HomeA la uneKOUDBI SINARE, SG DU MFPTPS A PROPOS DES REVENDICATIONS DE STATUT PARTICULIER : « Le statut autonome devrait viser à règlementer un emploi par rapport aux autres emplois »

KOUDBI SINARE, SG DU MFPTPS A PROPOS DES REVENDICATIONS DE STATUT PARTICULIER : « Le statut autonome devrait viser à règlementer un emploi par rapport aux autres emplois »


L’homme semble discret et réservé, mais efficace dans son domaine. Lui, c’est Sinaré Koudbi, le Secrétaire général du ministère de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale.  Nous l’avons rencontré dans son bureau dans la matinée du mercredi 8 septembre 2016 pour évoquer la question de la grève des inspecteurs et contrôleurs de travail. Il n’a pas hésité à répondre à des questions qui fâchent. Lisez plutôt !

 

Le Pays : Où en est-on avec la grève des inspecteurs de travail ?

 

Koudbi  Sinaré: Depuis un certain temps, le Syndicat national des inspecteurs et contrôleurs de travail (SYNACIT) est en mouvement répété par rapport à un certain nombre de préoccupations. Il y a essentiellement quatre préoccupations. Dans la première, ils demandent à bénéficier des avantages des inspecteurs et contrôleurs de travail tels que prévus par le Code du travail, c’est-à-dire les prestations en nature. La deuxième préoccupation concerne l’agression d’un des leurs en 2013, qui allait remettre une convocation à un employeur. Cette agression a fait l’objet d’une plainte du ministre de l’époque, mais depuis lors, le dossier n’est pas encore vidé. Pour la troisième préoccupation, les inspecteurs et contrôleurs de travail estiment qu’au vu des textes internationaux, ils ont droit à un statut particulier. Enfin, la dernière préoccupation porte sur l’organisation annuelle d’une conférence des inspecteurs et contrôleurs de travail.

 

Quel traitement le ministère a-t-il réservé à chacune de ces revendications ?

 

Par rapport aux prestations en nature, le Code du travail dans son article 392, dit que les prestations en nature des inspecteurs et contrôleurs de travail, sont fixées par voie réglementaire. Mais aucun texte n’avait fixé les prestations en nature comme prévues dans le code. En 2015, sous la Transition, le gouvernement a signé un arrêté conjoint des ministres chargés des Finances et du Travail, fixant les avantages en nature. En 2015, il y a eu un début d’exécution qui se poursuit en 2016. Parmi les avantages en nature fixés, certains sont déjà servis, tels que le carburant, les téléphones portables, les unités de téléphonie. Maintenant, d’autres préoccupations sont en suspens, notamment la dotation en tenue vestimentaire, la dotation en équipements de travail, la dotation en kits documentaires et celle en ordinateurs portables. Voilà les avantages non encore servis. Il faut noter que c’est de façon progressive qu’on met en œuvre les avantages. Et on est en train de voir dans quelle mesure mettre en œuvre la dotation en tenue vestimentaire. A ce sujet, un arrêté du ministre a déjà été signé pour les modalités, et maintenant, c’est une question d’exécution budgétaire qui est en bonne voie. Nous avons aussi engagé les procédures pour l’acquisition de kits documentaires. C’est ce que la dotation budgétaire du ministère permet de faire.  Maintenant, pour la question des ordinateurs portables, le budget de 2016 ne permet pas le  mettre en œuvre.

 

Et les autres points de revendication toujours en suspens ?

 

Par rapport au dossier en justice, il a été programmé pour être jugé le 19 août dernier. Les inspecteurs et contrôleurs de travail se sont mobilisés  pour aller assister au procès. Malheureusement, l’autre partie n’était pas venue. Donc, le dossier a été renvoyé mais on espère qu’il connaîtra un jugement. L’autre dossier, c’est la conférence des inspecteurs et contrôleurs de travail. Le ministre a marqué son accord pour sa tenue et un comité a été mis en place pour élaborer les documents préparatoires. Ces documents ont été produits et il reste à organiser l’activité d’ici la fin de l’année si la disponibilité budgétaire le permet. Le dernier point en suspens-statut particulier- n’a pas connu beaucoup d’avancées.  Le ministre a montré sa disponibilité à examiner le dossier pour le transmettre aux instances habilitées. Comme il est venu trouver le dossier en cours, il a demandé qu’on puisse mettre en place un comité pour lui faire le point de la situation. Le travail a été fait et les propositions ont été transmises au ministre qui envisage une réunion aujourd’hui autour de ce dossier. C’est donc un dossier en cours de traitement.

 

A vous écouter, beaucoup de choses sont faites dans le sens de répondre aux revendications des inspecteurs et contrôleurs de travail. Pourquoi le mouvement ne cesse-t-il pas ?

 

Ils estiment qu’il y a de la lenteur dans le traitement des dossiers et ils veulent que les choses soient accélérées. Quand vous prenez l’exemple de la dotation en tenue vestimentaire, l’arrêté signé prévoit que c’est dans le courant du premier semestre, que cela doit être fait et à défaut, une compensation financière. Le premier semestre a expiré  et ce n’est pas encore fait.

 

Cela voudrait-il dire que les inspecteurs et contrôleurs de travail réclament leurs « sous » ?

 

En tout cas, ils veulent qu’on exécute l’arrêté, c’est-à-dire, leur donner des tenues et à défaut, une compensation en espèces. Selon l’arrêté, on doit leur donner l’argent.

 

A combien peut-on évaluer le montant de la somme que le ministère doit leur verser ?

