HomeA la uneLAZARE W. ZOUNGRANA, Secrétaire Général de la Croix-Rouge burkinabè : « De 40 millions, la subvention de l’Etat est passée à 20 millions de F CFA»

LAZARE W. ZOUNGRANA, Secrétaire Général de la Croix-Rouge burkinabè : « De 40 millions, la subvention de l’Etat est passée à 20 millions de F CFA»


 

 

Créée le 31 Juillet 1961 sur la base des conventions de Genève et des protocoles additionnels auxquels le Burkina Faso est partie prenante,  la Croix-Rouge burkinabè (CRB) est une institution humanitaire reconnue par les autorités nationales et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. Elle a été  reconnue  le 9 Juillet 1962, par le gouvernement du Burkina Faso comme société de secours volontaire, autonome et auxiliaire des pouvoirs publics.
Membre de la grande famille du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant rouge, elle a pour objectifs, entre autres,    d’œuvrer au respect de la dignité humaine, de prévenir et alléger les souffrances des hommes sans aucune distinction en tout temps et en tout lieu, d’améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables.  Pour comprendre son mode de fonctionnement, ses sources de financement, nous avons rencontré le  Secrétaire général de la Croix-Rouge burkinabè,  Lazare W. Zoungrana. Lisez-plutôt.

 

Le Pays : Comment va la Croix-Rouge burkinabè ?

 

 La Croix-Rouge burkinabè  se porte  toujours en fonction de l’état de la situation humanitaire au Burkina. Nous pouvons dire  que la Croix- Rouge burkinabè est dans une situation d’accalmie qui lui permet de mieux se

préparer pour intervenir lors  des situations d’urgence.  Même dans ce temps d’accalmie, il est  important  de maintenir la bonne visibilité de notre outil de travail qu’est la croix rouge sur un fond blanc.  Je peux dire en résumé que la Croix- Rouge sur fond blanc se porte bien.  Notre  mission, c’est de maintenir la rougeur de la Croix- Rouge et le fond blanc de la Croix- Rouge.

 

Quelles sont les relations entre la Croix- Rouge burkinabè et le Comité international de la Croix- Rouge ?

 

 Nous sommes des éléments d’une même famille.  C’est le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui a   3 catégories de composantes.  Il n’y a pas une hiérarchisation quelconque. C’est le Comité international de la Croix-Rouge qui a vu le jour  dans les années 1863.  Il y a également la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui a été fondée en 1919 et vous  avez les sociétés  nationales de Croix-Rouge et de Croissant- Rouge dont les toutes premières ont vu le jour dans les années 1863.  Nous avons des relations de collaboration avec le comité international de la Croix-Rouge tout comme nous avons des relations de collaboration avec la Fédération internationale des sociétés de

Croix-Rouge et de Croissant- Rouge. Nous avons aussi des relations de collaboration avec les sociétés nationales  de Croissant-Rouge avec lesquelles nous menons un certain nombre d’activités humanitaires au profit des sociétés burkinabè qui sont vulnérables.

 

 Quel est le bilan des activités  que votre structure a menées l’année dernière ?

 

