LIBYE


 Quand les milices prennent le pays en otage

C’est une tautologie que de le dire. La chute de Mouammar Kadhafi en 2011, est comparable à une ruche qui a libéré ses abeilles.  En effet, depuis le lundi 3 septembre 2018, les coups de fusils des milices sont devenus le seul son de musique en Libye. L’absurdité de la situation tient au fait que les groupes qui s’affrontent, sont des milices entretenues par le ministère de l’Intérieur et celles dépendant du ministère de la Défense. Cette chienlit dont la principale caractéristique est la violence, a deux raisons principales : le contrôle du pouvoir d’Etat et celui des ressources pétrolières du pays. Et comme pour ne rien arranger, on a assisté à l’évasion spectaculaire de 400 prisonniers qui pourraient aller grossir les rangs des cellules combattantes.

Au regard de ce qui prévaut au pays des « Chevaliers de la Méditerranée »,  tous ceux qui rêvaient d’une Libye nouvelle et démocratique ont de quoi verser des larmes. Et ils ont raison car, il est regrettable que sept ans après le départ de Kadhafi, cette pagaille, d’une ampleur inégalée, s’empare de ce pays où du temps de son leader, l’ordre et la discipline étaient de rigueur. Oui, sept ans près le Guide, l’Etat de droit auquel aspiraient beaucoup de Libyens s’est transformé en un capharnaüm indescriptible. De fait, le pays est devenu l’otage des milices entretenues par des seigneurs de guerre qui se disputent le gâteau pétrolier et les leviers du pouvoir.

Doit-on, pour autant,  s’étonner de ce qui arrive à Tripoli ?  Non. Et pour plusieurs raisons :

Primo, les divisions au plan politique servent de prétexte aux différentes milices qui écument la capitale Tripoli. Secundo, les Occidentaux, principaux artisans de la chute de Kadhafi, ont opté pour des solutions « a minima » pour avoir travaillé à mettre à l’écart, le général Khalifa Haftar au profit de leur poulain, Fayez al-Sarraj.

Tous les orgueils doivent être mis en berne pour sauver la Libye

Or, pendant que le premier concentre entre ses mains l’essentiel de la puissance de feu en Libye et se fait adouber par une frange importante de la population, Sarraj, quant à lui, se voit offrir un pouvoir dont il est incapable d’assurer la plénitude des fonctions. Il faut le dire, sur le plan stratégique, c’est une erreur de penser que le maître de Benghazi n’a pas sa place dans la normalisation de la Libye. Il en est d’ailleurs l’une des pièces centrales. Tertio, l’Union africaine (UA) et les Occidentaux semblent se contenter de regarder la situation actuelle de la Libye comme un feuilleton de « télénovelas ».

Par ailleurs, l’accord politique inter-libyen de Skhirat, signé fin 2015, étant totalement vidé de sa substance, il est temps que la diplomatie entre en scène, en faisant en sorte que ces milices de la terreur jouent balle à terre et en reconnaissant au général Haftar toute sa place dans la recherche de la paix en Libye. Continuer à ignorer ou à minimiser ce personnage qui jouit de la sympathie d’une bonne frange de la population et du soutien tacite ou évident de certains chefs de tribu, c’est continuer à se tirer une balle dans le pied. La situation libyenne a atteint à ce jour un niveau de complexité  telle que tous les orgueils doivent être mis en berne pour sauver la Libye.

Michel NANA


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