HomeA la uneLIMOGEAGE DE RIEK MACHAR : Salva Kiir tombe le masque

LIMOGEAGE DE RIEK MACHAR : Salva Kiir tombe le masque


 

Début juillet, on se souvient, la capitale du Soudan du Sud avait été le théâtre d’affrontements meurtriers entre les forces fidèles au président Salva Kiir et les ex-rebelles aux ordres du vice-président Riek Machar. En trois jours de combats, le bilan était tout simplement effroyable : 300 morts et 42 000 déplacés. La plupart des victimes, l’on se rappelle aussi, était du camp de l’ex-chef rebelle. La responsabilité de ce regain de violences avait été imputée à Salva Kiir, même si celui-ci s’en était défendu. C’est dans ce contexte que Riek Machar avait été porté disparu. Pour revenir  à Juba, il avait exigé le déploiement et la protection d’une force neutre. Mais il a eu droit à un niet catégorique et martial de Salva Kiir. Mieux, ce dernier lui avait donné 48 heures pour reprendre son poste à Juba. Cet ultimatum expiré, Riek Machar a été limogé et immédiatement remplacé par un de ses lieutenants, le ministre des Mines, Taban Deng Gai. Les choses sont allées tellement vite que l’on ne peut s’empêcher de se poser la question de savoir si Salva-Kiir n’est pas pour quelque chose dans  le sort réservé à  Riek Machar par ses ex-camarades de l’Armée de libération du Soudan. Les éléments d’analyse suivants peuvent permettre de répondre par l’affirmative à cette interrogation.

L’objectif rêvé de Salva Kiir est de diaboliser son vice-président

Premièrement, l’on peut dire que l’accord de paix signé en août 2015 par les deux parties, n’a jamais été du  goût de l’homme  fort de Juba. Mais avec la pression de la communauté internationale, les Etats-Unis  en tête, il n’avait pas d’autre choix que d’apposer sa signature au bas du document. Le cœur donc n’y était pas. La mort dans l’âme, et c’est le moins que l’on puisse dire, il a dû se résoudre à partager le pouvoir avec celui qu’il ne veut pas voir, même sous forme de dessin, c’est-à-dire Riek Machar. La disposition de l’accord de paix qui l’irritait le plus, était celle qui permettait à l’ancien chef-rebelle de regagner Juba avec des éléments armés pour assurer la sécurité de leur mentor. Deuxièmement, l’on peut évoquer le refus catégorique que le président Salva Kiir avait opposé à l’UA lors de son 27e  Sommet à Kigali, à propos du déploiement dans son pays, d’un contingent africain doté d’un mandat fort à l’effet d’y imposer la paix, au besoin, par  la force. Cette attitude laissait déjà entrevoir que l’homme n’était pas disposé à s’inscrire dans une démarche de paix dans la grave crise qui secoue le Soudan du Sud, avec son cortège de morts et de milliers de personnes traumatisées, obligées de fuir leur domicile, les uns avec des nattes rapiécées sous l’aisselle, les autres avec un viatique réduit à sa plus simple expression sur la tête, vers des horizons censés leur épargner la loi de la Kalachnikov qui a régenté Juba début juillet. Troisièmement, l’on peut s’interroger sur le délai que Salva Kiir a donné à Riek Machar pour revenir à Juba, sous peine de perdre son poste. Quand on sait les conditions dans lesquelles l’ex-chef rebelle a opté pour la clandestinité, le délai de 48 heures n’est pas réaliste. Mieux, il somme comme une provocation. Mais de toute apparence, c’est à dessein que l’homme fort de Juba l’a fixé. Car, il tient à faire apparaître Riek Machar aux yeux de ses compatriotes d’abord, puis de la communauté internationale ensuite, comme un personnage qui, de manière délibérée, a déserté son poste pour mettre  à mal l’accord de paix d’août 2015. L’objectif rêvé est de diaboliser son vice-président et de présenter sa propre personne sous les dehors d’un  ange qui  a tout fait pour faire entendre raison à l’ex-chef rebelle, mais en vain. Mais ce faisant, Salva Kiir se chatouille pour rire. Mieux, il prend tous ceux qui sont dotés d’intelligence pour des nez-percés. En effet, à l’analyse, l’on peut se rendre vite compte que les exigences formulées par l’ex-chef rebelle pour reprendre son poste à Juba, sont loin d’être la mer à boire. En rappel, la principale condition avancée par Riek Machar pour revenir à Juba, était de garantir sa sécurité par une force neutre. Et l’on n’a pas besoin de se triturer les méninges pour savoir que cette exigence est légitime, après le pogrom dont ses hommes ont été victimes récemment à Juba. D’ailleurs, l’on se demande encore par quel miracle, il a réussi à sauver sa peau à l’occasion de cette bataille. Le président Salva Kiir, pour brouiller les pistes, peut-on dire, avait laissé croire que cela avait été rendu possible grâce à lui. Mais au rythme où vont les choses aujourd’hui, l’on peut se risquer à dire que le service rendu à l’ex-chef rebelle relevait d’une stratégie,  celle du « blaguer tuer » pour reprendre l’expression du chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly. La preuve de cela, s’il en était besoin, est  le limogeage de Riek Machar et son remplacement à une vitesse qui s’apparente à celle d’un diarrhéique qui se dépêche pour  se rendre au petit coin.

