HomeRencontreLE MEF JEAN GUSTAVE SANON A PROPOS DU PROGRAMME SOCIOECONOMIQUE D’URGENCE: « La sélection des bénéficiaires se fera dans la plus grande transparence et avec la plus grande rigueur »

LE MEF JEAN GUSTAVE SANON A PROPOS DU PROGRAMME SOCIOECONOMIQUE D’URGENCE: « La sélection des bénéficiaires se fera dans la plus grande transparence et avec la plus grande rigueur »


Le Conseil des ministres extraordinaire tenu le 16 mars 2015 a adopté un décret portant création et exécution d’un Programme socioéconomique d’urgence de la transition (PSUT). Ce programme prévoit la création de dix mille unités économiques au profit des jeunes et des femmes et le renforcement des infrastructures éducatives et sanitaires d’un coût global de 25 milliards de F CFA. Pour donner davantage d’explications sur la mise en œuvre de ce programme, le ministre de l’Economie et des finances (MEF), Jean Gustave Sanon, a rencontré la presse le 19 mars 2015, à son cabinet à Ouagadougou. L’occasion faisant le larron, le MEF a aussi abordé la question de la réduction du train de vie de l’Etat et celle du statut administratif des anciens dignitaires du pouvoir. Lisez !

 

Comment se fera concrètement la mise en œuvre du programme ?

Il faut dire que les conditions très précises de la mise en œuvre du programme vont découler du décret. Mais le décret donne déjà un certain nombre d’orientations générales. Ce qu’il faut dire d’emblée, c’est que le programme a un caractère national et son accessibilité sera équitable. Pour cela, il y aura une large communication dans tout le pays sur les différents fonds qui vont être mis en place, sur les modalités et les conditions d’éligibilité. S’agissant du volet financement des jeunes et des femmes, ce sont des micro projets qui vont être financés. Donc, ce sont des projets de taille réduite car ce qui est visé, ce ne sont pas ceux qui ont accès aux crédits classiques, mais ceux qui en sont exclus. Ce sont des jeunes qui ont une formation professionnelle. Nous allons privilégier ceux qui ont suivi des filières de formation telles que celles organisées par l’ANPE dans le domaine de l’électricité, du maraîchage … Il est prévu en moyenne 2 millions de F CFA par appui, au niveau des femmes et des jeunes. Donc, si on retient 10 milliards de F CFA pour les femmes et 10 milliards de F CFA pour les jeunes, on aboutira à la création d’environ 10 000 micro projets. Ces micro projets pourront, à leur tour, générer 30 000 emplois. Mais pour le moment, ce ne sont que des hypothèses. Je voudrais aussi préciser que les financements se feront sous forme de prêts. Là-dessus, je voudrais insister pour dire que ce ne sera pas des dons ni des subventions, mais des prêts qui devront être remboursés selon un terme donné et avec des taux d’intérêt raisonnables. La vocation de l’Etat n’est pas de faire du bénéfice, mais ces taux pourront combler le besoin de financement des structures qui seront mises en place pour s’occuper du programme.

 

Y a-t-il un lien entre ce programme et les guichets spéciaux d’appui à l’entrepreneuriat féminin et à l’emploi de la jeunesse ?

Il peut y avoir un lien du point de vue de la mise en œuvre. Mais du point de vue du pilotage, il n’y a pas de lien, parce que le programme socioéconomique d’urgence va être piloté par le Premier ministère et appuyé par des organes. Mais nous n’allons pas dupliquer les guichets. S’il y a un guichet qui a une expérience en la matière, nous pouvons loger les fonds là-bas et les fonds seront distribués selon les règles qui vont être édictées. Je voudrais aussi ajouter, en ce qui concerne les conditions de financement, que les projets qui seront financés seront uniquement des projets économiquement rentables.

 

Quand est-ce que le programme entrera-t-il en vigueur ?

Pour moi, le programme est déjà entré en vigueur. Le décret est un texte d’un certain niveau et il faut d’autres textes pour en préciser les modalités. Et nous sommes déjà en train de préparer ces textes. Mais, s’il s’agit de l’octroi effectif des crédits aux femmes et aux jeunes, je ne peux pas vous donner un délai très précis. Mais ce qui est sûr, c’est que l’horizon temporel du programme coïncide avec la durée de la transition. Ce qui voudrait dire que ce sera le plus rapidement possible. Déjà, pour ce qui concerne l’entrepreneuriat des femmes, nous avons 6 milliards dans le budget 2015, et il reste maintenant à les compléter avec 4 milliards. Pour les jeunes, on peut faire les réaménagements nécessaires dès aujourd’hui, pour rendre disponibles les 10 milliards de F CFA, étant entendu que ce sont des montants que nous attendons de la réduction du train de vie de l’Etat. Il ne s’agit donc pas de dépenses qui vont jouer sur le déficit budgétaire prévisionnel.

