HomeDroit dans les yeuxLE PHENOMENE DES KOGLWEOGO : Un mal nécessaire

LE PHENOMENE DES KOGLWEOGO : Un mal nécessaire


Les Burkinabè, on le sait, sont friands de controverse. Et c’est tant mieux pour la démocratie. Ces derniers temps, le sujet qui alimente le plus la controverse et qui tient en haleine toute la République est sans conteste celui des Koglwéogo, du nom de ces associations communautaires d’autodéfense dont la vocation, si l’on s’en tient à leurs géniteurs, est de lutter contre l’insécurité grandissante dans la cité. Leur raison sociale, peut-on dire, est fondée. En effet, par ces temps qui courent, l’on peut faire le constat que les braqueurs et autres brigands de grands chemins sont en train de sévir dans nos villes et campagnes. Chaque jour que Dieu fait, ils dépouillent les honnêtes citoyens de leurs biens. Dans le pire des cas, avec armes de guerre au poing, ils n’hésitent pas à abattre leurs victimes. Le résultat est que les populations ont le sentiment que leur sécurité est le cadet des soucis de la puissance publique. C’est pourquoi, celles-ci, dans leur grande majorité, semblent applaudir des deux mains l’avènement des associations Koglwéogo. Si cette question devrait être soumise à référendum, l’on peut se risquer à dire que les Burkinabè, surtout ceux des campagnes, qui se prononceront en leur faveur, constitueront l’écrasante majorité du corps électoral. Car ce sont les résultats qui intéressent les populations. Et en matière de traque des voleurs et des coupeurs de routes, le moins que l’on puisse dire est que les Koglwéogo sont performants. Et comme l’on juge le chat sur la base de sa capacité ou non à attraper les souris, l’on peut comprendre que les Koglwéogo aient une bonne presse au sein de l’opinion. Mais seulement là où le bât blesse, c’est que ces structures d’autodéfense ne reposent sur aucune base légale. De ce point de vue, l’on peut comprendre la colère des syndicats des magistrats face au phénomène des Koglwéogo. Pour une des rares fois, les syndicats de ce corps ont embouché la même trompette pour se prononcer sur le sujet. C’était le 7 février 2016 dernier. Et ils ont été fermes et sans ambiguïté. Les Koglwéogo opèrent dans l’illégalité. Donc, ils sont hors la loi et par voie de fait, leur suppression s’impose.

Il faut se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain

Et il est difficile dans un Etat de droit de s’élever contre l’argumentaire développé par ceux qui sont censés en être au cœur. Les associations de défense des droits humains partagent cette grille de lecture. La césure est donc nette entre les pro et les anti-Koglwéogo. Face à ce conflit ouvert sur la légitimité et la légalité des Koglwéogo, l’on peut facilement imaginer l’embarras dans lequel se trouvent les autorités politiques. L’on peut leur suggérer de mûrir la réflexion sur la question des Koglwéogo en privilégiant la voie de la légalité. De toutes façons, elles n’ont pas le choix. De cette réflexion à laquelle il faut associer tous les acteurs concernés par la question, peuvent naître des idées lumineuses et consensuelles sur la meilleure formule légale à adopter pour associer les citoyens à la lutte contre l’insécurité. Car ne n’oublions pas, le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions. Dans le cas d’espèce, l’on assiste déjà à certains dérapages graves dont sont coupables bien des Koglwéogo. L’on peut citer entre autres, les détentions illégales de présumés malfaiteurs, les tortures, voire les exécutions sommaires. Le risque est donc grand de voir les Koglwéogo se muter en de véritables structures de tontons macoutes, du nom de cette milice créée par les Duvalier pour réprimer les populations à Haïti. Du point de vue de la légalité, les Koglwéogo sont un mal. Mais si l’on se situe sur le terrain du pragmatisme, l’on peut dire que c’est un mal nécessaire. Cette perception est d’autant plus pertinente que les Koglwéogo sont nés dans un contexte où l’Etat semble avoir plié l’échine face à l’insécurité totale dans laquelle vivent les populations. Dans certaines localités du pays, l’on vit dans une psychose digne du far-west. A cela, il faut ajouter la crise de confiance entre les citoyens et la Justice. L’on reproche à cette dernière à tort ou à raison de faire la part belle aux grands bandits et autres braqueurs. Et l’on peut se risquer à dire que ceux qui pointent du doigt l’institution judiciaire n’ont pas totalement tort. C’est pourquoi il faut se garder de jeter le bébé avec l’eau du bain. La meilleure posture serait d’encadrer les Koglwéogo avec des textes, de manière à ce qu’ils ne se transforment pas en de véritables monstres qui vont se retourner un jour contre la société voire contre la République. Dans la réflexion que nous appelons pour se pencher sur leur cas, l’on pourrait par exemple voir dans quelle mesure, il est possible de les rebaptiser en « Comité de veille citoyenne sur la sécurité ». Une telle structure pourrait facilement trouver sa place dans le cadre de la police de proximité qui, elle, est légale.

Sidzabda


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