quelconque conviction sur notre  complicité par collaboration ou par instigation dans la réalisation  du coup d’Etat du 16 septembre 2015.

On ne peut pas être sur le quai et en même temps dans le train qui vient de démarrer et dont en plus on ne connaissait pas la programmation.

Après une première tentative mise en échec par la crainte qu’une fuite sur Facebook ne provoque le courroux tant redouté des insurgés, Je bénéficiais de la liberté provisoire le 04/10/16, et quittais  la MACA le jour même.

III.6. La chambre de contrôle.

C’est à la chambre de contrôle jouant auprès de la  justice militaire le rôle de juridiction d’appel des décisions du juge d’instruction, et qui a pour tâche de confirmer, d’infirmer ou réformer tout ou partie de l’ordonnance de clôture et de renvoi du juge d’instruction que le relais de la procédure échoit maintenant depuis le 24 juillet 2017.

Dès les premières audiences j’ai eu confirmation de deux choses:

-Mes avertissements et dénonciations sur l’impossibilité structurelle et fonctionnelle de la justice militaire à administrer la justice en toute indépendance et impartialité étaient confirmés. Les Avocats ont eu tout le loisir d’en donner des éléments d’appréciation en soulevant un grand nombre d’irrégularités qui dans un tribunal normal n’auraient pas lieu.

Des conseils qui traversent toute l’instruction sans avoir accès à l’entièreté de la procédure, des pièces introuvables au dossier, des scellés qui disparaissent, un parti au pouvoir et des OSC qui commentent une décision de justice, qui menacent  d’agir contre de telles décisions, des Avocats empêchés d’assister leurs clients, voilà une petite idée des irrégularités qui pour certaines font l’objet de recours en cassation.

Devant la chambre de contrôle et dans la suite des débats qui y ont été menés, l’opinion sait que les poursuites, les inculpations ont été à géométrie variable. Des officiers et en tête, le General P. Zagré qui ont accompagné le coup d’Etat ne seront pas inquiétés, elle sait aussi que quand des mandats ont été émis par le juge pour les entendre ils ont refusé d’obéir à la loi. Pour toute sanction histoire de montrer que le principe constitutionnel d’égalité n’est pas un vain mot, ils sont envoyés dans des chancelleries par le pouvoir. Comme faits de soustraction à la justice, de recel on ne fait pas mieux.

Le même pataquès judiciaire s’observe au sujet des écoutes. Pendant toute la procédure il n’a pas été possible  aux Avocats de disposer des écoutes cependant que le parquet militaire s’en repaissait.

Autre chose c’est en vain que les Avocats cherchent à connaître l’origine des écoutes. Alors que les ambassades déclinent toute responsabilité, on cherche en vain confirmation de ce que les gendarmes aient reçu dans les règles, des commissions rogatoires pour procéder aux écoutes. Comment maintenir à flot ce dossier déjà suffisamment troué si le service qui a réalisé les écoutes reste aux abonnés absents ? Et si d’aventure la gendarmerie a écrit pour décliner toute responsabilité d’où vient que les questions posées par les Avocats ne reçoivent pas les dues réponses ?

Si la chambre de contrôle  à réparer certains dégâts, il y’a des irrégularités dont les dommages ne peuvent déboucher que sur des cassations.

Ce que l’on relève ici preuves à l’appui c’est une instruction dominée par la méconnaissance  de l’équité procédurale, par un déséquilibre entre le parquet militaire et la défense, par le poids des pressions venant du pouvoir, de l’armée et de l’opinion, mettant à rude épreuve la valorisation des compétences, des juges, leur l’indépendance et leur l’impartialité dans le service de la justice militaire.

-la deuxième confirmation c’est la volonté du parquet militaire de faire prévaloir contre nous des charges en définitives politiques.

Aucun élément de preuve avancé  pour étayer ses accusations. Tout tourne autour de suppositions de démonstrations tirées par les cheveux, sans aucune attache avec le droit.

