HomeA la uneLEGISLATIVES EN GAMBIE : Un test grandeur nature pour Adama Barrow

LEGISLATIVES EN GAMBIE : Un test grandeur nature pour Adama Barrow


Aujourd’hui, 6 avril 2017, les Gambiens sont appelés aux urnes à l’effet de choisir parmi 239 candidats, ceux qui vont constituer le parlement gambien. Les opérations de vote sont prévues de 8h 00 à 17h 00. Selon l’IEC (Indépendant Electoral Commission), les premiers résultats sont attendus demain, vendredi 7 avril. Ce scrutin, le premier de l’ère post-Jammeh, représente un  véritable test grandeur nature pour Adama Barrow. Il s’agira pour celui-ci de démontrer à la face de ses compatriotes et à celle du monde que les boubous de démocrate qu’il étrenne depuis plus de deux mois ne sont pas des vêtements de circonstance, mais des habits qui traduisent véritablement sa volonté de tirer la démocratie vers le haut en Gambie. Et les législatives d’aujourd’hui lui donnent l’opportunité de le réaliser. Pour ce faire, Adama Barrow devrait tout mettre en œuvre pour remplir les impératifs suivants. Premièrement, la transparence et l’équité doivent être les maîtres-mots de ces législatives. En effet, le moindre manquement à ce niveau, sera retenu contre lui. Mieux, les partisans de l’ex-dictateur, et Dieu seul connaît leur nombre, ne manqueront pas de surfer sur cela pour crier à qui veut les entendre qu’avec Adama Barrow, la démocratie ne se porte pas mieux. Certains même auront le toupet de marteler que sous leur mentor, les choses étaient meilleures. De ce point de vue, Adama Barrow doit mettre un point d’honneur à organiser ce scrutin de manière à ne pas donner le moindre grain à moudre à ses contempteurs.

Les antidémocrates sont toujours à l’affût

Une telle exigence aura également l’avantage d’apporter la preuve aux nombreux observateurs tant nationaux qu’internationaux, qui se sont mobilisés à l’occasion de ces législatives, que la Gambie d’aujourd’hui a, de façon résolue et consciente, pris ses distances avec le Gondwana. Et cela ne ferait que grandir davantage Adama Barrow. En tout cas, il a l’obligation morale et politique de rendre, à l’occasion de ces législatives, une copie encore plus propre, en termes de transparence, que celle de la dernière présidentielle organisée sous le magistère de son sulfureux prédécesseur. C’est d’ailleurs cette relative transparence  concédée par le dictateur, qui est à l’origine de la première alternance démocratique que  le pays vient de réaliser. Le deuxième défi à relever par Adama Barrow est celui de la sécurité. En effet, il n’est pas exclu que certains éléments de la défunte garde prétorienne de l’ancien dictateur, poussés par la nostalgie du paradis perdu et par l’énergie du désespoir, fassent feu de tout bois pour perturber la sérénité du scrutin par des actes de violences. Adama Barrow, aidé par les forces de la CEDEAO  (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), doit se tenir prêt pour parer à toute éventualité. Et ce, d’autant plus que les antidémocrates déclarés ou cachés sont toujours à l’affût, guettant la moindre occasion à exploiter à l’effet de faire barrage à la marche des Gambiens vers la démocratie. Et pour parvenir à leurs fins, ils peuvent ne pas faire dans la dentelle pour polluer l’atmosphère de ces législatives. Ils le feront avec d’autant plus de détermination qu’ils sont conscients que plus la démocratie connaîtra des avancées en Gambie, plus ils courent le risque d’être rattrapés par leur passé. Le troisième défi à relever, est celui du taux de participation.

La parole publique a été libérée avec la chute du dictateur

Car, c’est cela qui va donner plus de légitimité aux partisans du changement, dans l’hypothèse où ils sortiraient victorieux du scrutin, de prendre les mesures législatives nécessaires pour débarrasser véritablement le pays de toutes les pratiques et autres institutions qui portent encore la marque de la dictature. A contrario, un faible taux de participation pourrait être décrypté comme le signe d’une désaffection du peuple gambien vis-à-vis de la chose politique. Et le choc de ce scénario-catastrophe sera d’autant plus dur pour Adama Barrow que le même peuple, à l’occasion de la présidentielle, n’avait pas marchandé sa participation. En croisant les doigts pour qu’Adama Barrow et l’ensemble des démocrates gambiens réussissent avec brio ce test grandeur nature, l’on peut déjà saluer le sérieux avec lequel la Commission électorale indépendante a formé les responsables des bureaux de vote à l’effet d’assurer le bon déroulement de l’élection. Et un de leurs formateurs, Demba Sallah, a été assez explicite en ces termes : « Il y a tellement d’enjeux que tout le monde doit savoir ce qu’il a à faire, et doit l’appliquer très exactement ». Dans le même registre, un autre formateur, Ahmadou Taal, a laissé entendre ceci : « les élections, ça peut faire ou défaire un pays. C’est pourquoi on doit être très prudent ». Tous ces propos permettent de croire à une issue heureuse du scrutin. Un autre motif de satisfaction est lié à la présence de candidats indépendants à ces législatives. Cela traduit quelque part que la parole publique a été libérée, avec la chute du dictateur. Et c’est tant mieux pour la démocratie. Cela dit, et dans l’hypothèse où les choses se passeraient selon les règles de l’art, tout le monde trépigne d’impatience de savoir quel sera le comportement des électeurs à ces premières législatives post-Jammeh. Voteront-ils dans le sens légitimiste pour permettre à Adama Barrow de « déjamméhiser » en profondeur la Gambie ou le contraindront-ils à la cohabitation en accordant la majorité de leurs suffrages au parti créé par l’ancien dictateur ? Au cas où les électeurs valideraient la première hypothèse, Adama Barrow devra la lire comme une invite à lui faite par le peuple, pour réparer tous les torts causés aux Gambiens et Gambiennes par une dictature qui, pendant un quart de siècle, a montré toute l’étendue de sa laideur en torturant, en embastillant et en tuant. Mais, pour se donner toutes les chances de tirer son épingle du jeu, la coalition qui a porté Adama Barrow au pouvoir aurait gagné en allant en rangs serrés à ces législatives. En allant en rangs dispersés, le risque est grand que le parti créé par l’ancien dictateur en profite pour signer son retour sur la scène politique. Ce scénario est d’autant plus vraisemblable que sa machine électorale est restée pratiquement intacte, même avec la chute de son géniteur. Sans oublier que sous nos tropiques, ce qui fait très souvent la différence dans les élections, c’est l’argent. Or, ce n’est pas ce qui pourrait manquer au parti de l’ex-dictateur qui est bien assis à travers le pays. A ces deux éléments, l’on peut ajouter le fait que les peuples oublient vite les méfaits des dictateurs qui les ont dirigés, si bien qu’ils peuvent parfois poser des actes politiques qui sont aux antipodes de la logique cartésienne. De ce point de vue, il n’est pas exclu que les électeurs gambiens se montrent friands aujourd’hui de la chose sur laquelle ils ont craché hier seulement.

« Le Pays »


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