  Pour une société qui se porte bien, elle doit axer  ses activités  sur les besoins essentiels des populations les plus  vulnérables du pays. C’est pour cette raison qu’il faut faire  une distinction entre ce que nous faisons en temps de paix. C’est  tout ce qui rassemble ce que nous appelons les activités de développement et ce que nous faisons  dans le cadre des urgences.   C’est-à-dire les inondations et  les conflits.  Pour l’année 2016, nous avons mené beaucoup d’activités de développement en faveur des communautés du Burkina. Nous avons aussi mené des activités d’urgence.   Notre année a commencé dans le contexte des attaques terroristes du café Cappuccino et de Splendid Hôtel qui ont fait beaucoup de victimes. Au cours de cette situation malheureuse, la Croix -Rouge burkinabè a travaillé  étroitement avec les autorités compétentes pour porter les premiers secours aux victimes de cette situation.  Nous sommes restés  en relation  avec les centres  hospitaliers pour continuer à soutenir la prise en charge des victimes.  L’année  2016 a connu des élections municipales.  Au cours de ces élections, les choses ne se sont pas passées partout dans la paix.  Il y a eu des violences  post-électorales. A Karangasso Vigué, il y a eu des affrontements qui ont fait des victimes. La Croix-Rouge burkinabè, en relation avec le Comité international de la Croix-Rouge, a essayé d’apporter un soutien aux victimes au niveau de cette localité.  L’année 2016 a connu également des inondations à Ouagadougou et dans d’autres provinces.  Lors de ces situations d’urgence, la Croix-Rouge a mobilisé ses volontaires    et  ses partenaires pour apporter son assistance aux victimes.  C’est ce qui a été fait à Ouagadougou, Komsilga et  Tanghin Dassouri. C’est  une année également qui a connu pas mal de difficultés, notamment les déplacés de Bouna.  Quand il y a eu ces affrontements sur le territoire ivoirien, il y a eu un retour de Burkinabè et  ces derniers ont été accueillis à la frontière, notamment dans  la province du Noumbiel. Et là, la Croix- Rouge, en collaboration avec  l’UNICEF, a assisté les victimes, notamment les enfants qui font partie des groupes les plus vulnérables.    Je dois dire que ces assistances se poursuivent. Ebola a  été une situation qui a alarmé le pays et même toute l’Afrique de l’Ouest.  Nous avions  des craintes  en son temps, que des pays comme le Burkina qui sont des pays-carrefours soient, à leur tour, affectés par  cette  situation. Dans la prévention contre cette maladie,  nous avons bénéficié d’un financement de l’Union européenne et également de Echo. Nous avons travaillé à renforcer les capacités d’intervention de la Croix-Rouge sur le  territoire national.  Nous sommes intervenus pour  contribuer   à mieux préparer le ministère de la Santé à faire face à d’éventuelles situations d’épidémies au Burkina.  Ce  qui  a permis de mettre en place un centre de traitement contre  Ebola mais qui, plus tard,  a connu des évolutions. Il y a également des acquis du point de vue de la formation du personnel de santé, à tous les niveaux, pour la prise en charge d’éventuels cas.   C’est important de se préparer conséquemment  en dehors de crise,  de manière à ce qu’en situation de crise nous puissions mieux les aborder et minimiser les conséquences  humanitaires.  La Croix-Rouge burkinabè a été, depuis de longues années, aux côtés du Centre national de transfusion sanguine pour mobiliser les donneurs de sang.  Nous avons  également noté  une campagne de dépistage sur  la drépanocytose  qui a permis, de façon assez anticipée,  à des familles, de connaître l’état de santé de leurs enfants. Ce qui peut permettre une meilleure prise en charge pour éviter des complications qui peuvent s’ensuivre.  Mais nous avons ciblé les orphelinats parce que nous travaillons toujours aux côtés des groupes les plus vulnérables.  Je peux aussi  parler de ce que nous faisons au quotidien, que ce soit à Ouagadougou ou dans les autres provinces. Bobo-Dioulasso va connaître la réouverture de notre centre de santé.  A Ouagadougou, nous avons notre propre  centre de santé pour contribuer à l’offre de soins pour les populations  du quartier où se trouve le  siège de la Croix-Rouge burkinabè.  Dans le domaine des urgences,  c’est ce que nous avons mené comme activités.  Ce sont des activités que nous ne voudrions pas voir arriver, mais on ne  peut s’empêcher, sur cette planète, d’éviter qu’il y ait des catastrophes  naturelles ou provoquées. Alors il  faut qu’il y ait des gens  comme les structures  humanitaires, pour s’occuper de ces questions. Malheureusement, le Burkina Faso  en a connu au cours de l’année 2016, et nous espérons que  les années à venir, nous allons vivre une situation  de paix qui permettra aux populations de mieux s’épanouir. En dehors de ces situations  d’urgence, nous avons des projets de développement qui sont rentrés dans la pratique  de la Croix-Rouge. En dehors des situations de conflit armé, il y a des populations qui vivent dans la précarité. Il faut amener ces populations à lutter contre certains maux, notamment à lutter contre la pauvreté, les emmener à dominer certaines difficultés liées à l’environnement pour que  ce soit des populations mieux résilientes.   Dans ce domaine,  il y a des projets  que  nous avons pu mettre en place,  notamment des projets dans les domaines de  l’eau, de  l’hygiène  et  de l’assainissement que nous menons en collaboration avec beaucoup de  nos partenaires.  Il y a aussi des projets de sécurité alimentaire.  Dans le domaine  de la sécurité alimentaire,  nous avons réalisé des projets en collaboration avec le Comité international de la Croix-Rouge. Je peux citer par exemple,  les vaccinations  que nous avons réalisées au profit des  populations autochtones et réfugiées dans la province de l’Oudalan. Il faut aider les populations à sauvegarder leurs moyens de subsistance. Nous avons également mené un projet que nous avons appelé crise complexe. Là, nous avons apporté des soutiens aux populations pour améliorer leurs conditions de vie. Cela nous a permis de leur offrir  de l’argent pour acquérir de petits  ruminants pour faire de l’élevage, étant donné que  c’est une zone pastorale. Il est important que nous puissions   bâtir notre action sur ce que ces populations savent déjà faire.  Il y a aussi les groupements féminins que nous soutenons dans la province du Ziro et de la Sissili,  pour la production maraîchère et la transformation du beurre de karité. Toutes ces choses sont déjà des activités menées par les  populations qui avaient besoin d’un soutien  pour améliorer la productivité de leurs activités et cela permet de lutter contre  la pauvreté et d’amener  ces populations vulnérables à avoir les moyens d’assurer leur vie au quotidien.  La  Croix-Rouge n’est pas seulement que projets.  Il faut travailler à sensibiliser les populations sur  le mandat de la Croix-Rouge. Et c’est ce que nous faisons, à travers la promotion des  principes et   valeurs humanitaires du Mouvement international de  la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.   C’est d’ailleurs cela qui nous a permis, dans les situations d’urgence, d’être compris par l’ensemble des acteurs. Quand notre pays a traversé  des moments difficiles  en 2014 et même après,  les volontaires  de la Croix- Rouge ont pu circuler librement pour apporter leur assistance  aux victimes parce que les populations  savaient déjà, avant cette situation d’urgence,  ce que c’est que la Croix-Rouge.   Pour l’année 2016, nous avons ciblé les leaders d’opinion et les leaders politiques. C’était des activités de sensibilisation et d’information  sur le droit international humanitaire (DIH) et sur le mandat de la Croix- Rouge en direction des conseillers  municipaux qui venaient d’être élus.  Cela  a permis à ces derniers de mieux connaître la Croix- Rouge. Généralement, les gens connaissent la Croix- Rouge en partie. Il faut aussi citer la protection et l’éducation des enfants.    La Croix-Rouge est en réalité le bras humanitaire de l’Etat. Pour qu’il y ait une Croix-Rouge, il a fallu que notre