Mon sentiment se renforce par rapport au procès politique.

J’en veux pour preuve cette scène mémorable pareille a cette nuit du 4 août 1789 en France ou dans un historique élan consensuel on a assisté à l’abandon des privilèges par la noblesse et par le clergé. Ici j’ai vu Avocats et procureur militaire désister de leurs appels le parquet porté par la dynamique de générosité allant jusqu’à désister tant de ses appels particuliers touchants quelques dossiers que de son appel général sur l’entièreté de l’ordonnance de renvoi.

Après cette démonstration quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir le même parquet revenir sur ses désistements pour demander de nous rajouter d’autres charges et de décider de la contrainte par corps contre nous.

Les fréquentations et les informations politiques que nous avons étant par ailleurs en tous points identiques aux demandes du parquet nous sommes ici fondés à nous demander à qui profite le crime.

    Ce qui est maintenant claire c’est l’activisme de ceux qui regardant l’horizon 2020 aimeraient profiter de l’opportunité des juridictions d’exceptions pour réaménager à leur convenance le monde partisan, au moyen de condamnations privatives ou non de liberté. Ils sont épaulés par ceux qui voient dans l’exacerbation des tensions politiques un business de choix et qui souffle sans cesse sur la braise priant que jamais ne vienne la réconciliation.

Mais ayant commencé avant la MACA à défendre les libertés publiques et démocratiques, ayant continué en étant à la MACA je resterai sur la même ligne.

CONCLUSION

En considérant le passé, le présent et le futur, au regard de la conduite du dossier du coup d’Etat comme plus largement de celui de l’insurrection actuellement pendant devant l’autre juridiction d’exception à savoir la haute cour de justice, on ne peut que porter un regard inquiet sur le futur.

La persistance à vouloir profiter des avantages politiques des juridictions d’exceptions sous prétexte de lutter contre l’impunité et de préparer des meilleures conditions pour la réconciliation est une façon hypocrite de continuer dans la politique de l’exclusion et plus encore de l’étendre par la voie de l’éradication judiciaire.

C’est un moyen de protection contre des retours d’histoire et je dirais une aubaine d’assainissement politique pour rester en 2020 dans le cadre d’une élection à suffrage limité. C’est bien connu la judiciarisation des conflits politiques a toujours été pour les régimes fermés, un moyen de neutralisation de la concurrence démocratique.

Les préoccupations purement partisanes et indifférentes aux urgences communes, que l’on observe dans la gouvernance nationale, alimentent d’autant plus les peurs que l’on ne voit pas venir les politiques capables de rétablir les grands équilibres du pays, rompus depuis l’insurrection/coup d’Etat face à la négative conjugaison des effets de l’incivisme, du manque d’offre sociale, des demandes exacerbées, de la crise économique et des libertés comme du terrorisme.

Nos gouvernants ont deux possibilités, devant nos graves enjeux nationaux.

– La fuite en avant. Elle consistera pour eux ( enfermés dans leur tour d’ivoire ), à se convaincre qu’on ne change pas une méthode qui gagne, et à continuer à s’enliser dans les roueries d’Etat, dans l’art de convertir le mensonge en vérité et inversement, à se complaire dans  la dégradation de nos valeurs morales et sociales, en intégrant la violence et la corruption politique, dans la normalité des relations  sociales, et en utilisant la justice d’exception comme un éradicateur  politique.

