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LIBYE :La balkanisation du pays en marche


Qui est au gouvernail du navire libyen aujourd’hui ? Cette question, à elle seule, résume parfaitement la problématique de ce vaste pays d’Afrique situé sur la méditerranée. En effet, après s’être débarrassés du « roi des rois » avec l’aide de l’Occident, les Libyens donnent aujourd’hui l’impression de ne plus savoir où donner de la tête.

Le pays présente les attributs d’un Etat de nature

Profitant du vide laissé par la faiblesse extrême de l’Etat, les miliciens ont vite fait de mettre le pays sous coupe réglée et de se partager à coups de canon sa dépouille. Le moins que l’on puisse dire est que le pays présente aujourd’hui les attributs d’un Etat de nature, pour reprendre l’expression de Thomas Hobbes, où la seule loi qui vaille est celle de la kalachnikov. Cet environnement de non-droit n’est pas pour déplaire à la coalition islamiste regroupée au sein de l’opération « Aube de la Libye », qui en profite visiblement pour étendre son emprise politique et militaire sur l’ensemble du pays, au détriment des forces libérales et laïques regroupées autour du Général Haftar. En effet, après avoir mis 80% de Benghazi, la deuxième ville du pays et Misrata la troisième ville dans leur escarcelle, les djihadistes libyens viennent d’inscrire sur leur tableau de chasse, l’aéroport de Tripoli, au détriment de leur principale rivale de Zentan, proche du Général Haftar. Cette grosse prise des illuminés venus de Misrata, malgré les raids aériens lancés par des avions non encore identifiés contre leurs positions à Tripoli, met en évidence la puissance de feu dont ils disposent. C’est dans ce contexte que les islamistes libyens, visiblement gonflés par leurs victoires militaires, ont annoncé que l’ancien parlement, le Congrès général national où ils étaient majoritaires, reprendrait ses activités. La Libye s’achemine donc vers la mise en place de deux parlements rivaux. D’un côté, l’on a le parlement légitime, fraichement installé, où dominent les forces politiques libérales et laïques et de l’autre le congrès national général qui n’a d’autre légitimité que celle que lui confèrent les armes.

Tous les signaux sont au rouge au pays de Kadhafi

Après s’être donné les moyens militaires pour régenter une partie du pays, l’on peut avoir l’impression que les partisans de l’opération « Aube de la Libye » veulent se donner maintenant les instruments politiques et institutionnels de la mise en place d’un califat, à travers lequel ils dérouleront leur programme de société. De ce point de vue, l’on peut dire que la balkanisation du pays est en marche. Et ce ne sont pas les tergiversations de la communauté internationale dont l’intervention avait été sollicitée pourtant par le parlement légitime, obligé de se murer pour des raisons de sécurité à Tobrouk, très loin de Tripoli, qui vont contrarier cette marche vers la partition du pays. L’on ne doit rien non plus attendre du pouvoir fantomatique qui siège aujourd’hui à Tripoli. L’opération « Dignité » initiée par le Général Haftar, qui avait représenté une lueur d’espoir pour tous ceux qui entretenaient le rêve d’arrimer la Libye aux valeurs de la laïcité et de la modernité, semble avoir pris du plomb dans l’aile, face à l’avancée des forces de l’obscurantisme et de l’intolérance. Tous les signaux sont plus que jamais au rouge au pays de Kadhafi. L’on ne doit donc pas s’étonner que ce pays qui constituait, il n’y a pas longtemps, un rempart contre l’immigration clandestine vers l’Occident, soit devenu aujourd’hui un véritable paradis pour les passeurs qui se bousculent pour proposer aux migrants la traversée de la Méditerranée. L’illustration de cette image de pays passoire qui colle désormais à la Libye, vient d’être faite avec le naufrage d’une embarcation de fortune transportant 170 migrants africains. Ce drame est une des nombreuses conséquences de la désintégration de la Libye. Malheureusement, cette tendance est loin de s’inverser. Le salut de la Libye pourrait venir de ses voisins, emmenés par l’Egypte du général Al-Sissi. Ce dernier pourrait ne pas se gêner à voler au secours du général Haftar, pour l’aider à conjurer le péril islamiste en Libye.

Pousdem PICKOU


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