Etat soit partie prenante  des conventions de Genève et accepte la mise en place de la Croix-Rouge dans son pays.  Il  n’y a qu’une seule société nationale de Croix-Rouge dans chaque  pays.  Ça peut être une croix rouge sur fond blanc  ou le croissant en fonction des choix des pays. Nous  sommes auxiliaires des pouvoirs publics. La Croix- Rouge existe depuis plus de 50 ans.  Elle s’est trouvée à un moment donné  où  l’Etat n’était  pas en mesure d’assurer  un certain nombre de  choses.  En tant qu’auxiliaires,  nous sommes rentrés dans ces secteurs pour apporter  un appui à l’Etat. Dans le domaine de l’éducation, il y a de longues années que la  Croix-Rouge a apporté sa contribution par rapport à l’offre éducationnelle. Cela se  passe à travers la petite enfance, la maternelle et les écoles primaires.  Nous maintenons ce que nous faisons dans le domaine de l’éducation et je crois que c’est une bonne chose  que de  participer à cette offre éducationnelle  des  populations, à travers les jardins d’enfants que nous  avons.  Il y a  aussi des projets que nous menons dans le domaine de la lutte contre  l’exploitation et la traite des enfants.  C’est un phénomène que beaucoup de pays de l’Afrique de l’Ouest connaissent. La Croix- Rouge a vu que c’était un secteur inexploré. Et les enfants sont vulnérables. Les   tout-premiers projets ont été réalisés avec notre  partenaire  qu’est la Croix-Rouge espagnole. Nous avons lutté efficacement, avec les services de l’Etat, à décourager l’exploitation des enfants. Nous avons eu un projet appelé Les enfants de la rue.  Cela a permis de réinsérer beaucoup d’enfants touchés par ce phénomène, dans  les secteurs social et économique. Il y en a même qui ont rejoint le secteur éducatif  et qui, aujourd’hui, sont  devenus des responsables et occupent  des postes de responsabilités dans l’administration burkinabè. Il y a ce que nous appelons l’encadrement de la petite enfance dans les situations d’urgence. Par exemple, les enfants des réfugiés du Mali sur le site de Goudebou, n’ont pas les mêmes besoins que les adultes. Voilà de façon non exhaustive, ce que je peux dire par rapport à ce que nous faisons.  Je n’ai fait  que résumer parce que nous ne pouvons pas parler de tout ce que la Croix-Rouge fait, dans le cadre d’une interview.