C’est visiblement cette option qui a fait leur bonheur, qui semble être privilégiée avec les conséquences négatives constatées à plusieurs niveaux: Affaiblissement de l’Etat dans sa capacité de réponses aux attentes minimales des citoyens, double perte de confiance des citoyens et des partenaires, en la  loyauté et en la capacité de l’Etat à gérer le pays en respectant les principes de base de la bonne gouvernance. Et c’est encore ce choix non stratégique mais opportuniste, plus orienté vers le service de soi que celui de la collectivité qui explique grandement la recrudescence des attaques terroristes (Ces derniers n’aimant rien autant que des États faibles), la dilution de l’autorité de l’Etat, les grèves et manifestations sans fin, la réticence des bailleurs de fonds à mettre la main à la poche pour un pays aussi bruyant, et si en manque de sécurité physique comme juridique. Toutes ces choses expliquent donc la crise d’ensemble que nous vivons sans encore une fois de perspectives immédiates crédibles d’en émerger.

Pourtant la fatalité n’est pas notre destin. Il existe une autre option qui cicatriserait les blessures et remettrait le pays d’aplomb à savoir :

– La réconciliation nationale par la justice transitionnelle. C’est là, le recours de plus en plus instinctif des Nations qui sortent de périodes tumultueuses et violentes, marquées par la guerre ou des persécutions venant de régimes de non droit.

Pour ne pas donner raison à ceux qui souvent ne se montrent en réalité intraitables sur l’antériorité de la justice, par rapport à la réconciliation que pour s’en servir à des fins personnels et partisanes, l’imagination créatrice de l’homme a trouvé la justice transitionnelle qui a, entre autres avantages de: permettre non seulement à la justice de ne pas  être sacrifiée sur l’autel de la réconciliation, mais plus encore de prendre davantage en compte les intérêts de la victime en l’éclairant mieux sur ses dommages et leur cause grâce notamment à une sorte de psychothérapie de groupe , une thérapie sociale, qui permet de la mettre en discussion directe avec son bourreau. Une justice  transitionnelle qui fera autre intérêt, endosser les réparations (financières, matérielles, symboliques ..), par l’Etat, en cherchant par-delà les victimes individuelles à secourir la victime collective qu’est l’Etat. Et pour ne pas faire tout ce travail à moitié, pour ne pas comme on dit, enterrer le mort en  laissant ses pieds dehors, elle proposera des mécanismes pour prévenir le retour aux horreurs du passé.

Si nous n’en étions qu’à quelques rares expériences, on pourrait en éprouver de la réserve, mais tel n’est pas le cas puisque le monde en est déjà, depuis la première application du genre à près d’une quarantaine.

La Gambie reconnaissant la vanité d’escompter regler après le départ de Yaya jammeh toutes les situations post conflit par la voie de la justice ordinaire, vient de s’inscrire à la justice transitionnelle acceptant la nécessité du pardon , de l’amnistie sans bien entendu marcher sur les plates bandes de la cour pénale internationale ( CPI ).

Le Mali instruit par une claire vision des contraintes nationales s’est résolument engagé dans la dynamique transitionnelle. Dans un consensus exemplaire aiguillonné par un President qui met son coeur au service de l’intérêt national au point  de favoriser les conditions de la réconciliation, en coupant court aux élans punitifs de certains de ses compatriotes. Ainsi l’union sacrée en pool position les maliens de l’intérieur comme de l’extérieur, Ont su prioriser les retrouvailles  nationales à toutes autres considérations.

Le retour d’exil annoncé de l’ancien président Amadou Toumani Toure, et les grandioses conditions d’accueil en programmation, ne confirment pas seulement la légende de Maliba chantée par les plus grands griots tel Bazouma  Sissoko, ils témoignent aussi de la stature d’homme d’Etat du president Ibrahim Boubacar Keïta, qui montre ici qu’il ne descend pas pour rien du Mansa Soundiata Keïta fondateur de l’empire du Mali. Cette prouesse qui honore son mandat et son pays, il pourrait sans suspicion de volonté d’ingérence, mais plutôt avec reconnaissance d’un esprit de fraternité africaine en faire profiter certains de ses voisins en manque de réconciliation  et ce dans la continuité universaliste de la charte du Mandé.