 

Je ne peux pas vraiment vous communiquer un chiffre. Je n’ai pas ce montant en tête.

 

Est-ce que le ministère a suffisamment les « reins solides » pour leur donner la somme indiquée ?

 

C’est une question de déblocage. Nous avons adressé une correspondance au ministère des Finances pour avoir le déblocage de cette ligne. Nous avons une réponse et il ne reste que l’exécution budgétaire.

 

Quelles sont les conséquences de la grève des inspecteurs et contrôleurs de travail ?

 

Les conséquences sont énormes. Si on considère que les inspecteurs et contrôleurs sont ceux-là mêmes qui sont chargés de concilier les différentes parties quand il y a     un différend de travail, ce n’est pas facile que ces acteurs se retrouvent dans une situation pareille de grève. Ils le disent eux-mêmes : «  Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’ils sont sur le terrain, en train de faire grève ».

 

Est-ce à dire que les « conciliateurs » sont devenus des « bagarreurs » ?

 

Ce ne sont pas des « bagarreurs ». Ils revendiquent des droits. Ils disent être gênés par la grève mais ils disent être obligés de descendre dans l’arène pour pousser le gouvernement à réagir. Donc, leur image de « conciliateurs » est en jeu. Deuxième conséquence : aujourd’hui, il y a un certain nombre de dossiers de travail qui sont sur leurs tables et ces dossiers sont bloqués.

 

Dans quels délais peut-on en finir avec la grève ?

 

C’est aux grévistes de vous dire dans quels délais cela peut prendre fin. Comme déjà souligné, il y a des points de revendications qui ont été satisfaits ; d’autres sont en traitement. C’est seulement le dossier de dotation en ordinateurs portables qui n’a pas connu d’avancées significatives.

 

A titre personnel, que pensez-vous des revendications tous azimuts de statuts particuliers dans la Fonction publique ?

 

Il y a plusieurs emplois qui demandent effectivement des statuts particuliers. Ce n’est pas propre aux inspecteurs et contrôleurs de travail. En fait, ce  ne sont pas des statuts particuliers que les gens veulent. Dans la loi 081, en lieu et place des textes d’organisation des emplois spécifiques, il est prévu l’élaboration de statuts particuliers. En fait, les gens veulent des statuts autonomes  et c’est dire qu’ils veulent sortir du statut général de la Fonction publique pour avoir un statut autonome à eux, tout comme les corps paramilitaires aujourd’hui et le personnel de la Justice.

 

Est-ce à dire que les statuts particuliers donnent beaucoup plus d’avantages que le statut général ?

 

Malheureusement, c’est ce qui a été constaté et c’est ce qui est regrettable. Le statut autonome devrait viser à règlementer un emploi qui est spécifique par rapport aux autres emplois. Il y a le statut général mais il y a des domaines qui demandent une règlementation particulière. Malheureusement, quand les gens demandent les statuts particuliers, ce n’est pas pour réglementer forcément l’emploi qui est spécifique, mais ce statut est lié à une grille particulière de rémunération. Naturellement, en termes d’équité, chacun veut voir sa situation améliorée. Personnellement, je crois que pour permettre les statuts particuliers, il faut que les agents publics soient traités de façon équitable en termes par exemple de traitement salarial. Maintenant, certaines spécificités peuvent faire la différence. A titre d’exemple, à diplôme égal, on devrait avoir le même traitement salarial. Malheureusement, les statuts autonomes qui ont été élaborés jusqu’à maintenant, ont consacré des grilles à part.  Cela incite tout le monde à revendiquer le statut particulier.

 

N’est-ce pas l’Etat qui a prêté le flanc ?

 

Je ne le pense pas. Il y a un certain nombre de revendications qui ont abouti à la situation actuelle. Il y a eu certainement des moments de faiblesse de l’Etat et qui ont certainement été exploités pour arriver à des statuts particuliers.

 

En termes de perspectives, que faut-il faire pour les demandes de statuts particuliers ?

 

Aujourd’hui, tous ceux qui revendiquent des statuts particuliers visent la rémunération. Si on pouvait permettre à tous les agents d’être rémunérés au même niveau, le statut particulier pourrait servir à réglementer un domaine très particulier. Il faut qu’à un moment donné, on puisse rétablir l’équité et mettre fin à ces mouvements qui sont annoncés.

 

Certains proposent la tenue des états généraux de la Fonction publique pour discuter sur les sujets à même de mettre fin aux revendications des statuts particuliers. Quel est votre avis sur la question ?

 

Si c’est cette démarche qui va résoudre le problème, je n’y vois aucun inconvénient. Il faut effectivement qu’on arrive à mettre à plat toutes ces questions pour parvenir à une solution acceptable. Au-delà même des revendications, c’est toute la capacité budgétaire qui est posée. Aujourd’hui, quand on écoute les acteurs des finances, ils disent qu’en termes de gestion de ratio budgétaire, surtout au niveau sous-régional, il est préconisé qu’on ne dépasse pas 35% des recettes propres en termes de salaires. Mais ils nous indiquent que nous sommes très largement au-delà de ces 35%. On frôlerait les 50% ; cela veut dire que la moitié  du budget est consacrée à payer des salaires. Il faut donc soustraire dans les autres 50% restants, pour assurer le fonctionnement de l’Etat – les acquisitions de matériels, les biens et services -, la gestion de la dette, de l’intérêt, du capital et des engagements internationaux. De ce fait, il va rester peu de choses pour l’investissement qui est au cœur même du développement.

 

Propos recueillis par Michel NANA

 

Légende

 

 Koudbi Sinaré, Sécretaire général du ministère de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale


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