HomeA la uneLIBERATION D’ANCIENS MEMBRES D’ESCADRONS DE LA MORT EN GAMBIE

LIBERATION D’ANCIENS MEMBRES D’ESCADRONS DE LA MORT EN GAMBIE


Aux arrêts depuis leur interpellation en février-mars 2017, trois anciens membres des escadrons de la mort de l’ex-président gambien, Yahya Jammeh, ont bénéficié d’une décision de remise en liberté, le 5 août dernier, du ministre de la Justice. Si l’objectif, selon le Garde des sceaux, vise à délier davantage les langues des anciens collaborateurs du chef de l’Etat déchu, et à les pousser à dénoncer les cas de violations de droits humains, cette décision est loin de rencontrer l’assentiment des parents des victimes qui ne voient pas d’un bon œil cet élargissement de sicaires du dictateur déchu, dont les propres propos traduisent toute la cruauté dont ils ont pu se rendre coupables. Même si le ministre précise qu’il ne s’agit pas d’une amnistie, l’on peut comprendre le dépit des familles des victimes, tant les confessions de ces tueurs à gage font simplement froid dans le dos.

On peut nourrir des craintes que les bourreaux ne cherchent plutôt à se soustraire à la Justice

Comme le cas de ces deux hommes d’affaires américano-gambiens tués et décapités en 2013 après que, selon des sources, Yahya Jammeh eut donné l’ordre de les « couper en morceaux », et dont les familles restent jusqu’à ce jour inconsolables. Des actes pour le moins effroyables, même si ces sessions de la Commission vérité et réconciliation, dans le cadre desquelles se tiennent ces auditions, ont permis de lever un coin du voile sur les atrocités qui ont émaillé les deux décennies de règne du boucher de Banjul.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que les plaintes des familles des victimes sont largement fondées. Car, même s’il s’agit d’aller à la réconciliation, l’on peut nourrir des craintes que les bourreaux ne finissent par se rétracter et ne cherchent plutôt à se soustraire à la Justice qu’à y faire face, d’autant que le peuple ne semble pas dans la logique de l’impunité, même si la lumière était faite sur ces horribles assassinats. Et la possibilité qu’ils puissent disparaître dans la nature ou faire les frais des hommes de l’ex-président qui compte encore de nombreux fidèles en Gambie, n’est pas non plus à écarter. Au-delà, l’on se demande si le peuple gambien a été préparé et comprend les enjeux de cette sorte de justice transitionnelle qui se dessine en toile de fond. Si ce n’est pas le cas, il est peut-être temps d’y songer, et si c’est le cas, l’on peut se demander si c’est la meilleure formule pour la Gambie, face à toutes ces atrocités. D’autant que la commission qui a été mise en place, est une commission vérité et réconciliation qui ne prend jusque-là pas en compte le volet judiciaire dans ses attributions.  En tout état de cause, il faut souhaiter que le processus aille jusqu’à son terme et que la lumière soit faite sur tous ces crimes. Mais il ne faudrait pas que la procédure se termine par une sorte d’arrangements politiciens sur le dos du peuple gambien.

Le président Adama Barrow doit se montrer à la hauteur de l’histoire

Car, si les bourreaux d’hier devaient finalement s’en tirer à bons comptes et les familles des victimes se sentir complètement perdantes au bout du compte, certaines plaies risquent de ne jamais cicatriser et la Gambie serait alors bien partie pour rester pendant longtemps encore face à ses propres démons. C’est pourquoi le président Adama Barrow doit se montrer à la hauteur de l’histoire et ses actes doivent être bien compris du peuple gambien. Aussi importe-t-il qu’il ne donne pas l’impression de chercher à couvrir les crimes de Yahya Jammeh par un traitement de la question de la réconciliation nationale qui ne prendrait pas suffisamment en compte la justice et les réparations nécessaires pour que les familles des victimes puissent dignement faire leur deuil. Car, si la justice transitionnelle n’est pas le souhait ni le choix du peuple gambien, il est à craindre que le seul aveu des crimes sans véritable acte de contrition ni sanction à la hauteur des forfaits, ne soit pas suffisant pour produire les effets escomptés. Il appartient donc à la Justice gambienne de tout mettre en œuvre pour que la suite judiciaire qu’elle promet de donner à cette affaire, soit à la hauteur des attentes des Gambiens pour non seulement ne pas donner au processus de réconciliation, un goût d’inachevé, mais aussi pour que plus jamais, de tels actes n’aient plus lieu en Gambie.

« Le Pays »


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