HomeA la uneKARIM KOUDOUGOU, BIOCHIMISTE : « Les mycotoxines produisent divers effets néfastes sur la santé »

KARIM KOUDOUGOU, BIOCHIMISTE : « Les mycotoxines produisent divers effets néfastes sur la santé »


Les mycotoxines, selon le biochimiste Karim Koudougou, sont des substances toxiques (toxines) produites par certaines moisissures qui se développent sur divers produits agricoles (céréales, légumineuses, oléagineux, tubercules, fruits, …) et leurs produits dérivés à différents stades dans des conditions environnementales spécifiques (température, humidité, pH, …). Les conditions climatiques au Burkina Faso, sont favorables à la croissance des moisissures productrices de mycotoxines. Pour en savoir davantage sur ces substances toxiques, lisez !

 

 

Les mycotoxines sont classées en plusieurs familles et sont  présentes dans différentes denrées alimentaires. Les principales familles de mycotoxines couramment rencontrées sont consignées dans le tableau ci-après :

 

Familles de mycotoxines

 

Aflatoxines (B1, B2, G1, G2)

Aflatoxine M1

Ochratoxine A

Toxine T2

Déoxynivalénol (DON)

Zéaralénone

Fumonisines (B1, B2, B3)

Patuline

 

Exemples de produits concernés

 

Aliments pour animaux, graines oléagineuses, céréales, fruits secs, fruits à coque, tubercules, épices, bière, café, cacao…

 

 

Lait et produits dérivés

 

Céréales, café, cacao, raisins et dérivés

Céréales, légumes secs et dérivés

Aliments pour animaux, céréales, légumes secs et dérivés

Céréales et dérivés

Maïs et dérivés

Pommes et dérivés.

 

Chez les mammifères (comme les bovins) ayant ingéré des aliments contaminés, l’aflatoxine B1 est transformée en aflatoxine M1. Elle a un pouvoir toxique équivalent à celui de l’aflatoxine B1. Elle a la particularité d’être excrétée de façon non négligeable dans le lait (1 à 2% de la quantité d’aflatoxine B1 ingérée). L’aflatoxine M1 résiste aux traitements usuels de conservation et de transformation des produits laitiers (fermentation, coagulation, pasteurisation, stérilisation, déshydratation, …). On retrouve presque la totalité de l’aflatoxine M1 dans le lait écrémé, la poudre de lait et dans les produits obtenus par précipitation lactique (yaourt, fromage blanc, crème lactée…). Par contre, elle est très peu retrouvée dans le beurre (l’aflatoxine M1 se lie aux protéines du lait).

Les mycotoxines sont peu solubles dans l’eau et difficilement digérées par l’Homme. Elles sont très résistantes à l’acidité et à la chaleur. Cette résistance rend leur élimination difficile et, par conséquent, la décontamination des denrées alimentaires très problématique. Ces toxines représentent un danger pour la santé publique, soit directement lorsqu’elles sont présentes dans l’alimentation humaine, soit de manière indirecte lorsqu’elles contaminent la chaîne alimentaire via l’alimentation animale (bétail, volaille, …). D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 25% des récoltes mondiales sont contaminées par des mycotoxines.

 

Toxicité des mycotoxines

 

Les mycotoxines produisent divers effets néfastes sur la santé. En cas de forte contamination, elles peuvent donner lieu à une symptomatologie aiguë conduisant à la mort. En général, le danger est plus pernicieux et résulte d’une exposition chronique à de faibles doses. Les symptômes sont variés en fonction de l’espèce de mycotoxine incriminée. Ils vont des troubles de la fertilité aux pneumopathies en passant par la néphro, la neuro et l’hépatotoxicose. De manière plus subtile, certaines mycotoxines ont un effet immunodépressif (affaiblissement du système immunitaire) marqué.

L’exposition chronique à l’aflatoxine B1 peut avoir un impact négatif sur la santé et elle a été associée au cancer du foie, à la croissance retardée et un retard de croissance chez Des enfants. Elle a également été liée au VIH et à la tuberculose. A des niveaux élevés de concentration, l’exposition aux aflatoxines peut provoquer des hémorragies, des œdèmes et même la mort immédiate. Dans des pays comme le Kenya, des cas documentés de l’intoxication répandue par les aflatoxines représentent des phénomènes très courants, en particulier dans les régions rurales.

Le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) a classé l’aflatoxine B1 dans le groupe 1 des agents cancérogènes pour l’Homme.

La règlementation nationale en matière de contamination des denrées alimentaires par les mycotoxines au Burkina Faso s’appuie sur la règlementation internationale (Codex alimentarius : Comité mixte FAO/OMS).

 

Prévention

 

Il est impossible, à l’heure actuelle, d’éliminer totalement les mycotoxines des produits agricoles contaminés. La mise en place d’un plan de maîtrise des mycotoxines à travers les Bonnes pratiques agricoles (BPA) permettra de contrôler et gérer la contamination des produits agricoles par diverses mycotoxines. Il est important que les acteurs de la production réalisent que les BPA représentent la première ligne de défense contre la contamination des produits agricoles par les mycotoxines, suivie par la mise en œuvre de Bonnes pratiques de fabrication (BPF) durant la manutention, l’entreposage, la transformation et la distribution des produits destinés à l’alimentation humaine et animale.

 

Avant la récolte, il faut :

– assurer, à la récolte sur pied, de bonnes conditions écologiques (irrigation suffisante, apport de minéraux…) et éviter les conditions écologiques favorables à l’infection fongique par les moisissures ;

– éviter les résidus de plants intoxiqués, afin d’empêcher le risque de contamination lors de la récolte suivante ou aux autres plants ;

– utiliser des traitements chimiques homologués pour prévenir l’apparition de moisissures ;

– choisir des variétés de semences résistantes aux moisissures ;

– pratiquer une bonne rotation des cultures ;

– pratiquer une irrigation en cas de sécheresse.

 

Au moment de la récolte, il faut :

– manipuler convenablement de façon à éviter d’abîmer les denrées ;

– un nettoyage avant l’entreposage.

 

Après la récolte, il faut :

– nettoyer fréquemment les systèmes de distribution des aliments pour animaux et les lieux de stockage ;

– maintenir les stocks dans des conditions de température et d’humidité appropriées ;

– utiliser des traitements (chimiques, physiques, biologiques, …) antifongiques homologués.

 

Karim Koudougou, biochimiste

 

 


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