HomeRencontreLAMOUSSA KADENZA, RESPONSABLE REGIONAL DU MBDHP/DEDOUGOU : « Si on a transgressé les coutumes, alors, qu’on nous dise en quoi cela a consisté »

LAMOUSSA KADENZA, RESPONSABLE REGIONAL DU MBDHP/DEDOUGOU : « Si on a transgressé les coutumes, alors, qu’on nous dise en quoi cela a consisté »


Lamoussa Kadenza, responsable régional du MBDHP/Dédougou, accusé d’avoir transgressé la coutume, avait été chassé de la ville par le chef de canton. Après moult négociations avec le gouvernement, ce dernier est revenu sur sa décision, autorisant Lamoussa Kadenza à regagner Dédougou. Joint au téléphone le 9 mai 2016, le militant du MBDHP nous explique comment il a vécu cette situation. Lisez plutôt !

 

Pouvez-vous nous dire ce qui s’est passé vous concernant à Dédougou ?

 

Aux environs de 8h 30mn, hier matin (ndlr 8 mai), j’ai reçu un coup de fil m’invitant à la maison sous le prétexte que le chef de canton m’attendait. Je suis donc revenu à la maison. C’est alors que j’ai constaté la présence d’une centaine de personnes. Ils sont descendus d’un camion et m’ont encerclé. Celui qui conduisait la mission, un enseignant du nom de Dayo Kani, m’a dit qu’en réalité, le chef dit de ramasser mes bagages et de quitter la ville.  Il m’a demandé d’accompagner ceux qui étaient là pour qu’ils ramassent mes bagages en ma présence.

 

Et pour quelle raison ?

 

Les raisons, il ne me les a pas données. Ils ont donc ramassé mes bagages. Je n’y ai pas assisté puisqu’ils sont venus de la part du chef. Je n’avais donc pas besoin d’assister au ramassage de mes bagages. Ils ont voulu me contraindre à monter dans le camion, mais j’ai décliné l’offre et je suis allé avec mon véhicule. Je roulais devant le camion. Arrivé au niveau du poste de gendarmerie, j’ai bifurqué pour aller à la brigade territoriale de gendarmerie pour signaler ce qui était en train de se passer. Ils ne m’ont pas laissé accéder aux pandores, bien qu’ils fussent à environ 3 mètres de moi. Eux-mêmes ont demandé de m’amener. C’est ainsi que j’ai été embarqué dans le camion, me contraignant à les suivre. Ils m’ont conduit à 25 km de Dédougou et ont débarqué mes bagages en pleine brousse.

 

Que s’est-il passé par la suite ?

 

Mes camarades m’ont rejoint et nous avons passé la nuit sur place.

Le gouverneur m’a annoncé que le nécessaire avait été fait et que je pouvais rentrer. Il y avait des manifestations en ville. Il y a certains religieux qui m’ont appelé tôt ce matin pour m’inviter à rentrer afin que le calme revienne en ville.

 

Que vous reproche-t-on exactement ?

 

Le chef ne m’a pas dit explicitement ce qu’il me reproche, mais j’imagine que c’est lié aux enquêtes sur le décès dans des conditions troublantes à la gendarmerie, du regretté Salif Bokoum, le chauffeur de 31 ans qui était détenu pour une question de vol. Je crois qu’il a séjourné au poste pendant quelques jours. Quand il n’allait pas bien, les gendarmes l’ont conduit à l’infirmerie du camp, puis au CHR où il a succombé. Ceux qui l’ont assisté ont constaté que son cou était gonflé, de même qu’un côté de la tête. Ses selles étaient également ensanglantées.

 

Quel rôle avez-vous joué dans cette affaire ?

 

En tant qu’organisation de défense des droits humains, nous avons été saisis par la famille et nous avons demandé à ce qu’il y ait une autopsie. Finalement, le corps a été transféré à Ouagadougou pour l’autopsie et nous attendons les résultats. Comme ils ont voulu enterrer le défunt à la sauvette, des jeunes se sont interposés. Nous étions également d’avis qu’une enquête était nécessaire. Ce sont ces raisons, à mon avis, qui font que le chef a une dent contre moi.

 

Vous êtes accusé d’avoir enfreint les coutumes de la localité. Quel commentaire faites-vous ?

 

Je ne sais pas quelle coutume j’ai transgressé. C’est là aussi la difficulté.

 

On vous a également demandé de poser un certain nombre d’actes pour réparer les torts que vous avez commis mais vous ne l’avez pas fait. Est-ce vrai ?

 

Pour nous, c’est une atteinte au droit de manifester. En réalité, leur objectif est de nous empêcher de mener nos activités. Ils disent que pendant l’insurrection, le marché a été fermé et l’activité économique stoppée et qu’on doit faire des sacrifices. Chaque fois que le marché est fermé et que l’activité économique est stoppée, des sacrifices doivent être faits. Nous, nous ne pouvons pas rentrer dans cette logique. Le droit de manifester est reconnu. A quel titre nous dira-t-on de ne pas manifester ?

S’ils disent qu’on a transgressé les coutumes, qu’ils disent à quel moment nous l’avons fait et en quoi cela a consisté. Ce que je sais, c’est que chaque fois que le marché est fermé, il faut faire des sacrifices. Ce qui est intolérable.

 

Depuis lors, n’avez-vous pas eu de contact avec le chef ?

 

Non. Mais on s’est vu il y a quelque temps parce qu’il a fait démolir la maison de quelqu’un il y a environ un mois. Nous sommes allés le voir après avoir été saisis par l’infortuné et nous lui avons demandé d’arranger le bien détruit. Il a promis de le faire et a fait des propositions de nouvel espace pour celui dont la maison a été détruite. Il se trouve que le lieu qu’il a indiqué est une réserve administrative. Il s’est donc engagé à trouver un nouvel espace pour l’infortuné dont il a fait détruire la maison. On s’est donc vu il y a à peine un mois, mais il ne m’a pas dit que j’avais transgressé la coutume.

 

Où êtes-vous actuellement ?

 

A Dédougou. J’ai été accueilli par les populations qui m’ont conduit chez moi. Je suis présentement à l’abri. Ma famille  est avec moi.

 

Quelle est la suite des évènements ?

 

Je pense que les jours à venir nous le diront.

 

Propos retranscrits par Thierry Sami SOU


Comments
  • Nous attendons maintenant les versions du chef et de la gendarmerie. Allons seulement, courage à vous.

    10 mai 2016

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