 

  A quel besoin répond l’approche intégrée des projets  vers lesquels vous évoluez ?  

 

Disons qu’il est important pour nous  de recentrer  notre manière de faire pour être davantage efficaces, être  davantage pertinents et être davantage efficients.  La réflexion est menée aussi sur le plan international,  pour voir comment assurer  la continuité entre le développement et l’urgence.  Nous voulons faire en sorte que si nous décidons d’intervenir dans une localité, nous soyons en mesure de déterminer réellement notre apport.  Sinon, par le passé, nous apportions une contribution.  Aujourd’hui, nous  ne parlons plus en termes de contribution.

 

Un plan stratégique 2016-2020

 

Cela veut dire  que si nous menons un projet,  nous devons faire en sorte   d’atteindre l’objectif que nous nous sommes fixés, même s’il n’y a pas d’autres partenaires qui interviennent dans le même  domaine. Nous voulons avoir un paquet d’activités.  Si nous intervenons dans le « Wash » et qu’il y a d’autres points  de vulnérabilité dans la population, que nous soyons en mesure de trouver des solutions à ces problèmes.   De manière à ce qu’à un moment donné,  si nous prenons  la population cible, nous soyons en mesure de déterminer le degré d’atteinte de la mise en œuvre de ce  projet.  C’est pour dire que ce n’est plus une question pour nous d’intervenir sur un volet,  mais c’est  de voir dans la communauté, quels sont les problèmes humanitaires auxquels  ces populations sont confrontées et de pouvoir  intervenir sur chaque volet de ces problèmes.  C’est donc une pluralité d’activités qui vont répondre  à plusieurs problèmes à la fois.

 

 Votre vision stratégique s’articule autour de 8 objectifs stratégiques. Comment comptez-vous les atteindre ?

 