 

Etes-vous sûr de pouvoir créer les 10 000 unités économiques dans le temps imparti à la transition qui, du reste, ne compte plus que 8 mois ?

Les mesures les plus faciles à mettre en œuvre sont les mesures qui concernent l’emploi des jeunes et l’entrepreneuriat féminin. Il y a déjà une expérience et il suffit maintenant de mettre en œuvre les modalités précises. Mais ce qui est un peu difficile, c’est de construire les écoles et les dispensaires. Mais dans tous les cas, je peux vous assurer que tout en respectant la réglementation, nous allons veiller à ce que la procédure de passation des marchés, en ce qui concerne ces infrastructures, soit accélérée. En plus, chaque année, on construit des écoles et des dispensaires. Donc, nous avons à peu près une idée de ceux que nous allons consulter pour les mettre en concurrence. Ceux qui ont construit des écoles qui, un an après, se sont écroulées, seront écartés. Mais il y a des gens qui font de bons ouvrages et si nous les consultons et que nous leur donnons les moyens, à la rentrée prochaine, on pourra inaugurer la plupart de ces infrastructures. Mais si par extraordinaire, il y a une partie des infrastructures qui n’est pas réalisée, il n’y a aucun mal à ce que le prochain gouvernement vienne inaugurer le reste. La transition passera, mais le Burkina Faso demeurera.

 

Il y a déjà un ensemble de mesures et de programmes pour résoudre la question d’emploi des femmes et des jeunes. Pourquoi ne pas consolider ces mesures au lieu d’en créer d’autres ?

Le programme socioéconomique d’urgence de la transition n’est pas un programme qui a été créé ex nihilo. Ce programme, je vous le précise, et c’est vérifiable, a un lien très étroit et une cohérence totale avec la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD). De façon plus précise, le programme correspond à l’axe 2 de la SCADD qui vise le renforcement du capital humain, donc le programme est cohérent avec les politiques sectorielles. C’est vrai que dans la SCADD, tout est prioritaire. Mais nous avons voulu faire un programme parce qu’avec l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, les fortes attentes qui ont été exprimées par la population ne concernent pas tous les aspects de la SCADD. Les jeunes ont souhaité que la question de l’emploi soit résolue et les femmes ont souhaité que la question de leur entrepreneuriat soit aussi résolue. Il y a eu des problèmes qui ont été posés en matière d’éducation et de santé. Aux yeux de la transition, il y a lieu de donner une visibilité à la population quant à la prise en compte de ses préoccupations. Mais je précise que le programme socioéconomique d’urgence n’est pas en concurrence avec les politiques sectorielles. En effet, dans le budget de l’Etat, les crédits qui sont affectés au ministère de la Jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi demeurent et ce département va continuer à mener ses activités. Mais pour le programme d’urgence, il y aura des modalités particulières qui vont respecter la règlementation en vigueur, avec plus de sévérité. Ces programmes vont être réalisés avant les projets qui sont contenus dans le budget dont l’exécution relève des ministères sectoriels.

 

« Ce n’est pas parce que nous disposons de 10 milliards de F CFA que nous allons les distribuer »

 

Mais l’ancien gouvernement avait aussi pris des mesures sociales similaires qui, au final, se sont révélées comme de la poudre aux yeux. Est-ce qu’au regard des fortes attentes des populations, ce n’est pas aussi une façon, pour le gouvernement de la transition, de tromper la vigilance de la population ?

Comparaison n’est pas raison, mais je crois que le gouvernement passé était un gouvernement politique. C’est un régime qui a été élu par les Burkinabè, sur la base de leur programme de société. A un moment donné, d’autres attentes ont été soulevées et le gouvernement a décidé de mettre en œuvre d’autres mesures pour poursuivre sa vocation de reconquérir le pouvoir. C’est un gouvernement qui avait intérêt à maintenir ses militants et ses électeurs. Sur cette base, il fait des annonces qui sont plus spectaculaires qu’objectives. Nous ne nous inscrivons pas dans cette logique. Nous n’avons pas de militants ni d’ambitions électoralistes. Donc, nous n’avons pas intérêt à mentir, puisqu’à partir du 18 novembre prochain, un autre président sera installé et nous serons partis. Mais, le gouvernement passé préparait des élections et un référendum qu’il espérait gagner. Nous, nous n’avons ni militant ni électeur. Donc, nous sommes objectifs et il n’y a rien de fantaisiste dans ce que nous proposons. La sélection des bénéficiaires se fera dans la plus grande transparence et avec la plus grande rigueur. S’il s’avérait que les projets qui sont présentés ne sont pas économiquement viables, ce n’est pas parce que nous disposons de 10 milliards de F CFA que nous allons les distribuer. Il faut d’abord que les postulants remplissent les conditions avec des projets viables. Si le projet n’est pas viable, il n’y aura pas de financement. Nous savons que les fonds qui existent aujourd’hui ont un taux de recouvrement relativement faible. Alors, cette situation tue l’initiative elle-même, car c’est sur la base des recouvrements que le fonds est réalimenté et prêté à d’autres personnes. Mais si ceux qui ont été financés la première fois ne remboursent pas, l’initiative s’arrêtera. Nous avons mis en place ces fonds et nous espérons qu’ils vont servir sur des années et que les régimes qui vont venir appuieront ces fonds. Donc, le gouvernement va jouer sa partition, mais il faut également que les bénéficiaires jouent la leur.

