HomeA la uneLETTRE OUVERTE AU LIEUTENANT -COLONEL ZIDA  : « Je rêve d’une armée forte et efficace»

LETTRE OUVERTE AU LIEUTENANT -COLONEL ZIDA  : « Je rêve d’une armée forte et efficace»


Ceci est une lettre ouverte adressée au lieutenant-colonel Isaac ZIDA, chef de la transition. L’auteur lui demande en substance de jeter les bases d’une République forte avec des institutions fortes et de retourner sitôt après occuper la place qui est la sienne dans l’Armée burkinabè. Lisez !

 

Mon colonel,

 

J’ai un “grand-frère” colonel qui s’amuse à me dire que nous les civils sommes trop indisciplinés, et je lui rétorque que “justement je me refuse à être discipliné au point d’accepter n’importe quoi”! Mais au fond, l’un et l’autre, nous nous complétons bien, nous nous aimons et c’est ce qui fait la force de notre coexistence dans la République.

Je dis bien “République” dans laquelle les forces de l’ordre sont au service du peuple, et non à leur propre service régenté, ou au service d’un groupe de personnes! Les désaccords au sein de l’Armée sont normaux, mais les dissensions sont inadmissibles si l’objectif c’est d’être au service du peuple. Vous avez réussi à parler d’une même voix. Probablement parce qu’il est unanimement reconnu que non seulement votre corps d’élite détient une force de frappe sans égale dans notre armée, mais aussi que vous-même inspirez respect et considération au sein de la Grande Muette. Et c’est de cela que je veux parler: le Professionnalisme, le Respect et la République. Je veux parler ici en tant que Burkinabè mais aussi au nom de la jeunesse africaine, sans référence aucune des pensées qui nous viennent d’ailleurs et qui ne sont pas vraiment les nôtres! L’expérience des autres nous sert en tant qu’humain mais chaque peuple a son histoire. Nous voulons commencer à écrire une page nouvelle de notre histoire et votre rôle est essentiel. Mon colonel, vous vous engagez à restaurer la quiétude et la sécurité pour tous, en nous aidant à aller vers une normalisation de la situation de l’après Compaoré. Très Bien! Mais vous vous engagez en même temps à ne pas nous trahir, nous le peuple. Vous savez très bien ce que tout le monde pense dehors. Pour avoir permis l’évacuation en catimini des protagonistes du délitement social burkinabè, vous avez, en toute responsabilité, certainement fait œuvre utile! Car je suis de ceux qui n’auraient pas souhaité une fin tragique aux ex-dignitaires aujourd’hui déposés! Et comme je l’ai déjà dit dans des « posts » antérieurs, nous avons tout le temps pour retrouver et rappeler ce beau monde, afin qu’il nous fasse le point de la gestion de la vie de leurs concitoyens, en toute responsabilité, selon les lois de notre pays. Ce moment viendra, nous y veillerons. Votre rôle, mon colonel, est aujourd’hui plus qu’essentiel pour le nouvel avenir de notre nation, et au-delà celle d’autres nations qui saluent l’insurrection populaire au Burkina Faso et qui attendent de voir la suite. C’est donc un espoir à ne pas décevoir. Nous voulons d’une République forte, avec des institutions fortes comme la vôtre, l’Armée, qui soit respectée de tous, et qui soit au service de tous. Non pas une Armée au service d’une personne ou groupe de personnes, non pas une Armée au service d’autres puissances aux appétits économiques sordides connus. Mais tout simplement une Armée au service de son peuple. Il en est ainsi dans les nations développées, il ne doit pas en être autrement dans nos nations en développement. Notre retard ne justifie pas que nous ayons une Armée défroquée.

 

Je rêve d’une Armée forte, efficace, mais en même temps incolore et inodore. Une Armée qu’on ne verrait que lorsque la stabilité des institutions du pays, son intégrité territoriale, et la protection de la vie des citoyens seraient gravement menacées. En somme, une Armée garante de notre vraie liberté. On me dira que c’est votre rôle régalien, oui, mais dans la pratique ce n’est pas ce que nous constatons dans nos Etats d’Afrique surtout. C’est tout comme si l’Armée était instrumentalisée pour protéger des intérêts lointains, en conflit avec notre besoin légitime de sortir de la misère économique, sociale et morale. Il s’agit bien de nos intérêts, nous la population, nous les propriétaires de nos ressources communes, et de nos biens honnêtement acquis ou à acquérir.

 

Le système contre lequel les populations burkinabè viennent de se soulever est celui qui avait permis tous les excès, ou plutôt de très nombreux excès. Bien entendu, on ne jettera pas l’eau du bain avec le bébé dedans: de bonnes choses ont été faites sous M. Compaoré, et il est des autorités qui gardent encore mon estime personnelle. Mais il y avait de nombreux dysfonctionnements institutionnels qui ont permis des excès innombrables, inimaginables dans une vraie démocratie. Une République forte et respectueuse des citoyens, qui leur assure une égalité des chances de réussite dans la vie, c’est ce que nous attendons au sortir de votre travail.

 

Je ne m’attends pas (et je ne le souhaite même pas) à ce que vous régliez les questions de reddition des comptes du règne politique de M. Compaoré. J’attends de vous, nous attendons de vous, que vous posiez les jalons d’une République qui fonctionne. Les dirigeants de cette «République qui fonctionne» se chargeront de cette reddition des comptes, et de celles à venir, en toute responsabilité. Il n’y aura pas de chasse aux sorcières. Ceux qui auront des problèmes personnels à régler jugeront de l’opportunité et des moyens de leur vengeance.

Vous, vous vous en retournerez vous occuper des questions institutionnelles, matérielles et morales de notre Armée, autant que les dirigeants civils de notre République vous le demanderont. Nous voulons continuer de vous faire confiance dans cette noble tâche.

 

Mon colonel, j’aime mon pays et j’aime son Armée! Je respecte ses valeurs et principes sui generis! C’est pourquoi je vous écris pour insister sur ce que vous savez certainement déjà.

 

Vive le Burkina nouveau!

Vive le Faso qui se construit!

Paix aux fils et filles du Burkina Faso et d’Afrique.

 

Ali Kabré

Journaliste, consultant indépendant,

Membre de la West African People’s Assembly

Lagos – Nigeria

[email protected]

https://www.facebook.com/ali.kabre

 


No Comments

Leave A Comment