 Nous sommes dans un domaine assez sensible.  La Croix-Rouge  est un label. C’est une des grandes organisations humanitaires au monde.  Nous, en tant que membres, nous avons le devoir de maintenir ce label de manière à ce que le mouvement, de façon globale,  puisse atteindre sa mission et son mandat.  Si nous sommes professionnels de l’humanitaire et   reconnus comme tels sur le plan international, il faut qu’au niveau local, ce professionnalisme nous soit reconnu.  Pour cela, nous avons la tradition de la planification.  Nous avons fini une planification  stratégique en 2015,  et immédiatement, nous avons élaboré notre Plan stratégique 2016-2020.  C’est dire  qu’à partir de maintenant, nous savons où nous  sommes et où nous voulons arriver. D’où l’idée de cette vision que nous avons.  Cette vision, c’est de bâtir une société nationale performante, capable de prévenir et de répondre promptement aux situations d’urgence et de  soutenir le développement durable des communautés vulnérables. La notion de société nationale performante touche plusieurs domaines, notamment le volet organisationnel et le volet institutionnel.  Si vous avez un ancrage institutionnel et reconnu comme tel,  cela vous permet d’avoir du crédit auprès de l’ensemble  des autres acteurs parce qu’on ne peut pas prétendre tout faire seul.  C’est dans le cadre des partenariats que nous pouvons avoir des résultats.  Même dans cette  approche  de projets intégrés, cela ne veut pas dire que c’est seulement la Croix-Rouge qui va intervenir. Mais nous pouvons être en mesure d’intéresser d’autres partenaires à d’autres  volets  pour qu’ensemble, nous puissions mener  des paquets d’activités permettant de dire que  nous avons pris en compte tous les besoins humanitaires essentiels  des communautés.  Ces 8 objectifs que nous avons fixés, sont des objectifs atteignables.  Atteignables dans le cadre de la dynamisation du partenariat avec  les sociétés nationales qui sont des composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, avec le CICR et la Fédération. Mais à l’extérieur du mouvement, nous avons un premier partenaire de taille qui est le gouvernement avec lequel nous devons travailler.  Nous avons d’autres partenaires, en plus du gouvernement.  Nous devons  nous projeter dans ce partenariat public- privé pour nous attaquer aux problèmes humanitaires. Ce n’est pas seulement dans le domaine économique qu’on doit parler de partenariat gagnant-gagnant ou public- privé.  Aujourd’hui, nous sommes  face à  des problèmes grandissants, sur le plan humanitaire.   Il est nécessaire que tous les acteurs se mettent ensemble. C’est  à ce prix que nous serons en mesure de résoudre les problèmes humanitaires auxquels  les populations sont confrontées.  Nous  avons foi en la vision. Nous allons travailler à rendre notre société nationale  performante.  Ce qui nous emmène à mettre un accent particulier sur la question de la  résilience.

 Il ne faut pas toujours attendre que les crises arrivent et que les populations soient plongées dans des problèmes  avant de commencer à intervenir.  Si nous sommes en temps de paix,  et que  nous avons une analyse très poussée par rapport aux milieux dans lesquels les populations évoluent,  et les problèmes auxquels ces populations sont confrontées,  ce que nous  appelons la population à risque ou les zones à risques, nous devons  être en mesure  de nouer un partenariat avec la population.   Nous voulons, avec les communautés à la base, travailler à  prévenir les risques de catastrophes et les risques d’urgence.

 

La Croix-Rouge est une organisation très riche

 

Nous voulons également soutenir le développement durable.  Nous sommes sûrs que dans un cadre de partenariat dynamique public-privé, nous sommes en mesure d’assurer ce développement durable. Tout dépend de là où nous voulons commencer les choses.  Maintenant, il y a un travail de sensibilisation à faire.  Il y a un travail à faire pour le changement de mentalités, de manière à ce que  des mentalités bien préparées puissent accompagner des populations bien préparées. Ce qui nous permettra d’avoir des populations bien résilientes et dans les années  à venir, de regarder les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

 

En terme de performances, est-ce que la Croix-Rouge  burkinabè occupe un rang honorable parmi  les  sociétés  nationales de Croix- Rouge de la sous-région ?

 