 

Des sanctions sont-elles prévues pour ceux qui tenteront de se dérober ?

S’agissant de ce programme, il y a beaucoup plus de mesures préventives. Au niveau de la sélection des bénéficiaires, des associations représentatives de la jeunesse et des femmes ainsi que les organisations de la société civile qui luttent contre la corruption seront associées. Cela, pour que le projet ait un caractère national et équitable. Si cela est fait, et que les projets sélectionnés sont économiquement viables, on n’en arrivera pas à prendre des sanctions. Donc, l’objectif n’est pas de mettre déjà des sanctions, car cela voudrait aussi dire que nous nous attendions à ce que le programme ne réussisse pas. Nous travaillons donc en amont pour que ce risque soit minimisé. Mais si toutefois ce risque survenait, nous allons mettre en œuvre les moyens nécessaires pour recouvrer les sommes dues, car il y va de l’intérêt de toute la population.

 

Vous disiez tantôt que le financement du programme émane de la réduction du train de vie de l’Etat. En quoi cela consiste-t-il concrètement ?

Il s’agit de mesures qui visent à faire en sorte que l’Etat puisse réaliser les mêmes activités, acquérir les mêmes biens et services, réaliser les mêmes infrastructures avec moins de moyens. Par exemple, si une mission de participation à une réunion statutaire coûtait à l’Etat 10 millions de F CFA, nous allons faire en sorte que dorénavant, cette somme soit réduite. Pour cela, nous allons faire respecter les textes en ce qui concerne les classes de voyages. Il y a des abus actuellement, car il y a des personnes qui continuent à voyager en classe affaires alors qu’ils n’y ont pas droit. Nous allons également jouer sur la composition des délégations. Les délégations sont pléthoriques, simplement parce que chacun voudrait aller en mission sans pour autant que cela soit vraiment nécessaire. Là où deux personnes peuvent aller, on s’assurera que ce ne soit pas 10 personnes qui y partiront. Nous allons rationnaliser les coûts des baux administratifs pour l’Etat. Il y a 2 à 3 ans, c’était à 2 milliards et en 2014, c’est passé à 4 milliards et cela n’est pas normal. Si on regarde les barèmes des locations qui sont fixés par les textes, l’Etat devrait louer les locaux moins chers que le privé. Mais aujourd’hui, il apparaît que l’Etat paie plus cher que le privé. Nous allons donc faire un appel à la concurrence pour pallier ce problème. Concernant l’utilisation des véhicules de service et leur affectation, il faut dire qu’aujourd’hui, les règles qui les régissent ne sont pas respectées. Il y a des gens qui utilisent les véhicules de l’Etat alors qu’ils n’y ont pas droit. Le véhicule de service par essence est conduit par un chauffeur qui vous transporte seulement pour la nécessité du service. Mais aujourd’hui, on voit que tout le monde conduit son véhicule, comme si c’était un véhicule de fonction. Donc, il y a un certain amalgame et nous allons veiller à régler le problème. Ce sont donc un ensemble de mesures, une trentaine pour être plus précis, que nous allons mettre en œuvre pour réaliser des économies.

 

Ne craignez-vous pas que cela puisse jouer sur le bon fonctionnement de certains services ?

Il faut savoir raison garder. Lorsqu’on dit qu’on va diminuer les frais de consommation d’eau, d’électricité et de téléphone, il est illusoire de penser qu’il y a des services qu’on va mettre dans l’obscurité. Non ! Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Il s’agira plutôt d’éviter le gaspillage et cela n’entravera en rien le fonctionnement du service. Il y a des gens qui vont perdre des avantages mais ce sont des avantages indus.

 

Combien comptez-vous économiser concrètement en réduisant le train de vie de l’Etat ?

