HomeOmbre et lumièreLIBERATION DU CONSEIL DE L’ENTENTE PAR LE RSP : Re-sanctifier ces hauts lieux

LIBERATION DU CONSEIL DE L’ENTENTE PAR LE RSP : Re-sanctifier ces hauts lieux


L’après-putsch est marqué par la prise de mesures fortes allant dans le sens des aspirations du peuple burkinabè. Le président de la Transition, Michel Kafando, en avait donné le ton dans sa première adresse à la Nation, dès qu’il avait retrouvé la plénitude de ses fonctions. Au nombre de ces mesures qui sonnent comme la fin d’une ère, l’on peut, sans grand risque de se tromper, citer la libération par le RSP du Conseil de l’entente, du nom de cette organisation sous-régionale ouest-africaine, la première du genre, créée en mai 1959, à l’initiative du président Houphouet Boigny, à l’effet de servir d’instrument de solidarité financière et diplomatique des pays membres, à savoir le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Niger. Le Togo a rejoint ces 4 pays en 1966. Notre pays, le Burkina Faso, avait eu l’honneur d’en abriter le siège. Les vicissitudes de l’histoire politique du pays des hommes intègres avaient fini par transformer ce siège en un haut lieu qui évoque tout, sauf les raisons pour lesquelles le Conseil de l’Entente avait été créé. Et cela a une histoire dont l’élément déclencheur remonte en 1983. Cette année là, les révolutionnaires conduits par Thomas Sankara, sur un coup de tête, décident d’en faire leur quartier général. Depuis lors, le siège du Conseil de l’entente, rebaptisé par l’imaginaire collectif « conseil » tout court, rime avec arbitraire, tortures, procès expéditifs, exécutions sommaires, intrigues. Bref, tout ce qui s’apparente à la barbarie humaine. Et les premiers éléments qui étaient à la manœuvre étaient d’abord des soldats venus du célèbre CNEC de Pô (Centre national d’entraînement commando). Ensuite, le fameux RSP (Régiment de sécurité présidentielle) y a installé ses pénates. Et les choses évoluèrent, comme l’on pouvait s’y attendre, de Charybde en Scylla. La soldatesque y sévissait sans modération, encouragée en cela par des chefs dont la plupart était imperméables à tout discours sur les droits humains. De ce fait, la mort était facile au Conseil. Pour un oui ou pour un non, l’on pouvait passer de vie à trépas. Bien des Burkinabè y ont été trucidés sans autre forme de procès et pour certains, après avoir subi des tortures dignes des kmers rouges de Pol Pot.

La libération du Conseil de l’Entente par le RSP sonne comme un pas décisif en direction de l’Etat de droit

Nous ne pouvons pas nous risquer à dresser une liste des suppliciés et de tous ceux qui ont poussé leur dernier soupir en ces lieux emblématiques de la terreur, de peur d’en oublier. Mais il est évident que si les Burkinabè veulent aller à la réconciliation, la vraie, l’on ne peut pas passer par pertes et profits toutes ces victimes du conseil. En attendant que le temps permette aux Burkinabè d’accéder et d’élucider toutes les zones d’ombre du Conseil, l’on peut déjà se réjouir de voir les éléments du RSP faire leurs paquetages pour libérer les lieux. Cela, psychologiquement et politiquement, a une portée inestimable. En effet, les Burkinabè pourront y voir la fin d’une période de traumatisme et de soupirs. Politiquement, la libération du Conseil de l’Entente par le RSP sonne comme un pas décisif en direction de l’Etat de droit et de la démocratie. Il reste à souhaiter que cette dynamique qui a été enclenchée grâce à la résistance du peuple burkinabè face au putsch du Général Diendéré, puisse atteindre sa vitesse de croisière au point de tourner définitivement la page du pouvoir kaki et des régimes d’exception qui ont tant fait de mal au Burkina. Cela dit, ce passé politique douloureux de notre pays, incarné par le Conseil, doit être enseigné aux générations présentes et à venir, de manière à susciter en elles le dégoût et le rejet de toutes les contre-valeurs qui avaient pignon sur rue au Conseil et dont se vantaient certains héros négatifs de notre histoire politique. De ce point de vue, l’on peut suggérer que les locaux du Conseil de l’Entente, à défaut d’être restitués à leurs propriétaires, soient transformés en musée. Car, pour la renaissance démocratique du Burkina, il est impératif de re-sanctifier ces hauts lieux dont la vocation initiale avait été détournée par des individus pour en faire un endroit où ils laissaient libre cours à leurs pulsions mortifères. Cette re-sanctification, de toute évidence, doit passer d’abord par une exorcisation des lieux.

Sidzabda


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