LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE LA COMMUNICATION : « De quoi avez-vous peur ? »

L’auteur de la présente lettre adressée au ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, s’interroge sur l’opportunité de l’appel à candidature lancé pour le recrutement d’un nouveau DG de la RTB. Selon lui, s’il y a lieu de changer le DG de la RTB, il faut en faire autant pour Sidwaya qui, dit-il, « n’a pas été aussi à la hauteur » Lisez !

 

Monsieur le Ministre,

Le mouvement populaire des 30 et 31 novembre a certes mis hors d’état de nuire Blaise Compaoré et son clan de prédateurs, mais a aussi et surtout donné une nouvelle chance au Burkina de se reconstruire sur des bases de démocratie, de justice et de transparence. Vous avez choisi dès votre nomination de libérer la parole publique et surtout de donner aux médias de service public la possibilité de faire leur travail sans pression aucune, selon les règles d’éthique et de déontologie.

 

C’est sans doute cette même volonté qui vous a conduit récemment à publier un appel à candidature pour le choix du directeur général de la RTB. Si cette approche est salutaire dans la forme, elle suscite en moi un certain nombre d’interrogations dans le fond. Sur quelle base juridique fondez-vous votre démarche pour lancer cet appel à candidature ? Est-ce que les textes de la RTB prévoient la nomination du DG par appel à candidature ? Ou alors existe-t-il de nouveaux textes que nous ne connaissons pas et qui vous autorisent à faire comme vous le faites ? Je n’ose pas imaginer que c’est la nouvelle pratique du gouvernement de transition que de faire ce que vous voulez, parce que vous avez l’onction populaire.

Monsieur le Ministre,

C’est votre droit de remplacer qui vous voulez, quand vous le voulez, pour assurer une exécution sereine des missions à vous confiées. Si votre objectif est de remplacer le directeur actuel de la RTB (j’espère que c’est le vôtre et non celui de certains travailleurs de la RTB), si votre ambition est de trouver l’oiseau rare qui fera de la RTB une maison dont le travail est apprécié par tout le monde, alors vous n’avez pas besoin de toute cette démonstration publique, j’allais dire de cette comédie. Vous n’avez pas besoin de faire un appel à candidature pour prouver à tout le monde que vous êtes soucieux de nommer quelqu’un qui fera l’unanimité au sein de la profession.

Le Conseil des ministres a nommé récemment un nouveau directeur général de l’Institut des Sciences à Ouagadougou (IDS) mais sans appel à candidature. On a aussi remplacé les directeurs généraux de la SONABEL et de la SONABHY, sans appel à candidature. Mais est-ce que cela a suscité des réactions ? Non ! monsieur le Ministre. Est-ce que ces DG sont moins méritants que le DG de la RTB que vous voulez nommer par appel à candidature ? Le Premier ministre Isaac ZIDA a même nommé un nouveau ministre de la Culture et cela sans un appel à candidature. Est-ce que monsieur le Ministre vous avez entendu des réactions contraires ? Vous même avez été choisi sans appel à candidature et cela n’a suscité aucune réaction de désapprobation. Alors, de quoi avez-vous peur monsieur le Ministre ?

Mais puisque vous avez choisi cette procédure d’appel à candidature, je vais tenter de m’inscrire dans votre logique. Mais alors pourquoi seulement la RTB ? Etes-vous Ministre de la RTB ou alors Ministre de la communication ? Si tant est que votre objectif est de rendre justice, alors pourquoi ne lancez-vous pas aussi un appel à candidature pour le choix du directeur général des Editions Sidwaya ? Ou alors vous pensez que ce média est sans reproche ?

La logique administrative, intellectuelle et démocratique voudrait qu’on adopte la même démarche pour les mêmes organes qui ont travaillé pour le même pouvoir durant la même période. En procédant de la sorte, vous donnez raison à ceux qui pensent que votre objectif est de remplacer à tout prix le DG actuel de la RTB, afin de faire plaisir aux agents de la télévision et partant vous attirer leur sympathie. A travers votre démarche, j’ai l’impression de revoir encore tous ces anciens ministres de la communication qui regardaient de travers les autres médias publics et qui adulaient la télévision comme une divinité. Où sont-ils aujourd’hui ces « amoureux » momentanés de la chaîne au cœur des grands évènements ?

 

Monsieur le Ministre,

 

Autant, nous sommes tous en droit de reprocher des manquements professionnels à la RTB, autant, nous devons aussi reconnaître avec lucidité que Sidwaya non plus n’a pas été à la hauteur de la tâche. Si on doit sanctionner, alors monsieur le Ministre, il faut sanctionner les deux médias et non faire une discrimination. Ce n’est pas parce que les locaux de la télé et de la radio ont été saccagés par la foule en furie qu’il faut regarder les deux organes comme la peste, la bête noire à abattre. Même si les locaux de Sidwaya sont restés intacts, cela ne veut pas dire qu’il n’a pas dénaturé l’information. Les nombreux commentaires sur le bien- fondé de la révision constitutionnelle pour un mandat illimité de Blaise Compaoré peuvent être retrouvés dans les anciens numéros de Sidwaya.

 

Monsieur le Ministre,

Mon écrit vise à attirer votre attention sur la période particulière qui est la nôtre et qui suppose que tous les actes que nous posons puissent être sous tendus par la logique, la transparence et surtout la légalité. Si vous pensez que la direction de la RTB doit changer, alors poursuivez votre logique jusqu’au bout et changez aussi la direction de Sidwaya. C’est en cela monsieur le Ministre que vous pourrez démontrer à la face des Burkinabè et surtout des journalistes des médias publics que vous êtes un homme intègre, épris de justice et soucieux du devenir des médias de service public.

 

Lamoussa Robgo

Chevalier de l’ordre national

Journaliste

 

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