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Lassane Savadogo, membre du BEN du MPP


« La création du MPP apparaît comme une délivrance pour la plupart des militants du CDP »

Démissionnaire de première heure du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et actuel secrétaire chargé de l’éducation, de l’emploi et de la formation professionnelle au sein du Bureau exécutif national (BEN) du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Lassané Savadogo, a été convié à prendre part à deux rencontres initiées par les militants MPP des communes de Gourcy et de Bassi dans la province du Zondoma, sa base électorale. C’était au cours du week-end du 8 au 9 février 2014. A l’issue des deux rencontres aux allures de meeting, il a bien voulu échanger avec nous sur la situation politique locale et nationale. Lisez plutôt.

« Le Pays » : En décembre 2012, vous déclariez que lorsque vos convictions ne seront pas en phase avec le parti auquel vous appartenez, vous prendrez la décision qui sied. Est-ce cela qui justifie aujourd’hui votre démission du CDP?

Lassané Savadogo : Naturellement. Personnellement, il y a longtemps que je suis en rupture avec le CDP et c’est avec un plaisir énorme que j’ai assisté à la création du MPP.

Dans une certaine presse, vous aviez également dit que le MPP sera fier de l’accueil, de l’engagement et de la mobilisation de la population du Zondoma. Confirmez-vous ces propos?

Le Zondoma est un fief du MPP et de nombreux faits le prouvent. Des membres de toutes les structures du CDP ainsi que des militants d’autres partis politiques ont rendu leur démission au profit du MPP. Cela témoigne le fait que nous sommes au carrefour de tous les partis politiques. Il est clair que nous sommes de loin la première force politique du Zondoma. Lorsqu’on construit une maison avec de la salive, la rosée la fait tomber. Les méthodes utilisées pour renouveler les structures du CDP au Zondoma frisent le ridicule. Cela s’est fait dans la clandestinité totale. Même étant à l’époque membre du bureau politique du parti, personne ne m’a informé d’un éventuel renouvellement des structures.

Est-il vrai, comme le disent certains de vos anciens camarades, que vous avez soutenu l’opposition lors des élections couplées de 2012? De quelle preuve disposent-ils?

Si je l’avais fait, les résultats auraient été autrement. Notre province est un modèle d’illustration des dérives du SEN du CDP. Lors du choix des candidats pour les législatives, une marche a été orchestrée contre les décisions rendues par le collège d’appréciation et plutôt que de punir les instigateurs de la marche, ce sont ces derniers qui ont été retenus sur les listes du parti. Quant aux municipales, il y a eu un hold-up malheureux concernant la commune de Gourcy. A Saye, mon village, ce sont les populations qui ont décidé librement de ne pas voter l’un des candidats du CDP qui était pressenti pour présider aux destinées de la commune de Bassi. Cela a dû provoquer des frustrations à la hauteur de la déception des uns et des autres. Pour ces élections couplées, je n’ai été informé d’aucune activité durant toute la campagne. Je n’avais aucune raison de battre campagne pour le CDP et également aucune raison de soutenir un autre parti. Je suis resté dans une position de neutralité. Le SEN a ainsi montré son incapacité à gérer le parti et à se mettre au-dessus de l’arbitraire et de l’injustice dans le traitement des différends à l’intérieur du parti. La création du MPP apparaît comme une délivrance pour la plupart des militants du CDP. Nous avons pris l’engagement de bâtir un parti de type nouveau fondé sur la démocratie et le respect du militantisme, non sur le favoritisme.

La révision de l’article 37 de la Constitution et la mise en place du Sénat divisent aujourd’hui les Burkinabè. Quelle appréciation en faites-vous?

Aucune raison ne justifie aujourd’hui la révision de l’article 37. Ailleurs, certaines institutions qui prévoyaient le pouvoir à vie sont en train de se remettre en cause dans la pratique. Toute chose qui tend vers la limitation des mandats de ceux dont les mandats étaient illimités. N’est-il pas paradoxal que dans une république, système dans lequel le pouvoir est temporel, que l’on cherche à avoir des mandats à vie. Ne sommes-nous pas en train de reculer? Pour ce qui concerne le Sénat, j’étais pour le principe de sa mise en place en tant que député CDP en son temps. Les autres aspects liés à la mise en œuvre pratique se situent au niveau de la loi organique votée par la législature actuelle. Et c’est à ce niveau que se situe le problème. D’abord la répartition entre les sénateurs élus et ceux nommés. Dans la plupart des régions, les sénateurs élus sont du CDP. C’est le cas, par exemple, de la région du Nord. Pensez-vous vraiment que le CDP est habilité à représenter toutes les sensibilités politiques de la région? Cela est inadmissible. Dans une démocratie représentative, si vous avez une chambre du Parlement dont la composition ne reflète pas la diversité politique au plan national, cela pose problème. Aussi, il y a eu un déficit de communication là-dessus. Le gouvernement n’a pas été à mesure de convaincre l’opinion par rapport à l’utilité de cette institution. L’idée selon laquelle le Sénat est inutile a devancé et convaincu de nombreux Burkinabè. Par conséquent, le Sénat devient une institution qui divise dangereusement et pernicieusement notre peuple et menace la démocratie. La sagesse recommande alors que l’on sursoie à sa mise en place. Le Sénat n’est pas une nécessité de l’heure. Il pourrait être envisagé dans un avenir plus ou moins lointain si toutefois les conditions sont réunies. La révision de l’article 37 comme la mise en place du Sénat doivent être une plus-value pour notre démocratie et non un facteur de déstabilisation de notre République.

Un dernier mot?

Le Nord est l’une des régions où la culture politique des populations est élevée. Sur le terrain, la distance entre le citoyen intellectuel et le rural paysan est en train de se réduire considérablement. Cela est à l’honneur des médias. Je voudrais saisir l’occasion pour adresser mes sincères encouragements aux journalistes pour le formidable travail qu’ils abattent tous les jours.
Propos recueillis par P. B. Winninmi ILBOUDO (Correspondant)

Lassané Savadogo, membre du BEN du MPP : « Nous avons pris l’engagement de bâtir un parti de type nouveau, fondé sur la démocratie et le respect du militantisme, non sur le favoritisme »


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