L’on peut s’attendre à ce que la communauté internationale ne soit pas disposée à accepter le limogeage de Riek Machar

Dans notre édition du jeudi 21 juillet dernier, nous avons titré à propos du refus de déploiement d’un contingent africain par le président Sud-Soudanais, ceci : « à quoi joue Salva Kiir ? » Aujourd’hui, l’on peut se permettre d’apporter une réponse à cette interrogation. Car, derrière ce refus, se cachait sa volonté d’en finir avec son vice-président. En tout cas, avec le limogeage de Riek Machar, l’on peut dire qu’il vient de tomber le masque. Et en fin manipulateur, il veut s’en laver les mains en faisant croire à l’opinion tant nationale qu’internationale, que la mise à l’écart de l’ex-chef rebelle lui a été dictée par les cadres de l’armée de libération du Soudan, le parti de Riek Machar. Et pour parfaire son plan, il fait porter le chapeau à celui qui avait représenté  Riek Machar lors des pourparlers qui avaient abouti à la signature de l’accord de paix en août 2015 et actuel ministre des Mines, c’est-à-dire Taban  Deng Gai. Le comportement de ce dernier, Nuer jusqu’au bout des ongles comme son ex-mentor, n’est pas, en réalité, une surprise. Déjà, à propos du déploiement d’un contingent africain préconisé par le 27e  sommet de l’UA, il s’était  désolidarisé de la position de Riek Machar pour danser au rythme de Salva Kiir. Cela lui  avait valu d’être sanctionné par son chef. Pour l’ensemble de ses basses œuvres, peut-on dire, contre son patron, il a été promu vice-président par l’homme  fort de Juba et ce, en violation flagrante de la disposition de l’accord de  paix de 2015 en vertu de laquelle le poste de vice-président du Soudan du Sud revient à Riek Machar en sa qualité de patron de la rébellion. De ce point de vue, l’on peut s’attendre à ce que la communauté internationale ne soit pas disposée à accepter le limogeage de Riek Machar par Salva Kiir via les cadres de l’armée de libération du  Soudan regroupés autour de Taban Deng Gai. En attendant, ce dernier a réussi le coup, à la grande satisfaction de Salva Kiir, de semer la division au sein du mouvement des ex-rebelles. Ce faisant, il affaiblit Riek Machar dans son propre camp. Il reste à savoir si oui ou non l’ex-chef rebelle survivra à ce coup dur.

« Le Pays »


Comments
  • Vous faites tout faux dans votre analyse qui est non seulement partiale, mais truffée d’incohérence.

    L’actuel président ne peut pas destituer son vice président car il y a un accord qui les lie sous l’égide de l’ONU.

    Il existe de fortes dissensions dans le camp de Rieck et c’est son propre camp qui a nommé son remplaçant qui du reste dit que si Rieck revient dans la capitale, il se retirera de la vice présidence.

    25 juillet 2016
  • Cette article me fait croire qu’on est d’accord que des régimes légitimes cohabitent avec des rebelles. En bon démocrate je ne saurai cautionner des choses du genre.Riek Machar doit rentrer dans les rangs afin de préserver la vie de chaque sud soudanais. Que le sang d’aucun sud soudanais ne se verse encore. Nous devons refuser ces méthodes anachroniques entretenues par les occidentaux pour nous prendre ce qui nous appartient. Sinon par quels moyens et où le chef rebelle Riek Machar arme ses hommes. L’Afrique doit se réveiller. Un peu plus d’amour pour notre Afrique.

    25 juillet 2016

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