 C’est une question difficile pour nous. Dans les échanges que nous avons avec les autres, nous recevons les composantes du mouvement, leurs encouragements et félicitations pour ce que nous faisons au Burkina.  Nous ne voulons pas nous comparer à d’autres sociétés nationales   de la Croix-Rouge,   mais nous voulons que notre mouvement soit un mouvement fort, dans le monde entier. Nous n’avons pas de frontières. Nous n’avons qu’une seule communauté humaine. En ce qui concerne le Burkina, nous avons un engagement.   Nous lisons cela  à travers la manière de penser de nos volontaires et leur manière de faire.  Ils sont toujours prompts à se rassembler pour apporter l’assistance humanitaire.  Ce fut  le cas lors de l’attaque du Café Cappuccino.  En 15 minutes, les volontaires  étaient déjà réunis et nous étions sur place pour intervenir avec les autres acteurs.  C’est pour vous montrer à quel point cet engagement est réel.  Du côté des employés, c’est le même engagement humanitaire que les gens ont.  Nous ne pouvons le dire sans noter l’engagement ferme du Conseil d’administration de la Croix-Rouge burkinabè.  Ce sont des personnes très occupées, mais elles sont aux côtés des volontaires et des agents pour que  nous puissions réussir notre mission.  De ce point de vue, nous travaillons à respecter les critères fixés par notre fédération. Je pense que si on doit commencer à compter, nous  ferons partie des premières sociétés nationales  à être retenues comme travaillant à accomplir les critères d’une société nationale qui fonctionne bien. Mais des efforts restent à faire.

 

 Certaines idées reçues  laissent croire que la Croix-Rouge est une organisation très riche. Quelle est la réalité ?

 

 Je dois dire que la Croix-Rouge burkinabè est une organisation très riche.   Riche par rapport à notre engagement humanitaire.  Riche par notre volonté de lutter contre  toutes les souffrances du monde sous toutes leurs formes au Burkina.  C’est ce qui fait que les gens nous voient un peu partout et pensent que nous avons beaucoup d’argent.  Nous ne faisons pas du commerce. Et quelle que soit ta richesse,  à chaque  fois que tu dois enlever pour donner  alors que tu ne gagnes pas   en retour  quelque part un bénéfice  financier, forcément  tu seras toujours confronté à des problèmes financiers.  Mais le plus important pour nous, c’est cette satisfaction morale que nous avons à toujours nous montrer accueillants face  aux personnes vulnérables qui viennent vers nous.   Notre richesse n’est   pas sur le plan financier, mais  se situe sur le plan de notre engagement humanitaire.  Et nous comptons maintenir cette richesse des cœurs.    La plupart de ce que nous avons ici, sont des dons. Il est arrivé que  des partenaires qui ont l’humain en eux, partent dans des morgues aider à préparer les corps  pour les enterrements, pour augmenter  et contribuer aux activités de la Croix- Rouge.  C’est d’abord le cœur qui parle.  Ceux qui reçoivent aussi, savent que c’est de l’argent sacré pour l’humanitaire.

 

 Comment sont financées les activités de la Croix -Rouge  burkinabè?

 

 C’est d’abord l’apport des composantes  du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant- Rouge. Nous avons  des principes fondamentaux qui demandent à ce que nous soyons solidaires. Il y a  des pays qui sont nantis, qui n’ont pas les mêmes problèmes humanitaires que les pays du Sud que nous sommes et  qui travaillent  à mobiliser des ressources  pour venir nous appuyer afin que  puissions être utiles  aux  communautés qui sont en difficulté.  La plus grande contribution vient des composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. C’est pour cela que vous nous voyez souvent avec des partenaires sur le terrain, pour la mise en œuvre des activités.  Nous ne pouvons pas parler de financement sans évoquer ce que l’Etat burkinabè nous apporte.  Dans d’autres pays, ce sont les Etats qui financent les  Croix-Rouge.  Ici, ce sont les partenaires extérieurs qui le font, mais ils veulent voir si l’Etat a de la considération pour sa société nationale.  Nous pouvons parler des autres partenaires qui sont sur place, notamment le système des Nations Unies,  certaines ambassades,  l’Union européenne, ECHO,  l’UNICEF et bien d’autres.  Malgré tout cela, la Croix-Rouge burkinabè développe des initiatives propres, pour avoir une certaine autonomie financière.  Quand nous mettons dans notre vision que nous voulons être une société nationale performante,  nous parlons de notre développement organisationnel et de notre ancrage institutionnel. Il y a des  moments où il faut être souverain dans certaines choses. Nous avons  plus de 50 ans d’existence, mais nous sommes toujours  aidés par l’extérieur.  On ne dit pas qu’on veut se passer entièrement de l’aide, parce qu’il y a  ce frottement des cœurs qui est assez important à nos yeux.  Ce qui est important est que la Croix-Rouge nationale  puisse développer  des initiatives. De par le passé, il y a eu des initiatives, mais elles sont devenues aujourd’hui caduques. Dans le temps, il y avait des bals Croix-Rouge qui étaient organisés et qui donnaient de l’argent aux comités de la Croix-Rouge pour mener  des activités.  On avait aussi, dans certaines localités, des chambres à bas prix, mais cela est dépassé avec le développement de l’hôtellerie.  La plupart des activités que nous menons ne sont plus rentables.  Nous sommes dans le social. Si bien que quand nous voulons  faire quelque chose  d’économique, on est très rapidement rattrapé par le

