HomeA la uneKOMOSSIRA SANON, DIRECTEUR REGIONAL DE LA POLICE DE LA BOUCLE DU MOUHOUN : « La Boucle du Mouhoun est en train de perdre sa paisibilité »

KOMOSSIRA SANON, DIRECTEUR REGIONAL DE LA POLICE DE LA BOUCLE DU MOUHOUN : « La Boucle du Mouhoun est en train de perdre sa paisibilité »


Le problème sécuritaire demeure à l’heure actuelle très préoccupant au pays des Hommes intègres. Les attaques meurtrières au Nord et tout récemment à l’Ouest du pays par des individus non encore identifiés, témoignent de la gravité du problème. Qu’en est-il de l’aspect sécuritaire dans la Boucle du Mouhoun ? Certaines localités de la région dont Nouna, Tougan, Gassan sont déclarées zones à hauts risques et déconseillées de séjour par l’ambassade des USA à ses ressortissants.

Sont-elles sous la menace terroriste ? Pour en parler, nous avons rencontré le premier responsable de la Police dans la Boucle du Mouhoun, Komossira Sanon.

 

« Le Pays » : Des attaques meurtrières non encore élucidées ont été menées contre des Brigades de gendarmerie, symboles forts de l’Etat, au Nord et tout récemment à l’Ouest du Burkina Faso. Selon vous, s’agit-il d’actes isolés ou d’un mouvement bien coordonné ?

Komossira Sanon : Les Hommes de médias sont des collaborateurs pour éclairer l’opinion nationale et internationale. Nous n’avons rien à cacher car nous sommes dans un monde de communication. Je ne vais pas beaucoup m’aventurer, parce que n’ayant pas les tenants et les aboutissants de cette affaire. Il faut attendre les résultats des enquêtes. Aussi, ces localités ne relèvent pas de mon commandement. Il m’est donc difficile de trop m’aventurer pour une réponse exacte. Néanmoins, lorsque des individus se retrouvent à plusieurs pour attaquer une unité, ça ressemble quand même à un mouvement concerté, quelque chose de bien ficelé.

 

Faites-vous un lien avec le coup d’Etat du 16 septembre dernier  ?

Comme je l’ai dit plus haut, il faut attendre les résultats des enquêtes pour apprécier.

Nouna, Gassan, Tougan sont des localités déconseillées par l’ambassade américaine à ses ressortissants. Est-ce à dire que l’insécurité est gravissime dans ces villes ?

Non, je vais vous le dire tout de suite, ces localités relèvent de mon commandement. Si l’insécurité atteint un seuil, je serai le premier à sonner l’alerte d’alarme. Si les Américains déconseillent ces localités à leurs ressortissants, c’est de bonne guère aussi, cela relève de leur appréciation.

 

En tant que 1er responsable de la sécurité de la région, avez-vous été associé à cette décision ?

Non. Je vous le répète, la situation n’est pas si alarmante dans ces zones comme les gens le disent.

Vos hommes sont-ils sur le pied de guerre dans ces zones ?

Sur le pied de guerre c’est trop dire. Depuis le début des troubles, nous avons instruit les responsables dans les directions provinciales et les commissariats d’être plus vigilants, de mettre en place des systèmes de contrôle fiables, et Dieu seul sait que ce dispositif fonctionne correctement. Quelqu’un qui veut se rendre à Nouna, Gassan, Tougan, peut le faire sans problème et y séjourner tranquillement.

 

D’une façon générale, quel type d’insécurité caractérise la Boucle du Mouhoun ?

Depuis longtemps, la Boucle du Mouhoun est considérée comme la région la plus paisible en matière de sécurité. Mais cette relative accalmie que nous vivons ne doit pas nous voiler la face, car de plus en plus, nous assistons à la commission d’un certain nombre d’infractions qui n’avaient pas cours dans la Boucle du Mouhoun. En se référant aux statistiques, si je prends par exemple les attaques à main armée, on a en 2013 quatre; 2014 huit, 2015 cinq, alors que l’année n’est pas encore terminée. Plus ou moins, la commission de ces infractions va crescendo. Donc, nous pouvons dire que la Boucle du Mouhoun est en train de perdre sa paisibilité.

Selon vos statistiques, en faisant une comparaison, êtes-vous plus à l’aise que vos collègues de l’Est ?

Oui. Je dis que la Boucle du Mouhoun est relativement paisible, mais cela ne doit pas nous amener à nous voiler la face, car les délinquants qui opèrent dans la zone rouge, dans la même journée, se retrouvent dans la Boucle du Mouhoun qui est la plus grande région du Burkina, pour jouir paisiblement du fruit de leur forfait. Nous ne devons pas baisser la vigilance pour les prendre.

 

Dans la lutte contre l’insécurité et le grand banditisme, quelles sont les difficultés majeures que vous rencontrez ?

Ces difficultés, d’une façon générale, c’est le problème des effectifs. Il faut souligner que le gouvernement a fait beaucoup d’efforts à l’endroit des forces de sécurité pour mener à bien leurs missions. Mais beaucoup reste à faire et l’une des grandes difficultés c’est le problème de mobilité. Tous les véhicules de la région sont vétustes et moi-même, en tant que DR, mon véhicule connaît des difficultés. Malgré ces problèmes d’effectifs, de mobilité et souvent de carburant, nous arrivons à quadriller la zone.

