HomeA la uneJUSTICE IVOIRIENNE ET CPI : ADO protège les siens

JUSTICE IVOIRIENNE ET CPI : ADO protège les siens


« Je trouve inadmissible que des personnes qui ont tué, qui ont brûlé des gens, qui ont violé des femmes, se conduisent aujourd’hui comme si elles étaient des anges, comme si elles n’avaient rien fait. Ce n’est pas acceptable. Nous allons continuer de juger ceux qui ont commis ces crimes. Ils doivent être jugés en Côte d’Ivoire. Personne n’ira à la CPI ». Ces propos sont du président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), qui était face aux représentants des familles, le 13 avril dernier à Abobo. Pour un message clair, c’en est un, puisque le chef de l’Etat ivoirien réaffirme fermement son refus de voir de nouveau transférer un Ivoirien à la CPI, après Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Il estime que la justice ivoirienne est capable de juger des cas de génocide ou de crimes de sang. Reste maintenant à savoir si la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, l’entendra de cette oreille ; elle qui n’avait d’ailleurs de cesse de réclamer le scalp de l’ex-première dame Simone Gbagbo,  récemment condamnée à 20 ans de prison ferme par la justice ivoirienne. Du reste, on sait aussi que Fatou Bensouda n’a jamais fait mystère de sa volonté de voir traduits devant la justice internationale, certains proches du président ADO qui se seraient rendus coupables d’exactions ou de crimes lors de la sanglante crise postélectorale de 2010, qui aura laissé, au bas mot, près de 3000 morts sur le carreau. C’est peut-être ceci qui explique cela. Car, ne voulant pas prendre le risque de scier la branche sur laquelle il est assis, ADO préfère adopter une telle posture qui le met à l’abri de toute pression. A en juger par ses propos, il donne l’impression de vouloir, au nom de la réconciliation nationale, amnistier certains prisonniers politiques en sa qualité de chef suprême de la magistrature. Une prérogative dont il ne peut pas se prévaloir, dès lors qu’il accepte le transfèrement d’un de ses compatriotes à la CPI.

La justice ivoirienne doit se montrer à la hauteur de l’immense tâche  qui l’attend

C’est à peine si ADO ne fait pas un clin d’œil aux pro-Gbagbo, quand il dit  haut et fort qu’ils ne pourront bénéficier de grâce présidentielle, tant qu’ils n’auront pas fait leur mea-culpa. Ce qui sonne comme un désaveu cinglant de la Commission-dialogue-vérité et réconciliation (CDVR) qui, en vérité, aura montré toutes ses limites. Cela dit, ADO avait-il besoin de parler publiquement de grâce présidentielle ? Ou bien veut-il dire que si Simone Gbagbo en venait aujourd’hui à demander pardon,  elle serait automatiquement libérée sans avoir même purgé le quart de sa peine ? Ce sont là autant de questions que les familles de victimes pourraient poser au président Ouattara qui semble parfois se perdre dans ses propres contradictions. En tout cas,    la justice ivoirienne est attendue au tournant. Elle doit se montrer à la hauteur de l’immense tâche  qui l’attend, en allant jusqu’au bout de sa logique. Car, comme l’a promis le chef de l’Etat himself, tous ceux qui ont commis des crimes doivent être jugés, sans distinction de religion, d’ethnie ou d’appartenance politique. C’est dire donc que l’on doit s’attendre à ce que, dans les jours à venir,   tous les proches du président Ouattara qui ont les mains tachées de sang, répondent des faits qui leur sont reprochés et que justice soit rendue aux victimes dont certaines ne sont plus de ce monde. Toute chose qui contribuerait à rabattre le caquet au camp d’en face qui, pour une  simple garde à vue ou pour un sursis, est prompt à brandir la thèse de la justice des vainqueurs comme si, pour emprunter l’expression à ADO lui-même, depuis Adam et Eve, il a déjà existé une «Justice des vaincus ».

Boundi OUOBA


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