HomeA la uneLIBERTE PROVISOIRE REFUSEE A L’EX-PRESIDENT DU PARLEMENT NIGERIEN : Hama Amadou doit s’en prendre à lui-même

LIBERTE PROVISOIRE REFUSEE A L’EX-PRESIDENT DU PARLEMENT NIGERIEN : Hama Amadou doit s’en prendre à lui-même


 

Du grain de sable dans le couscous de Hama Amadou. En effet, la liberté provisoire dont il comptait bénéficier, lui a été refusée par la Cour d’appel. Alors même qu’il était certainement encore en train de savourer la validation de sa candidature à la prochaine présidentielle, l’ex-président du Parlement nigérien a vu ses espoirs douchés par une autre décision judiciaire. La Cour d’appel de Niamey a opposé, hier lundi, une fin de non recevoir à sa demande de liberté provisoire. En rappel, l’ex-président du Parlement nigérien a des démêlés avec la Justice de son pays qui l’accuse d’avoir trempé dans un trafic de bébés en provenance du Nigeria. Il avait dû fuir le pays, pour échapper à ce qu’il qualifie de cavale judiciaire contre sa personne, et est rentré dans l’optique de se présenter à la prochaine présidentielle. Histoire certainement de régler ses comptes avec le président Mahamadou Issoufou qu’il accuse d’être, en sous-main, l’instigateur des poursuites à son encontre. Arrêté dès son arrivée au pays, Hama Amadou avait vu sa première demande de libération provisoire échouée. Avec ce nouvel échec de sa requête, on peut dire que le chemin de croix continue pour l’ex-président de l’Assemblée nationale.

La Justice nigérienne s’est jusque-là illustrée par son esprit d’indépendance

Pour le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, aussi, la situation est compliquée. Car avec cette décision de justice, les partisans de Hama Amadou qui ne se font pas prier pour crier au scandale, pourront jouer la carte de la victimisation lors de la campagne. L’Exécutif sera ainsi accusé d’avoir influencé la Justice à l’effet de barrer la voie à un concurrent de taille. Le problème, c’est que si Hama Amadou avait été remis en liberté aussi, le président Issoufou n’aurait pas eu plus de répit. Le président du parti le Moden Lumana aurait certainement surfé sur la vague de cette liberté conditionnelle pour dire aux populations qu’il est accusé et acculé à tort par le régime. Il n’aurait certainement pas manqué de faire croire que la preuve de son innocence se trouve dans cette liberté provisoire. Dans un contexte où de nombreuses populations ne sont pas rompues à la chose judiciaire, il aurait pu ainsi engranger des sympathies, et cela aurait accouché d’une campagne houleuse pour le chef de l’Etat sortant. C’est dire que Mahamadou Issoufou aurait essuyé les tirs de l’ex-président de l’Assemblée nationale et de ses partisans, quelle que soit la décision que la Cour d’appel allait rendre dans cette affaire. Pourtant, la Justice nigérienne s’est jusque-là illustrée par son esprit d’indépendance. De par le passé et pour ne retenir que les décisions les plus récentes, elle a, comme on le sait, ordonné des libérations de journalistes envers et contre l’avis de l’Exécutif. On peut voir aussi dans la validation de la candidature de Hama Amadou à la présidentielle, alors même qu’il est sous le coup de poursuites, l’expression de l’indépendance de la Justice et du respect des règles de la présomption d’innocence. Tout cela fait qu’on ne peut pas d’emblée accuser aujourd’hui cette Justice de partialité. On ne peut pas peindre une Justice en blanc ou en noir selon que ses décisions vous sont favorables ou non, si on est respectueux de l’Etat de droit. La Justice nigérienne, dans son ensemble, bénéficie d’une présomption d’indépendance jusqu’à preuve du contraire. Dès lors, on peut penser que la Cour d’appel a estimé que les faits reprochés à Hama Amadou sont tels qu’une liberté provisoire pourrait être préjudiciable à la manifestation de la vérité. Et le fait que Hama Amadou avait fui le pays pour se soustraire à cette même Justice, peut aussi avoir plaidé contre lui. « Qui a bu, boira », dit l’adage.