Le contexte régionale y invite du reste qui, face à la guerre terroriste globale et indiscriminée qui nous accule, conseille à chaque État des unions sacrées pour la victoire collective hors laquelle il ne saurait y avoir de victoires individuelles.      C’est vrai que le President I.B. Keïta n’a pas toujours eu les meilleures relations avec le President Compaore et l’ancienne majorité, mais la puissance de la réconciliation est justement de savoir, ( et il le sait bien pour l’avoir mis en pratique ), nourrir cette réconciliation du lait du pardon et de la compassion. Qu’en voisin  et grand frère du President kaboré il accepte dans les plus pures traditions africaines, de nous aider à nous demander mutuellement pardon et à accepter de nous pardonner les uns les autres.

  Tout aussi rassurant et encourageant dans l’approche transitionnelle, sont les études des plus grands spécialistes en la matière qui tirent la conclusion que cette justice en transition, même en présentant quelques insuffisances, reste d’un meilleur rapport que la justice classique dans le règlement des crises post conflit et post dictature, pour la modernisation de la justice en particulier et de l’appareil de l’Etat en général.

En effet les chercheurs mais aussi les praticiens sont parvenus au consensus que les stratégies mises en œuvre par ce moyen dans le cadre national pour traiter les abominations du passé peuvent  aider: à la fixation et à l’assumassions des responsabilités, à mieux combattre l’impunité, à la pacification de la relation entre l’État et les citoyens et à la reconstruction des institutions démocratiques.

Pour y arriver on ne pourra faire l’impasse sur la réhabilitation de la mémoire.

J’y ajouterai personnellement trois exhortations:

Cette justice pour plus d’efficacité devra d’abord obligatoirement faire un travail d’exorcisme national et à la limite de contre-sorcellerie, vue la nature franchement diabolique il faut le dire de certaines blessures et possessions demandant réparations.

Il s’agit ici d’un labeur de mise à niveau de la mémoire collective dont les impasses, les troubles et  forfaitures expliquent bien de crises et leur état endémiques.

La deuxième qui découle de la première c’est que la justice transitionnelle concerne aussi les acteurs de l’insurrection qui ont également des choses qui ont causé des dommages mortels, corporels matériels ou moraux à des tiers ou à l’Etat, à se reprocher. Ils seraient bien inspirés de comprendre que les circonstances s’y prêtant, ils gagneraient mieux à solder ce passif dans le cadre  de la justice transitionnelle, pour les raisons évoquées. Non seulement c’est ainsi que la justice obéira au principe d’égalité constitutionnel, et de la lutte commune contre  l’impunité, mais vaut mieux saisir cette occurrence car tôt ou tard leur responsabilisé ne pouvant se cacher ni se jouer indéfiniment  de l’histoire malgré leur efforts, resurgira et pas forcément de la meilleure manière.

La troisième enfin est relative à l’extension de la justice transitionnelle à travers des mécanismes adaptés au système koglweogo et aux forces de Défense et de sécurité. ( FDS ).

En Bolivie cette double prise en considération de la justice privée et des problèmes de l’armée n’a pas été occulté par la justice transitionnelle et l’expérience est cité en exemple à travers des ouvrages ( justice, justice transitionnelle et forces militaires en Amérique latine l’exemple de la Colombie. Carlos Bernal et Magdalena Correa Henao l’Harmattan ).

Il est évident que la réconciliation par ce moyen qui écarte la vengeance pour privilégier la récupération peut venir en renfort et en garantie de la réconciliation nationale. Si les koglweogo ne font pas l’unanimité ni au sein de la justice, ni des FDS et de l’opinion, elle a aussi notre armée il ne faut pas se le cacher, des problèmes internes sérieux qui énervent sa cohésion et qui ne peuvent se régler durablement et sans dégâts, ni par la voie de la justice globale ni par celle de la justice militaire. L’emprisonnement en masse et la mise au rebut de militaires compétents et opérationnels n’étant pas par les temps qui courent le meilleur trait de génie.