social.  Avec le dispensaire et le  laboratoire de la Croix-Rouge, nous sommes obligés de pratiquer des prix accessibles aux personnes vulnérables.  Et c’est la même chose pour les écoles.  Mais le plus  important, c’est la vision que la nouvelle équipe a aujourd’hui.  Nous sommes, avec la Croix-Rouge Monégasque, en train de  mettre en place un centre polyvalent  de formation sous-régional. D’ici à septembre, nous  allons finaliser toutes les réalisations.  C’est tout un métier de l’hôtellerie, qui va être développé au sein de ce centre.

 

 Bénéficiez-vous d’un accompagnement de l’Etat ?   Si oui, de quelle nature ?

 

 Nous avons une subvention de l’Etat, mais elle a été diminuée de façon drastique pour ce qui concerne cette année. Nous avons vu que cette diminution a été programmée sur plusieurs années. Comme l’Etat est en train de fonctionner avec l’approche budget- programme, nous avons pu voir cela. C’est un montant qui a été obtenu suite à  de longues luttes.  Quand je parle de  lutte, c’est par rapport aux activités humanitaires réalisées par la Croix-Rouge.

 

Surcharge du travail

 

Chaque année, la subvention de l’Etat était autour de   40 millions de F CFA mais cette année, l’Etat  a donné 20 millions de F CFA.   Nous avons des engagements sur le plan international. Des cotisations par-ci par-là, qui permettent de respecter notre société nationale.   Ce sont les subventions qui nous  aident à assurer un certain nombre d’éléments sur le plan fonctionnement.  Généralement, les financements qui nous viennent des projets,  c’est  d’abord pour les populations bénéficiaires. Ce qui   ne nous permet pas  de soustraire quelque chose pour assurer  notre fonctionnement. C’est pour cela  que nous avons entamé un plaidoyer auprès de notre ministère de tutelle, pour qu’il puisse  porter cette doléance  auprès de qui de droit. De sorte que ce que nous avons obtenu par le  gouvernement, puisse être à sa place, et que le gouvernement, connaissant l’importance de la Croix- Rouge burkinabè dans  l’échiquier humanitaire national, améliore cela pour nous permettre  d’être encore plus performants dans la lutte contre la précarité des populations.

 

 Quelles sont les difficultés que rencontrent les agents de la Croix-Rouge sur le terrain ?

 

 Les agents de la Croix-Rouge sont des humains comme tout le monde.  C’est vrai qu’ils ont reçu une formation, qu’ils savent comment il faut intervenir,  mais  les problèmes auxquels les populations sont confrontées, eux aussi sont confrontés aux mêmes problèmes.  Ce qui est important, c’est que les différents acteurs connaissent ce qu’est  exactement la Croix-Rouge.  Nous ne prenons jamais parti.  Nous  sommes neutres dans ce que nous faisons.  Quelle que soit la cause du problème, nous ne nous ingérons pas dans les hostilités qui existent entre les populations, que ce soit sur le plan politique ou autre.  Notre vision, c’est de pouvoir apporter l’assistance humanitaire aux populations qui en ont besoin.  Il y a aussi la surcharge du travail.  La surcharge du travail constitue l’un  des problèmes qui nous sont souvent remontés par nos  agents sur le terrain. Comme nous-mêmes, au niveau national, nous  sommes sous ce poids de travail, nous savons que ce qu’ils disent est fondé.  Nous avons décidé, dans cette approche intégrée, d’être au niveau communautaire.  Au niveau communautaire, on est vraiment à proximité des vrais problèmes auxquels les populations sont confrontées.