Il appartient au régime de Mahamadou Issoufou de revoir sa stratégie de communication

La Cour d’appel a des raisons de craindre que Hama Amadou qui avait déjà fui la Justice dans cette même affaire, le fasse une fois de plus s’il en avait l’opportunité. Elle peut craindre qu’il file encore à l’anglaise si jamais on ne le marque pas à la culotte. De ce point de vue, l’ex-chef du Parlement nigérien ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Il est victime de ses propres turpitudes. Il aurait voulu donner des bâtons à la Justice pour le fouetter qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Aujourd’hui, même ses partisans les plus farouches ne sauraient garantir qu’il ne prendrait plus la poudre d’escampette s’il en avait la possibilité. Surtout si, au finish, les chiffres de la présidentielle prochaine venaient à ne pas lui sourire. En tout cas, les carottes semblent cuites à présent pour Hama Amadou au moment même où il rêvait d’un destin national. Ses ambitions présidentielles sont sérieusement contrariées par cette décision judiciaire. Certes, et il convient de le relever, il bénéficie toujours de la présomption d’innocence malgré ce refus de liberté provisoire. Et il peut toujours se pourvoir en cassation contre cette décision de refus de liberté provisoire. Mais, le temps joue contre lui. Et il n’est pas évident qu’une éventuelle décision judiciaire en sa faveur, puisse intervenir assez tôt, même s’il introduisait un autre recours devant la Justice de son pays. En effet l’élection présidentielle de février 2016 avance, comme on peut le constater, à pas de géant. La bataille pour le fauteuil présidentiel n’étant déjà pas facile pour ceux qui jouissent de toute leur liberté, on peut raisonnablement estimer qu’elle est encore plus difficile pour un prisonnier. Cela dit, Hama Amadou peut encore se réjouir d’avoir la possibilité de briguer la magistrature suprême de son pays. Il pourra s’atteler à bâtir une stratégie de campagne à partir de sa prison et compter sur ses lieutenants pour aller au front et lui ramener une éventuelle victoire dont il pourrait jouir si la Justice venait à lui en donner l’occasion.

A dire vrai, l’horizon semble bouché pour Hama Amadou. Mais, sait-on jamais. Surtout que de son côté, son principal challenger, le président sortant, Mahamadou Issoufou, ne reçoit pas que des fleurs de ses compatriotes. En témoigne la fronde des avocats qui est actuellement en cours. En effet, les hommes en robe noire dénoncent une immixtion du pouvoir dans les affaires de la Justice. Le Barreau nigérien estime que les interpellations faites dans le cadre de la présumée tentative de putsch, ne respectent pas les procédures en la matière. Il dénonce notamment le fait que c’est la Sûreté qui procède à ces arrestations et que les avocats n’arrivent pas à jouer leur rôle aux côtés de leurs clients. En d’autres termes, la Direction générale de la sûreté de l’Etat est soupçonnée d’être aux ordres du chef de l’Etat et d’enfreindre les droits de la défense. Sans qu’il soit besoin de prendre partie dans cette affaire, on peut légitimement penser que les avocats, qui n’ont pas a priori de camp entre opposition politique et pouvoir, jouent leur rôle de veille dans le cadre de l’Etat de droit. Il appartient au régime de Mahamadou Issoufou de revoir, s’il estime agir en toute légalité, sa stratégie de communication pour éviter que les rumeurs et les suspicions prennent le pas dans une affaire aussi sensible que la sûreté de l’Etat. Au demeurant, chaque Nigérien, quel que soit son bord politique, doit avoir à l’esprit, d’inscrire toujours et partout, ses actes dans la légalité républicaine. C’est à ce prix que la démocratie et l’Etat de droit pourront poursuivre leur processus de maturation au pays de Séni Kountché.

« Le Pays »


Comments
  • Si Blaise COMPAORE revenait de lui même au Burkina pour répondre, alors je serai partisan qu’on lui accorde la liberté provisoire s’il en fait la demande quand bien même je suis son opposant depuis 1991. Là où il est actuellement, on ne peu que négocier son retour. Si non on ne pourra aller le chercher arme à la main. Si Hama vous se soustraire de la justice, il serait resté là où il été et la justice Nigérienne n’y pouvait rien que négocier.

    12 janvier 2016

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