Je le pense encore plus après avoir vécu un an avec eux à la MACA.

La justice transitionnelle peut â travers des mécanismes adaptés permettre aux FDS de faire leur propre aggiornamento et de s’engager utilement dans le processus général de réconciliation.

L’UNDD  dans ce sens au cours de son dernier congrès a adressé une lettre circonstanciée au President du Faso ( PF ), comme attestée en annexe ( S/C.18 Appel à la réconciliation nationale ).

C’est du reste ce que certains ( identifiés dans des photos, vidéos..), comprenant d’autant plus la nécessité de cette voie de réconciliation, ont  quelque fois tenté de faire par des approches personnelles, en prenant contact  en dehors de toute officialité avec leur victimes pour demander pardon.

Mais la nature des dommages et de la thérapeutique en appellent plutôt à cette forme de psychothérapie de la justice transitionnelle car parmi les victimes qui demandent justice il y’a aussi la nation.

Souhaitons que l’opposition qui semble avoir une approche unitaire de la question sache poursuivre la consolidation de sa propre réconciliation intra- opposition et trouve dans le pouvoir un interlocuteur direct et au bout du compte honnête, pour en accepter le principe, et les modalités de mise en œuvre consensuelles du mécanisme. C’est en effet cette absence de récupération de part et d’autre, ce souci d’œuvrer sans exclure l’esprit d’innovation, ni la valeur du comparatisme, à différencier des transpositions mimétiques, qui nous permettra comme en Afrique du Sud, à Timor d’activer et de conduire avec les meilleures chances de succès cette expérience si nécessaire de justice en transition au Burkina Faso.

En rencontrant le président Kabore au sujet de la réconciliation, la CODER s’était vue demandé par le chef de l’Etat quelle proposition elle pouvait faire pour sa mise en oeuvre. Avec son mémorandum portant sur la justice transitionnelle la réponse est toute trouvée. La balle est maintenant dans le camp du pouvoir auquel revient le déclic  dans le processus.

Voilà ou me conduisent les analyses en 3D au sujet du jugement équitable du putsch du 16 septembre 2015. Digressions peut-être, mais utiles en considérations des remontées historiques et des projections futures par-delà les retombées du présent.

Si d’aventure les plaidoyers grandissants sur la justice transitionnelle en raison entre autres de cette triple considération et le vieux souci qui m’habite de voir enclencher la réconciliation ne rencontrait pas une écoute favorable auprès du chef de l’Etat, et que la tendance reste au court-termisme avec la judiciarisation à tout va des conflits politiques alors in challah !

    Je souhaiterais m’en remettant à la sagesse et à la conscience historique des juges une application équitable et responsabilisée de la loi et par-delà nos préoccupations individuelles, nos défenses personnelles, à celles générales de la collectivité.

Que les juges disent un droit qui fructifie le droit et qui répondant à sa vocation dépasse les  contingences immédiates, les pressions et calculs politiques, pour n’avoir qu’en vue la perspective nationale et historique.

En se situant dans l’axe de l’équité, de la réhabilitation de la primauté du droit, de la mise de la justice au service de la restauration de la confiance des citoyens en l’Etat, et de la cohésion nationale, il leurs sera possible de faire d’une pierre deux coups: De rendre justice en toute équité et droit, aux inculpés dans le dossier général Diendere et autres d’un côté et subséquemment, de rendre justice à la nation qui aspire à la  réappropriation de sa justice et à la paix des braves pour se reconstruire de l’autre côté.

Dans le difficile mariage entre magistrats civils du siège et magistrats militaires du parquet au sein de la justice militaire, en raison de tant d’incompatibilités structurelles et fonctionnelles, maintenant révélées à l’opinion consciente, il revient fondamentalement aux premiers de savoir pour eux-mêmes et pour la conscience, dire le droit, rendre la justice en protégeant la Nation au travers de sa justice affirmée et assumée.


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