 

Comment   vous positionnez- vous dans ce nouveau contexte de menace extrémiste ?

 

Nous sommes unes organisation humanitaire impartiale, neutre,  ne cherchant seulement qu’accomplir une mission humanitaire au profit de tous les groupes. Nous n’entrons pas dans les qualifications des choses.

 

A quoi faites vous allusion lorsque vous parlez d’usage abusif de l’emblème de la Croix Rouge ?

 

 Les usages de l’emblème sont reconnus par une loi  au Burkina depuis 2003 et cette loi a montré qui peut utiliser l’emblème et dans quelles conditions on peut l’utiliser. Les abus de l’emblème peuvent être situés  à deux niveaux. C’est en temps de paix et en situation d’urgence. En temps de paix, la Croix-Rouge utilise l’emblème pour se  préparer et être à mesure de familiariser ses volontaires à l’utilisation de l’emblème. Il se trouve que  des structures non habilitées par la loi, utilisent l’emblème pour désigner leur commerce.   Pour ces structures, le label Croix-Rouge permet d’accroître  leurs chiffres d’affaires.  Alors que la Croix-Rouge n’a pas été créée pour du commerce, mais pour accéder aux victimes en situation d’urgence.    En temps de paix, tous ceux qui utilisent l’emblème d’une manière ou d’une autre, pour désigner autre chose que ce qui est prévu par la loi, tombent sous le coup de la loi. Et nous luttons  farouchement contre ces abus, parce qu’il ne faudrait pas rendre vulgaire un emblème  qui doit être utilisé en temps d’urgence pour protéger les victimes.  Ce qui veut dire que ce sont les structures et les Hommes qui ont un lien avec la Croix-Rouge, qui doivent pouvoir l’utiliser en temps de paix pour  désigner le personnel et les moyens roulants. Et il y a également les unités sanitaires des Forces armées qui peuvent utiliser l’emblème de la Croix-Rouge sur fond blanc, dans les situations d’urgence. Le deuxième cas d’abus, en dehors de la situation de paix,  c’est  l’utilisation de l’emblème en temps de conflit armé pour tromper la vigilance de l’ennemi.

 

 Quels sont les risques liés à ces abus ?

 

 La loi prévoit des sanctions.  Il y a des sanctions pécuniaires et   des sanctions d’emprisonnement, mais le plus important pour nous, c’est de continuer la sensibilisation.  Il revient à l’Etat de prendre des dispositions pour que la loi votée soit respectée.

 

 Comment devient-on membre de la Croix-Rouge ?

 

Devenir membre de la Croix-Rouge est très simple. La  Croix-Rouge est ouverte à toute personne désireuse de venir  exprimer l’humain qui est en lui, en faveur des groupes les plus vulnérables. Il y a un seul critère, celui de la bonne moralité.  Les adhésions se font auprès des comités provinciaux.  Cela vous donne droit à une carte d’adhésion. Après l’adhésion, vous avez la possibilité  de participer aux activités organisées  au niveau des comités provinciaux et au niveau national.  Il y a des activités de formation, pour permettre aux membres de ne pas  tâtonner sur des cas de secours. 

 

Votre mot de fin ?

 

Ce que je dois dire, c’est que les gens ne doivent pas regarder la Croix-Rouge de loin.  Il faut que les gens sachent que la Croix-Rouge burkinabè est leur société nationale et que chacun, quel que soit son niveau de vulnérabilité ou de confort, doit être utile à son prochain. Vous pouvez faire des actions de bienfaisance dans vos différents quartiers, mais quand on met tout cela  ensemble et que c’est ordonné, cela a beaucoup plus d’impact.

 

Interview réalisée par Issa SIGUIRE

 

 

 


No Comments

Leave A Comment