Le chiffre prévisionnel est estimé à 25 milliards de F CFA. Mais s’agissant de chiffre précis, nous vous les donnerons à l’exécution. Ce sont des prévisions et lorsqu’on dit qu’on va diminuer la masse salariale pour faire des économies, cela ne veut pas dire que nous allons diminuer les salaires. Mais nous savons qu’il y a des gens qui perçoivent des indemnités auxquelles ils n’ont pas droit, soit parce qu’ils occupaient des fonctions qu’ils n’occupent plus, soit parce qu’ils sont en stage dans des écoles de formation professionnelle. Nous comptons faire une opération de billetage qui va nous permettre à la fois de connaître les effectifs réels et vérifier si les salaires perçus sont conformes. C’est une continuité de ce qu’on a appelé enrôlement biométrique des fonctionnaires et un ensemble de réformes qui se sont arrêtées de façon brutale, faute de moyens. Nous allons donner les moyens à la Fonction publique pour continuer les autres phases afin de mieux maîtriser la masse salariale qui, aujourd’hui, absorbe plus de 40% des recettes propres de l’Etat. Un Etat qui prend plus de 40% de ses recettes pour payer les salaires est un pays qui ne peut pas se développer, encore moins être émergent.

« Il y a une rumeur qui fait état d’une quantité importante de véhicules qui auraient disparu »

 

Y aura-t-il des sanctions à l’endroit des contrevenants ?

Effectivement, il y aura des sanctions. Lors du dernier Conseil des ministres, nous avons instruit nos collaborateurs de nous soumettre les circulaires d’application des mesures. Je ne vais pas entrer dans les détails de ces circulaires mais en guise d’exemple, le fonctionnaire qui ne justifie pas les frais de mission à son retour de mission, sera sanctionné. Actuellement, lorsque ces cas se produisent, on émet un ordre de recette. C’est-à-dire que la somme qu’il doit est amputée petit à petit sur son salaire. Mais cela n’est pas une sanction, c’est seulement une réparation. Mais si on dit que tu ne vas plus en mission ou qu’on va te suspendre des missions pendant un moment, cela peut être une sanction. Et moi, je m’oriente vers ce type de sanctions. Le slogan, selon lequel « plus rien ne sera comme avant » sera réel en ce qui concerne la réduction du train de vie de l’Etat. Celui qu’on surprend avec le véhicule de l’Etat, même s’il n’est pas devant un bar, sera sanctionné.

 

Est-ce que les nombreuses nominations ne vont pas porter un coup à votre volonté de réduire le train de vie de l’Etat, surtout quand on sait que ces nominations induisent des coûts avec les prises de fonctions ?

Tout dépend de la manière dont on apprécie un coût. Le coût tout comme le gain n’est pas seulement financier. Si le fait de nommer de nouvelles personnes peut permettre d’améliorer le fonctionnement général de l’Etat, la qualité de la gestion des dépenses publiques de l’Etat et la qualité des prestations de l’Etat envers les usagers, les nominations peuvent être à ce moment perçues comme un gain. Pour faire des omelettes, il faut casser des œufs. Je ne dis pas que ceux qui sont remplacés sont mauvais, mais il faut apprécier les choses après une analyse importante.

 

Mais quelle est actuellement la situation administrative des anciens dignitaires du régime ? Est-ce que ces derniers continuent toujours de percevoir des avantages ?

Le mandatement des ministres a été suspendu, car le décret qui fixe les avantages des ministres souligne que lorsqu’il est mis fin à leurs fonctions dans les conditions normales, ces derniers continuent à bénéficier des avantages pendant 6 mois. Mais, vous convenez avec moi que dans ce cas précis, la fin de leurs fonctions n’a pas été normale ; donc ils ne peuvent plus bénéficier des avantages. Il en est de même pour les parlementaires et les autres dignitaires du régime, notamment l’ex-président et l’ex-Premier ministre. Mais ceux qui sont des fonctionnaires et qui ont demandé à reprendre service ont repris service. Personne n’a été exclu. Mais il y a des audits en cours et si les audits révèlent qu’ils ont commis des malversations, ce sera une autre procédure.

 

Avez-vous les traces des véhicules que certains dignitaires de l’ancien régime détenaient par devers eux ?

Je n’ai pas entrepris d’opération dans ce sens, mais j’ai demandé qu’on m’assure que le parc automobile de l’Etat est au complet. Mais à l’heure où je vous parle, il y a une rumeur qui fait état d’une quantité importante de véhicules qui auraient disparu. Mais cette information n’a pas été vérifiée à mon niveau.

Propos retranscrits par Adama SIGUE

 


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