Et vos plus grandes réussites ?

Dans ce sens, nous avons animé beaucoup de points de presse sur nos actions. Indépendamment de cela, nous avons réussi des coups que nous n’avons pas voulu médiatiser.

Tout de même, dites à nos lecteurs vos plus grosses prises !

On peut citer l’arrestation de ce truand qui a spolié la jeunesse ici en lui faisant miroiter l’emploi. Ce dernier s’est fait beaucoup de millions sur le dos de notre jeunesse. Après cela, il y a eu cette histoire de permis de conduire qui a fait des gorges chaudes ici. Là aussi, beaucoup ont été spoliés. Ensuite, il y a eu le cas de ce casseur en série qui s’attaquait aux institutions. Le matériel saisi a été présenté à la presse.

 

De plus en plus, on assiste à des commissariats incendiés suite aux mécontentements de la population. Comment faire pour que les commissariats deviennent des lieux sûrs ?

C’est une question qui vaut son pesant d’or. Un commissariat équivaut à une caserne parce que dans ces lieux, sont déposés des armes et du matériel spécifique de la Police. En principe, il s’agit de lieux inviolables. Mais à la faveur de l’incivisme, des gens, au lieu de dialoguer, s’organisent et s’en prennent violemment aux commissariats qu’ils incendient avec tout ce qui s’y trouve. En somme, tout ce qui a chèrement coûté à l’Etat. Pour les rendre sûrs, c’est d’abord à la population d’éviter ces actes de violence. Sinon il y a des lois qui interdisent de tels actes. Si ces cas arrivent, ce n’est la faute ni aux policiers ni à l’Etat. Même si un policier a fauté, ce n’est pas pour autant qu’il faut réduire en fumée tout ce qui a coûté cher à l’Etat. Ce sont ces mêmes populations qui vont contribuer encore, car la Police reste toujours incontournable. Vous venez pour une légalisation, et vous n’avez pas de commissariat par exemple. Il y a quelques années, un détenu a été enlevé de la cellule à Bondoukuy et égorgé littéralement.

Comment éviter de tels actes ?

Si vous voulez que nous les évitions, nous les éviterons. Nous pouvons prendre, par exemple, position pour dire que personne ne fonce sur un commissariat. Mais si nous tirons, nous devenons quoi ? Une galette. Nous brûlons devant, nous brûlons derrière, sans oublier les récriminations des défenseurs des droits de l’Homme. Dans un pays où il y a le civisme, ce sont les lois de la République qui s’appliquent et aucune loi de la République ne dit qu’il faut sortir un délinquant d’une cellule et l’égorger. Les lois de la République n’ont jamais dit non plus qu’il faut aller chasser les policiers d’un commissariat et l’incendier. Il faut que le peuple burkinabè se ressaisisse car c’est très important.

 

La menace djihadiste est de plus en plus évoquée au Burkina. Quel reflexe les populations doivent-elles avoir pour prévenir tout risque d’insécurité ?

Je pense que depuis longtemps, le gouvernement a pensé à la sécurisation de ce pays. La mise en place des comités locaux de sécurité (CLC) répond par exemple à cela. Ce que j’ai comme cri de cœur, c’est de réactiver ces comités locaux de sécurité afin de pouvoir signaler tout mouvement suspect. A titre d’exemple, quelqu’un qui est étranger à votre village, qui roule enturbanné sur une grosse moto, si personne ne le signale aux services de sécurité, que voulez-vous qu’on fasse ? C’est à la population de nous aider à assurer sa sécurité.

Mais M. le DR, la Police est le premier rempart de la sécurité !

Oui, je n’en disconviens pas. Mais, on s’est rendu compte que policiers et gendarmes, à eux seuls, ne suffisent pas pour la lutte contre l’insécurité. Il faut la collaboration de la population. L’idée de la création des CLC répondait à cela.

Les mesures gouvernementales interdisant les vitres teintées, les véhicules non immatriculés, sont-elles suffisantes selon vous ? Pensez-vous comme certains qu’il faut interdire même les voiles ?

Par rapport aux voiles, s’il y a un contrôle quelque part, quelqu’un qui arrive complètement voilé, doit enlever son voile. Vous ne passez pas, parce que vous devez être identifié. Après votre identification, vous prenez votre voile, vous le portez, cela ne gène pas. Pour ce qui est des vitres teintées, il faut pour cette mesure, faire un peu attention car quand les propriétaires commandaient les véhicules, cela était permis.

 

Avez-vous un appel particulier à adresser aux populations de la Boucle du Mouhoun ?

Nous comptons sur la population. C’est elle les yeux et les oreilles des services de sécurité. Car grâce aux informations de la population, on peut obtenir de meilleurs résultats. En Europe, quand on dit par exemple que les enquêteurs réussissent, c’est grâce aux informations que les gens leur donnent et la Police devient plus opérationnelle.

Ce que je demande, c’est la collaboration, toujours la collaboration. Ce n’est que par ce biais que nous allons parvenir à sécuriser totalement notre pays.

Seydou BAKAYOKO

(Correspondant)

 


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